JORF n°0139 du 17 juin 2011

  1. Quant aux articles 12 et 57

Ces deux dispositions introduisent dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) deux articles L. 222-3 et L. 552-8 rédigés dans les mêmes termes : « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation. »
Elles tendent ainsi à instaurer une procédure de purge des nullités visant à limiter les moyens susceptibles d'être soulevés devant le JLD statuant sur la seconde prolongation du maintien en zone d'attente ou du maintien en rétention administrative.
Ainsi ne seraient pas invocables devant le JLD statuant sur une demande de seconde prolongation les irrégularités commises antérieurement à la première prolongation.
Les promoteurs de ce dispositif invoquent à cet égard une jurisprudence constante depuis 1996 de la Cour de cassation selon laquelle la première ordonnance rendue par le JLD purge les irrégularités antérieures (8).
Cette position se justifierait également par la raison d'être de la seconde audience de prolongation qui se limiterait à la seule appréciation des conditions présidant au maintien en zone d'attente ou en rétention.
Les requérants ne partagent pas ce point de vue. Ils rappellent à cet égard que c'est en toute circonstance que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle dès lors que cette dernière est en cause. Ils rappellent également que cette exigence, ainsi que celle qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, impose que soit garanti « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » (n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 3). Aussi incombe-t-il « à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond » fixées par la loi (n° 93-323 DC du 5 août 1993, cons. 5). Cette exigence est également consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme pour qui seul mérite l'appellation de « tribunal » l'organe qui « ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (Rayon c. France du 21 février 2008, n° 18497/03, § 27).
En outre, pour apprécier la réalité de l'effectivité du recours en l'espèce, vous ne pourrez ignorer les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent ces procédures, et notamment l'urgence qui les caractérise, ainsi que le public qu'elles concernent, particulièrement démuni, assisté éventuellement d'avocats agissant eux-mêmes dans des délais extrêmement contraints. A cet égard, votre haute juridiction avait elle-même pris en compte le caractère particulièrement défavorisé des personnes susceptibles de faire l'objet d'une évacuation préfectorale, pour juger que le recours qui leur était offert, fût-il suspensif, ne constituait pas une « garantie suffisante » pour respecter l'exigence d'un recours effectif (2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 55).
Enfin, la transposition dans le code des étrangers et du droit d'asile d'une procédure civile qu'est la purge de nullités, revient à méconnaître la spécificité du droit des étrangers, très proche du droit pénal du fait des privations de liberté encourues.
Si vous ne censuriez pas cette disposition pour autant, les requérants vous demanderaient à tout le moins de réserver l'hypothèse dans laquelle les éléments attestant de l'existence d'une irrégularité avant la première audience n'auront été révélés qu'après celle-ci, et avant la seconde audience. En d'autres termes, ils vous demanderaient d'émettre une réserve d'interprétation concernant l'apparition d'éléments nouveaux relatifs aux irrégularités commises antérieurement à la première audience.

(8) Cf. notamment l'arrêt 00-50072 du 29 mars 2001.


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Version 1

2. Quant aux articles 12 et 57

Ces deux dispositions introduisent dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) deux articles L. 222-3 et L. 552-8 rédigés dans les mêmes termes : « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation. »

Elles tendent ainsi à instaurer une procédure de purge des nullités visant à limiter les moyens susceptibles d'être soulevés devant le JLD statuant sur la seconde prolongation du maintien en zone d'attente ou du maintien en rétention administrative.

Ainsi ne seraient pas invocables devant le JLD statuant sur une demande de seconde prolongation les irrégularités commises antérieurement à la première prolongation.

Les promoteurs de ce dispositif invoquent à cet égard une jurisprudence constante depuis 1996 de la Cour de cassation selon laquelle la première ordonnance rendue par le JLD purge les irrégularités antérieures (8).

Cette position se justifierait également par la raison d'être de la seconde audience de prolongation qui se limiterait à la seule appréciation des conditions présidant au maintien en zone d'attente ou en rétention.

Les requérants ne partagent pas ce point de vue. Ils rappellent à cet égard que c'est en toute circonstance que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle dès lors que cette dernière est en cause. Ils rappellent également que cette exigence, ainsi que celle qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, impose que soit garanti « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » (n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 3). Aussi incombe-t-il « à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond » fixées par la loi (n° 93-323 DC du 5 août 1993, cons. 5). Cette exigence est également consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme pour qui seul mérite l'appellation de « tribunal » l'organe qui « ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (Rayon c. France du 21 février 2008, n° 18497/03, § 27).

En outre, pour apprécier la réalité de l'effectivité du recours en l'espèce, vous ne pourrez ignorer les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent ces procédures, et notamment l'urgence qui les caractérise, ainsi que le public qu'elles concernent, particulièrement démuni, assisté éventuellement d'avocats agissant eux-mêmes dans des délais extrêmement contraints. A cet égard, votre haute juridiction avait elle-même pris en compte le caractère particulièrement défavorisé des personnes susceptibles de faire l'objet d'une évacuation préfectorale, pour juger que le recours qui leur était offert, fût-il suspensif, ne constituait pas une « garantie suffisante » pour respecter l'exigence d'un recours effectif (2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 55).

Enfin, la transposition dans le code des étrangers et du droit d'asile d'une procédure civile qu'est la purge de nullités, revient à méconnaître la spécificité du droit des étrangers, très proche du droit pénal du fait des privations de liberté encourues.

Si vous ne censuriez pas cette disposition pour autant, les requérants vous demanderaient à tout le moins de réserver l'hypothèse dans laquelle les éléments attestant de l'existence d'une irrégularité avant la première audience n'auront été révélés qu'après celle-ci, et avant la seconde audience. En d'autres termes, ils vous demanderaient d'émettre une réserve d'interprétation concernant l'apparition d'éléments nouveaux relatifs aux irrégularités commises antérieurement à la première audience.

(8) Cf. notamment l'arrêt 00-50072 du 29 mars 2001.