JORF n°0077 du 1 avril 2009

Rapport du

L'article L. 5422-20 du code du travail dispose que les mesures d'application relatives à l'assurance chômage « font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ».
Ces accords sont agréés par le ministre chargé de l'emploi, ce qui a pour effet de les rendre obligatoires pour les employeurs et les salariés relevant de l'assurance chômage.L'article L. 5422-22 du même code indique également que « pour pouvoir être agréés, les accords [...] ne doivent comporter aucune stipulation incompatible avec les dispositions légales en vigueur ».
Le seul pouvoir d'appréciation du ministre, comme le précise le Conseil d'Etat (décision du 11 juillet 2001), réside dans la possibilité de s'opposer à l'agrément sollicité, pour des motifs d'intérêt général tirés notamment de la nécessité de garantir l'équilibre financier du régime ou de la protection des droits des travailleurs privés d'emploi.
Le ministre chargé de l'emploi a été saisi le 12 mars 2009 d'une demande d'agrément de la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage et des textes qui lui sont attachés (règlement général, annexes, accords d'application, accord du 19 février relatif au financement par l'assurance chômage de points de retraite complémentaire et, enfin, accord du 19 février 2009 relatif au régime d'assurance chômage applicable aux apprentis du secteur public).
Ces textes ont été signés par le MEDEF, la CGPME et l'UPA, d'une part, par la CFDT, d'autre part. Ils ont fait l'objet d'un avis favorable lors de la séance du Conseil national de l'emploi du 13 mars 2009. Pour autant, deux organisations syndicales, la CGT-FO et la CGT, ont souhaité exprimer à cette occasion leur opposition au projet de réglementation d'assurance chômage, réitérant ainsi l'opposition formée à l'encontre de l'accord national interprofessionnel du 23 décembre 2008 relatif à l'indemnisation du chômage au cours du délai d'opposition prévu aux articles L. 2231-8, L. 2231-9 et L. 2232-2 du code du travail.
En application de l'article R. 5422-17, une seconde consultation du Conseil national de l'emploi, à partir du présent rapport, se tiendra donc le 25 mars 2009.

I.-Principales évolutions apportées à la réglementation
d'assurance chômage par la convention du 19 février 2009

La convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage supprime les quatre filières de la convention du 18 janvier 2006 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage au profit d'une filière unique dont les caractéristiques sont les suivantes :
― durée d'indemnisation égale à la durée d'activité ;
― période de référence, au cours de laquelle est recherchée la condition d'activité, fixée à 28 mois ;
― durée minimale d'activité permettant une ouverture de droits fixée à 4 mois ;
― durée maximale d'indemnisation fixée à 24 mois.
La convention prévoit toutefois des aménagements dans le cas des personnes âgées de 50 ans ou plus, pour lesquelles la période de référence est fixée à 36 mois et la durée maximale d'indemnisation à 36 mois.
S'agissant des travailleurs saisonniers, la clause introduite par la convention du 18 janvier 2006 visant à limiter à trois le nombre de périodes successives de versement des allocations au titre du chômage a été supprimée.
Par ailleurs, la nouvelle réglementation ne fait plus référence aux aides au reclassement, désormais directement mises en œuvre par Pôle emploi, conformément à la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. La nouvelle réglementation reprend toutefois l'aide à la reprise et à la création d'entreprise (ARCE), l'aide différentielle de reclassement (ADR) et, enfin, l'incitation à la reprise d'emploi par le cumul d'une allocation d'aide au retour à l'emploi avec une rémunération.
Enfin, une réduction des taux des contributions des employeurs et des salariés au régime d'assurance chômage est prévue, sous réserve que le résultat d'exploitation du semestre précédent dégage un excédent de 500 millions d'euros. Il est précisé que la baisse ne peut diminuer de plus de 0, 5 point le taux global des contributions par année civile.

