Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.
RAPPORT DE LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAIGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES
B. - Les flux financiers avec les candidats à des élections
Seuls les partis politiques qui se conforment à la législation sur la transparence du financement de la vie politique peuvent financer librement et sans limitation de plafond les campagnes électorales. Ces financements peuvent prendre la forme d'aides financières directes à titre définitif ou de prêts, assortis ou non d'intérêts. Les formations politiques peuvent également fournir aux candidats des concours en nature ou des prestations contre paiement par leur mandataire financier.
Le plan des comptes prévu par le règlement ANC n° 2018-03 du 12 octobre 2018 précité prévoit des rubriques spécifiques pour retracer l'intervention financière des partis politiques dans le financement des campagnes électorales.
Si la Commission a pour objectif de vérifier la cohérence des flux financiers entre les partis et les candidats, il n'est pas toujours aisé de repérer de façon fiable et visible, au sein des comptes déposés, les financements des partis politiques vers les candidats qu'ils soutiennent.
En effet, plusieurs facteurs peuvent compliquer la lecture des comptes des partis.
Le premier est la période de financement de la campagne considérée, qui peut porter sur deux exercices comptables. Ainsi, la totalité d'une contribution figurant au compte de campagne d'un candidat apparaîtra sur deux exercices dans les comptes du parti politique ayant financé le candidat.
En ce qui concerne les prêts octroyés au bénéfice d'un candidat, la rubrique « Prêts aux candidats » à l'actif du bilan englobe l'ensemble des prêts consentis à l'ensemble des candidats au 31 décembre de l'année n. Toutefois, certains prêts aux candidats dont l'échéance est à moins d'un an figurent quant à eux à la rubrique « Autres créances » de l'actif circulant en raison de la durée du prêt : seule l'étude attentive de l'annexe des comptes permet d'examiner la liste des prêts et leurs conditions d'octroi consentis par le parti.
Quant au candidat, il peut avoir déclaré le prêt du parti en apport personnel dans son compte de campagne en omettant de préciser qu'il s'agissait en amont d'un prêt en provenance d'un parti si ce prêt lui a été versé directement et non via le compte de son mandataire financier. En ce cas, la concordance est difficile à trouver entre les informations figurant dans les comptes du parti et celles des comptes des candidats.
Enfin, certains partis ne mentionnent pas en annexe les prêts aux candidats qui ont été complètement remboursés dans l'année de leur attribution. Cependant, la Commission doit s'assurer que le candidat ayant bénéficié du remboursement de ses frais de campagne par l'État rembourse à son tour le parti à l'origine du prêt, afin d'éviter le risque d'un enrichissement sans cause.
Lorsque le parti politique prend en charge directement des dépenses électorales du candidat, il doit y avoir une double comptabilisation des charges dans le compte de résultat. Le règlement ANC n° 2018-03 du 12 octobre 2018 précité prévoit en effet que « les charges supportées sont comptabilisées par nature et le compte « Prise en charge directe par le parti » est alimenté par la contrepartie d'un transfert de charges ». Le compte de résultat comporte ainsi à la fois la comptabilisation initiale de la dépense par nature en charge (par ex. déplacement, communication, etc.), et la comptabilisation par destination à la rubrique « Prises en charge directe de dépenses électorales ». La première de ces écritures trouve sa contrepartie dans une écriture en « Transfert de charges » et le résultat de l'exercice n'est ainsi pas affecté par ce mécanisme comptable particulier bien que les charges concernées soient comptées deux fois.
Cette procédure comptable n'a été que peu appliquée par les partis politiques concernés. Ainsi, sur 89 partis ayant déclaré avoir pris en charge des dépenses électorales, seuls 33 ont procédé à cette double comptabilisation à la fois par nature et par destination. D'autres n'ont pas renseigné au sein du compte de résultat la rubrique « Prises en charge directe de dépenses électorales » quand bien même le tableau de l'annexe relative aux prises en charges de frais de campagne était renseigné, signifiant que les charges ont été comptabilisées une seule fois et par nature au sein du compte de résultat.
Les partis politiques peuvent enfin fournir aux candidats des prestations contre paiement par le mandataire. Ces produits figurent à la rubrique « Prestations de services aux candidats » du compte de résultat et l'annexe doit présenter un état des prestations de services facturées aux candidats ventilées par catégorie d'élection, type de candidat (tenu ou non de déposer un compte de campagne) sous la forme d'un tableau.
