1.2. Détermination du niveau de rentabilité normale des installations
L'approche adoptée par la CRE vise à s'assurer que le tarif proposé induit une rentabilité des fonds propres investis dans le projet cohérente avec celle constatée pour les entreprises agissant dans le secteur considéré.
S'agissant d'une entreprise qui équiperait son bâtiment de panneaux photovoltaïques et dont l'activité de production d'électricité resterait accessoire, il n'existe pas de référence de marché permettant de fixer un taux de rentabilité des fonds propres cible. Il a donc été retenu la structure de financement à 70 % de dette et le niveau de rentabilité attendu des fonds propres retenu pour le biogaz, soit 9,5 %.
Pour l'installation d'un particulier, le taux de rentabilité des fonds propres cible est fixé à 4,2 %, et la structure de financement à 50 % de dette.
- Analyse
2.1. Installations de puissance élevée (supérieure à 10 kWc)
2.1.1. En métropole continentale
Hors intégration au bâti, le tarif est peu rémunérateur pour une installation implantée dans le nord de la France. Il conduit généralement à une rentabilité négative. Il est mieux adapté aux installations implantées dans le sud, puisqu'il permet d'atteindre une rentabilité maximale sur fonds propres de 15 %, dans une hypothèse de coûts bas.
En revanche, dans tous les cas de figure étudiés, le tarif proposé pour l'électricité produite par un équipement de plus de 10 kWc intégré au bâti conduit à une rentabilité très élevée, pouvant atteindre 30 à 40 % pour une implantation dans le sud de la France.
2.1.2. En Corse, dans les départements d'outre-mer, dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte
En Corse, dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, pour une entreprise, le tarif conduit, dans tous les cas de figure étudiés, à une rentabilité très élevée. A tarif égal avec la métropole continentale, l'augmentation du gisement suffirait, à elle seule, à couvrir une augmentation du coût des équipements de l'ordre de 20 %. Il n'est donc pas nécessaire de majorer le tarif en comparaison de celui applicable en métropole continentale. D'ailleurs, le développement constaté de la filière photovoltaïque dans ces zones, alors que le tarif en vigueur est approximativement égal au nouveau tarif proposé en métropole continentale, démontre le caractère inutile de la majoration proposée.
La situation particulière de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas analysée.
2.2. Installations destinées aux particuliers
2.2.1. En métropole continentale
Hors intégration au bâti, le tarif est peu rémunérateur pour les installations implantées dans le nord de la France. Il conduit, dans la plupart des cas à des rentabilités nettement négatives. Il est mieux adapté aux installations implantées dans le sud, où il permet d'atteindre une rentabilité sur fonds propres comprise entre 6 et 17 % environ, suivant l'hypothèse de coût retenue.
Dans la plupart des cas de figure étudiés, le tarif proposé pour l'électricité produite par un équipement intégré au bâti conduit à une rentabilité très élevée. Pour une installation implantée dans le nord de la France, la rentabilité sur fonds propres peut atteindre 28 %, dans une hypothèse de coûts bas, et devient négative lorsque le prix de l'équipement dépasse 10,5 EUR/Wc. Pour une installation implantée dans le sud de la France, la rentabilité sur fonds propres peut dépasser 48 % pour une hypothèse de coûts bas et reste positive pour un coût d'équipement de 13 EUR/Wc, limite supérieure de l'analyse. Dans la plupart des cas, la rémunération apparaît donc trop élevée au regard du strict nécessaire pour susciter l'investissement.
Le tarif induit, de surcroît, un biais important. Dans la mesure où le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt est plafonné à 8 000 EUR par personne (16 000 EUR pour un couple), l'optimum d'investissement (dépense d'investissement à partir de laquelle la rentabilité décroît en raison de la saturation du plafond de crédit d'impôt) est atteint pour une puissance plus faible dans le cas d'un équipement intégré au bâti. Comme, par ailleurs, le tarif majoré applicable aux installations intégrées au bâti apparaît plus rentable pour l'investisseur, le dispositif ainsi envisagé incite à l'implantation d'équipements de faible puissance, assurant une production plus faible, à un coût supérieur pour la collectivité.
2.2.2. En Corse, dans les départements d'outre-mer, dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte
Dans tous les cas de figure, le tarif envisagé pour l'installation d'un particulier en Corse, dans les départements d'outre-mer et à Mayotte induit une rentabilité des fonds propres très élevée : de 10 à 20 % hors intégration au bâti, et jusqu'à 30 % dans le cas d'une intégration en toiture.
La situation très particulière de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas analysée.
V. - CONSÉQUENCES DU TARIF PROPOSÉ
Les conséquences du tarif proposé sur l'évolution des charges de service public sont évaluées au regard des objectifs de développement de la filière photovoltaïque raccordée réseau à l'horizon 2015, tels que définis dans le rapport au Parlement du 9 juin 2006 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique (PPI). Ces objectifs ont été déclinés en scénarios haut et bas, établis conformément au tableau ci-après. Ils prennent en compte une part importante d'équipements intégrés au bâti, en raison d'une rentabilité supérieure de l'investissement dans ce cas de figure. Au-delà de 2015, le développement a été estimé pour le scénario bas ; il est considéré achevé pour le scénario haut.
Scénarios de développement de la filière photovoltaïque raccordée réseau
Sources : rapport sur la PPI, hypothèses CRE.
