JORF n°16 du 20 janvier 2000

V. - Sur le respect du principe de participation

et de négociation collective

A. - Le recours des sénateurs fait grief à la loi de méconnaître les dispositions du huitième alinéa au Préambule de la Constitution de 1946 en ne laissant pas aux négociateurs le soin de trouver le niveau de compromis sur lequel ils pourraient s'accorder et en prédéterminant le résultat des négociations, qu'il s'agisse des durées annuelle et hebdomadaire du travail, du nombre maximal de jours de travail des cadres, des règles relatives au temps partiel et à la formation et enfin du montant de la compensation financière pour les salariés payés au SMIC.

B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.

En effet, loin de méconnaître le principe de participation posé par le huitième alinéa du Préambule, qui se concrétise notamment par la négociation collective, la loi soumise au Conseil constitutionnel tend au contraire à en développer l'effectivité au profit d'un plus grand nombre de salariés, à un double titre.

D'une part, la loi élargit de façon significative l'espace de la négociation collective dans le domaine de l'organisation du temps de travail. Elle le fait tout d'abord en ouvrant à la négociation de nouveaux thèmes spécifiques, comme les horaires des cadres, la modulation du temps partiel ou encore le travail intermittent. Mais elle le fait aussi, dans des matières qui pouvaient déjà donner lieu à négociation, en élargissant les possibilités laissées aux partenaires sociaux, qu'il s'agisse d'allonger le délai de prise du repos compensateur (art. 5), de mettre en place en tant que de besoin des calendriers individualisés dans le cadre d'une modulation des horaires (art. 8), ou encore de diversifier les sources d'alimentation et les modalités d'utilisation du compte épargne-temps (art. 16).

D'autre part, la loi consolide et élargit les mécanismes de formation des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, dans des conditions propres à faire accéder à la négociation collective sur la réduction du temps de travail des entreprises et des salariés pour lesquels le droit à la négociation collective n'aurait pu utilement s'exercer en dehors d'éventuels accords de branche d'application directe.

Les dispositions correspondantes de l'article 19, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, respectent strictement les principes posés par la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996 en ce qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'intervention des organisations syndicales représentatives, conformément à leur vocation naturelle en matière de défense des droits et intérêts des travailleurs.

S'il est vrai que la conclusion d'accord concernant la réduction ou l'aménagement du temps de travail est subordonnée par la loi au respect d'un régime de clauses obligatoires variant selon la nature des dispositifs, cet encadrement législatif de l'activité négociatrice se situe dans la continuité des interventions du législateur en la matière, notamment depuis le début des années 1980. Il exprime en outre une nécessité d'ordre juridique, s'agissant de dispositifs négociés qui, le plus souvent, dérogent à des règles de droit commun posées par le code du travail, tel que le module hebdomadaire, le décompte horaire, ou encore l'unicité et la durée de la coupure en cours de journée. Il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, d'exiger ainsi de l'accord qu'il aborde des points nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositifs, notamment parce que de nature à assurer l'existence de garanties ou de contreparties et l'effectivité de leur suivi. Ce régime légal n'en laisse pas moins aux partenaires sociaux de vastes marges de négociation sur le fond, notamment pour fixer le niveau et la forme exacte des contreparties, pour choisir les modalités d'organisation les plus adaptées à la situation de l'entreprise ou pour régler les questions relatives à l'impact sur la rémunération des salariés.

En définitive, l'ensemble des dispositifs mis en place ou rénovés par la loi est de nature à accentuer le développement de la négociation collective en matière d'organisation du temps de travail, dans le prolongement de la loi du 13 juin 1998 qui a d'ores et déjà débouché sur près de 19 000 accords en l'espace d'un an et demi. Cela représente plus qu'un doublement du rythme annuel d'accords portant sur le temps de travail, même en incluant la situation antérieure dans les très nombreux accords qui n'abordaient que de façon marginale la réduction et l'organisation proprement dite du temps de travail pour se concentrer sur des enjeux comme la gestion des congés ou des « ponts ».

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Aucun des nombreux griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'étant de nature à en justifier la censure, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.