Ces prestations de service ne doivent pas être confondues avec la refacturation au candidat de dépenses préalablement réglées par le parti. Ces remboursements de charges sont comptabilisés dans les comptes du parti au compte « Transfert de charges » en produits ; il s'agit alors de la compensation de dépenses préalablement réglées par le parti. Cette intervention financière, neutre pour le parti, peut lui permettre de mutualiser, et éventuellement diminuer, le coût des dépenses électorales au bénéfice de plusieurs candidats.
Toute analyse globale des flux financiers concernant les candidats doit être menée avec précaution et ne reflète pas nécessairement la nature de l'intervention financière imputée à chaque compte pris isolément. Le rapprochement entre les comptes des partis et ceux des candidats qu'ils soutiennent a ainsi donné lieu de la part de la Commission à 18 demandes au titre des comptes 2020 afin d'éclaircir la nature du lien financier entre un parti et le compte de campagne d'un candidat.
C. - Le périmètre des comptes
L'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que la comptabilité des partis politiques retrace « tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion».
Depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit, à compter de l'exercice 2018, inclure les comptes des organisations territoriales du parti dans des conditions définies par décret.
Le décret n° 2017-1795 du 28 décembre 2017 pris pour l'application des articles 25 et 26 de cette loi énonce que « les organisations territoriales comprennent les organisations qui sont affiliées au parti ou groupement avec son accord ou à sa demande ou qui ont participé localement, au cours de l'année considérée, à son activité ou au financement d'une campagne».
La Commission a vérifié que l'ensemble des entités concernées avaient été intégrées dans le périmètre des comptes. Elle a, à cette fin, recoupé les informations disponibles, notamment au répertoire national des associations, au registre du commerce et des sociétés et sur les sites internet des partis concernés, avec la liste des entités intégrées au périmètre des comptes requise dans l'annexe.
A l'occasion de l'exercice 2018, le premier pour lequel la définition du périmètre avait évolué, sur les 41 partis politiques dont le périmètre comportait plusieurs mandataires, la Commission avait constaté 11 cas de périmètre incomplet. Au titre de l'exercice 2019, la Commission avait interrogé 23 partis sur l'exhaustivité de leur périmètre comptable. Ce chiffre est passé à 11 lors de l'examen des comptes 2020.
L'examen des comptes 2019 montrait en particulier une nette amélioration pour les deux partis politiques ayant les périmètres les plus importants en nombre de structures locales : le Parti socialiste et le Parti communiste français. Les comptes 2020 de ces deux partis montrent que les progrès se sont poursuivis même si le périmètre apparaît encore incomplet. Interrogé par la Commission, le Parti socialiste a précisé qu'« au niveau tant des ressources que des charges, les entités locales qui n'ont pu être intégrées dans les comptes d'ensemble ne sont pas significatives au regard de ces derniers qui présentent des produits à hauteur de 18,5 millions d'euros » sans fournir d'évaluation quant à leur poids financier. Il a ajouté que les élections intervenues en 2021 dans l'ensemble de ses sections pour désigner leurs responsables devraient lui permettre d'obtenir un périmètre des comptes répondant aux dispositions légales et réglementaires. Le Parti communiste français a précisé avoir comptabilisé 1 336 sections soit 148 de plus par rapport à l'exercice 2019 et intégré 32 sociétés civiles immobilières (SCI) portant leur nombre à un total de 90. Il a précisé que, pour l'exercice 2021, 20 SCI supplémentaires pourraient être intégrées. La Commission veillera à l'exhaustivité du périmètre des comptes de ces deux partis au titre de l'exercice 2021.
Le périmètre comptable de la majorité des partis ne comporte qu'une entité intégrée, l'association de financement ou le mandataire financier.
D. - L'application du règlement comptable
Lors de l'examen des comptes de l'exercice 2019, la Commission avait constaté que la situation s'était nettement améliorée par rapport à l'exercice 2018, année de la première application du règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 précité. Sur les 361 processus contradictoires engagés, seuls 26 concernaient le non-respect par les partis politiques des règles d'établissement et de présentation des comptes prévues par le règlement comptable. Pour les comptes 2020, les nombres correspondants sont de 260 et 18.
La Commission a cependant constaté que plusieurs partis déposaient deux comptes selon deux modèles différents ; un modèle joint au rapport de certification des commissaires aux comptes dont la présentation n'était pas celle prévue par le règlement et un second respectant cette fois la présentation du règlement, non joint au rapport de certification. La Commission s'assure que les données soient identiques entre les différents comptés déposés et rappelle que les commissaires aux comptes doivent certifier un compte dont les règles d'établissement et de présentation sont conformes au règlement comptable ad hoc.
