JORF n°0135 du 13 juin 2009

Contre-productif ensuite, puisque cette loi ne sera d'aucun effet pour les internautes aguerris qui n'auront aucun mal à contourner les dispositifs de surveillance alors qu'il placera les internautes ordinaires dans une situation de vulnérabilité technique et juridique. Tout porte à croire que les internautes se déporteront rapidement et massivement vers les sites " pair à pair de téléchargement crypté. Un tel phénomène rendra non seulement plus délicate la lutte contre le téléchargement illégal, mais en généralisant le cryptage, elle rendra aussi plus difficile la recherche d'autres infractions y compris les plus graves, telles que la pédopornographie.
Inapplicable, puisqu'il apparaît que la mise en œuvre du dispositif prévu nécessite des adaptations importantes des installations techniques, compte tenu de l'impossibilité, dans un certain nombre de cas, de suspendre uniquement la connexion internet sans couper les services de téléphonie et de télévision.
L'article L. 331-30 prévoit, en effet, que la suspension de l'accès ne peut s'appliquer aux services de téléphonie ou de télévision. Or, l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), dans son avis sur le projet de loi, a expliqué que " l'application de cette nouvelle disposition sera limitée en pratique. (...) En effet, dans les zones non dégroupées, il se peut que, dans certains cas, il soit difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à internet est coupé. Or, en application des articles L. 33-1 et D. 98-4 du CPCE relatifs aux conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service, le fournisseur d'accès internet est tenu notamment d'assurer de manière permanente et continue l'exploitation des services de communications électroniques et de garantir un accès ininterrompu aux services d'urgence. A défaut, celui-ci s'exposerait à des sanctions administratives et pénales (10) ". Selon les représentants de l'ARCEP auditionnés par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette impossibilité technique concernerait 2,5 à 3 millions de foyers. Parallèlement, la Fédération française des télécoms vient, le 15 mai dernier, de réaffirmer " qu'il sera impossible de généraliser, pour tous et partout, avant un délai minimum d'un an à partir de la connaissance détaillée du cahier des charges, la mise en œuvre des mesures de suspension/restriction d'accès à internet (en ne conservant que la télévision et la téléphonie sur IP), en raison des conséquences sur les processus industriels et les systèmes d'information des opérateurs. " Par conséquent, près de 3 millions de citoyens bénéficieront d'une sorte d'immunité pendant ce délai de mise en place technique. Le Conseil pourra au surplus constater que l'application immédiate de ce dispositif conduirait mécaniquement à une atteinte au principe d'égalité.
De plus, le canal internet, même dans les offres triple play, est utilisé par certains fournisseurs d'accès internet pour faire transiter des informations nécessaires au fonctionnement des deux autres canaux, télévision et téléphonie. La coupure du canal internet provoquera au moins une dégradation du service offert par les deux autres canaux si ce n'est leur interruption, le temps que les FAI aient procédé à la modification de leur architecture réseau.
A cet égard, l'ARCEP relève que le projet de loi ne prévoit pas de délai pour permettre aux fournisseurs d'accès internet d'adapter leurs systèmes d'information existants et leurs outils informatiques en vue de satisfaire aux obligations qu'il prévoit. Or, dès la publication du projet de loi et au regard des dispositions qu'il contient, les fournisseurs d'accès à internet risquent d'être sanctionnés financièrement. En conséquence, compte tenu de l'adaptation nécessaire des systèmes d'information des fournisseurs d'accès à internet, l'Autorité recommande, au regard du principe de sécurité juridique, l'instauration d'un délai au terme duquel les fournisseurs d'accès seraient en mesure de répondre aux demandes de la HADOPI (11).

___________
(10) Avis n° 2008-0547 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 mai 2008 sur le projet de loi relatif à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.
(11) A titre d'exemple, en ce qui concerne l'établissement des listes d'abonnés dans le cadre de l'annuaire universel, l'ARCEP avait accordé un délai de neuf mois aux opérateurs pour adapter leurs systèmes d'information à compter de la publication du texte au Journal officiel de la République française.


