JORF n°0269 du 5 novembre 2020

| Synthèse | |:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------| |Le Haut Conseil est saisi par le Gouvernement d'un quatrième projet de loi de finances rectificatif (PLFR) qui intègre de nouveau des modifications importantes du scénario macroéconomique comme de celui de finances publiques. Il note que les incertitudes liées à la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19 restent exceptionnellement fortes.
Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.
Le Haut Conseil relève que les prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2020 de l'ensemble des administrations publiques prennent en compte les conséquences de la chute de l'activité inscrite dans le scénario macroéconomique et la réévaluation à la hausse du coût des mesures de soutien aux entreprises et au revenu des ménages. Elles tiennent compte des incertitudes d'une ampleur inhabituelle à ce stade de l'année qui pèsent sur les finances publiques.
Comme dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil relève le caractère non significatif de l'évaluation du solde structurel présentée par le Gouvernement qui s'établirait en 2020 à -0,6 point de PIB, en amélioration de 1,6 point de PIB par rapport à 2019 alors même que la situation des finances publiques est exceptionnellement dégradée cette année. Il estime que la référence à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018 est rendue caduque par la révision à la baisse qu'il serait nécessaire d'effectuer, en raison de la crise sanitaire, sur l'estimation de PIB potentiel pour 2020 figurant dans la LPFP. Par ailleurs, le calcul du solde structurel est rendu peu significatif par les conventions retenues par le Gouvernement pour classer en mesures ponctuelles et temporaires de nombreuses mesures de soutien.
Le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique, à nouveau révisé à la hausse, s'établirait, en 2020, plus de 20 points au-dessus de son niveau d'avant-crise. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.
Ainsi qu'il l'a déjà relevé dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil considère que, dans un contexte où un affaiblissement vraisemblable de la croissance potentielle à la suite de la crise sanitaire risque de rendre plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme des finances publiques constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.|

  1. En application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement le 30 octobre 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au 4e projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 et sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel.

  2. Dans le contexte de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19, le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la cinquième fois cette année, à rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement et l'évolution de la trajectoire de solde structurel en 2020, après les trois projets de loi de finances rectificative du printemps et le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 présenté en septembre.

  3. Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que lui a adressés le Haut Conseil.

  4. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, aux auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) à la suite de la saisine.

  5. Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les travaux de l'Insee, de la direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, de la Banque de France, de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

  6. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 2 novembre 2020, le présent avis.

  7. Les prévisions macroéconomiques pour 2020

  8. Le Gouvernement a révisé son scénario d'activité pour 2020 par rapport au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, sans toutefois présenter de prévision actualisée sur les autres grandeurs macroéconomiques (composition de l'activité, comptes des ménages ou des entreprises, évolution des prix, etc.). Le recul du PIB prévu pour 2020 est accru par rapport au PLF pour 2021, passant de 10 % à 11 % dans le présent PLFR.

  9. Le rebond de l'activité attendu pour le troisième trimestre au moment de la présentation du PLF pour 2021 a pourtant bien eu lieu : le PIB a crû de 18 % au troisième trimestre. Ce rebond est même un peu supérieur à celui qu'attendait l'Insee ou la Banque de France. L'acquis de recul du PIB (1) s'établit ainsi à -8,3 % à l'issue du troisième trimestre, donc nettement au-dessus du recul prévu pour 2020 par le Gouvernement dans ce PLFR.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

  1. Néanmoins, la dégradation de la situation sanitaire depuis la publication du PLF pour 2021 et le net durcissement des restrictions sanitaires à partir du 30 octobre laissent désormais attendre un recul de l'activité au quatrième trimestre plus important que celui retenu par le Gouvernement dans le scénario du PLF pour 2021.
  2. A titre illustratif, une contraction annuelle du PIB d'exactement 11 % en 2020 suppose un PIB inférieur de l'ordre de 15 % à son niveau de la fin 2019.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

  1. L'ampleur du recul de l'activité qui sera effectivement enregistré au quatrième trimestre est affecté par de nombreuses incertitudes, qui portent principalement sur :

- le recul de l'activité entraîné par le reconfinement décidé par le Gouvernement à partir du 30 octobre 2020 ;
- la durée du confinement, le Président de la République ayant annoncé que celui-ci serait maintenu tant que le nombre de contaminations n'aura pas été suffisamment réduit ;
- l'intensité des mesures de confinement, qui sont susceptibles d'être assouplies ou au contraire durcies si les restrictions décidées se révèlent efficaces ou au contraire insuffisantes à faire reculer la prévalence du virus (2) ;
- l'ampleur ensuite du rebond de l'activité, lorsque les mesures de restriction à l'activité et aux déplacements commenceront à être levées.

