JORF n°303 du 31 décembre 1999

V. - Sur l'article 22

A. - L'article 22 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sursis d'imposition des plus-values d'apport applicable aux opérations d'apports partiels d'actif et de scissions prévu à l'article 210 B du code général des impôts. Ces opérations bénéficient en principe du régime de faveur de plein droit, mais peuvent également bénéficier du régime de faveur sur agrément lorsque les conditions d'application du régime de plein droit ne sont pas satisfaites. L'article 22 de la loi déférée assouplit les conditions d'application du régime de plein droit et encadre la procédure d'agrément ministériel.

Les députés requérants considèrent que les conditions auxquelles la loi subordonne cet agrément ne sont pas définies avec suffisamment de précision. Tel serait le cas, selon eux, des critères à retenir pour vérifier que l'opération est justifiée par un motif économique. A leurs yeux, la loi accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire incompatible avec les obligations que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur. Les députés auteurs du recours voient également un aspect contradictoire dans la condition relative à la nécessité d'assurer l'imposition future des plus-values placées en sursis d'imposition.

B. - Cette argumentation repose sur une interprétation erronée, tant de la jurisprudence constitutionnelle que de la disposition contestée.

Comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, la compétence que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant. S'agissant des agréments fiscaux, la décision no 87-237 DC du 30 décembre 1987 a précisé qu'il était loisible au législateur de subordonner à un agrément ministériel l'application de certaines dispositions fiscales, sous réserve que le ministre ne soit pas investi d'un pouvoir discrétionnaire. Il appartient donc au législateur de définir lui-même les critères au vu desquels le ministre devra se prononcer sur la demande d'agrément.

C'est précisément ce que font les nouvelles dispositions insérées au 3 de l'article 210 B. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ces conditions sont parfaitement claires.

  1. En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère économique de l'opération, la condition posée par la loi est celle de la réalité du motif économique de l'opération et non de sa pertinence. Ainsi le ministre sera-t-il amené à vérifier cette réalité et non à juger au fond de l'intérêt économique de l'opération. Cette condition ne laisse place à aucune subjectivité. Elle est en outre nécessaire, dès lors qu'il s'agit de ne pas accorder le régime de faveur à des opérations purement patrimoniales. Cette condition est, enfin, en parfaite conformité avec la directive communautaire du 23 juillet 1990 relative aux fusions, scissions, apports partiels d'actif et opérations d'échanges de titres.

  2. En second lieu, le texte prévoit un mécanisme de suivi permettant à l'administration de conserver le droit d'imposer les plus-values placées en sursis d'imposition par les sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport. Le recours à l'agrément reste possible pour celles des opérations qui ne peuvent satisfaire aux conditions du régime de plein droit. L'agrément permet alors d'aménager, en fonction des circonstances particulières de l'opération, les obligations incombant aux sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport.

De la sorte, les plus-values en sursis d'imposition restent effectivement taxables, comme dans le régime de plein droit. Cette condition ne donne à l'administration aucun pouvoir discrétionnaire. Elle lui permet seulement d'organiser le sursis d'imposition en fonction des contraintes particulières qui conduisent les sociétés à ne pas se placer sous le régime de plein droit. Il en est notamment ainsi en cas de filialisation d'établissement stable français par une société étrangère. En effet, dans ce cas, il serait impossible à l'administration, dans le régime de plein droit, d'assurer la taxation ultérieure des plus-values de cession des titres détenus par cette société dès lors que celle-ci n'est pas astreinte aux obligations fiscales françaises.

  1. On soulignera enfin que la rédaction adoptée met bien en évidence que l'agrément est de droit dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies. Le ministre devra donc fonder sa décision d'agrément sur les critères objectifs que la loi a définis et qui ne peuvent donner lieu à aucune appréciation subjective ou discrétionnaire.

Ainsi, le paragraphe 3 nouveau de l'article 210 B du CGI conférera au ministre le seul pouvoir de s'assurer, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, que les opérations qui lui sont présentées satisfont aux conditions fixées par la loi. Il en résulte que le législateur n'a pas méconnu sa compétence et que l'article 22 est conforme à la Constitution.


