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Biais des prévisions macroéconomiques et recommandations du Haut Conseil
- En application de l'article 62-V de la loi organique relative aux lois de finances de 2001 modifiée en 2021, le Haut Conseil rend pour la première fois un avis sur les écarts entre les prévisions macroéconomiques, de recettes et de dépenses des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et leur réalisation.
- Le Haut Conseil constate, sur une période de vingt ans (2004-2024), un biais positif entre la prévision de croissance du Gouvernement et la réalisation (écart moyen de 0,4 point hors années de crise, supérieur y compris celles-ci). Cet écart s'est réduit, sans toutefois disparaître, depuis la création du Haut Conseil en 2013, de même que l'écart constaté entre la prévision du Gouvernement et celle du consensus. En outre, le biais de prévision apparaît plus prononcé pour la prévision de consommation des ménages. En revanche, le Haut Conseil n'identifie pas de biais en moyenne sur longue période pour la prévision d'inflation.
- Pour ce qui est de la prévision de finances publiques, le Haut Conseil relève que, si l'on écarte les années de crise, la prévision du ratio de dépenses en part de PIB, de même que celle du ratio de recettes en part de PIB, est un peu inférieure à sa réalisation en moyenne sur vingt ans. Les prévisions de solde public du Gouvernement se situent ainsi en moyenne, hors années de crise, à un niveau proche de leur réalisation (écart de + 0,1 point de PIB). En incluant les années de crise, l'écart moyen entre prévision et réalisation du solde public est de 0,6 point de PIB. L'écart observé sur les deux dernières années (0,5 point de PIB en 2023 et 1,4 point de PIB en 2024) apparaît, en l'absence de crise majeure, particulièrement élevé au regard de l'expérience passée.
- A l'aune de ces constats, le Haut Conseil invite le Gouvernement et le législateur à considérer toute disposition complémentaire permettant d'assurer l'absence de biais dans l'établissement des prévisions. A minima le Haut Conseil invite à renforcer l'accès à l'information et à détendre les délais d'instruction qui lui sont fixés, ainsi qu'à étudier la mise en place effective d'un mécanisme de type « appliquer ou expliquer », par lequel le Gouvernement serait tenu, lorsque le Haut Conseil émet des réserves sur la prévision et dans un délai compatible avec les débats parlementaires, de rectifier celle-ci ou d'expliquer pourquoi il ne la modifie pas. Une extension de son mandat lui confiant aussi une mission plus large d'analyse de la soutenabilité de la dette et de surveillance du respect de l'objectif constitutionnel d'équilibre des comptes, contribuerait à renforcer la crédibilité du cadre de finances publiques.
IV. - Observations relatives aux écarts entre les prévisions macroéconomiques et leur réalisation au cours des quatre dernières années
- En application de l'article 4 de la loi n° 2021-1577 du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques examine pour la première fois, si une distorsion importante a affecté les prévisions macroéconomiques sur une période d'au moins quatre années consécutives, soit sur au moins chacun des exercices de 2021 à 2024.
- Les prévisions de croissance et d'inflation du Gouvernement pour l'année suivante adossées aux PLF initiaux sont comparées à la première estimation du PIB et à l'inflation publiées par l'INSEE en janvier, soit un an et quatre mois après la prévision. Ce choix méthodologique vise à comparer des variables les plus homogènes possibles et s'inscrit dans la continuité de la partie précédente. Toutefois, lorsque les écarts constatés sur une année particulière sont faibles, les révisions des comptes nationaux postérieures à la première estimation peuvent conduire à une conclusion différente sur cette année. Dans le cas des années 2022 à 2024, les comptes définitifs ne sont pas encore connus et il convient donc de ne pas surinterpréter de faibles écarts.
- La prévision de croissance du PLF pour 2021, effectuée en septembre 2020 dans une période de très grandes incertitudes sur la reprise de l'activité alors que l'épidémie de Covid-19 a montré des signes de reprise au cours de l'été, était plus optimiste (+ 8,0 %) que celle du consensus des économistes (+ 6,9 %). Il convient toutefois de signaler que le scénario du Gouvernement était plus dégradé que celui du consensus pour l'année en cours, si bien que l'écart entre les deux prévisions est moindre si on compare 2021 à 2019. La croissance en 2021 a atteint + 7,0 % selon la première estimation publiée par l'INSEE en janvier 2022, soit un niveau inférieur de 1 point de PIB à la prévision du PLF. S'agissant de l'inflation, la prévision du Gouvernement était inférieure à celle du consensus (0,7 % contre 1,0 %). L'inflation a finalement atteint 1,6 % en 2021, portée par les prix de l'énergie, dans un contexte de levée progressive des restrictions de déplacement et de forte reprise économique mondiale.