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Version 1

Contre-productif

ensuite, puisque cette loi ne sera d'aucun effet pour les internautes aguerris qui n'auront aucun mal à contourner les dispositifs de surveillance alors qu'il placera les internautes ordinaires dans une situation de vulnérabilité technique et juridique. Tout porte à croire que les internautes se déporteront rapidement et massivement vers les sites " pair à pair de téléchargement crypté. Un tel phénomène rendra non seulement plus délicate la lutte contre le téléchargement illégal, mais en généralisant le cryptage, elle rendra aussi plus difficile la recherche d'autres infractions y compris les plus graves, telles que la pédopornographie.

Inapplicable,

puisqu'il apparaît que la mise en œuvre du dispositif prévu nécessite des adaptations importantes des installations techniques, compte tenu de l'impossibilité, dans un certain nombre de cas, de suspendre uniquement la connexion internet sans couper les services de téléphonie et de télévision.

L'article L. 331-30 prévoit, en effet, que la suspension de l'accès ne peut s'appliquer aux services de téléphonie ou de télévision. Or, l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), dans son avis sur le projet de loi, a expliqué que " l'application de cette nouvelle disposition sera limitée en pratique. (...) En effet, dans les zones non dégroupées, il se peut que, dans certains cas, il soit difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à internet est coupé. Or, en application des articles L. 33-1 et D. 98-4 du CPCE relatifs aux conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service, le fournisseur d'accès internet est tenu notamment d'assurer de manière permanente et continue l'exploitation des services de communications électroniques et de garantir un accès ininterrompu aux services d'urgence. A défaut, celui-ci s'exposerait à des sanctions administratives et pénales (10) ". Selon les représentants de l'ARCEP auditionnés par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette impossibilité technique concernerait 2,5 à 3 millions de foyers. Parallèlement, la Fédération française des télécoms vient, le 15 mai dernier, de réaffirmer " qu'il sera impossible de généraliser, pour tous et partout, avant un délai minimum d'un an à partir de la connaissance détaillée du cahier des charges, la mise en œuvre des mesures de suspension/restriction d'accès à internet (en ne conservant que la télévision et la téléphonie sur IP), en raison des conséquences sur les processus industriels et les systèmes d'information des opérateurs. " Par conséquent, près de 3 millions de citoyens bénéficieront d'une sorte d'immunité pendant ce délai de mise en place technique. Le Conseil pourra au surplus constater que l'application immédiate de ce dispositif conduirait mécaniquement à une atteinte au principe d'égalité.

De plus, le canal internet, même dans les offres triple play, est utilisé par certains fournisseurs d'accès internet pour faire transiter des informations nécessaires au fonctionnement des deux autres canaux, télévision et téléphonie. La coupure du canal internet provoquera au moins une dégradation du service offert par les deux autres canaux si ce n'est leur interruption, le temps que les FAI aient procédé à la modification de leur architecture réseau.

A cet égard, l'ARCEP relève que le projet de loi ne prévoit pas de délai pour permettre aux fournisseurs d'accès internet d'adapter leurs systèmes d'information existants et leurs outils informatiques en vue de satisfaire aux obligations qu'il prévoit. Or, dès la publication du projet de loi et au regard des dispositions qu'il contient, les fournisseurs d'accès à internet risquent d'être sanctionnés financièrement. En conséquence, compte tenu de l'adaptation nécessaire des systèmes d'information des fournisseurs d'accès à internet, l'Autorité recommande, au regard du principe de sécurité juridique, l'instauration d'un délai au terme duquel les fournisseurs d'accès seraient en mesure de répondre aux demandes de la HADOPI (11).

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(10) Avis n° 2008-0547 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 mai 2008 sur le projet de loi relatif à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

(11) A titre d'exemple, en ce qui concerne l'établissement des listes d'abonnés dans le cadre de l'annuaire universel, l'ARCEP avait accordé un délai de neuf mois aux opérateurs pour adapter leurs systèmes d'information à compter de la publication du texte au Journal officiel de la République française.