JORF n°0253 du 24 octobre 2024

  1. La ventilation de la croissance potentielle entre ses différentes composantes - productivité globale des facteurs (PGF), travail et capital - est modifiée par rapport à celle présentée dans le Programme de stabilité 2024-2027.

  2. Plus précisément, le Gouvernement revoit à la baisse la contribution du capital (désormais évaluée entre 0,4 et 0,5 point) et celle du volume total des heures travaillées (désormais évaluée entre 0,2 et 0,3 point) qui seraient ainsi conformes aux tendances antérieures à la crise sanitaire. Il maintient son estimation de la contribution de la PGF (entre 0,4 et 0,5 point).

  3. Le Gouvernement estime une contribution du facteur travail entre 0,2 et 0,3 point entre 2026 et 2028, en baisse par rapport au Programme de stabilité 2024-2027 et la LPFP 2023-2027. Il maintient toutefois ses prévisions des effets sur l'emploi potentiel des réformes visant à augmenter l'offre sur le marché du travail. La réforme des retraites aurait pour effet d'augmenter le nombre de seniors en emploi d'environ 300 000 à horizon 2030, un chiffre cohérent avec les estimations existantes. Celle de la contracyclicité de l'assurance chômage se traduirait par la création d'environ 100 000 à 150 000 emplois à moyen terme. Comme l'a souligné le HCFP dans ses précédents avis, les effets attendus sur l'emploi de la réforme de l'assurance-chômage semblent surestimés.

  4. Le Gouvernement maintient son estimation du Programme de stabilité 2024-2027 et de la LPFP 2023-2027 d'une contribution de la productivité globale des facteurs à la croissance potentielle entre 0,4 et 0,5 point. Cette estimation suppose une croissance de la PGF potentielle de 2023 à 2028 très proche, quoique légèrement supérieure, à l'évaluation du Gouvernement de la tendance de la PGF effective sur la période 2011-2019, soit 0,4 %.

  5. L'hypothèse d'une tendance de productivité globale des facteurs quasi équivalente à la tendance antérieure à la crise sanitaire de 2020 est optimiste. D'une part, les données sur longue période montrent plutôt une tendance à la baisse des gains de productivité depuis les années 1980. D'autre part, dans un contexte de vieillissement de la population et de baisse de la population en âge de travailler, l'augmentation de l'emploi potentiel prévu dans le scénario du Gouvernement résulterait principalement d'une augmentation du taux d'emploi des seniors et d'une réduction du nombre de chômeurs en raison de la baisse de leur durée d'indemnisation. Cette augmentation de l'emploi de personnes relativement moins productives devrait avoir un effet minorant sur la croissance de la productivité. L'estimation suppose ainsi que les mesures prises pour soutenir l'innovation (le plan France 2030 notamment) permettront de compenser ces facteurs baissiers, ce qui n'est pas acquis.

  6. Le Haut Conseil relève que l'évaluation par le Gouvernement de la croissance potentielle a été révisée en baisse par rapport à ses évaluations précédentes (1,2 % entre 2024 et 2028 au lieu de 1,35 %) et fixée à une valeur un peu plus faible ensuite (1,0 %).

  7. Il note que l'évaluation par le Gouvernement de l'écart de production a aussi été révisée dans un sens moins favorable que celle présentée dans le Programme de stabilité (-0,6 % au lieu de -1,1 % en 2023).

  8. Le Haut Conseil considère que ce nouveau scénario de PIB potentiel, quoiqu'encore un peu optimiste, est désormais raisonnable, même s'il serait nécessaire pour l'apprécier pleinement de connaître le détail des réformes et investissements ainsi que la composition de l'ajustement budgétaire prévus par ce plan.

