VIII. - Sur l'article 90
A. - L'article 90 de la loi de finances pour 2002 insère à l'article 1384 A du code général des impôts un I bis nouveau, portant de quinze à vingt ans la durée de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties que le I du même article institue au profit des constructions édifiées au moyen de prêts aidés par l'Etat, c'est-à-dire au profit du logement social.
Cette exonération, qui concerne les logements neufs à usage locatif dont l'ouverture de chantier intervient à compter du 1er janvier 2002, ne s'applique qu'aux immeubles mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 1384 A qui respectent des critères de qualité environnementale.
Les sénateurs requérants contestent cette mesure, à double titre. A leurs yeux, le législateur serait resté en deçà de sa compétence en renvoyant à un décret pour préciser les critères environnementaux. En outre, l'extension de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties entraînerait une rupture d'égalité devant l'impôt au motif que les propriétaires de constructions privées ne pourraient bénéficier de cet avantage.
B. - 1. En premier lieu, le législateur n'a pas méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution puisque ce nouveau dispositif d'exonération de taxe foncière comporte toutes les précisions exigées d'un texte fiscal.
Les constructions et logements neufs sont clairement identifiés. Il s'agit de ceux mentionnés aux 3o et 5o de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation (logements locatifs financés par des prêts spécifiques de type « PAP » ou « PLA » et de foyers sociaux) bénéficiant déjà d'une exonération de quinze ans en application du I de l'article 1384.
L'exonération est subordonnée au respect de quatre au moins des cinq critères de qualité environnementale que la loi énumère :
- modalités de conception, notamment assistance technique du maître d'ouvrage par un professionnel ayant des compétences en matière d'environnement ;
- modalités de réalisation, notamment gestion des déchets du chantier ;
- performance énergétique et acoustique ;
- utilisation d'énergie et de matériaux renouvelables ;
- maîtrise des fluides.
La combinaison de ces critères et le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour en définir les conditions techniques constituent un encadrement et une habilitation législative conformes aux exigences constitutionnelles. Ce décret précisera, en particulier, que les matériaux utilisés et les méthodes mises en oeuvre devront être conformes aux normes internationales en matière de qualité environnementale.
On rappellera, à cet égard, que l'article 34 de la Constitution n'implique pas que le législateur définisse lui-même, dans le détail, l'assiette d'un impôt. La compétence assignée au législateur peut s'accommoder d'un renvoi au pouvoir réglementaire, sous réserve que ce dernier soit suffisamment encadré (cf. par exemple la décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999).
En matière d'impôt sur le revenu, et notamment pour le bénéfice de crédit ou de réductions d'impôt, pour les habitations principales, il est de règle de ne faire référence dans la loi qu'aux catégories de biens ou de dépenses et de confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des biens dont les caractéristiques doivent être précisées.
Tel est le cas, par exemple, du crédit d'impôt prévu par l'article 200 quater du code général des impôts pour inciter les contribuables à recourir à une entreprise pour l'installation de certains équipements, matériaux et appareils dans leur habitation principale. Institué par l'article 5 de la loi de finances pour 2000, ce dispositif concerne en premier lieu, et sous certaines conditions, les dépenses d'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire. Les gros équipements éligibles au crédit d'impôt font l'objet d'une liste fixée par un arrêté ministériel du 17 février 2000 codifié sous l'article 18 bis de l'annexe IV au CGI. Cette liste est limitative.
- En second lieu, le moyen tiré d'une rupture d'égalité devant l'impôt n'est pas davantage fondé.
Si les dispositions de l'article 90 ont pour effet direct d'étendre l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties à une certaine catégorie de contribuables, l'objet de la mesure est de renouveler le parc des logements sociaux et d'encourager de nouvelles constructions qui répondent à des caractéristiques de qualité environnementale.
La différence de traitement au regard de l'impôt entre les constructions qui bénéficieront de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et celles du secteur privé qui en sont exclues, alors même que ces dernières répondent aux critères environnementaux, se justifie par la nature des immeubles en cause et les conditions de leur occupation.
Comme il a été indiqué précédemment, la mesure d'exonération s'applique aux constructions et logements neufs mentionnés aux 3o et 5o de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation :
- le 3o fait référence à des logements à usage locatif construits, acquis ou améliorés au moyen de formes spécifiques d'aides ou de prêts attribués par l'Etat ;
- le 5o vise expressément les logements-foyers de jeunes travailleurs.
Il s'agit de logements dont les occupants doivent remplir des conditions précises tenant notamment au niveau des ressources, comme dans le mécanisme d'exonération existant, tel qu'il est prévu au I de l'article 1384 A du code général des impôts.
L'exonération ainsi prévue s'inscrit dans une politique de soutien aux constructions de logements sociaux. Sa prolongation est un élément incitatif déterminant lors de l'examen des plans de financement de nouveaux logements sociaux. La construction de ces logements est en effet soumise à des contraintes de prix de revient plus fortes.
Au cas particulier, ce dispositif permettra aux organismes d'HLM de disposer d'un parc immobilier neuf, respectueux de l'environnement, sans en faire supporter le coût aux locataires de ces logements sociaux à travers les loyers ou les charges.
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