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Version 1

V. - Sur l'article 22

A. - L'article 22 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sursis d'imposition des plus-values d'apport applicable aux opérations d'apports partiels d'actif et de scissions prévu à l'article 210 B du code général des impôts. Ces opérations bénéficient en principe du régime de faveur de plein droit, mais peuvent également bénéficier du régime de faveur sur agrément lorsque les conditions d'application du régime de plein droit ne sont pas satisfaites. L'article 22 de la loi déférée assouplit les conditions d'application du régime de plein droit et encadre la procédure d'agrément ministériel.

Les députés requérants considèrent que les conditions auxquelles la loi subordonne cet agrément ne sont pas définies avec suffisamment de précision. Tel serait le cas, selon eux, des critères à retenir pour vérifier que l'opération est justifiée par un motif économique. A leurs yeux, la loi accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire incompatible avec les obligations que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur. Les députés auteurs du recours voient également un aspect contradictoire dans la condition relative à la nécessité d'assurer l'imposition future des plus-values placées en sursis d'imposition.

B. - Cette argumentation repose sur une interprétation erronée, tant de la jurisprudence constitutionnelle que de la disposition contestée.

Comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, la compétence que l'article 34 de la Constitution assigne au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant. S'agissant des agréments fiscaux, la décision no 87-237 DC du 30 décembre 1987 a précisé qu'il était loisible au législateur de subordonner à un agrément ministériel l'application de certaines dispositions fiscales, sous réserve que le ministre ne soit pas investi d'un pouvoir discrétionnaire. Il appartient donc au législateur de définir lui-même les critères au vu desquels le ministre devra se prononcer sur la demande d'agrément.

C'est précisément ce que font les nouvelles dispositions insérées au 3 de l'article 210 B. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ces conditions sont parfaitement claires.

1. En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère économique de l'opération, la condition posée par la loi est celle de la réalité du motif économique de l'opération et non de sa pertinence. Ainsi le ministre sera-t-il amené à vérifier cette réalité et non à juger au fond de l'intérêt économique de l'opération. Cette condition ne laisse place à aucune subjectivité. Elle est en outre nécessaire, dès lors qu'il s'agit de ne pas accorder le régime de faveur à des opérations purement patrimoniales. Cette condition est, enfin, en parfaite conformité avec la directive communautaire du 23 juillet 1990 relative aux fusions, scissions, apports partiels d'actif et opérations d'échanges de titres.

2. En second lieu, le texte prévoit un mécanisme de suivi permettant à l'administration de conserver le droit d'imposer les plus-values placées en sursis d'imposition par les sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport. Le recours à l'agrément reste possible pour celles des opérations qui ne peuvent satisfaire aux conditions du régime de plein droit. L'agrément permet alors d'aménager, en fonction des circonstances particulières de l'opération, les obligations incombant aux sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport.

De la sorte, les plus-values en sursis d'imposition restent effectivement taxables, comme dans le régime de plein droit. Cette condition ne donne à l'administration aucun pouvoir discrétionnaire. Elle lui permet seulement d'organiser le sursis d'imposition en fonction des contraintes particulières qui conduisent les sociétés à ne pas se placer sous le régime de plein droit. Il en est notamment ainsi en cas de filialisation d'établissement stable français par une société étrangère. En effet, dans ce cas, il serait impossible à l'administration, dans le régime de plein droit, d'assurer la taxation ultérieure des plus-values de cession des titres détenus par cette société dès lors que celle-ci n'est pas astreinte aux obligations fiscales françaises.

3. On soulignera enfin que la rédaction adoptée met bien en évidence que l'agrément est de droit dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies. Le ministre devra donc fonder sa décision d'agrément sur les critères objectifs que la loi a définis et qui ne peuvent donner lieu à aucune appréciation subjective ou discrétionnaire.

Ainsi, le paragraphe 3 nouveau de l'article 210 B du CGI conférera au ministre le seul pouvoir de s'assurer, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, que les opérations qui lui sont présentées satisfont aux conditions fixées par la loi. Il en résulte que le législateur n'a pas méconnu sa compétence et que l'article 22 est conforme à la Constitution.