Monsieur le Président de la République,
Le marché de l'assurance transport (maritime, fluvial et lacustre, aérien et aéronautique, spatial, marchandises transportées) est mondial et marqué par la liberté de choix du droit applicable. Dominé historiquement par le droit anglo-saxon, ce marché est néanmoins de première importance pour les assureurs français, qui se placent en troisième position et qui ont développé leurs propres conditions d'assurance mondialement reconnues et utilisées. Ce succès accompagne ainsi les grands centres de décision français dans leur activité.
La réglementation des activités d'assurance-transport, traditionnellement exclues du champ d'application du code des assurances, date de la loi n° 67-522 du 3 juillet 1967 sur les assurances maritimes, qui a été codifiée au titre VII du livre Ier du code des assurances. La loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 y a intégré l'assurance fluviale et lacustre. Cette réglementation joue un rôle clé pour créer et préserver les conditions de cette compétitivité. La loi de 1967 a ainsi instauré un équilibre entre une nécessaire prédominance de la liberté contractuelle, pour s'adapter à un marché mondial évolutif, et la protection des intérêts de l'assuré, qui accroît l'attractivité des conditions françaises d'assurance à l'international.
L'absence de réglementation spécifiquement dédiée pour les risques aériens, aéronautiques et spatiaux suscite cependant une insécurité juridique. Elle entraîne notamment une absence de prévisibilité des règles, et nuit à la compétitivité du secteur français en la matière. L'article 77 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant de « réorganiser et compléter le titre VII du livre Ier du code des assurances en ce qui concerne les risques de transport non terrestres, notamment les risques aériens, aéronautiques et spatiaux, ainsi que pour unifier le régime de l'assurance des marchandises transportées, y compris par voie terrestre, compte tenu de l'évolution du transport multimodal en vue d'accroître la sécurité juridique et l'efficacité du régime de l'assurance transport ».
Elaborées après une longue phase de concertation avec toutes les parties prenantes, ces mesures ont notamment pour objet :
a) D'accroître la compétitivité des conditions françaises d'assurance à l'international : la création de deux chapitres réservés aux risques aériens et aéronautiques, d'une part, et aux risques de responsabilité civile relative à une opération spatiale, d'autre part, explicite le cadre juridique de droit français applicable et supprime une insécurité juridique ;
b) D'accompagner l'évolution vers la multimodalité en marchandises transportées : la mise en place d'un régime unique d'assurance pour les marchandises transportées, quel qu'en soit le mode, y compris terrestre, simplifie les conditions d'assurance des marchandises ;
c) De garantir la protection des intérêts de l'assuré : même si l'assuré en matière de transport est souvent un grand client professionnel, l'attractivité du régime légal français d'assurance repose également sur une nécessaire protection de ses intérêts.
Les principaux apports de l'ordonnance sont les suivants.
Les articles L. 171-1 et L. 171-5 du code des assurances, modifiés par l'article 4, précisent le champ des contrats d'assurance soumis au titre VII. L'article L. 171-1 ajoute aux risques maritimes les risques aériens et aéronautiques, les risques relatifs à la responsabilité civile au titre d'une opération spatiale et les risques relatifs au transport de marchandises par tous modes. L'article L. 171-5 exclut de l'application du titre VII les contrats d'assurance maritime ou fluviale relatifs à la navigation de plaisance. Il ajoute à cette exclusion celle des contrats d'assurance aérienne ou aéronautique qui sont souscrits par des organismes ne poursuivant pas une activité commerciale ou à but lucratif. Il prévoit aussi la possibilité pour les organismes poursuivant une activité commerciale ou à but lucratif au moyen exclusif d'aéronefs légers que leurs contrats d'assurance soient soumis aux titres Ier, II et III du livre Ier du code des assurances.
L'article 5 clarifie, dans un souci de lisibilité, la liste des exclusions usuelles de couverture des contrats d'assurance maritime et fluviale ou sur marchandises transportées. L'article L. 172-16 ne conserve que les exclusions concernant les assurances de choses ; l'article L. 172-16-1 nouveau reprend, quant à lui, l'exclusion concernant les assurances de responsabilité.
L'article 6 (X) complète l'article L. 173-23, en instaurant pour le maritime un droit d'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur de responsabilité civile. Cette disposition participe de la protection des intérêts des tiers.
L'article 8 de l'ordonnance crée deux chapitres supplémentaires dans le titre VII.
a) Le nouveau chapitre V est relatif aux assurances de corps et de responsabilité aérienne et aéronautique. Il est composé de trois sections et de vingt-neuf articles.
La section I (articles L. 175-1 à L. 175-13) est relative aux dispositions générales. Les articles L. 175-5 à L. 175-9 traitent de la détermination de la valeur assurée ; ils prévoient la possibilité que cette valeur soit agréée entre l'assuré et l'assureur, ce qui est une pratique courante. L'article L. 175-10 précise que les contrats d'assurance en matière aérienne et aéronautique peuvent bien déroger aux dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances concernant le déclenchement de la garantie d'assurance.
La section II (articles L. 175-14 à L. 175-18) est relative aux obligations de l'assuré. Elle traite notamment de ses obligations de déclaration à la conclusion du contrat ainsi qu'en cours de contrat en cas d'aggravation du risque.
La section III (articles L. 175-19 à L. 175-29) est relative aux obligations de l'assureur.
b) Le chapitre VI est relatif aux assurances de responsabilité relative à une opération spatiale. Il est procédé par renvoi aux dispositions du chapitre V qui s'appliquent en assurance de responsabilité. Certaines spécificités du domaine spatial sont néanmoins introduites aux articles L. 176-2 à L. 176-5.
L'article 9 de l'ordonnance étend les dispositions à l'outre-mer. L'ordonnance s'appliquera de plein droit, en l'absence de mention expresse, dans les régions et départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont régis par le principe de l'identité législative.
Une mention expresse d'application est en revanche prévue pour les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, qui sont régies par le principe de spécialité législative.
Ces nouvelles dispositions s'appliqueront aux contrats conclus ou renouvelés, tacitement ou non, à compter du 1er juillet 2012 (article 11).
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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