II. ― Impact socio-économique de la convention
d'assurance chômage

La nouvelle convention accroît globalement la couverture des demandeurs d'emploi dans un contexte de crise économique.
Face à la crise, le rôle de l'assurance chômage est crucial. Dans la mesure où elle permet aux personnes qui perdent leur emploi d'obtenir un revenu de remplacement, elle joue un rôle de stabilisateur automatique qui limite la dégradation économique et sociale.
A cet égard, la nouvelle convention proposée à l'agrément constitue un réel progrès.L'instauration d'une filière unique, et l'égalisation entre la durée d'indemnisation et la durée d'affiliation, rend le système beaucoup plus lisible et plus équitable.
En outre, la nouvelle convention permet d'étendre la couverture de l'assurance chômage : l'abaissement du seuil minimal d'affiliation requis ainsi que l'extension de la période de référence permettront, toutes choses égales par ailleurs, de rendre éligibles à l'assurance chômage un nombre accru de demandeurs d'emploi (environ 200 000 nouveaux entrants) ; la règle selon laquelle la durée d'indemnisation est égale à la durée d'activité antérieure va permettre, pour une très large partie des demandeurs d'emploi qui auraient été éligibles sous l'ancienne réglementation, et notamment parmi ceux ayant eu une période d'activité comprise entre 7 et 15 mois, d'augmenter la durée des droits ; enfin, l'allongement de la période de référence permettra d'accroître les possibilités de faire valoir des périodes travaillées susceptibles d'ouvrir des droits, ce qui, dans le contexte économique actuel, renforcera le rôle d'amortisseur du système. Les simulations réalisées par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi aboutissent ainsi à une augmentation globale du taux de couverture (la proportion de chômeurs indemnisés parmi l'ensemble des demandeurs d'emploi indemnisables) de l'ordre de 2 points.
L'accord réduit certes la durée de droit à indemnisation de certains profils de demandeurs d'emploi, du fait même de la mise en place d'une filière unique : il en est ainsi des demandeurs d'emploi âgés de moins de 50 ans présentant une durée d'affiliation comprise entre 16 et 23 mois ; ou encore des demandeurs d'emploi âgés de plus de 50 ans présentant une durée d'affiliation comprise entre 27 et 36 mois. Cependant, il convient de souligner que ces changements ne concerneront pas les demandeurs d'emploi actuellement indemnisés dans les filières III et IV, mais les flux d'entrants à partir de la date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention dans les catégories qui bénéficient actuellement des durées et des niveaux d'indemnisation les plus élevés et qui n'épuisent pas toujours la totalité de leurs droits.A l'inverse, une forte proportion des demandeurs d'emploi indemnisés actuellement dans les filières courtes (filières I et II) épuisent effectivement leurs droits à indemnisation. Ceux-ci vont bénéficier pleinement de l'amélioration des conditions d'indemnisation décidées dans le cadre de la convention. La nouvelle convention, qui augmente sensiblement la durée de droits des personnes qui relèvent aujourd'hui des filières courtes, permettra ainsi une durée moyenne d'indemnisation plus longue. Près d'un million de demandeurs d'emploi verront ainsi leurs droits augmenter dans la nouvelle réglementation, avec une augmentation de la durée moyenne d'indemnisation de près de deux mois.
La nouvelle convention permettra une meilleure prise en compte des travailleurs précaires.
Les personnes présentant de courtes références de travail apparaissent en effet parmi les principaux gagnants de l'accord. Ils entreront plus fréquemment en indemnisation et en bénéficieront plus longtemps. Outre l'abaissement de la durée minimale d'affiliation, ainsi que le nouveau mode de calcul des droits, l'allongement de la période de référence est également favorable sur ces publics, comme le montrent les expériences passées en la matière (1). Les simulations réalisées par le ministère montrent que les demandeurs d'emploi aux parcours précaires seraient fortement gagnants dans le nouveau système (plus de 2 mois d'indemnisation en moyenne).
S'agissant des jeunes demandeurs d'emploi, il faut souligner qu'une partie d'entre eux possèdent des références de travail. Dans la convention de 2006, un étudiant ayant travaillé pendant deux mois au cours de deux étés successifs ne pouvait pas accéder à l'assurance chômage. Abaisser le seuil d'affiliation minimale à 4 mois au cours des 28 derniers mois change cette situation. Bien plus, un étudiant ayant travaillé pendant deux mois au cours de trois étés successifs pourra bénéficier de 6 mois de droit à indemnisation. Les simulations tablent sur environ 50 000 jeunes supplémentaires éligibles à l'assurance chômage.

(1) Le 1er janvier 2001, un aménagement était intervenu dans les règles d'accès à l'indemnisation de la filière courte : le critère d'accès à la filière 1 était ainsi passé de 4 mois d'affiliation minimale dans les 8 derniers à 4 mois dans les 18 derniers, soit un allongement de période de référence de 10 mois, spécifique à la filière I. Par rapport à l'année 2000, le flux annuel d'entrants en filière I a augmenté de 28 % (+ 60 685 DE) lors même que le flux total n'augmentait que de 14, 5 %. Cet effet n'est sans doute pas indépendant de la conjoncture de l'époque mais cette conjoncture présente la même orientation que l'actuelle.