  1. L'estimation du recul de l'activité entraîné par le nouveau confinement est difficile : bien que celui-ci soit moins strict qu'au printemps, les écoles et les usines notamment restant ouvertes, il limite très significativement le fonctionnement de pans importants de l'économie.

| Ordres de grandeur de l'impact d'un mois de confinement strict | |:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------| |Au regard des estimations disponibles sur la situation économique et de finances publiques du printemps 2020, quelques ordres de grandeur peuvent être retenus pour un confinement strict (c'est-à-dire emportant des mesures de restrictions équivalentes à celles du printemps 2020 et donc plus fortes que celles annoncées le 28 octobre). Un mois de confinement strict se traduirait ainsi par :
- un impact sur le PIB annuel de l'ordre de 2,5 % par mois de confinement, selon la dernière estimation faite par l'Insee (3) de l'impact du confinement en avril 2020, traduisant une perte d'activité de 30 % par rapport à la normale ;
- un impact sur le déficit de l'ordre de 36 Md€ (1,5 point de PIB), dont environ 16 Md€ résultant de moindres recettes et de l'ordre de 20 Md€ de dépenses supplémentaires, sous l'hypothèse que les mesures prises lors du confinement du printemps 2020 seraient soit reconduites à l'identique (4), soit étendues à leur niveau de début octobre s'agissant des dépenses du fonds de solidarité compte tenu de l'accroissement des aides attribuées (5).|

  1. L'impact sur l'activité des secteurs soumis aux mêmes restrictions d'activité que lors du premier confinement peut être estimé en supposant qu'il sera proche de celui enregistré en avril.

  2. En revanche, l'impact du confinement sur les autres secteurs ne peut pas être directement déduit de cet épisode, car ceux-ci sont en principe moins affectés par les restrictions de circulation et la fermeture des écoles qui avaient empêché au printemps les entreprises de disposer d'une part importante de leur main-d'œuvre. Par ailleurs, les entreprises devraient être davantage préparées à faire face aux restrictions sanitaires qu'elles ne l'étaient au printemps. Elles devraient donc ajuster en conséquence leur activité dans des proportions moindres que lors du confinement du printemps mais très difficiles à apprécier précisément.

  3. Ainsi, les mesures de confinement décidées fin octobre devraient conduire en novembre à un recul de l'activité par rapport à son niveau de la fin 2019 intermédiaire entre celui enregistré au troisième trimestre (environ 4 % en moyenne) et celui d'avril (de l'ordre de 30 %).

  4. Le niveau du PIB pour le dernier trimestre de 2020 compatible avec un recul du PIB proche de 11 % en 2020 (un PIB inférieur à son niveau de la fin 2019 de près de 15 %, soit près de 20 % en dessous de la normale en moyenne sur les seuls mois de novembre et décembre (6) suppose ainsi une dégradation marquée de l'activité et une prolongation du confinement au-delà du seul mois de novembre.

  5. Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.

  6. Les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des finances publiques

  7. Avant le reconfinement et la mise en œuvre de nouvelles mesures d'urgence et de soutien, le Haut Conseil avait estimé, dans son avis de septembre sur le PLF pour 2021, les prévisions de prélèvements obligatoires cohérentes avec le scénario économique retenu et celle de dépenses publiques vraisemblables.

  8. Comme les prévisions macroéconomiques, celles de finances publiques ont été révisées pour tenir compte de l'impact du durcissement des restrictions sanitaires et des mesures prises pour soutenir les ménages et des entreprises affectés par ce durcissement.

