Le chapitre 1er du titre Ier du livre VII, entièrement réécrit par l'article 3, délimite, d'une part, le champ d'application du droit des marques et énonce, d'autre part, les conditions de validité de l'enregistrement de la marque. Il est composé des articles L. 711-1 à L. 711-3. La présentation s'appuie sur la distinction, tirée de l'économie des textes européens, entre motifs absolus et motifs relatifs de refus d'enregistrement ou de nullité d'une marque.
L'article L. 711-1 définit en son alinéa premier la marque, soit l'objet du droit protégé par le titre Ier du livre VII. Son deuxième alinéa transpose la suppression, par la Directive de l'exigence de représentation graphique du signe. Dorénavant, peut constituer une marque un signe apte à être représenté dans le registre national des marques dès lors que l'objet de la protection peut en être clairement et précisément déterminé. Cet assouplissement devrait permettre l'enregistrement à titre de marque de signes dits « non traditionnels », à savoir non susceptibles de représentation graphique, mais pouvant être représentés par de nouveaux moyens techniques (notamment dans des fichiers audio, vidéo ou audiovisuels).
L'article L. 711-2 regroupe l'ensemble des conditions absolues de validité d'une marque dans une disposition unique divisée en onze points : le 1° sanctionne l'inaptitude d'un signe à constituer une marque, les 2° à 4° précisent les modalités d'appréciation du caractère distinctif de la marque et les 5° à 11° énoncent les critères de licéité du signe déposé.
Conformément à la Directive, le 2° donne un fondement textuel à l'exigence dite de « distinctivité autonome », soit la capacité du signe à distinguer des produits ou services afin d'être perçu par le consommateur comme l'indication d'une origine commerciale. Cette condition, qui faisait défaut dans la loi du 4 janvier 1991, a été rappelée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l'Union européenne puis consacrée par les juges français.
Les 3° et 4° reprennent quant à eux les exclusions des signes descriptifs et devenus usuels.
L'article rappelle également que le caractère distinctif du signe peut être acquis à la suite de l'usage qui en a été fait. Dans le cadre de la procédure d'enregistrement, le caractère distinctif doit avoir été acquis avant le dépôt de la demande afin de préserver l'égalité entre les déposants.
Afin qu'il ne soit pas porté d'atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, le 5° exclut de la protection un signe entièrement constitué par la forme ou une autre caractéristique du produit, imposée par sa nature, nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou lui conférant une valeur substantielle. En effet, l'application du droit des marques ne doit pas permettre de contourner les règles propres aux brevets, aux œuvres de l'esprit ou aux dessins et modèles, notamment celles tenant à la durée légale de protection.
Les 6° à 8° reprennent des exclusions connues du droit français : est ainsi illicite une marque interdite en application de l'article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, une marque contraire à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit ainsi qu'une marque de nature à tromper le public.
Enfin, conformément à la Directive, les 9° à 11° prévoient que ne peut être adopté à titre de marque un signe exclu en application de la législation relative aux appellations d'origine, aux indications géographiques, aux mentions traditionnelles pour les vins, aux spécialités traditionnelles garanties et aux variétés végétales antérieures, ainsi qu'un signe dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi.
Le I de l'article L. 711-3 énumère de manière non exhaustive les droits antérieurs auxquels la marque ne doit pas porter atteinte pour être disponible.
Sur le modèle de la Directive et du Règlement, la notion d'atteinte à une marque antérieure est précisée. Il y est notamment ajouté que ne peut être valablement enregistré un signe portant atteinte à une marque antérieure jouissant d'une renommée si l'usage du signe sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.
Afin d'adapter le système français du droit des marques à l'évolution des pratiques commerciales, permise notamment par le développement de l'Internet, le Gouvernement a souhaité ajouter expressément le nom de domaine à l'énumération légale des droits antérieurs. L'article consacre ainsi une jurisprudence établie qui reconnaît le nom de domaine comme une antériorité opposable à une marque postérieure. De plus, le nom de domaine étant assimilable à un nom commercial utilisé en ligne, son opposabilité est subordonnée, d'une part, au rayonnement géographique du signe dont la portée ne doit pas être seulement locale et, d'autre part, à l'existence d'un risque confusion dans l'esprit du public.
La protection contre les dénominations publiques est également renforcée. Ainsi, l'antériorité tirée de l'atteinte au nom, à l'image ou à la renommée des collectivités territoriales est étendue aux établissements publics de coopération intercommunale, déjà bénéficiaire du droit d'alerte introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Plus largement, le nom d'une entité publique pourra dorénavant constituer une antériorité opposable à une marque s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Il s'agit d'aligner la protection des noms publics sur celle des dénominations commerciales, les entités publiques pouvant elles aussi être victimes de détournements de leurs signes distinctifs.
Conformément à la Directive qui s'est inspirée de l'article 6 septies de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, le III de l'article L. 711-3 introduit un droit antérieur spécifique pour contester la validité des marques dont l'enregistrement a été indûment demandé par l'agent ou le représentant du titulaire légitime. Bien que le droit français permette déjà d'en obtenir la nullité ou le transfert sur le fondement de la fraude, la Directive est allée plus loin en sanctionnant les détournements et usurpations de marques au détriment de leurs titulaires légitimes.
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