Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de 60 sénateurs et plus de 60 députés, de recours dirigés contre la loi portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, adoptée le 5 novembre 2001. Les requérants invoquent, à l'encontre de plusieurs dispositions de ce texte, des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur le moyen tiré de la violation
de l'article 48 de la Constitution
A. - Selon les sénateurs, auteurs du premier recours, la présente loi aurait été adoptée en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution qui réservent une séance par mois, par priorité, à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée. Ils estiment que ces dispositions ont fait en l'espèce l'objet d'un « détournement », dans la mesure où le Gouvernement avait auparavant prévu d'insérer, dans un projet de loi, des mesures ayant le même objet que la proposition qui est à l'origine du texte déféré. Ils relèvent, à cet égard, que le texte a été amendé par le Gouvernement pour y introduire des dispositions que l'article 40 de la Constitution ne permettait pas à l'auteur de la proposition d'insérer dans son texte.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
Il est en effet constant que le seul fait qu'une proposition de loi contienne des dispositions que le Gouvernement avait auparavant prévu d'introduire dans un projet de loi ne saurait constituer une méconnaissance des dispositions de l'article 39 de la Constitution qui reconnaissent aux membres du Parlement le droit d'initiative des lois (no 95-365 DC du 27 juillet 1995). Or, le troisième alinéa ajouté à l'article 48 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 4 août 1995 n'est pas de nature à modifier cette solution.
En effet, en décidant qu'une séance par mois serait désormais réservée, par priorité, à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée, le Constituant a seulement entendu déroger au caractère absolu de la priorité que notre loi fondamentale accordait, jusque-là, à l'ordre du jour fixé par le Gouvernement. Le troisième alinéa de l'article 48 n'a ni pour objet, ni pour effet, de définir la nature ou le contenu des textes qui peuvent être examinés sur la base de l'ordre du jour ainsi fixé. Il ne saurait donc être interprété comme interdisant aux auteurs des propositions inscrites à ce titre de s'inspirer de textes que le Gouvernement aurait pu déposer sous la forme de projets de loi. Il ne saurait davantage interdire à ce dernier d'user du droit d'amendement dont il dispose à l'égard d'une telle proposition comme à l'égard des projets de loi.
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