  9. Observations sur le scénario macroéconomique pour les années 2024 à 2031

  10. Le scénario du Gouvernement

  11. Selon la saisine du Gouvernement, […] l'activité en France augmenterait de +1,1 % en 2024 et de +1,1 % également en 2025, la croissance restant légèrement en dessous de son rythme potentiel. […] La croissance dépasserait ensuite son rythme potentiel, à +1,4 % en 2026 et +1,5 % en 2027-2028, l'écart de production se résorbant graduellement. […] À partir de 2029, l'activité progresserait à un rythme de 1 % par an en rythme de croisière, la croissance potentielle étant affectée par le ralentissement démographique. »

  12. « En 2024, l'inflation s'établirait à +2,1 % en moyenne annuelle. […] En 2025, l'inflation continuerait sa baisse, à +1,8 % en moyenne annuelle […]. À partir de 2026 et compte tenu de la dynamique des prix en 2024-2025, il est fait l'hypothèse que l'inflation serait de +1,75 %, un niveau compatible avec la cible d'inflation de la Banque centrale européenne. »

  13. Appréciation du Haut Conseil
    a. Observations relatives aux années 2024 et 2025 (1)

  14. Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance (1,1 %) est réaliste, tout comme celle d'inflation (2,1 %) et de masse salariale (2,9 %).

  15. Il considère en revanche que la prévision de croissance pour 2025 (1,1 %) est un peu élevée compte tenu de l'orientation restrictive du scénario de finances publiques associé, qui se traduit notamment par des mesures de hausse des prélèvements obligatoires atteignant un point de PIB et par un repli de la demande publique. Pour compenser cet impact restrictif, la prévision de croissance pour 2025 retient des hypothèses favorables sur le commerce mondial, l'investissement des entreprises et la baisse du taux d'épargne des ménages, qui correspondraient à une nette accélération de l'activité sans ajustement budgétaire. En dépit du soutien que peut apporter la baisse des taux d'intérêt, une telle accélération apparaît optimiste au regard des indications données par les enquêtes de conjoncture disponibles.

  16. Le Haut Conseil estime la prévision d'inflation pour 2025 (+1,8 %) un peu élevée, tout comme celle de masse salariale des branches marchandes non agricoles (+2,8 %), du fait à la fois de la prévision de salaire moyen par tête et de celle d'emploi.

b. Observations relatives aux années 2026 à 2031

  1. Le Gouvernement a modifié son scénario macroéconomique dans le projet de PSMT par rapport au Programme de stabilité 2024-2027, sur lequel le Haut Conseil s'est prononcé dans l'avis n° 2024-2.
  2. Il a revu en baisse la croissance du PIB effectif en volume en 2026 et 2027, à 1,4 % et 1,5 % respectivement, au lieu de 1,7 % et 1,8 % dans le Programme de stabilité d'avril 2024. Il retient une hypothèse de croissance effective de 1,8 % en 2028. La croissance du PIB serait ainsi supérieure à la croissance potentielle, estimée à 1,2 % à partir de 2023. L'écart de production, estimé à -0,6 % du PIB potentiel en 2025, se réduirait graduellement pour se refermer en 2028.
  3. Cette fermeture de l'écart de production sur la période repose notamment sur une hypothèse de reprise dynamique de la consommation des ménages (+1,5 % en 2026, puis +1,7 % en 2027 et 2028) et de l'investissement des entreprises qui augmenterait de 2,3 % par an en moyenne sur la période 2026-2028.
  4. La prévision du Gouvernement d'une accélération de l'activité sur la période 2026-2028 repose ainsi, d'une part, sur une augmentation de la consommation des ménages à un rythme nettement supérieur à celui observé avant la crise sanitaire (1,1 % en moyenne entre 2010 et 2019) qui résulterait d'une baisse du taux d'épargne de 17,6 % en 2025 à 15,4 % en 2029, possible mais pas acquise, et d'autre part sur le maintien du taux d'investissement des entreprises à son plus haut historique (supérieur à 2,3 % sur toute la période), une prévision qui semble aussi optimiste.

Graphique 2. - Taux de croissance de la consommation des ménages en France
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du JO
nº 0253 du 24/10/2024, texte nº 92

Source : INSEE, Plan budgétaire et structurel à moyen terme de 2024.


