JORF n°108 du 10 mai 2000

II. - Sur la conformité à la Constitution de la question posée

A. - Comme il a été précisé plus haut, c'est sur les orientations définies dans l'accord sur l'avenir de Mayotte que l'avis des électeurs de cette collectivité sera recueilli. L'article 3 de la loi adoptée précise que les électeurs auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question de savoir s'ils approuvent cet accord.

Pour contester la question ainsi définie, les députés requérants font valoir le caractère selon eux équivoque, tant de la nature que de la valeur juridique de cet accord : dans le cas où une valeur législative lui serait reconnue, les règles relatives à la procédure parlementaire auraient été méconnues en l'absence d'adoption régulière de ce texte ; dans le cas contraire, la loi serait entachée d'« incompétence négative » faute, pour le législateur, d'avoir précisé la portée de la notion de « collectivité départementale ».

Les auteurs du recours mettent également en cause le libellé de la question au regard des principes de loyauté et de clarté dégagés par la jurisprudence. Ils estiment qu'en raison notamment de la complexité des termes employés dans l'accord, les électeurs ne seront pas en mesure d'apprécier les conséquences d'un vote positif ou négatif. Ils ajoutent que tant le processus d'élaboration et de signature de l'accord que le qualificatif « départemental » qu'il emploie présentent un caractère de déloyauté.

B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.

On rappellera d'abord que si la décision no 87-226 DC du 2 juin 1987 a admis, dans son principe, la possibilité de consulter la population intéressée sur un statut, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en l'espèce la question posée ne satisfaisait pas à la double exigence de clarté et de loyauté de la consultation : cette question était en effet confondue, dans une interrogation unique, avec une autre qui, elle, était posée aux électeurs de la Nouvelle-Calédonie en application du dernier alinéa de l'article 53.

Rien de tel ne peut être reproché à la loi déférée, qui ne procède nullement de cet article et se borne à poser aux électeurs une question claire sur l'évolution institutionnelle de Mayotte.

  1. Contrairement, en effet, à ce qui est soutenu par les auteurs de la saisine, l'accord du 27 janvier ne comporte aucune ambiguïté : il énonce des orientations simples, compréhensibles par l'électeur, dont le choix sera éclairé par le débat auquel prendront part les formations politiques locales. D'ores et déjà, les formations politiques, qu'elles soient ou non favorables à l'accord, ont commencé une campagne d'explication dans les communes de l'île. En outre, la campagne officielle prévue par la loi permettra de compléter l'information des électeurs.

Il est dès à présent bien établi que les orientations sur lesquelles repose l'accord du 27 janvier 2000 dessinent pour Mayotte une organisation institutionnelle rénovée, qui se rapprochera du statut départemental (points I et II-1 et 4 de l'accord). Il est tout aussi clair que cette évolution ne conduira ni au maintien du statut actuel, issu de la loi du 24 décembre 1976, ni à la création d'un département, ne serait-ce qu'en raison d'un dispositif aménageant le passage progressif de la spécialité législative à l'identité législative (point II-4 de l'accord).

  1. Le moyen tiré du manque de loyauté de la consultation ne peut davantage être retenu. Le choix offert aux électeurs de Mayotte ne saurait être qualifié de « déloyal » au motif que le législateur - qui ne peut lui-même se lier - a décidé de ne pas maintenir les options prévues par les lois de 1976 et 1979, dont on sait que le caractère irréaliste a empêché d'organiser la consultation qu'elles prévoyaient. Les obstacles de nature économique, sociale et culturelle qui s'opposent à une départementalisation immédiate de Mayotte ne permettent pas, aujourd'hui, d'offrir cette option à la population de l'île. Il eût été déloyal de demander aux électeurs mahorais de se prononcer sur un statut départemental qui aurait été vidé de son sens par les nombreuses exceptions et dérogations dont ce statut eût dû être assorti.

  2. Il est d'autant plus exclu que les électeurs soient induits en erreur quant à la portée de leur vote que le législateur s'est précisément gardé de prévoir leur consultation sur un projet de texte : le fait que les termes de l'accord expriment de simples orientations et renvoie à plusieurs reprises à une loi future montre bien qu'il n'est pas demandé à la population de Mayotte d'adopter un texte que le législateur n'aurait plus qu'à entériner, mais seulement de donner un avis sur des orientations dont il n'appartiendra ensuite qu'au Parlement de décider comment il entendra les traduire dans un nouveau statut.

Soucieux qu'aucune ambiguïté ne puisse exister à cet égard, le Gouvernement envisage d'ailleurs d'insérer, dans le décret dont l'intervention est prévue par l'article 10, un dispositif assurant une information effective des électeurs sur le caractère purement consultatif du vote qu'il leur sera demandé d'exprimer.

Enfin, il convient de souligner que, dès lors que la question ainsi posée ne concerne en rien la procédure législative et que la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet d'adopter l'accord sur l'avenir de Mayotte, le moyen que les requérants tirent d'une « incompétence négative » du législateur est inopérant.


