JORF n°0161 du 13 juillet 2022

  1. Les facteurs d'incertitude entourant ces prévisions sont nombreux et défavorablement orientés. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine pourraient encore s'aggraver en cas de rupture d'approvisionnement de l'Union Européenne en gaz russe, faisant de nouveau monter l'inflation importée. Les banques centrales confrontées au risque d'une inflation persistante pourraient resserrer leur politique monétaire plus fortement qu'anticipé aujourd'hui, conduisant à une dégradation des perspectives économiques avec des risques de secousses sur les marchés financiers et de recul marqué du prix des actifs financiers risqués. Le risque d'une nouvelle dégradation de la situation sanitaire ne peut pas non plus être écarté, alors que la part de la population vaccinée contre la Covid-19 reste très faible dans certains pays émergents. Enfin, ces derniers cumulent de nombreuses vulnérabilités, entre risques de pénuries alimentaires et fuites de capitaux, que ne font qu'atténuer les hausses récentes de taux directeurs. L'instabilité financière et géopolitique à laquelle pourrait conduire la matérialisation de ces risques serait un frein certain pour la croissance mondiale.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2022

  1. Les prévisions du Gouvernement

  2. Selon la saisine du Gouvernement, datée du 29 juin 2022, « le scénario économique de ce projet de loi de finances rectificative pour 2022 diffère sensiblement de celui qui avait été retenu pour le projet de loi de finances pour 2022. » Le Gouvernement a ainsi revu « à la baisse la prévision de croissance du PIB à 2,5 % en 2022, contre 4,0 % dans le scénario du PLF 2022. »

  3. Selon le Gouvernement, « l'inflation atteindrait + 5,0 % en moyenne annuelle en 2022, après + 1,6 % en 2021. Les prix de l'énergie contribueraient pour près de 40 % à cette hausse des prix, sous l'hypothèse d'un prix du pétrole gelé à son niveau de juin, 114 $ soit 106 €, sur la fin de l'année, pour une moyenne annuelle à 110 $ soit 102 €. »

  4. Le Gouvernement précise que « les aléas autour de cette prévision sont importants. L'évolution de la situation en Ukraine constitue l'aléa majeur, principalement baissier […] Un resserrement plus rapide de la politique monétaire de la BCE se traduirait sur les conditions de financement, et pourrait peser sur les projets d'investissement des entreprises et des ménages. L'évolution de la situation sanitaire demeure un aléa […] Le scénario retient une baisse très graduelle du taux d'épargne des ménages. Une diminution plus marquée […] soutiendrait davantage la consommation et donc l'activité. »

  5. Appréciation du Haut Conseil

  6. Le Haut Conseil apprécie successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.
    a) La croissance de l'activité

  7. Au premier trimestre 2022, le PIB s'est contracté de 0,2 %, affecté par la vague épidémique du variant Omicron et les premières répercussions de l'invasion de l'Ukraine. En outre, la publication par l'INSEE des comptes annuels le 31 mai dernier a conduit à réviser en baisse l'acquis de croissance sur 2022, à 1,9 % à l'issue du premier trimestre 2022. L'amélioration de la situation sanitaire et la bonne tenue de l'emploi laissent toutefois attendre un rebond de la consommation et du PIB au deuxième trimestre. Le degré élevé d'incertitude lié au contexte international et le maintien de l'inflation à un niveau élevé continueraient néanmoins à peser sur la croissance.

  8. La prévision du Gouvernement se situe au niveau du Consensus Forecasts de juin 2022 (+ 2,5 %). Elle est supérieure aux prévisions les plus récentes, celles de l'OCDE (+ 2,4 %), de l'OFCE (+ 2,4 %), de l'INSEE (+ 2,3 %), de la Banque de France (+ 2,3 %) et de Rexecode (+ 2,1 %).