  9. La prévision de déficit public est ainsi accrue d'un point de PIB par rapport à la prévision sous-jacente du PLF 2021, à 11,3 points de PIB, et la prévision de dette publique de l'ordre de deux points de PIB, à 119,8 points de PIB. L'accroissement du déficit public serait en totalité imputable à la hausse des dépenses, pour un montant total de 20,1 Md€, tandis que l'hypothèse de recettes est pratiquement inchangée par rapport au PLF pour 2021.

  10. En matière de prélèvements obligatoires, le Gouvernement estime que l'impact du reconfinement sera compensé par les plus-values de recettes, notamment d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui ont été enregistrées à la fin septembre par rapport à la prévision sous-jacente au PLF pour 2021. Cette estimation, qui reste soumise à l'incertitude qui entoure notamment l'évolution de la consommation et de la masse salariale sur la fin de l'année, du fait des restrictions sanitaires, et le rendement toujours difficile à anticiper du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, est plausible.

  11. La survenance de la deuxième vague épidémique de Covid-19 conduit en revanche à réviser les dépenses publiques à la hausse du fait de l'accroissement important du soutien apporté aux différents acteurs économiques. L'augmentation des dépenses publiques (hors crédits d'impôts) affichée dans le 4e PLFR pour 2020, de 7,8 % en valeur, est ainsi revue de plus d'un point à la hausse par rapport à celle présentée dans le PLF pour 2021 (6,5 %).

  12. Ce nouveau rehaussement de la prévision de dépenses traduit principalement le renforcement du soutien économique apporté au revenu des ménages et des entreprises, dans le cadre essentiellement des dispositifs qui avaient déjà été mis en place au printemps dernier, en particulier les aides directes aux entreprises via le fonds de solidarité (+ 10,9 Md€), les exonérations de cotisations sociales (+ 3,0 Md€) et l'activité partielle (+ 3,2 Md€). Cette nouvelle enveloppe s'ajoute à celles qui avaient déjà été ouvertes dans les précédents PLFR, les mesures d'urgence et de soutien étant prolongées voire renforcées. En particulier, le taux de prise en charge par les administrations publiques du coût porté par les entreprises au titre de l'activité partielle, qui avait été réduit en juin, est remis à son niveau du printemps, tandis que l'accroissement, décidé début octobre, du niveau des aides octroyées par le fonds de solidarité aux entreprises est maintenu.

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  1. En outre, avec le rebond de l'épidémie enregistré fin octobre, la prévision intègre une hausse de 2,4 Md€ de l'Ondam 2020 par rapport au PLFSS déposé en septembre qui a déjà été traduite dans le PLFSS en cours de discussion au Parlement sous la forme d'un amendement présenté par le Gouvernement le 21 octobre (7). Cette hausse inclut principalement l'augmentation à hauteur de 1,9 Md€ des moyens des établissements de santé et médico-sociaux.

Estimation par le Gouvernement des mesures de soutien affectant le déficit public

(en Md€)

| Mesures ayant un effet sur le déficit public (8) |Pour mémoire : PLF pour 2021 (9)|PLFR 4| |-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|--------------------------------|------| | Activité partielle | 30,8 | 34,0 | | Fonds de solidarité (hors part assureurs) | 8,5 | 19,4 | | ONDAM exceptionnel | 9,8 | 11,8 | | Compensation d'exonération de cotisations sociales | 5,2 | 8,2 | |Prolongation des revenus de remplacement et du décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage| 1,6 | 1,6 | | Aide exceptionnelle aux indépendants (CPSTI) | 0,9 | 0,9 | | Inclusion sociale et protection des personnes vulnérables
(y compris prime exceptionnelle précarité) | 0,9 | 2,0 | | Avances remboursables aux entreprises | 0,5 | 0,5 | | Report des déficits antérieurs sur l'assiette fiscale IS (Carry-Back) | 0,4 | 0,4 | | Achat de masques non chirurgicaux | 0,3 | 0,6 | | Sinistralité BEI | 0,1 | 0,1 | | Crédits divers de l'État (crédits supplémentaires d'urgence, autres crédits LFR III) | 5,6 | 6,0 | | Total (en Md€) | 64,5 | 85,4 | | Total (en points de PIB) | 2,9 % |3,9 % |

Source : rapport économique social et financier (RESF) pour 2021 annexé au PLF 2021 et PLFR 4


Historique des versions

Version 1

Synthèse

Le Haut Conseil est saisi par le Gouvernement d'un quatrième projet de loi de finances rectificatif (PLFR) qui intègre de nouveau des modifications importantes du scénario macroéconomique comme de celui de finances publiques. Il note que les incertitudes liées à la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19 restent exceptionnellement fortes.

Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.

Le Haut Conseil relève que les prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2020 de l'ensemble des administrations publiques prennent en compte les conséquences de la chute de l'activité inscrite dans le scénario macroéconomique et la réévaluation à la hausse du coût des mesures de soutien aux entreprises et au revenu des ménages. Elles tiennent compte des incertitudes d'une ampleur inhabituelle à ce stade de l'année qui pèsent sur les finances publiques.

Comme dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil relève le caractère non significatif de l'évaluation du solde structurel présentée par le Gouvernement qui s'établirait en 2020 à -0,6 point de PIB, en amélioration de 1,6 point de PIB par rapport à 2019 alors même que la situation des finances publiques est exceptionnellement dégradée cette année. Il estime que la référence à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018 est rendue caduque par la révision à la baisse qu'il serait nécessaire d'effectuer, en raison de la crise sanitaire, sur l'estimation de PIB potentiel pour 2020 figurant dans la LPFP. Par ailleurs, le calcul du solde structurel est rendu peu significatif par les conventions retenues par le Gouvernement pour classer en mesures ponctuelles et temporaires de nombreuses mesures de soutien.

Le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique, à nouveau révisé à la hausse, s'établirait, en 2020, plus de 20 points au-dessus de son niveau d'avant-crise. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.

Ainsi qu'il l'a déjà relevé dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil considère que, dans un contexte où un affaiblissement vraisemblable de la croissance potentielle à la suite de la crise sanitaire risque de rendre plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme des finances publiques constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.

1. En application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement le 30 octobre 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au 4e projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 et sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel.

2. Dans le contexte de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19, le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la cinquième fois cette année, à rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement et l'évolution de la trajectoire de solde structurel en 2020, après les trois projets de loi de finances rectificative du printemps et le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 présenté en septembre.

3. Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que lui a adressés le Haut Conseil.

4. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, aux auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) à la suite de la saisine.

5. Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les travaux de l'Insee, de la direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, de la Banque de France, de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

6. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 2 novembre 2020, le présent avis.

1. Les prévisions macroéconomiques pour 2020

7. Le Gouvernement a révisé son scénario d'activité pour 2020 par rapport au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, sans toutefois présenter de prévision actualisée sur les autres grandeurs macroéconomiques (composition de l'activité, comptes des ménages ou des entreprises, évolution des prix, etc.). Le recul du PIB prévu pour 2020 est accru par rapport au PLF pour 2021, passant de 10 % à 11 % dans le présent PLFR.

8. Le rebond de l'activité attendu pour le troisième trimestre au moment de la présentation du PLF pour 2021 a pourtant bien eu lieu : le PIB a crû de 18 % au troisième trimestre. Ce rebond est même un peu supérieur à celui qu'attendait l'Insee ou la Banque de France. L'acquis de recul du PIB (1) s'établit ainsi à -8,3 % à l'issue du troisième trimestre, donc nettement au-dessus du recul prévu pour 2020 par le Gouvernement dans ce PLFR.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

9. Néanmoins, la dégradation de la situation sanitaire depuis la publication du PLF pour 2021 et le net durcissement des restrictions sanitaires à partir du 30 octobre laissent désormais attendre un recul de l'activité au quatrième trimestre plus important que celui retenu par le Gouvernement dans le scénario du PLF pour 2021.