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Version 1

V. - Sur le respect du principe de participation

et de négociation collective

A. - Le recours des sénateurs fait grief à la loi de méconnaître les dispositions du huitième alinéa au Préambule de la Constitution de 1946 en ne laissant pas aux négociateurs le soin de trouver le niveau de compromis sur lequel ils pourraient s'accorder et en prédéterminant le résultat des négociations, qu'il s'agisse des durées annuelle et hebdomadaire du travail, du nombre maximal de jours de travail des cadres, des règles relatives au temps partiel et à la formation et enfin du montant de la compensation financière pour les salariés payés au SMIC.

B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.

En effet, loin de méconnaître le principe de participation posé par le huitième alinéa du Préambule, qui se concrétise notamment par la négociation collective, la loi soumise au Conseil constitutionnel tend au contraire à en développer l'effectivité au profit d'un plus grand nombre de salariés, à un double titre.

D'une part, la loi élargit de façon significative l'espace de la négociation collective dans le domaine de l'organisation du temps de travail. Elle le fait tout d'abord en ouvrant à la négociation de nouveaux thèmes spécifiques, comme les horaires des cadres, la modulation du temps partiel ou encore le travail intermittent. Mais elle le fait aussi, dans des matières qui pouvaient déjà donner lieu à négociation, en élargissant les possibilités laissées aux partenaires sociaux, qu'il s'agisse d'allonger le délai de prise du repos compensateur (art. 5), de mettre en place en tant que de besoin des calendriers individualisés dans le cadre d'une modulation des horaires (art. 8), ou encore de diversifier les sources d'alimentation et les modalités d'utilisation du compte épargne-temps (art. 16).

D'autre part, la loi consolide et élargit les mécanismes de formation des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, dans des conditions propres à faire accéder à la négociation collective sur la réduction du temps de travail des entreprises et des salariés pour lesquels le droit à la négociation collective n'aurait pu utilement s'exercer en dehors d'éventuels accords de branche d'application directe.

Les dispositions correspondantes de l'article 19, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, respectent strictement les principes posés par la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996 en ce qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'intervention des organisations syndicales représentatives, conformément à leur vocation naturelle en matière de défense des droits et intérêts des travailleurs.

S'il est vrai que la conclusion d'accord concernant la réduction ou l'aménagement du temps de travail est subordonnée par la loi au respect d'un régime de clauses obligatoires variant selon la nature des dispositifs, cet encadrement législatif de l'activité négociatrice se situe dans la continuité des interventions du législateur en la matière, notamment depuis le début des années 1980. Il exprime en outre une nécessité d'ordre juridique, s'agissant de dispositifs négociés qui, le plus souvent, dérogent à des règles de droit commun posées par le code du travail, tel que le module hebdomadaire, le décompte horaire, ou encore l'unicité et la durée de la coupure en cours de journée. Il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, d'exiger ainsi de l'accord qu'il aborde des points nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositifs, notamment parce que de nature à assurer l'existence de garanties ou de contreparties et l'effectivité de leur suivi. Ce régime légal n'en laisse pas moins aux partenaires sociaux de vastes marges de négociation sur le fond, notamment pour fixer le niveau et la forme exacte des contreparties, pour choisir les modalités d'organisation les plus adaptées à la situation de l'entreprise ou pour régler les questions relatives à l'impact sur la rémunération des salariés.

En définitive, l'ensemble des dispositifs mis en place ou rénovés par la loi est de nature à accentuer le développement de la négociation collective en matière d'organisation du temps de travail, dans le prolongement de la loi du 13 juin 1998 qui a d'ores et déjà débouché sur près de 19 000 accords en l'espace d'un an et demi. Cela représente plus qu'un doublement du rythme annuel d'accords portant sur le temps de travail, même en incluant la situation antérieure dans les très nombreux accords qui n'abordaient que de façon marginale la réduction et l'organisation proprement dite du temps de travail pour se concentrer sur des enjeux comme la gestion des congés ou des « ponts ».

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Aucun des nombreux griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'étant de nature à en justifier la censure, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.