Tableau 4. - Prévisions de croissance du PIB pour 2022 (en %)

| OCDE (juin 2022) |2,4| |:--------------------------------------------------------------|:-:| | Banque de France (juin 2022) |2,3| | Rexecode (juin 2022) |2,1| | OFCE (juin 2022) |2,4| | Insee (juin 2022) |2,3| | Consensus Forecasts (juin 2022) |2,5| | Gouvernement (PLFR1 pour 2022 - juin 2022) |2,5| | Pour information PLF 2022 - octobre 2021 |4,0| |Source : Prévisions des organismes et instituts de conjoncture.| |

  1. Les chocs survenus depuis l'automne (vague Omicron, guerre en Ukraine, hausse des prix des matières premières, rupture de certaines chaînes d'approvisionnement) ont conduit le Gouvernement à réviser sa prévision de croissance de 4,0 % à 2,5 %. Cette dernière repose sur l'hypothèse d'une forte progression de la consommation (+ 2,8 %) tirée par une hausse modérée du revenu réel des ménages (+ 0,5 %) et une nette diminution du taux d'épargne (- 1,9 point), même si celui-ci resterait encore supérieur à son niveau d'avant-crise (16,8 points en 2022 contre 15,1 points en 2019). L'investissement des entreprises demeurerait par ailleurs bien orienté (+ 2,0 %). Les exportations françaises continueraient à être très dynamiques (+ 7,1 %).
  2. Compte tenu de l'acquis de croissance de 1,9 % à la fin du premier trimestre, la prévision du Gouvernement suppose que l'économie française progresse au cours des prochains trimestres à un rythme de l'ordre de 0,4 % par trimestre. Les enquêtes de conjoncture de l'INSEE, si elles affichent une dégradation du climat des affaires depuis le début de l'année, ne laissent pas entrevoir de retournement de l'activité à ce stade et l'ensemble des mesures budgétaires de soutien au revenu et la bonne tenue de l'emploi devraient favoriser un rebond de la consommation après la chute du premier trimestre.
  3. Toutefois, cette prévision est fragilisée par plusieurs facteurs. Une évolution du pouvoir d'achat plus proche de celle prévue par d'autres organismes (3) se traduirait par une consommation plus faible. De plus, la chute de l'indicateur de confiance des ménages qui ressort de l'enquête de conjoncture de l'INSEE, à un niveau proche de ses plus bas atteints en 2018 et 2020, laisse penser qu'ils pourraient décider de différer leurs décisions d'achat au profit de l'épargne. Par ailleurs, la diminution des marges des entreprises, résultat de la forte hausse de leurs coûts, et la remontée des taux d'intérêt devraient peser sur l'investissement après son fort rebond en 2021, comme le laisse également présager l'orientation à la baisse des perspectives de demande des entreprises depuis le mois de mars. En particulier, l'investissement en services d'information et en communication, particulièrement dynamique au cours des 18 derniers mois du fait des besoins nés de la crise sanitaire, pourrait s'essouffler.
  4. En outre, les difficultés d'approvisionnement énergétiques en Europe, la hausse récente de l'inflation dans les pays industrialisés ainsi que le resserrement en cours des politiques monétaires, constituent un risque important d'affaissement de la demande étrangère adressée à la France au second semestre 2022 et pourraient donc peser sur les exportations : d'ailleurs, la croissance du commerce de biens et services anticipée par le Gouvernement (+ 5,9 %) est supérieure aux prévisions des institutions internationales.
  5. Compte tenu de l'ensemble des risques pesant notamment sur l'environnement international, le risque d'une accentuation du ralentissement de l'économie française en fin d'année n'est pas négligeable.
  6. Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n'est pas hors d'atteinte mais est un peu élevée.
    b) La hausse des prix à la consommation
  7. Le Gouvernement a révisé à la hausse sa prévision d'inflation en 2022, à 5,0 % en moyenne annuelle (contre 1,5 % attendu en LFI 2022) pour l'indice des prix à la consommation, en hausse sensible par rapport à 2021 (1,6 %).
  8. Cette hausse provient, tout d'abord, d'une augmentation plus forte des prix des produits alimentaires et énergétiques, résultant d'un renchérissement des matières premières (pétrole, gaz naturel, charbon, blé en particulier). Ensuite, la hausse des coûts des matières premières et le renchérissement des prix des intrants dû aux perturbations des chaînes d'approvisionnement se transmettent progressivement aux prix des biens manufacturés qui, depuis un an, augmentent plus fortement qu'anticipé. Enfin, les prix des services progressent aussi, tirés par l'accélération des salaires.

Tableau 5. - Prévisions d'inflation (IPC) pour 2022

| |Date de publication|Moyenne annuelle en %| |-------------------|-------------------|---------------------| | Gouvernement | juin 2022 | 5,0 | | Banque de France | juin 2022 | 5,1 | |Consensus Forecasts| juin 2022 | 5,0 | | Insee | juin 2022 | 5,5 | | OFCE | juin 2022 | 4,9 | | Rexecode | juin 2022 | 5,2 |

Source : PLFR1 pour 2022, prévisions des organismes et instituts de conjoncture.


