JORF n°0302 du 30 décembre 2010

A. ― Sur la finalité de la contribution

  1. Elle visait jusqu'ici à assurer la péréquation que le législateur avait souhaité organiser en 2009.
    C'est ce que traduit l'article L. 452-1-1 du code, selon lequel le prélèvement alimente un fonds, géré par la CGLLS, qui « attribue des concours financiers aux organismes d'habitations à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte pour la réalisation de leurs opérations de construction et d'amélioration de leur parc de logements locatifs sociaux ».
    Mais cela cesserait en partie d'être le cas puisque, par l'effet de la disposition analysée, ce fonds devrait dorénavant contribuer en plus « à la rénovation urbaine ».
    Cet ajout soulève immédiatement plusieurs difficultés.
  2. La première tient au caractère cavalier de la disposition. S'agissant d'un fonds qui est extérieur au budget, alimenté par des ressources également extérieures au budget, on ne voit pas à quel titre la définition de sa destination pourrait figurer en loi de finances.
    Elle ne relève d'aucun des domaines évoqués au premier alinéa de l'article premier de la LOLF non plus que de ceux dont la liste limitative apparaît au 7° de son article 34. Par le passé, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de censurer des dispositions comparables comme étrangères aux domaines des lois de finances (7) ou de financement de la sécurité sociale, y compris lorsque cette censure ne porte que sur une fraction d'un article (8).
    Mais c'est néanmoins et avant tout pour des raisons de fond que ce membre de phrase devra être immanquablement censuré.
  3. Les organismes concernés par le dispositif sont, jusqu'à présent et de manière collective, à la fois les contributeurs et les bénéficiaires du fonds, comme il est très logique puisque c'est à cela que se reconnaît une péréquation.
    Au contraire, en introduisant la rénovation urbaine parmi les destinations des sommes ainsi collectées, ce n'est plus de péréquation qu'il s'agit.
    Quelles que puissent être la légitimité et la nécessité de telles dépenses, elles peuvent concerner les objets les plus divers ― de création d'une crèche à la construction d'un commissariat de police en passant par la réhabilitation d'un centre commercial ― et n'ont en commun que d'être parfaitement extérieures au rôle et à la vocation des organismes HLM.
    On ne voit dès lors pas à quel titre les organismes concernés et même, parmi eux, ceux que l'on appelle les dodus dormants, devraient sélectivement contribuer au financement d'une mission qui les dépasse et qui relève de la seule responsabilité des collectivités publiques.
  4. Il va de soi que les constats qui précèdent attestent de l'existence d'une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques puisque les organismes visés par le dispositif, et eux seuls, seraient ainsi appelés à contribuer à une dépense qui est d'intérêt général.
    Certes, le Conseil constitutionnel considère :
    « qu'en vertu de l'article 34 précité de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose »,
    mais c'est pour ajouter aussitôt :
    « que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (9).
    Et il est ici une singularité qui atteste de la présence d'une telle rupture caractérisée.
  5. Curieusement, il ne semble pas qu'existe à ce jour de décision dans laquelle ait été posée au Conseil constitutionnel la question de la portée et des limites d'un mécanisme de péréquation.
    Or, au cas présent, tous les auteurs de la loi, Gouvernement et Parlement confondus, ont souligné à l'envie que les dispositions en cause étaient bien conçues et voulues comme opérant une péréquation. Celle-ci suppose donc qu'une seule et même catégorie de personnes réunisse à la fois tous les contributeurs et tous les bénéficiaires de la mesure, faute de quoi il ne s'agirait plus d'une péréquation.
    Dès lors, donc, qu'une fraction, même indéterminée, voire modeste, des sommes en jeu irait à la rénovation urbaine, les bailleurs sociaux cesseraient, sur cette partie, d'être bénéficiaires du dispositif et la rupture d'égalité s'en trouverait d'autant plus caractérisée.
    En conséquence, les mots : « et à la rénovation urbaine » ne sauraient échapper à la censure.

(7) Décisions n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, considérant n° 35, et n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, considérant n° 56. (8) Décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, considérant n° 21. (9) Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, considérants n° 25 à 27.