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Version 1

II. - Sur la conformité à la Constitution de la question posée

A. - Comme il a été précisé plus haut, c'est sur les orientations définies dans l'accord sur l'avenir de Mayotte que l'avis des électeurs de cette collectivité sera recueilli. L'article 3 de la loi adoptée précise que les électeurs auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question de savoir s'ils approuvent cet accord.

Pour contester la question ainsi définie, les députés requérants font valoir le caractère selon eux équivoque, tant de la nature que de la valeur juridique de cet accord : dans le cas où une valeur législative lui serait reconnue, les règles relatives à la procédure parlementaire auraient été méconnues en l'absence d'adoption régulière de ce texte ; dans le cas contraire, la loi serait entachée d'« incompétence négative » faute, pour le législateur, d'avoir précisé la portée de la notion de « collectivité départementale ».

Les auteurs du recours mettent également en cause le libellé de la question au regard des principes de loyauté et de clarté dégagés par la jurisprudence. Ils estiment qu'en raison notamment de la complexité des termes employés dans l'accord, les électeurs ne seront pas en mesure d'apprécier les conséquences d'un vote positif ou négatif. Ils ajoutent que tant le processus d'élaboration et de signature de l'accord que le qualificatif « départemental » qu'il emploie présentent un caractère de déloyauté.

B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.

On rappellera d'abord que si la décision no 87-226 DC du 2 juin 1987 a admis, dans son principe, la possibilité de consulter la population intéressée sur un statut, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en l'espèce la question posée ne satisfaisait pas à la double exigence de clarté et de loyauté de la consultation : cette question était en effet confondue, dans une interrogation unique, avec une autre qui, elle, était posée aux électeurs de la Nouvelle-Calédonie en application du dernier alinéa de l'article 53.

Rien de tel ne peut être reproché à la loi déférée, qui ne procède nullement de cet article et se borne à poser aux électeurs une question claire sur l'évolution institutionnelle de Mayotte.

1. Contrairement, en effet, à ce qui est soutenu par les auteurs de la saisine, l'accord du 27 janvier ne comporte aucune ambiguïté : il énonce des orientations simples, compréhensibles par l'électeur, dont le choix sera éclairé par le débat auquel prendront part les formations politiques locales. D'ores et déjà, les formations politiques, qu'elles soient ou non favorables à l'accord, ont commencé une campagne d'explication dans les communes de l'île. En outre, la campagne officielle prévue par la loi permettra de compléter l'information des électeurs.

Il est dès à présent bien établi que les orientations sur lesquelles repose l'accord du 27 janvier 2000 dessinent pour Mayotte une organisation institutionnelle rénovée, qui se rapprochera du statut départemental (points I et II-1 et 4 de l'accord). Il est tout aussi clair que cette évolution ne conduira ni au maintien du statut actuel, issu de la loi du 24 décembre 1976, ni à la création d'un département, ne serait-ce qu'en raison d'un dispositif aménageant le passage progressif de la spécialité législative à l'identité législative (point II-4 de l'accord).

2. Le moyen tiré du manque de loyauté de la consultation ne peut davantage être retenu. Le choix offert aux électeurs de Mayotte ne saurait être qualifié de « déloyal » au motif que le législateur - qui ne peut lui-même se lier - a décidé de ne pas maintenir les options prévues par les lois de 1976 et 1979, dont on sait que le caractère irréaliste a empêché d'organiser la consultation qu'elles prévoyaient. Les obstacles de nature économique, sociale et culturelle qui s'opposent à une départementalisation immédiate de Mayotte ne permettent pas, aujourd'hui, d'offrir cette option à la population de l'île. Il eût été déloyal de demander aux électeurs mahorais de se prononcer sur un statut départemental qui aurait été vidé de son sens par les nombreuses exceptions et dérogations dont ce statut eût dû être assorti.

3. Il est d'autant plus exclu que les électeurs soient induits en erreur quant à la portée de leur vote que le législateur s'est précisément gardé de prévoir leur consultation sur un projet de texte : le fait que les termes de l'accord expriment de simples orientations et renvoie à plusieurs reprises à une loi future montre bien qu'il n'est pas demandé à la population de Mayotte d'adopter un texte que le législateur n'aurait plus qu'à entériner, mais seulement de donner un avis sur des orientations dont il n'appartiendra ensuite qu'au Parlement de décider comment il entendra les traduire dans un nouveau statut.

Soucieux qu'aucune ambiguïté ne puisse exister à cet égard, le Gouvernement envisage d'ailleurs d'insérer, dans le décret dont l'intervention est prévue par l'article 10, un dispositif assurant une information effective des électeurs sur le caractère purement consultatif du vote qu'il leur sera demandé d'exprimer.

Enfin, il convient de souligner que, dès lors que la question ainsi posée ne concerne en rien la procédure législative et que la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet d'adopter l'accord sur l'avenir de Mayotte, le moyen que les requérants tirent d'une « incompétence négative » du législateur est inopérant.