L'article 8 modifie substantiellement le chapitre VI du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle afin d'introduire les dispositions essentielles à la mise en place de la procédure administrative en nullité et déchéance des marques. Les 1°, 2° 5°, 8°, 11° 14° et 16° du même article restructurent ce chapitre divisé en trois sections. La première section, intitulée « Contentieux de la nullité et de la déchéance de la marque », est elle-même subdivisée en trois sous-sections. Elle comprend les articles L. 716-1 à L. 716-3-1. La deuxième section, intitulée « Contentieux de la contrefaçon », comprend les articles L. 716-4 à L 716-4-11. La troisième et dernière section, intitulée « Règles de compétence », comprend les articles L. 716-5 et L. 716-6.
Dispositions relatives au contentieux de la nullité et de la déchéance de la marque :
Le 3° de l'article 8 modifie l'article L. 716-1 afin de prévoir que les modalités de mise en œuvre de la procédure administrative en nullité et en déchéance des marques, notamment la procédure contradictoire entre les parties, sont définies par décret en Conseil d'Etat. A l'instar de la procédure d'opposition, il est prévu de déroger au point de départ du délai au terme duquel le « silence vaut rejet » afin de le fixer à la date de fin de la phase d'instruction, et non pas au jour de la demande.
L'article L. 716-1-1, introduit par le 4° de l'article 8, prévoit que le directeur général de l'INPI peut mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par la partie gagnante dans la limite d'un barème défini par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle. Inspiré du système existant devant l'Office européen pour la propriété intellectuelle (EUIPO), cette disposition tend à limiter les actions abusives ou dilatoires. Pour donner plein effet à cette disposition, l'article L. 716-1 attache les effets d'un jugement aux décisions du directeur général de l'Institut rendues en matière de nullité et de déchéance de marques, lesquelles constituent ainsi des titres exécutoires au sens du 6° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Le 6° de l'article 8 réécrit l'article L. 716-2 qui dresse la liste des personnes habilitées à introduire une action en nullité. Il prévoit notamment que toute personne peut former, devant l'INPI, une demande en nullité fondée sur un motif absolu. L'examen d'une telle demande ne sera soumis devant l'Institut à aucune condition préalable d'intérêt à agir, cela n'étant pas prévu par la Directive, conformément à l'objectif d'apurement des registres de marques.
Le 7° de l'article 8 introduit les articles L. 716-2-1 à L. 716-2-8 qui encadrent la procédure de nullité. Ils prévoient notamment que la nullité peut être partielle, que la demande en nullité peut être fondée sur plusieurs motifs ou droits antérieurs appartenant au même demandeur et que la décision d'annulation a un effet absolu.
Ces dispositions prévoient également les circonstances dans lesquelles la demande en nullité peut être déclarée irrecevable. L'article L. 716-2-3 dispose que la demande en nullité est irrecevable lorsque la marque antérieure n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. L'usage doit désormais pouvoir être justifié, d'une part, dans les cinq années précédant la demande en nullité et, d'autre part, dans les cinq années précédant le dépôt de la marque contestée, si la marque invoquée était enregistrée depuis plus de cinq ans à chacune de ces dates. Cette exigence du « double usage » permet de sécuriser la situation juridique de déposants de marques qui, au jour du dépôt de leur signe, avaient pu constater l'existence de droits antérieurs non exploités, et donc non opposables. Elle renforce l'exigence de l'usage pour les titulaires de droits.
Dans le même esprit, l'article L. 716-2-4 énonce que la demande en nullité est irrecevable lorsque la marque antérieure n'est pas valable (absence de caractère distinctif par exemple) ou n'était pas opposable au jour du dépôt de la marque seconde (la renommée ou le caractère distinctif n'avait pas encore été acquis par exemple).
L'article L. 716-2-5 prévoit qu'une partie dont la marque est arguée de nullité pour défaut de caractère distinctif peut se défendre en démontrant que sa marque avait acquis un tel caractère préalablement à la demande en nullité.
Les articles L. 716-2-6 et L. 716-2-7 reprennent des dispositions relatives à la prescription des actions en nullité, déjà existantes en droit français.
Enfin, l'article L. 716-2-8 précise le régime de la forclusion par tolérance, déjà existant en droit français : le fait d'avoir toléré l'usage d'une marque postérieure pendant cinq ans emporte impossibilité d'agir en nullité pour le titulaire du droit antérieur, sauf en cas de mauvaise foi du déposant.
Le 9° de l'article 8 crée un nouvel article L. 716-3 relatif aux règles applicables à la demande en déchéance d'une marque. Cette disposition prévoit notamment que toute personne peut introduire devant l'INPI une action en déchéance, sans avoir à justifier d'un intérêt à agir, que la déchéance peut être partielle et que la déchéance, quand elle est prononcée, prend effet à la date de la demande ou, sur requête d'une partie, à la date à laquelle est survenu le motif de déchéance. Elle prévoit également les conditions dans lesquels l'usage sérieux repris postérieurement à une période de cinq ans d'inexploitation permet de faire obstacle à la demande en déchéance.
