XII. - Sur l'article 76
L'article 76 fixe, conformément au 5o du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, les limites dans lesquelles les besoins de trésorerie des régimes obligatoires comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres peuvent être couverts par des ressources non permanentes. Il s'agit d'une disposition normative essentielle des lois de financement de la sécurité sociale.
Or, les plafonds d'avances de trésorerie proposés appellent deux observations :
- premièrement, les plafonds consentis à la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines et au Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ne sont pas compatibles avec les encours de ces deux « régimes », présentés à l'annexe c du projet de loi, qui font apparaître que leur trésorerie reste, sur toute l'année 2002, excédentaire ;
- deuxièmement, le plafond d'avances de trésorerie consenti au régime général apparaît largement surestimé : il est fixé à 4 420 millions d'euros (soit 29 milliards de francs) depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Or, en 2000, le point le plus bas du profil de trésorerie a été de - 20,1 milliards de francs. Pour 2001, ce point le plus bas, chiffré à - 17 milliards de francs selon l'annexe c du projet de loi, aurait été finalement de seulement - 12 milliards de francs (cf. rapport Sénat no 60, tome IV, p. 196-201). Pour 2002, le point le plus bas serait de - 3 000 millions d'euros, soit un montant largement inférieur au plafond proposé (cf. annexe c du projet de loi).
Dans ces conditions, l'adoption de plafonds d'avances de trésorerie soit inutiles (CANSSM, FSPOIE), soit largement surestimés (régime général, régime agricole), doit être censurée au regard du principe de sincérité et des dispositions du 5o du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et de l'article LO 111-5 du même code : les plafonds d'avances de trésorerie avaient pour vocation de servir au Parlement « d'indicateurs d'alerte » sur la situation de tel ou tel régime. C'est pour cette raison que le législateur organique de 1996 avait prévu que le Gouvernement ait la possibilité de prendre à tout moment un décret relevant ce plafond, cette disposition réglementaire devant être ratifiée « dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ».
Dans un sens inverse, le plafond d'avances de trésorerie consenti à la CNRACL (500 millions d'euros) s'appuie sur une hypothèse particulièrement optimiste de l'encours de trésorerie de ce régime. En effet, selon les propres calculs de la CNRACL, un plafond de 650 à 700 millions d'euros serait au minimum nécessaire, ce qui pose la question de la « sincérité » du plafond retenu par l'article 76. Du reste, le plafond prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 semble avoir été, dans les faits, dépassé (cf. rapport Sénat, no 60, tome III, p. 30).
Les sénateurs requérants demandent ainsi l'annulation de l'ensemble de l'article 76, qui apparaît contraire à la loi organique du 22 juillet 1996 et au principe de sincérité.
Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, et notamment les articles 12, 13, 16, 17, 18, 30 paragraphe III, 42, 56, 59, 60, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73 et 76.
(Liste des signataires : voir décision 2001-453 DC.)
1 version