10. A titre illustratif, une contraction annuelle du PIB d'exactement 11 % en 2020 suppose un PIB inférieur de l'ordre de 15 % à son niveau de la fin 2019.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

11. L'ampleur du recul de l'activité qui sera effectivement enregistré au quatrième trimestre est affecté par de nombreuses incertitudes, qui portent principalement sur :

- le recul de l'activité entraîné par le reconfinement décidé par le Gouvernement à partir du 30 octobre 2020 ;

- la durée du confinement, le Président de la République ayant annoncé que celui-ci serait maintenu tant que le nombre de contaminations n'aura pas été suffisamment réduit ;

- l'intensité des mesures de confinement, qui sont susceptibles d'être assouplies ou au contraire durcies si les restrictions décidées se révèlent efficaces ou au contraire insuffisantes à faire reculer la prévalence du virus (2) ;

- l'ampleur ensuite du rebond de l'activité, lorsque les mesures de restriction à l'activité et aux déplacements commenceront à être levées.

12. L'estimation du recul de l'activité entraîné par le nouveau confinement est difficile : bien que celui-ci soit moins strict qu'au printemps, les écoles et les usines notamment restant ouvertes, il limite très significativement le fonctionnement de pans importants de l'économie.

Ordres de grandeur de l'impact d'un mois de confinement strict

Au regard des estimations disponibles sur la situation économique et de finances publiques du printemps 2020, quelques ordres de grandeur peuvent être retenus pour un confinement strict (c'est-à-dire emportant des mesures de restrictions équivalentes à celles du printemps 2020 et donc plus fortes que celles annoncées le 28 octobre). Un mois de confinement strict se traduirait ainsi par :

- un impact sur le PIB annuel de l'ordre de 2,5 % par mois de confinement, selon la dernière estimation faite par l'Insee (3) de l'impact du confinement en avril 2020, traduisant une perte d'activité de 30 % par rapport à la normale ;

- un impact sur le déficit de l'ordre de 36 Md€ (1,5 point de PIB), dont environ 16 Md€ résultant de moindres recettes et de l'ordre de 20 Md€ de dépenses supplémentaires, sous l'hypothèse que les mesures prises lors du confinement du printemps 2020 seraient soit reconduites à l'identique (4), soit étendues à leur niveau de début octobre s'agissant des dépenses du fonds de solidarité compte tenu de l'accroissement des aides attribuées (5).

13. L'impact sur l'activité des secteurs soumis aux mêmes restrictions d'activité que lors du premier confinement peut être estimé en supposant qu'il sera proche de celui enregistré en avril.

14. En revanche, l'impact du confinement sur les autres secteurs ne peut pas être directement déduit de cet épisode, car ceux-ci sont en principe moins affectés par les restrictions de circulation et la fermeture des écoles qui avaient empêché au printemps les entreprises de disposer d'une part importante de leur main-d'œuvre. Par ailleurs, les entreprises devraient être davantage préparées à faire face aux restrictions sanitaires qu'elles ne l'étaient au printemps. Elles devraient donc ajuster en conséquence leur activité dans des proportions moindres que lors du confinement du printemps mais très difficiles à apprécier précisément.

15. Ainsi, les mesures de confinement décidées fin octobre devraient conduire en novembre à un recul de l'activité par rapport à son niveau de la fin 2019 intermédiaire entre celui enregistré au troisième trimestre (environ 4 % en moyenne) et celui d'avril (de l'ordre de 30 %).

16. Le niveau du PIB pour le dernier trimestre de 2020 compatible avec un recul du PIB proche de 11 % en 2020 (un PIB inférieur à son niveau de la fin 2019 de près de 15 %, soit près de 20 % en dessous de la normale en moyenne sur les seuls mois de novembre et décembre (6) suppose ainsi une dégradation marquée de l'activité et une prolongation du confinement au-delà du seul mois de novembre.

17. Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.

2. Les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des finances publiques

18. Avant le reconfinement et la mise en œuvre de nouvelles mesures d'urgence et de soutien, le Haut Conseil avait estimé, dans son avis de septembre sur le PLF pour 2021, les prévisions de prélèvements obligatoires cohérentes avec le scénario économique retenu et celle de dépenses publiques vraisemblables.

19. Comme les prévisions macroéconomiques, celles de finances publiques ont été révisées pour tenir compte de l'impact du durcissement des restrictions sanitaires et des mesures prises pour soutenir les ménages et des entreprises affectés par ce durcissement.