III.-Motifs d'opposition d'ordre juridique invoqués

Il a été souligné l'incompatibilité de la nouvelle convention avec l'article L. 5422-12 du code du travail, en raison de la baisse des taux des contributions prévue à l'article 3 de la convention, dans l'hypothèse d'un excédent du résultat d'exploitation de 500 millions d'euros au semestre précédent. La portée d'une telle disposition est à apprécier au regard de la situation économique actuelle et des dernières prévisions de l'assurance chômage. Dans les deux ans qui viennent, elle ne jouerait que de façon marginale sur les comptes de l'assurance chômage et ne serait pas de nature à remettre en cause l'équilibre du régime. Par ailleurs, l'équilibre financier du régime d'assurance chômage doit être apprécié sur une période suffisamment longue pour embrasser l'ensemble des fluctuations à la hausse comme à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi.
L'incompatibilité de la convention avec l'article L. 5422-2 du code du travail a également été soulevée. Celui-ci dispose que « l'allocation d'assurance est accordée pour des durées limitées qui tienne compte de l'âge des intéressés et de leurs conditions d'activité professionnelle antérieure. Ces durées ne peuvent être inférieures aux durées déterminées par décret en Conseil d'Etat ».
L'article 9, paragraphe 1, alinéa 2, du règlement général annexé à la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage ne serait pas conforme à l'article susvisé en tant qu'il introduit comme critère de détermination des durées d'indemnisation la répétition des ouvertures de droits (« l'ouverture d'une nouvelle période d'indemnisation, dans les 12 mois suivant la première ouverture de droits, lorsque celle-ci a été effectuée sur la base de 122 jours d'affiliation ou 610 heures de travail, est subordonnée à une nouvelle durée d'affiliation de 182 jours ou 910 heures »).
Or, la clause susvisée fixe des conditions d'ouverture de droits et non une durée d'indemnisation. Elle n'est donc pas incompatible avec l'article L. 5422-2 du code du travail.
En revanche, elle n'est pas compatible avec l'article L. 5422-1 du code du travail, qui dispose que « ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ». La répétition des ouvertures de droits ne saurait être assimilée aux « conditions d'activité antérieure » et la clause susvisée retient donc un critère que la loi n'a pas prévu.
En outre, cette clause constitue une rupture de l'égalité devant le service public. La différence de traitement entre les demandeurs d'emploi bénéficiant d'une première ouverture de droits effectuée sur la base de 122 jours et les demandeurs d'emploi bénéficiant d'une première ouverture de droits effectuée sur la base de 123 jours ou plus est sans rapport avec la différence de situation.
Cette clause ne peut donc être agréée. Pour autant, elle ne constitue pas un tout indivisible avec les autres clauses de la nouvelle convention. Par conséquent, son incompatibilité avec le code du travail ne saurait mettre en cause l'agrément de l'ensemble de la convention, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (décision du 11 juillet 2001).
Il a été estimé que l'article 2 de la convention ainsi que l'article 11 de son règlement général annexé ne sont pas conformes à l'article R. 5422-1 du code du travail. Cet article précise les durées minimales d'indemnisation, conformément à l'article L. 5422-2 susvisé, en reprenant les quatre filières prévues dans la convention du 18 janvier 2006 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. La nouvelle convention n'est donc pas, à ce jour, compatible avec le code du travail. Cependant, un décret en Conseil d'Etat modifiant les dispositions de l'article R. 5422-1 du code du travail entrera en vigueur avant l'agrément de la nouvelle convention.

IV.-Conclusion

Il n'existe aucun élément de nature à mettre en cause la compatibilité de la nouvelle convention dans son ensemble avec les dispositions législatives ou réglementaires qui seront en vigueur à la date de son agrément.
Par ailleurs, les organisations représentatives de salariés avaient la faculté de rendre l'accord nul en le frappant d'opposition majoritaire, conformément à la loi du 4 mai 2004 (articles L. 2231-7, L. 2231-9 et L. 2232-2 du code du travail). Or, seules deux organisations sur cinq ont exprimé leur opposition.
En outre, il semble essentiel, dans le contexte de crise évoqué, que la nouvelle réglementation d'assurance chômage prenne effet dans les meilleurs délais, d'autant que la nouvelle convention accroît les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi.
C'est pourquoi la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage et les textes qui lui sont rattachés seront agréés par le ministre chargé de l'emploi, à l'exception de l'article 9, paragraphe 1, alinéa 2, du règlement général annexé à la convention.