Enfin, le référentiel comptable utilisé pour l'élaboration des comptes est encore trop souvent absent voire cité de manière erronée.
La Commission avait relevé pour les comptes 2019 une amélioration des mentions devant figurer en annexe des comptes. Ainsi, 10 processus contradictoires avaient été entrepris pour des conditions d'octroi des prêts consentis ou des emprunts souscrits non-renseignés en annexe, contre 13 pour l'exercice 2018. Ce nombre est demeuré inchangé pour les comptes 2020 mais avec des incomplétudes de moindre portée.
D'une manière générale, la Commission a demandé de manière systématique aux partis ou groupements politiques dans les comptes desquels certaines informations étaient manquantes de lui transmettre des comptes corrigés. Concernant les prêts consentis aux partis par des personnes physiques, elle a demandé, en application de l'article 11-3-1 de la loi du 11 mars 1988 introduit par la loi du 15 septembre 2017, que lui soit adressée la copie des conventions qui ne lui avaient pas été transmises l'année de leur conclusion.
Sur les 260 processus contradictoires engagés, 82 ont entraîné le dépôt de nouveaux comptes contre 91 sur 361 en 2019 et 111 sur 307 en 2018.
E. - Synthèse de la conformité des dépôts
L'obligation faite aux partis par le législateur de déposer leurs comptes au plus tard le 30 juin 2021 a été rappelée par la Commission dans sa circulaire du 25 mars 2021.
La Commission interroge, dans le cadre d'un processus contradictoire, les partis politiques concernés notamment sur les formalités de présentation et d'élaboration des comptes, sur la cohérence générale des comptes, sur la nature et l'origine des fonds perçus par le mandataire ainsi que leurs modalités de perception, sur la clarification du périmètre de certification et sur les informations devant figurer en annexe des comptes (flux financiers entre candidats et formations politiques, état des dettes, conditions d'octroi des emprunts consentis et souscrits, etc.).
A l'issue de ce processus contradictoire, la Commission s'est prononcée sur le respect des obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 en ses séances des 15 mars, 31 mai, 11 et 18 octobre, 22 novembre, et 13 décembre 2021.
Sont publiés (5) sur le site internet de la Commission, les 497 comptes déposés (soit 87 % au regard du nombre de partis tenus de déposer des comptes).
La liste des partis est jointe en annexe du présent avis.
- Comptes non déposés : 74 (soit 13 % des formations tenues de déposer des comptes) :
Cette absence de dépôt a persisté après que la Commission a rappelé à ces partis leur obligation de déposer des comptes.
- Dépôts conformes : 455 (soit 91,5 % des comptes déposés) dont :
- 396 comptes certifiés sans réserve ni observations du ou des commissaires aux comptes.
La norme d'exercice professionnel 700 relative au rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en œuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives ».
- 53 avec des observations.
Certaines de ces observations signalent la situation sanitaire ou encore le changement de méthodes comptables induit par la mise en conformité avec le nouveau règlement comptable. Quelques-unes portent sur des sujets de fond importants, par exemple dans un cas sur l'existence d'une dette élevée à l'égard d'un fournisseur, dans un autre sur les conditions d'octroi des emprunts souscrits, dans d'autres sur le fait que les comptes sont établis dans une optique liquidative ou devraient l'être.
- 6 comptes certifiés avec réserve dont 3 avec, en outre, des observations.
Ces réserves sont de portée et de nature très variables. La norme d'exercice professionnel précitée énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour désaccord : lorsqu'il a identifié au cours de son audit des comptes des anomalies significatives et que celles-ci n'ont pas été corrigées ; que les incidences sur les comptes des anomalies significatives sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. Le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour limitation : lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes ; que les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause ».
(5) Rappel des statistiques au titre de l'exercice 2019 (actualisées en 2021) :
501 comptes sur 591 avaient été déposés et publiés (soit 85 %) :
440 dépôts conformes (dont 10 certifications assorties de réserves) dont ;
62 dépôts non conformes (53 comptes pour dépôt hors délai dont 2 comptes non certifié, 8 comptes non certifiés dont 1 dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les règles du règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 précité et 1 compte certifié par un commissaire aux comptes dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les règles du règlement n° 2018-03 précité) ;
89 comptes n'avaient pas été déposés (soit 15 %).
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