Historique des versions

Version 1

A. ― Sur la finalité de la contribution

6. Elle visait jusqu'ici à assurer la péréquation que le législateur avait souhaité organiser en 2009.

C'est ce que traduit l'article L. 452-1-1 du code, selon lequel le prélèvement alimente un fonds, géré par la CGLLS, qui « attribue des concours financiers aux organismes d'habitations à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte pour la réalisation de leurs opérations de construction et d'amélioration de leur parc de logements locatifs sociaux ».

Mais cela cesserait en partie d'être le cas puisque, par l'effet de la disposition analysée, ce fonds devrait dorénavant contribuer en plus « à la rénovation urbaine ».

Cet ajout soulève immédiatement plusieurs difficultés.

7. La première tient au caractère cavalier de la disposition. S'agissant d'un fonds qui est extérieur au budget, alimenté par des ressources également extérieures au budget, on ne voit pas à quel titre la définition de sa destination pourrait figurer en loi de finances.

Elle ne relève d'aucun des domaines évoqués au premier alinéa de l'article premier de la LOLF non plus que de ceux dont la liste limitative apparaît au 7° de son article 34. Par le passé, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de censurer des dispositions comparables comme étrangères aux domaines des lois de finances (7) ou de financement de la sécurité sociale, y compris lorsque cette censure ne porte que sur une fraction d'un article (8).

Mais c'est néanmoins et avant tout pour des raisons de fond que ce membre de phrase devra être immanquablement censuré.

8. Les organismes concernés par le dispositif sont, jusqu'à présent et de manière collective, à la fois les contributeurs et les bénéficiaires du fonds, comme il est très logique puisque c'est à cela que se reconnaît une péréquation.

Au contraire, en introduisant la rénovation urbaine parmi les destinations des sommes ainsi collectées, ce n'est plus de péréquation qu'il s'agit.

Quelles que puissent être la légitimité et la nécessité de telles dépenses, elles peuvent concerner les objets les plus divers ― de création d'une crèche à la construction d'un commissariat de police en passant par la réhabilitation d'un centre commercial ― et n'ont en commun que d'être parfaitement extérieures au rôle et à la vocation des organismes HLM.

On ne voit dès lors pas à quel titre les organismes concernés et même, parmi eux, ceux que l'on appelle les dodus dormants, devraient sélectivement contribuer au financement d'une mission qui les dépasse et qui relève de la seule responsabilité des collectivités publiques.

9. Il va de soi que les constats qui précèdent attestent de l'existence d'une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques puisque les organismes visés par le dispositif, et eux seuls, seraient ainsi appelés à contribuer à une dépense qui est d'intérêt général.

Certes, le Conseil constitutionnel considère :

« qu'en vertu de l'article 34 précité de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose »,

mais c'est pour ajouter aussitôt :

« que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques » (9).

Et il est ici une singularité qui atteste de la présence d'une telle rupture caractérisée.

10. Curieusement, il ne semble pas qu'existe à ce jour de décision dans laquelle ait été posée au Conseil constitutionnel la question de la portée et des limites d'un mécanisme de péréquation.

Or, au cas présent, tous les auteurs de la loi, Gouvernement et Parlement confondus, ont souligné à l'envie que les dispositions en cause étaient bien conçues et voulues comme opérant une péréquation. Celle-ci suppose donc qu'une seule et même catégorie de personnes réunisse à la fois tous les contributeurs et tous les bénéficiaires de la mesure, faute de quoi il ne s'agirait plus d'une péréquation.

Dès lors, donc, qu'une fraction, même indéterminée, voire modeste, des sommes en jeu irait à la rénovation urbaine, les bailleurs sociaux cesseraient, sur cette partie, d'être bénéficiaires du dispositif et la rupture d'égalité s'en trouverait d'autant plus caractérisée.

En conséquence, les mots : « et à la rénovation urbaine » ne sauraient échapper à la censure.

(7) Décisions n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, considérant n° 35, et n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, considérant n° 56. (8) Décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, considérant n° 21. (9) Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, considérants n° 25 à 27.