Historique des versions

Version 1

28. La ventilation de la croissance potentielle entre ses différentes composantes - productivité globale des facteurs (PGF), travail et capital - est modifiée par rapport à celle présentée dans le Programme de stabilité 2024-2027.

29. Plus précisément, le Gouvernement revoit à la baisse la contribution du capital (désormais évaluée entre 0,4 et 0,5 point) et celle du volume total des heures travaillées (désormais évaluée entre 0,2 et 0,3 point) qui seraient ainsi conformes aux tendances antérieures à la crise sanitaire. Il maintient son estimation de la contribution de la PGF (entre 0,4 et 0,5 point).

30. Le Gouvernement estime une contribution du facteur travail entre 0,2 et 0,3 point entre 2026 et 2028, en baisse par rapport au Programme de stabilité 2024-2027 et la LPFP 2023-2027. Il maintient toutefois ses prévisions des effets sur l'emploi potentiel des réformes visant à augmenter l'offre sur le marché du travail. La réforme des retraites aurait pour effet d'augmenter le nombre de seniors en emploi d'environ 300 000 à horizon 2030, un chiffre cohérent avec les estimations existantes. Celle de la contracyclicité de l'assurance chômage se traduirait par la création d'environ 100 000 à 150 000 emplois à moyen terme. Comme l'a souligné le HCFP dans ses précédents avis, les effets attendus sur l'emploi de la réforme de l'assurance-chômage semblent surestimés.

31. Le Gouvernement maintient son estimation du Programme de stabilité 2024-2027 et de la LPFP 2023-2027 d'une contribution de la productivité globale des facteurs à la croissance potentielle entre 0,4 et 0,5 point. Cette estimation suppose une croissance de la PGF potentielle de 2023 à 2028 très proche, quoique légèrement supérieure, à l'évaluation du Gouvernement de la tendance de la PGF effective sur la période 2011-2019, soit 0,4 %.

32. L'hypothèse d'une tendance de productivité globale des facteurs quasi équivalente à la tendance antérieure à la crise sanitaire de 2020 est optimiste. D'une part, les données sur longue période montrent plutôt une tendance à la baisse des gains de productivité depuis les années 1980. D'autre part, dans un contexte de vieillissement de la population et de baisse de la population en âge de travailler, l'augmentation de l'emploi potentiel prévu dans le scénario du Gouvernement résulterait principalement d'une augmentation du taux d'emploi des seniors et d'une réduction du nombre de chômeurs en raison de la baisse de leur durée d'indemnisation. Cette augmentation de l'emploi de personnes relativement moins productives devrait avoir un effet minorant sur la croissance de la productivité. L'estimation suppose ainsi que les mesures prises pour soutenir l'innovation (le plan France 2030 notamment) permettront de compenser ces facteurs baissiers, ce qui n'est pas acquis.

33. Le Haut Conseil relève que l'évaluation par le Gouvernement de la croissance potentielle a été révisée en baisse par rapport à ses évaluations précédentes (1,2 % entre 2024 et 2028 au lieu de 1,35 %) et fixée à une valeur un peu plus faible ensuite (1,0 %).

34. Il note que l'évaluation par le Gouvernement de l'écart de production a aussi été révisée dans un sens moins favorable que celle présentée dans le Programme de stabilité (-0,6 % au lieu de -1,1 % en 2023).

35. Le Haut Conseil considère que ce nouveau scénario de PIB potentiel, quoiqu'encore un peu optimiste, est désormais raisonnable, même s'il serait nécessaire pour l'apprécier pleinement de connaître le détail des réformes et investissements ainsi que la composition de l'ajustement budgétaire prévus par ce plan.

