JORF n°0139 du 17 juin 2011

Sur l'article 98

Cet article permet le recours à la visioconférence pour les audiences devant la Cour nationale du droit d'asile. C'est la première fois qu'est introduit le recours à la visioconférence en matière d'asile. Niant la spécificité de ces audiences et du droit d'asile plus globalement ― protégé par les conventions internationales et ne devant en rien être lié à la gestion des flux migratoires ―, cet article a pour objectif une « meilleure gestion » et une « réduction de stocks de dossier ».
Cette disposition a pour résultat une violation manifeste du principe d'égalité devant la loi. En effet, l'exigence du consentement de l'intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA a été limitée aux seuls étrangers se trouvant en France métropolitaine. De ce fait, les demandeurs d'asile présents en outre-mer ne bénéficieront pas des mêmes droits que les demandeurs en France métropolitaine dans la mesure où ils ne pourront pas refuser le recours à la visioconférence pour leur audience devant la CNDA.
Les arguments selon lequel le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ne peut être ici évoqué. En effet, il est indispensable, dans ces deux cas, que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, cons. 13), fait non établi en l'espèce, l'objet de la loi étant de permettre le recours à la visioconférence en matière d'asile, et non de contraindre à ce recours.
En outre, bien que vous ayez jugé constitutionnel le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle en matière de droits des étrangers, c'était après avoir précisé que le « déroulement de [ces] audiences est subordonné au consentement de l'étranger » (n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 82). L'article 98 prévoit expressément, quant à lui, que le recours à la visioconférence pourra se faire sans le consentement de l'étranger présent en France non métropolitaine. De plus, rien ne précise que l'étranger est dûment informé dans une langue qu'il comprend. Les garanties d'un procès juste et équitable, protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ne semblent donc pas réunies. Le Gouvernement devrait partager ce point de vue puisque le garde des sceaux, dans une réponse du 22 juin 2010 à une question parlementaire (n° 70778), affirmait « qu'en l'état des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (art. L. 552-12) et d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003, la décision du juge, prise sur une proposition de l'autorité administrative, de tenir l'audience en visioconférence n'est possible qu'à la seule condition que l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne soit pas opposé à cette mesure. La réflexion sur le développement de l'utilisation de la visioconférence dans ce domaine doit s'inscrire au regard des principes que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler et des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelées par la Cour européenne par une décision en date du 5 octobre 2006 ».
Cette rupture d'égalité et ce manquement au droit à un procès équitable appellent encore votre censure.

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Pour tous ces motifs, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions ainsi que de toutes celles que vous relèveriez d'office.


Historique des versions

Version 1

Sur l'article 98

Cet article permet le recours à la visioconférence pour les audiences devant la Cour nationale du droit d'asile. C'est la première fois qu'est introduit le recours à la visioconférence en matière d'asile. Niant la spécificité de ces audiences et du droit d'asile plus globalement ― protégé par les conventions internationales et ne devant en rien être lié à la gestion des flux migratoires ―, cet article a pour objectif une « meilleure gestion » et une « réduction de stocks de dossier ».

Cette disposition a pour résultat une violation manifeste du principe d'égalité devant la loi. En effet, l'exigence du consentement de l'intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA a été limitée aux seuls étrangers se trouvant en France métropolitaine. De ce fait, les demandeurs d'asile présents en outre-mer ne bénéficieront pas des mêmes droits que les demandeurs en France métropolitaine dans la mesure où ils ne pourront pas refuser le recours à la visioconférence pour leur audience devant la CNDA.

Les arguments selon lequel le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ne peut être ici évoqué. En effet, il est indispensable, dans ces deux cas, que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, cons. 13), fait non établi en l'espèce, l'objet de la loi étant de permettre le recours à la visioconférence en matière d'asile, et non de contraindre à ce recours.

En outre, bien que vous ayez jugé constitutionnel le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle en matière de droits des étrangers, c'était après avoir précisé que le « déroulement de [ces] audiences est subordonné au consentement de l'étranger » (n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 82). L'article 98 prévoit expressément, quant à lui, que le recours à la visioconférence pourra se faire sans le consentement de l'étranger présent en France non métropolitaine. De plus, rien ne précise que l'étranger est dûment informé dans une langue qu'il comprend. Les garanties d'un procès juste et équitable, protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ne semblent donc pas réunies. Le Gouvernement devrait partager ce point de vue puisque le garde des sceaux, dans une réponse du 22 juin 2010 à une question parlementaire (n° 70778), affirmait « qu'en l'état des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (art. L. 552-12) et d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003, la décision du juge, prise sur une proposition de l'autorité administrative, de tenir l'audience en visioconférence n'est possible qu'à la seule condition que l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne soit pas opposé à cette mesure. La réflexion sur le développement de l'utilisation de la visioconférence dans ce domaine doit s'inscrire au regard des principes que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler et des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelées par la Cour européenne par une décision en date du 5 octobre 2006 ».

Cette rupture d'égalité et ce manquement au droit à un procès équitable appellent encore votre censure.

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Pour tous ces motifs, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions ainsi que de toutes celles que vous relèveriez d'office.