JORF n°0139 du 17 juin 2011

  1. Quant à l'article 13

Cette disposition introduit à l'article L. 222-3 du CESEDA un nouvel alinéa selon lequel : « L'existence de garanties de représentations de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente. »
Le législateur ici n'en fait pas secret, il s'agit ni plus ni moins que de revenir sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle « le maintien en zone d'attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l'Administration n'est qu'une faculté pour le juge » et que, dès lors que l'étranger présente des garanties de représentation suffisantes, il peut être remis en liberté (arrêt 00-50079 de la 2e chambre civile du 21 février 2002).
Cette volonté est singulière à deux égards. D'abord parce que le rapporteur de la commission des lois du Sénat fait état d'un chiffre extrêmement précis des cas dans lesquels les demandes de prolongation ont été refusées sur le fondement des garanties de représentation : 27,59 % (rapport n° 239, p. 82). En revanche, aucun chiffre n'indique dans quelle proportion les étrangers concernés se sont effectivement représentés. Ce qui eût pourtant été utile à l'appréciation de la nécessité d'une telle mesure.
Ensuite parce que les tenants de ce dispositif font en réalité grief à la Cour de cassation de dire quelque chose qu'elle ne dit pourtant pas. La cour n'impose pas en effet, contrairement à ce que laisse entendre ici le législateur, que l'existence de garanties de représentation oblige à la remise en liberté. Elle en fait une simple faculté.
En supprimant la faculté pour le JLD de tenir compte uniquement des garanties de représentation de l'étranger pour décider de sa remise en liberté, la disposition ici en cause porte atteinte à l'office du juge dans son rôle de garant de la liberté individuelle. En effet, la faculté de libérer est au cœur de la mission du juge du siège, sa raison d'être, et même la condition pour qu'il puisse être ainsi qualifié. Comme le rappelle avec constance la Cour européenne des droits de l'homme, la charge du magistrat comporte celle « d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner l'élargissement » (Medvedyev et autres c. France du 29 mars 2010, n° 3394/03, § 124).
Priver le juge de cette faculté, c'est en outre faire de la détention la règle et de la liberté l'exception, en contradiction flagrante avec le principe même de la liberté individuelle, qui suppose l'inverse (9).
Aussi, pour l'ensemble de ces motifs, vous censurerez aussi cette disposition.

(9) Cf. notamment le paragraphe 1.2.6 des tables du Conseil constitutionnel dont l'intitulé est : « Principe selon lequel la liberté est la règle ».


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Version 1

3. Quant à l'article 13

Cette disposition introduit à l'article L. 222-3 du CESEDA un nouvel alinéa selon lequel : « L'existence de garanties de représentations de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente. »

Le législateur ici n'en fait pas secret, il s'agit ni plus ni moins que de revenir sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle « le maintien en zone d'attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l'Administration n'est qu'une faculté pour le juge » et que, dès lors que l'étranger présente des garanties de représentation suffisantes, il peut être remis en liberté (arrêt 00-50079 de la 2e chambre civile du 21 février 2002).

Cette volonté est singulière à deux égards. D'abord parce que le rapporteur de la commission des lois du Sénat fait état d'un chiffre extrêmement précis des cas dans lesquels les demandes de prolongation ont été refusées sur le fondement des garanties de représentation : 27,59 % (rapport n° 239, p. 82). En revanche, aucun chiffre n'indique dans quelle proportion les étrangers concernés se sont effectivement représentés. Ce qui eût pourtant été utile à l'appréciation de la nécessité d'une telle mesure.

Ensuite parce que les tenants de ce dispositif font en réalité grief à la Cour de cassation de dire quelque chose qu'elle ne dit pourtant pas. La cour n'impose pas en effet, contrairement à ce que laisse entendre ici le législateur, que l'existence de garanties de représentation oblige à la remise en liberté. Elle en fait une simple faculté.

En supprimant la faculté pour le JLD de tenir compte uniquement des garanties de représentation de l'étranger pour décider de sa remise en liberté, la disposition ici en cause porte atteinte à l'office du juge dans son rôle de garant de la liberté individuelle. En effet, la faculté de libérer est au cœur de la mission du juge du siège, sa raison d'être, et même la condition pour qu'il puisse être ainsi qualifié. Comme le rappelle avec constance la Cour européenne des droits de l'homme, la charge du magistrat comporte celle « d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner l'élargissement » (Medvedyev et autres c. France du 29 mars 2010, n° 3394/03, § 124).

Priver le juge de cette faculté, c'est en outre faire de la détention la règle et de la liberté l'exception, en contradiction flagrante avec le principe même de la liberté individuelle, qui suppose l'inverse (9).

Aussi, pour l'ensemble de ces motifs, vous censurerez aussi cette disposition.

(9) Cf. notamment le paragraphe 1.2.6 des tables du Conseil constitutionnel dont l'intitulé est : « Principe selon lequel la liberté est la règle ».