20. La prévision de déficit public est ainsi accrue d'un point de PIB par rapport à la prévision sous-jacente du PLF 2021, à 11,3 points de PIB, et la prévision de dette publique de l'ordre de deux points de PIB, à 119,8 points de PIB. L'accroissement du déficit public serait en totalité imputable à la hausse des dépenses, pour un montant total de 20,1 Md€, tandis que l'hypothèse de recettes est pratiquement inchangée par rapport au PLF pour 2021.

21. En matière de prélèvements obligatoires, le Gouvernement estime que l'impact du reconfinement sera compensé par les plus-values de recettes, notamment d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui ont été enregistrées à la fin septembre par rapport à la prévision sous-jacente au PLF pour 2021. Cette estimation, qui reste soumise à l'incertitude qui entoure notamment l'évolution de la consommation et de la masse salariale sur la fin de l'année, du fait des restrictions sanitaires, et le rendement toujours difficile à anticiper du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, est plausible.

22. La survenance de la deuxième vague épidémique de Covid-19 conduit en revanche à réviser les dépenses publiques à la hausse du fait de l'accroissement important du soutien apporté aux différents acteurs économiques. L'augmentation des dépenses publiques (hors crédits d'impôts) affichée dans le 4e PLFR pour 2020, de 7,8 % en valeur, est ainsi revue de plus d'un point à la hausse par rapport à celle présentée dans le PLF pour 2021 (6,5 %).

23. Ce nouveau rehaussement de la prévision de dépenses traduit principalement le renforcement du soutien économique apporté au revenu des ménages et des entreprises, dans le cadre essentiellement des dispositifs qui avaient déjà été mis en place au printemps dernier, en particulier les aides directes aux entreprises via le fonds de solidarité (+ 10,9 Md€), les exonérations de cotisations sociales (+ 3,0 Md€) et l'activité partielle (+ 3,2 Md€). Cette nouvelle enveloppe s'ajoute à celles qui avaient déjà été ouvertes dans les précédents PLFR, les mesures d'urgence et de soutien étant prolongées voire renforcées. En particulier, le taux de prise en charge par les administrations publiques du coût porté par les entreprises au titre de l'activité partielle, qui avait été réduit en juin, est remis à son niveau du printemps, tandis que l'accroissement, décidé début octobre, du niveau des aides octroyées par le fonds de solidarité aux entreprises est maintenu.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

24. En outre, avec le rebond de l'épidémie enregistré fin octobre, la prévision intègre une hausse de 2,4 Md€ de l'Ondam 2020 par rapport au PLFSS déposé en septembre qui a déjà été traduite dans le PLFSS en cours de discussion au Parlement sous la forme d'un amendement présenté par le Gouvernement le 21 octobre (7). Cette hausse inclut principalement l'augmentation à hauteur de 1,9 Md€ des moyens des établissements de santé et médico-sociaux.

Estimation par le Gouvernement des mesures de soutien affectant le déficit public

(en Md€)

Mesures ayant un effet sur le déficit public (8)

Pour mémoire : PLF pour 2021 (9)

PLFR 4

Activité partielle

30,8

34,0

Fonds de solidarité (hors part assureurs)

8,5

19,4

ONDAM exceptionnel

9,8

11,8

Compensation d'exonération de cotisations sociales

5,2

8,2

Prolongation des revenus de remplacement et du décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage

1,6

1,6

Aide exceptionnelle aux indépendants (CPSTI)

0,9

0,9

Inclusion sociale et protection des personnes vulnérables

(y compris prime exceptionnelle précarité)

0,9

2,0

Avances remboursables aux entreprises

0,5

0,5

Report des déficits antérieurs sur l'assiette fiscale IS (Carry-Back)

0,4

0,4

Achat de masques non chirurgicaux

0,3

0,6

Sinistralité BEI

0,1

0,1

Crédits divers de l'État (crédits supplémentaires d'urgence, autres crédits LFR III)

5,6

6,0

Total (en Md€)

64,5

85,4

Total (en points de PIB)

2,9 %

3,9 %

Source : rapport économique social et financier (RESF) pour 2021 annexé au PLF 2021 et PLFR 4