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Version 1

18. Les facteurs d'incertitude entourant ces prévisions sont nombreux et défavorablement orientés. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine pourraient encore s'aggraver en cas de rupture d'approvisionnement de l'Union Européenne en gaz russe, faisant de nouveau monter l'inflation importée. Les banques centrales confrontées au risque d'une inflation persistante pourraient resserrer leur politique monétaire plus fortement qu'anticipé aujourd'hui, conduisant à une dégradation des perspectives économiques avec des risques de secousses sur les marchés financiers et de recul marqué du prix des actifs financiers risqués. Le risque d'une nouvelle dégradation de la situation sanitaire ne peut pas non plus être écarté, alors que la part de la population vaccinée contre la Covid-19 reste très faible dans certains pays émergents. Enfin, ces derniers cumulent de nombreuses vulnérabilités, entre risques de pénuries alimentaires et fuites de capitaux, que ne font qu'atténuer les hausses récentes de taux directeurs. L'instabilité financière et géopolitique à laquelle pourrait conduire la matérialisation de ces risques serait un frein certain pour la croissance mondiale.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2022

1. Les prévisions du Gouvernement

19. Selon la saisine du Gouvernement, datée du 29 juin 2022, « le scénario économique de ce projet de loi de finances rectificative pour 2022 diffère sensiblement de celui qui avait été retenu pour le projet de loi de finances pour 2022. » Le Gouvernement a ainsi revu « à la baisse la prévision de croissance du PIB à 2,5 % en 2022, contre 4,0 % dans le scénario du PLF 2022. »

20. Selon le Gouvernement, « l'inflation atteindrait + 5,0 % en moyenne annuelle en 2022, après + 1,6 % en 2021. Les prix de l'énergie contribueraient pour près de 40 % à cette hausse des prix, sous l'hypothèse d'un prix du pétrole gelé à son niveau de juin, 114 $ soit 106 €, sur la fin de l'année, pour une moyenne annuelle à 110 $ soit 102 €. »

21. Le Gouvernement précise que « les aléas autour de cette prévision sont importants. L'évolution de la situation en Ukraine constitue l'aléa majeur, principalement baissier […] Un resserrement plus rapide de la politique monétaire de la BCE se traduirait sur les conditions de financement, et pourrait peser sur les projets d'investissement des entreprises et des ménages. L'évolution de la situation sanitaire demeure un aléa […] Le scénario retient une baisse très graduelle du taux d'épargne des ménages. Une diminution plus marquée […] soutiendrait davantage la consommation et donc l'activité. »

2. Appréciation du Haut Conseil

22. Le Haut Conseil apprécie successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.

a) La croissance de l'activité

23. Au premier trimestre 2022, le PIB s'est contracté de 0,2 %, affecté par la vague épidémique du variant Omicron et les premières répercussions de l'invasion de l'Ukraine. En outre, la publication par l'INSEE des comptes annuels le 31 mai dernier a conduit à réviser en baisse l'acquis de croissance sur 2022, à 1,9 % à l'issue du premier trimestre 2022. L'amélioration de la situation sanitaire et la bonne tenue de l'emploi laissent toutefois attendre un rebond de la consommation et du PIB au deuxième trimestre. Le degré élevé d'incertitude lié au contexte international et le maintien de l'inflation à un niveau élevé continueraient néanmoins à peser sur la croissance.

24. La prévision du Gouvernement se situe au niveau du Consensus Forecasts de juin 2022 (+ 2,5 %). Elle est supérieure aux prévisions les plus récentes, celles de l'OCDE (+ 2,4 %), de l'OFCE (+ 2,4 %), de l'INSEE (+ 2,3 %), de la Banque de France (+ 2,3 %) et de Rexecode (+ 2,1 %).

Tableau 4. - Prévisions de croissance du PIB pour 2022 (en %)

OCDE (juin 2022)

2,4

Banque de France (juin 2022)

2,3

Rexecode (juin 2022)

2,1

OFCE (juin 2022)

2,4

Insee (juin 2022)

2,3

Consensus Forecasts (juin 2022)

2,5

Gouvernement (PLFR1 pour 2022 - juin 2022)

2,5

Pour information PLF 2022 - octobre 2021

4,0

Source : Prévisions des organismes et instituts de conjoncture.