2. Observations sur le scénario macroéconomique pour les années 2024 à 2031

1. Le scénario du Gouvernement

36. Selon la saisine du Gouvernement, […] l'activité en France augmenterait de +1,1 % en 2024 et de +1,1 % également en 2025, la croissance restant légèrement en dessous de son rythme potentiel. […] La croissance dépasserait ensuite son rythme potentiel, à +1,4 % en 2026 et +1,5 % en 2027-2028, l'écart de production se résorbant graduellement. […] À partir de 2029, l'activité progresserait à un rythme de 1 % par an en rythme de croisière, la croissance potentielle étant affectée par le ralentissement démographique. »

37. « En 2024, l'inflation s'établirait à +2,1 % en moyenne annuelle. […] En 2025, l'inflation continuerait sa baisse, à +1,8 % en moyenne annuelle […]. À partir de 2026 et compte tenu de la dynamique des prix en 2024-2025, il est fait l'hypothèse que l'inflation serait de +1,75 %, un niveau compatible avec la cible d'inflation de la Banque centrale européenne. »

2. Appréciation du Haut Conseil

a. Observations relatives aux années 2024 et 2025 (1)

38. Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance (1,1 %) est réaliste, tout comme celle d'inflation (2,1 %) et de masse salariale (2,9 %).

39. Il considère en revanche que la prévision de croissance pour 2025 (1,1 %) est un peu élevée compte tenu de l'orientation restrictive du scénario de finances publiques associé, qui se traduit notamment par des mesures de hausse des prélèvements obligatoires atteignant un point de PIB et par un repli de la demande publique. Pour compenser cet impact restrictif, la prévision de croissance pour 2025 retient des hypothèses favorables sur le commerce mondial, l'investissement des entreprises et la baisse du taux d'épargne des ménages, qui correspondraient à une nette accélération de l'activité sans ajustement budgétaire. En dépit du soutien que peut apporter la baisse des taux d'intérêt, une telle accélération apparaît optimiste au regard des indications données par les enquêtes de conjoncture disponibles.

40. Le Haut Conseil estime la prévision d'inflation pour 2025 (+1,8 %) un peu élevée, tout comme celle de masse salariale des branches marchandes non agricoles (+2,8 %), du fait à la fois de la prévision de salaire moyen par tête et de celle d'emploi.

b. Observations relatives aux années 2026 à 2031

41. Le Gouvernement a modifié son scénario macroéconomique dans le projet de PSMT par rapport au Programme de stabilité 2024-2027, sur lequel le Haut Conseil s'est prononcé dans l'avis n° 2024-2.

42. Il a revu en baisse la croissance du PIB effectif en volume en 2026 et 2027, à 1,4 % et 1,5 % respectivement, au lieu de 1,7 % et 1,8 % dans le Programme de stabilité d'avril 2024. Il retient une hypothèse de croissance effective de 1,8 % en 2028. La croissance du PIB serait ainsi supérieure à la croissance potentielle, estimée à 1,2 % à partir de 2023. L'écart de production, estimé à -0,6 % du PIB potentiel en 2025, se réduirait graduellement pour se refermer en 2028.

43. Cette fermeture de l'écart de production sur la période repose notamment sur une hypothèse de reprise dynamique de la consommation des ménages (+1,5 % en 2026, puis +1,7 % en 2027 et 2028) et de l'investissement des entreprises qui augmenterait de 2,3 % par an en moyenne sur la période 2026-2028.

44. La prévision du Gouvernement d'une accélération de l'activité sur la période 2026-2028 repose ainsi, d'une part, sur une augmentation de la consommation des ménages à un rythme nettement supérieur à celui observé avant la crise sanitaire (1,1 % en moyenne entre 2010 et 2019) qui résulterait d'une baisse du taux d'épargne de 17,6 % en 2025 à 15,4 % en 2029, possible mais pas acquise, et d'autre part sur le maintien du taux d'investissement des entreprises à son plus haut historique (supérieur à 2,3 % sur toute la période), une prévision qui semble aussi optimiste.

Graphique 2. - Taux de croissance de la consommation des ménages en France

Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du JO

nº 0253 du 24/10/2024, texte nº 92

Source : INSEE, Plan budgétaire et structurel à moyen terme de 2024.