La loi d'orientation pour l'outre-mer, adoptée le 15 novembre 2000 par l'Assemblée nationale, a été élaborée à la suite de plus de deux ans de travail au cours desquels le Gouvernement a mené une concertation très large. Après le rapport de Mme Eliane Mosse, en février 1999, sur les perspectives de développement économique dans les départements d'outre-mer et celui de M. Fragonard de juillet 1999, relatif à l'amélioration de la situation de l'emploi outre-mer, qui ont contribué à l'élaboration des propositions en matière économique et sociale, c'est le rapport de MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et Michel Tamaya, député de la Réunion, remis au Premier ministre en septembre 1999, qui a inspiré au Gouvernement la plupart des dispositions qui concernent le volet institutionnel.
De fait, la loi poursuit un double objectif : d'une part, prendre les mesures requises pour créer de l'activité et de l'emploi, pour lutter contre le chômage et les exclusions et pour améliorer l'égalité sociale ; d'autre part, améliorer les moyens d'action des départements d'outre-mer et donner à ceux qui le souhaitent des perspectives d'évolution au sein de la République.
Ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés qui en contestent les articles 1er, 42, 43 et 62. A l'appui de ces recours, leurs auteurs font valoir plusieurs moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur l'article 1er
A. - Comme le font généralement les lois d'orientation, celle-ci commence par un article liminaire qui en présente les objectifs généraux et énonce un certain nombre de principes.
Il s'agit, en particulier, de la possibilité, pour les assemblées locales des départements, de proposer des évolutions statutaires qui leur seraient propres, et qui pourraient donner lieu à consultation des populations concernées.
Pour contester ces dispositions, les requérants font valoir qu'elles ne constituent pas un aménagement limité des compétences des collectivités concernées, mais aboutissent à opérer une différenciation excessive de celles-ci par rapport aux collectivités métropolitaines. Ce faisant, le législateur conférerait à ces départements et régions d'outre-mer une organisation particulière, en méconnaissance des articles 1er et 73 de la Constitution.
Les députés, auteurs du second recours, soutiennent que l'article 1er méconnaît la compétence du législateur, qui ne saurait être lié par les résultats de la consultation dont cet article énonce la possibilité.
Les saisissants mettent en outre en cause l'absence d'intelligibilité et de clarté de ces dispositions, qui seraient en contradiction avec celles de l'article 62 de la loi, quant à la possibilité de consulter pour avis les habitants des quatre départements d'outre-mer.
B. - Cette argumentation est inopérante.
Elle résulte en effet d'une interprétation inexacte de cet article qui se borne à annoncer, dès le début du texte, des dispositions que l'on retrouvera dans les sept titres de la loi.
Les deux premiers alinéas font ainsi clairement référence aux réponses que les titres Ier à III de la loi entendent apporter, sur un plan économique et social, aux difficultés structurelles des départements d'outre-mer.
Quant aux deux autres alinéas, ils annoncent le volet institutionnel contenu dans les autres titres du texte. Ils ne fixent, par eux-mêmes, aucune règle susceptible de faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. En particulier, le dernier alinéa fait seulement référence aux dispositions de l'article 62, sur lequel les observations du Gouvernement seront présentées plus loin. Il n'exprime ni n'implique, contrairement à ce qui est soutenu, aucune injonction au Gouvernement. Il ne postule pas davantage que les propositions qui émaneraient des assemblées locales pourraient contraindre le législateur dans son pouvoir d'appréciation.
Il convient enfin de souligner qu'il n'existe aucune contradiction entre l'article 1er et l'article 62 : l'article 1er rappelle l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation institutionnelle de leur île continue à s'inscrire dans le droit commun tout en annonçant la possibilité, précisée à l'article 62, pour les départements qui le souhaitent, et notamment les départements français d'Amérique, de formuler en congrès des propositions d'évolution. Et si l'article 1er pose le principe de la consultation des populations concernées par une telle évolution, l'article 62 n'exclut une telle consultation dans aucun département d'outre-mer.
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