Le 10° de l'article 8 introduit l'article L. 716-3-1 qui prévoit les règles applicables à la preuve dans le cadre de la demande en déchéance d'une marque. Conformément au droit commun, la charge de la preuve de l'exploitation pèse sur le titulaire de la marque ; elle peut être rapportée par tous moyens.
Dispositions relatives à la contrefaçon :
Pour définir la contrefaçon, l'article L. 716-4, modifié par le 12° de l'article 8, reproduit en l'adaptant le libellé de l'ancien article L. 716-1.
Le 13° de l'article 8 introduit les articles L. 716-4-1 à L. 716-4-5.
L'article L. 716-4-1 reprend à l'identique l'ancien article L. 716-2.
L'article L. 716-4-2 identifie les personnes habilitées à introduire une action en contrefaçon. Il est notamment ajouté que les licenciés non exclusifs ou les personnes habilitées à faire usage d'une marque de garantie ou d'une marque collective peuvent engager une action avec le consentement du titulaire, sauf mention contraire du contrat ou du règlement d'usage.
Les articles L. 716-4-3 et L. 716-4-5 énoncent les fins de non-recevoir pouvant être soulevées par le défendeur à une action en contrefaçon. Cette action sera notamment déclarée irrecevable si le demandeur ne peut rapporter la preuve d'un usage sérieux de sa marque pendant la période de cinq ans précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée, ou s'il est établi qu'il a toléré pendant cette même période de cinq années consécutives l'usage de la marque postérieure.
Enfin, l'article L. 716-4-4 tempère l'interdiction prévue à l'article L. 713-3-2 en permettant au déclarant ou détenteur des marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon d'établir que le titulaire de la marque enregistrée ne peut interdire leur commercialisation dans le pays de destination finale.
Le 15° de l'article 8 est une disposition de coordination juridique.
Dispositions relatives aux règles de compétence :
Le 17° de l'article 8 modifie l'article L. 716-5 afin d'énoncer les règles de répartition de compétences entre l'INPI et les juridictions s'agissant des demandes en nullité ou en déchéance de marques.
Cette disposition prévoit que l'INPI est seul compétent pour statuer sur ces demandes formées à titre principal lorsqu'elles sont exclusivement fondées sur :
- tous les motifs absolus ;
- les motifs relatifs liés aux signes distinctifs (marque antérieure, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, nom d'une entité publique) et aux signes territoriaux (nom des collectivités territoriales et des EPCI, appellations d'origine et indications géographiques) ;
- tous les motifs de déchéance.
Les tribunaux de grande instance seront seuls compétents pour connaître :
- des demandes en nullité fondées sur une atteinte à un droit antérieur tel qu'un droit d'auteur, un dessin ou modèle ou un droit de la personnalité ;
- des demandes reconventionnelles en nullité ou en déchéance en l'absence de toute saisine antérieure de l'INPI, quel que soit le motif invoqué ;
- de toute demande en nullité ou en déchéance, quel que soit le motif invoqué, lorsqu'une telle demande est connexe à toute autre action relevant de la compétence du tribunal (comme par exemple une action en contrefaçon, en concurrence déloyale ou en responsabilité contractuelle) ou lorsque des mesures probatoires, provisoires ou conservatoires ont été ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque et sont en cours d'exécution avant l'engagement d'une action au fond.
Cette répartition claire et lisible des compétences poursuit les objectifs suivants :
- la lisibilité du droit pour les justiciables et la préservation d'une bonne administration de la justice ;
- l'effectivité de la transposition de l'article 45 de la directive poursuivant l'objectif de faciliter les demandes de nullité et déchéance pour libérer les registres de marques de titre qui n'ont pas à y figurer et qui bloquent l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs ;
- la cohérence avec le système des marques de l'Union européenne qui ne peuvent être invalidées que par demandes formées devant l'EUIPO, les juridictions nationales n'étant pas compétentes, sauf par voie d'exception, dans le cadre d'une action en contrefaçon ;
- la préservation de l'unité des litiges, les parties n'étant, par exemple, pas obligées de scinder leurs demandeurs lorsqu'elles agissant à la fois en nullité et en contrefaçon à l'encontre d'une même partie ;
- la prévention des stratégies dilatoires afin de retarder ou s'opposer à une action en contrefaçon.
Dispositions relatives à la retenue en douane et aux actions pénales :
L'article 9 réorganise le chapitre VI bis du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle, intitulé « Retenue en douane et actions pénales ». Les modifications apportées se limitent à des mesures de coordination juridique ou des changements de terminologie.
1 version