- Le PLF pour 2022 a été présenté en septembre 2021, alors que les incertitudes sur l'évolution de la pandémie restaient élevées mais étaient moindres qu'un an auparavant grâce à la montée en puissance de la couverture vaccinale. La prévision de croissance du Gouvernement, qui s'élevait à + 4,0 %, était légèrement plus optimiste que celle du consensus des économistes (+ 3,8 %). La croissance en 2022 s'est établie à 2,6 % selon les premiers résultats publiés par l'INSEE. La forte hausse des prix dès le début de l'année 2022, accentuée par le déclenchement de la guerre en Ukraine, et celle des taux d'intérêt ont en effet pesé fortement sur la croissance de l'activité. L'inflation a ainsi finalement atteint 5,2 %, contre une prévision du Gouvernement au même niveau que celle du consensus à 1,5 %.
- Pour apprécier ces écarts, il est nécessaire de tenir compte du caractère exceptionnel des années sous revue, du fait d'abord de la crise sanitaire due au Covid-19 puis des conséquences du déclenchement de la guerre en Ukraine. La clause des circonstances exceptionnelles s'est ainsi appliquée pour les exercices 2021 et 2022.
- S'agissant de l'exercice 2023, la prévision du PLF a été effectuée en septembre 2022, alors que les incertitudes sur l'évolution de la crise énergétique étaient très élevées, avec des prix de marché du gaz et de l'électricité en forte hausse en août de la même année. La prévision de croissance du Gouvernement, à 1,0 % pour 2023, était plus optimiste que celle du consensus (+ 0,6 %). Elle a été jugée « un peu élevée » par le HCFP dans son avis sur le PLF pour 2023. La croissance en 2023 s'est établie à 0,9 % selon les premiers résultats publiés par l'INSEE en janvier 2024, soit à un niveau très proche de la prévision du Gouvernement. Sa composition a toutefois été très différente de la prévision : elle a été portée par la contribution du commerce extérieur et la progression de l'investissement des entreprises et des administrations publiques, tandis que les évolutions de la consommation et de l'investissement des ménages ont été surestimées par le Gouvernement.
- La prévision d'inflation du Gouvernement pour 2023 était supérieure au consensus (4,2 % contre 3,6 %) dans un contexte de très fortes incertitudes, prévision jugée alors « plausible » par le Haut Conseil. L'inflation a finalement atteint 4,9 % en 2023. Si l'inflation énergétique a diminué, la progression des prix de l'alimentation a été plus forte qu'en 2022, maintenant l'inflation à un niveau élevé.
- La prévision du PLF pour 2024 a été effectuée en septembre 2023, dans un contexte d'incertitude moins élevée qu'au cours des années précédentes. La prévision de croissance du Gouvernement, qui s'élevait à 1,4 % pour 2024, était bien plus optimiste que la moyenne du consensus des économistes en septembre (+ 0,8 %), notamment s'agissant de la consommation des ménages (+ 1,8 % contre + 0,9 %). Le HCFP a souligné le caractère « élevé » de cette prévision dans son avis sur le PLF pour 2024. La croissance en 2024 s'est établie à 1,1 % selon les premiers résultats publiés par l'INSEE en janvier 2025. L'écart entre la prévision du Gouvernement et la réalisation, à hauteur de 0,3 point, se situe au niveau de la moyenne observée au cours des dix dernières années (hors années de crise 2020 et 2021). Il provient en particulier de la consommation des ménages (prévision de + 1,8 % contre une progression effective de 0,9 %, soit la prévision du consensus des économistes) et de l'investissement privé, tandis que les contributions du commerce extérieur et de la demande publique ont été plus importantes que prévu.
Graphique 10. - Ecart entre les prévisions de croissance du Gouvernement, les prévisions du consensus des économistes et la croissance observée (en point de PIB)
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Sources : RESF, Consensus Economics et INSEE.
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