JORF n°0304 du 30 décembre 2012

LOI DE FINANCES POUR 2013

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances pour 2013 définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 20 décembre 2012. A l'appui de cette saisine, ils développent les griefs suivants :

I. ― Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2013

  1. Le Conseil a régulièrement indiqué que le principe de sincérité s'analyse comme l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or, il apparaît que le Gouvernement a méconnu ce principe en retenant délibérément des prévisions économiques très optimistes et en n'actualisant pas la loi de finances au regard de l'évolution des engagements de sa propre politique économique.
  2. La loi de finances a été initialement construite sur une hypothèse de croissance optimiste de 0,3 % en 2012 et 0,8 % en 2013.
  3. Or, les prévisions de la plupart des économistes se situent en deçà :
    a. En septembre, la Commission économique de la nation a retenu une prévision de croissance de 0,1 % pour 2012 et 0,3 % en 2013.
    b. L'INSEE prévoit 0,2 % pour l'année 2012 dans son point de conjoncture du mois d'octobre.
    c. Le FMI, prévoyant une aggravation de la récession en zone euro (― 0,4 % en 2012), a abaissé ses estimations pour plusieurs pays, dont la France ; la croissance y serait de 0,1 % en 2012 et 0,4 % en 2013 (In World Economic Outlook, 9 octobre 2012).
    d. L'OCDE estime la croissance de la France à 0,2 % en 2012 et 0,3 % en 2013.
    e. Pour 2013, la Commission européenne prévoit une croissance du PIB de 0,4 % en France.
  4. Or, il est estimé qu'un point de croissance en moins représente environ 10 milliards de pertes de recettes. Le choix par le Gouvernement d'une prévision de croissance éloignée de ce qu'il est convenu d'appeler le « consensus des économistes » conduit à fausser de plusieurs milliards la loi de finances pour 2013.
  5. S'agissant des estimations de recettes fiscales, elles revêtent aussi un caractère particulièrement aléatoire. D'une part, elles reposent, à titre premier, sur une hypothèse de rendement des aménagements du régime d'exonération des plus-values de cession contestable car il est, d'une façon générale, difficile d'anticiper le montant des plus-values. D'autre part, les perspectives économiques peuvent raisonnablement laisser présager une baisse du rendement de certains impôts, notamment l'impôt sur les sociétés et la TVA, qui rend erronées les prévisions de recettes. Enfin, le Gouvernement ne tient pas compte de l'impact réel, c'est-à-dire probablement négatif, des mesures de durcissement fiscal qu'il propose, dans une situation économique globale marquée par un fort chômage.
  6. Enfin, la loi de finances pour 2013, telle que préparée et présentée aux assemblées parlementaires, est devenue obsolète dans ses hypothèses économiques dès la présentation du PLFR pour 2012 et du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
  7. Pour ces raisons, il aurait été nécessaire que le Gouvernement corrigeât les prévisions de croissance retenues avant la fin de la discussion parlementaire de la loi de finances pour 2013 et prît les mesures d'adaptation en découlant.
  8. En conséquence, on peut considérer que la représentation nationale ne bénéficie pas d'une présentation intelligible et sincère de l'état des finances publiques et ne peut vérifier précisément si les engagements européens de la France seront respectés. Il appartient donc à votre Conseil de reconnaître le caractère insincère de la loi de finances pour 2013.

(1) Cf. liste jointe.


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Version 1

LOI DE FINANCES POUR 2013

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les conseillers,

Les sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances pour 2013 définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 20 décembre 2012. A l'appui de cette saisine, ils développent les griefs suivants :

I. ― Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2013

1. Le Conseil a régulièrement indiqué que le principe de sincérité s'analyse comme l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or, il apparaît que le Gouvernement a méconnu ce principe en retenant délibérément des prévisions économiques très optimistes et en n'actualisant pas la loi de finances au regard de l'évolution des engagements de sa propre politique économique.

2. La loi de finances a été initialement construite sur une hypothèse de croissance optimiste de 0,3 % en 2012 et 0,8 % en 2013.

3. Or, les prévisions de la plupart des économistes se situent en deçà :

a. En septembre, la Commission économique de la nation a retenu une prévision de croissance de 0,1 % pour 2012 et 0,3 % en 2013.

b. L'INSEE prévoit 0,2 % pour l'année 2012 dans son point de conjoncture du mois d'octobre.

c. Le FMI, prévoyant une aggravation de la récession en zone euro (― 0,4 % en 2012), a abaissé ses estimations pour plusieurs pays, dont la France ; la croissance y serait de 0,1 % en 2012 et 0,4 % en 2013 (In World Economic Outlook, 9 octobre 2012).

d. L'OCDE estime la croissance de la France à 0,2 % en 2012 et 0,3 % en 2013.

e. Pour 2013, la Commission européenne prévoit une croissance du PIB de 0,4 % en France.

4. Or, il est estimé qu'un point de croissance en moins représente environ 10 milliards de pertes de recettes. Le choix par le Gouvernement d'une prévision de croissance éloignée de ce qu'il est convenu d'appeler le « consensus des économistes » conduit à fausser de plusieurs milliards la loi de finances pour 2013.

5. S'agissant des estimations de recettes fiscales, elles revêtent aussi un caractère particulièrement aléatoire. D'une part, elles reposent, à titre premier, sur une hypothèse de rendement des aménagements du régime d'exonération des plus-values de cession contestable car il est, d'une façon générale, difficile d'anticiper le montant des plus-values. D'autre part, les perspectives économiques peuvent raisonnablement laisser présager une baisse du rendement de certains impôts, notamment l'impôt sur les sociétés et la TVA, qui rend erronées les prévisions de recettes. Enfin, le Gouvernement ne tient pas compte de l'impact réel, c'est-à-dire probablement négatif, des mesures de durcissement fiscal qu'il propose, dans une situation économique globale marquée par un fort chômage.

6. Enfin, la loi de finances pour 2013, telle que préparée et présentée aux assemblées parlementaires, est devenue obsolète dans ses hypothèses économiques dès la présentation du PLFR pour 2012 et du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.

7. Pour ces raisons, il aurait été nécessaire que le Gouvernement corrigeât les prévisions de croissance retenues avant la fin de la discussion parlementaire de la loi de finances pour 2013 et prît les mesures d'adaptation en découlant.

8. En conséquence, on peut considérer que la représentation nationale ne bénéficie pas d'une présentation intelligible et sincère de l'état des finances publiques et ne peut vérifier précisément si les engagements européens de la France seront respectés. Il appartient donc à votre Conseil de reconnaître le caractère insincère de la loi de finances pour 2013.

(1) Cf. liste jointe.