25. Les chocs survenus depuis l'automne (vague Omicron, guerre en Ukraine, hausse des prix des matières premières, rupture de certaines chaînes d'approvisionnement) ont conduit le Gouvernement à réviser sa prévision de croissance de 4,0 % à 2,5 %. Cette dernière repose sur l'hypothèse d'une forte progression de la consommation (+ 2,8 %) tirée par une hausse modérée du revenu réel des ménages (+ 0,5 %) et une nette diminution du taux d'épargne (- 1,9 point), même si celui-ci resterait encore supérieur à son niveau d'avant-crise (16,8 points en 2022 contre 15,1 points en 2019). L'investissement des entreprises demeurerait par ailleurs bien orienté (+ 2,0 %). Les exportations françaises continueraient à être très dynamiques (+ 7,1 %).

26. Compte tenu de l'acquis de croissance de 1,9 % à la fin du premier trimestre, la prévision du Gouvernement suppose que l'économie française progresse au cours des prochains trimestres à un rythme de l'ordre de 0,4 % par trimestre. Les enquêtes de conjoncture de l'INSEE, si elles affichent une dégradation du climat des affaires depuis le début de l'année, ne laissent pas entrevoir de retournement de l'activité à ce stade et l'ensemble des mesures budgétaires de soutien au revenu et la bonne tenue de l'emploi devraient favoriser un rebond de la consommation après la chute du premier trimestre.

27. Toutefois, cette prévision est fragilisée par plusieurs facteurs. Une évolution du pouvoir d'achat plus proche de celle prévue par d'autres organismes (3) se traduirait par une consommation plus faible. De plus, la chute de l'indicateur de confiance des ménages qui ressort de l'enquête de conjoncture de l'INSEE, à un niveau proche de ses plus bas atteints en 2018 et 2020, laisse penser qu'ils pourraient décider de différer leurs décisions d'achat au profit de l'épargne. Par ailleurs, la diminution des marges des entreprises, résultat de la forte hausse de leurs coûts, et la remontée des taux d'intérêt devraient peser sur l'investissement après son fort rebond en 2021, comme le laisse également présager l'orientation à la baisse des perspectives de demande des entreprises depuis le mois de mars. En particulier, l'investissement en services d'information et en communication, particulièrement dynamique au cours des 18 derniers mois du fait des besoins nés de la crise sanitaire, pourrait s'essouffler.

28. En outre, les difficultés d'approvisionnement énergétiques en Europe, la hausse récente de l'inflation dans les pays industrialisés ainsi que le resserrement en cours des politiques monétaires, constituent un risque important d'affaissement de la demande étrangère adressée à la France au second semestre 2022 et pourraient donc peser sur les exportations : d'ailleurs, la croissance du commerce de biens et services anticipée par le Gouvernement (+ 5,9 %) est supérieure aux prévisions des institutions internationales.

29. Compte tenu de l'ensemble des risques pesant notamment sur l'environnement international, le risque d'une accentuation du ralentissement de l'économie française en fin d'année n'est pas négligeable.

30. Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n'est pas hors d'atteinte mais est un peu élevée.

b) La hausse des prix à la consommation

31. Le Gouvernement a révisé à la hausse sa prévision d'inflation en 2022, à 5,0 % en moyenne annuelle (contre 1,5 % attendu en LFI 2022) pour l'indice des prix à la consommation, en hausse sensible par rapport à 2021 (1,6 %).

32. Cette hausse provient, tout d'abord, d'une augmentation plus forte des prix des produits alimentaires et énergétiques, résultant d'un renchérissement des matières premières (pétrole, gaz naturel, charbon, blé en particulier). Ensuite, la hausse des coûts des matières premières et le renchérissement des prix des intrants dû aux perturbations des chaînes d'approvisionnement se transmettent progressivement aux prix des biens manufacturés qui, depuis un an, augmentent plus fortement qu'anticipé. Enfin, les prix des services progressent aussi, tirés par l'accélération des salaires.

Tableau 5. - Prévisions d'inflation (IPC) pour 2022

Date de publication

Moyenne annuelle en %

Gouvernement

juin 2022

5,0

Banque de France

juin 2022

5,1

Consensus Forecasts

juin 2022

5,0

Insee

juin 2022

5,5

OFCE

juin 2022

4,9

Rexecode

juin 2022

5,2

Source : PLFR1 pour 2022, prévisions des organismes et instituts de conjoncture.