La figure suivante présente le surcoût d'achat cumulé dû au tarif proposé, en euros constants de 2006, pour chacun des deux scénarios envisagés.
Evaluation du surcoût annuel imputable au tarif proposé
pour la filière photovoltaïque (hypothèses haute et basse)
Le développement de la filière sous les nouvelles conditions tarifaires proposées induirait, a minima, un surcoût annuel d'environ 50 MEUR à l'horizon 2015. Le strict respect des objectifs hauts prévus par le rapport sur la PPI conduirait à un montant de 100 MEUR dès 2011 et de 400 MEUR en 2016. Un maintien des tarifs au-delà de cette échéance engendrerait une importante dérive du surcoût, qui approcherait 700 MEUR à l'horizon 2025.
Les scénarios sont insensibles à l'évolution des prix de marché, ou de la part production du tarif dans les zones non interconnectées, en raison du caractère disproportionné du tarif proposé en comparaison des coûts évités par cette production aux acheteurs.
Le tarif envisagé risque donc d'entraîner une augmentation significative du coût du service public de l'électricité, malgré des volumes de production particulièrement faibles (< 1,2 TWh). La contribution unitaire imputable au soutien à la filière photovoltaïque par le tarif proposé représenterait, ainsi, 0,25 à 1 /MWh dès 2015.
VI. - AVIS DE LA CRE
Le tarif proposé augmente substantiellement par rapport au tarif actuellement en vigueur.
Analyse du gain pour la collectivité :
Que l'énergie produite par les équipements photovoltaïques se substitue à celle produite par une centrale nucléaire, une centrale au gaz fonctionnant en cycle combiné ou une centrale au charbon de technologie moderne, le tarif d'achat proposé est très supérieur à la somme des coûts et externalités environnementales évités, ainsi que des autres effets positifs supposés.
Ce constat se vérifie également en Corse et dans les DOM, où une part importante de la production d'électricité est pourtant assurée par des centrales au charbon et au fuel de faible puissance, relativement coûteuses et polluantes. En revanche, dans la rédaction envisagée, le tarif ne s'appliquerait pas dans les îles bretonnes, seules zones du territoire français où le développement de la filière photovoltaïque, dans les conditions tarifaires applicables sur le continent, peut se traduire par un gain collectif.
L'évaluation du bénéfice associé à la prime d'intégration au bâti est éminemment subjective. On peut cependant douter que la qualité esthétique des bâtiments relève d'une mission du service public de l'électricité et s'inscrive dans la contribution aux objectifs visés.
Etant donné la performance des équipements actuellement disponibles sur le marché et leurs perspectives d'amélioration, il est vraisemblablement prématuré d'engager, à ce prix, une politique de déploiement massif, au risque de doter la France d'équipements rapidement obsolètes.
Analyse de la rentabilité :
En comparaison des coûts de la filière, le tarif proposé en métropole continentale, hors prime d'intégration au bâti, combiné au dispositif de crédit d'impôt, apparaît adapté : il s'avère peu rémunérateur dans le nord de la France et satisfaisant dans le sud. Il devrait donc permettre un développement de la filière sur une grande partie du territoire. En revanche, la majoration applicable en Corse, dans les DOM et à Mayotte est injustifiée : l'augmentation du gisement suffit, en général, à couvrir l'augmentation des coûts constatés dans ces zones.
La prime applicable à l'électricité produite par des équipements intégrés au bâti s'avère, dans de nombreux cas, trop importante au regard de l'augmentation des coûts correspondants. Compte tenu de la dispersion des coûts associés à ces équipements, il apparaît, d'ailleurs, impossible de déterminer un tarif uniformément applicable. Dans ce cas, seule une aide directe, proportionnée à la valeur de l'investissement, permettrait de rémunérer de façon équitable tous les types d'installations.
Cette prime présente, de surcroît, le biais d'inciter au développement d'installations de petite taille, plus coûteuses pour la collectivité.
Compte tenu de ce qui précède, il importe de préciser les exigences réglementaires d'intégration au bâti, pour éviter que l'investissement se concentre sur les équipements les moins coûteux, pour lesquels le niveau de la prime n'est pas justifié, ou, a minima, de déterminer un plafond au nombre d'équipements pouvant bénéficier de la prime.
En tout état de cause, on peut se demander s'il revient au service public de l'électricité de financer l'intégration au bâti des installations photovoltaïques.
Conséquences sur les charges de service public :
Malgré une contribution modeste à la production nationale, les charges de service public imputables au développement de cette filière représenteraient 50 à 400 M par an d'ici à 2015, selon l'hypothèse de puissance installée retenue, soit une contribution de 0,25 à 1 EUR/MWh.
Autres considérations :
S'agissant d'un projet d'arrêté pour partie destiné à définir les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de particuliers, la CRE souligne la nécessité de simplifier ses modalités de mise en oeuvre. Pour l'indexation des contrats, elle recommande de se fonder sur la « dernière valeur définitive connue » des indices à la date considérée. Pour la description des caractéristiques de l'installation prévue à l'article 2, la valeur de l'autoconsommation est inutile dans le cas d'un équipement de faible puissance.
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la Commission de régulation de l'énergie émet un avis défavorable sur ce projet d'arrêté.
Fait à Paris, le 29 juin 2006.
1 version