JORF n°0113 du 16 mai 2019

Avis n°HCFP-2019-2

9 mai 2019

Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 24 avril 2019, en application de l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, afin de se prononcer sur le respect, en 2018, des objectifs pluriannuels de solde structurel. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 29 avril 2019, le présent avis.

Avertissement

L'avis du Haut Conseil sur le projet de loi de règlement porte sur le solde structurel dont le calcul dépend des estimations du PIB établies par l'INSEE. L'avancement progressif du calendrier de la loi de règlement, afin de faciliter les travaux d'évaluation du Parlement, conduit cette année à prendre en compte des estimations susceptibles d'être modifiées le 17 mai, postérieurement à l'avis du Haut Conseil, lors de la publication par l'INSEE des premiers résultats des comptes annuels de 2018. D'éventuelles modifications pourraient avoir des conséquences sur l'évaluation du déficit structurel (annexe 2).
Le Haut Conseil note en conséquence que le calendrier retenu conduit à formuler un avis sur la base de données qui pourraient faire l'objet de modifications à très brève échéance et, de ce fait, être différentes de celles qui seront disponibles lors du débat au Parlement.

Synthèse

Sous la réserve relative à l'estimation du PIB, le Haut Conseil constate que le déficit structurel estimé pour 2018 est identique à celui figurant dans la loi de programmation de janvier 2018 et qu'il n'y a donc pas lieu de déclencher le mécanisme de correction prévu par l'article 23 de la loi organique.
Sur la base de la croissance potentielle retenue dans la LPFP 2018-2022 et des estimations actuelles de croissance, le déficit structurel se réduit de 0,2 point de PIB en 2018. L'effort structurel, qui vise à mesurer la part de cette amélioration résultant de l'action des pouvoirs publics, est également de 0,2 point. Cette évolution résulte de deux effets de sens contraire : un effort en dépense de 0,4 point et une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point.
Hors impact de la recapitalisation d'Areva en 2017, l'effort en dépense serait nul en 2017 (contre - 0,2 point) et de + 0,2 point en 2018 (contre + 0,4), ce qui réduirait à zéro l'ajustement et l'effort structurels en 2018.
Le Haut Conseil souligne que, si la diminution du déficit structurel est conforme en 2018 à la trajectoire inscrite dans la LPFP, le solde structurel (- 2,1 points de PIB) reste très éloigné de l'objectif de moyen terme (- 0,4 point de PIB) défini dans ce texte.

I. - Introduction

  1. Sur l'objet du présent avis

L'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 dispose que « le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants […] que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Un écart est considéré comme important lorsqu'il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives. L'identification d'un tel écart par le Haut Conseil déclenche le « mécanisme de correction » au sens du chapitre IV de la loi organique. La loi organique précise en outre que le solde structurel doit être calculé avec la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation.
Le Haut Conseil se réfère dans cet avis à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) en vigueur, soit celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022 (1).

  1. Sur les informations transmises et les délais

Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 24 avril 2019. Cette saisine comporte l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2018, notamment son tableau de synthèse qui présente le solde nominal et le solde structurel de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2018 (annexe 1). Elle était accompagnée des réponses à un questionnaire qui avait été transmis aux administrations compétentes le 15 avril 2019.
Le Haut Conseil a procédé à l'audition conjointe de la direction générale du Trésor et de la direction du budget le 26 avril 2019, conformément à la faculté offerte par l'article 18 de la loi organique précitée.

II. - Observations relatives aux écarts à la loi de programmation

Le solde structurel se déduit du solde effectif en neutralisant les effets de la conjoncture ainsi que les opérations exceptionnelles et temporaires. Les étapes de son estimation sont présentées en annexe 3.
Le Haut Conseil constate que la trajectoire de PIB potentiel et la méthode de calcul du solde structurel figurant dans l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2018 sont toutes deux conformes à celles de la LPFP de janvier 2018.
Le déficit public s'établit selon l'INSEE à 59,6 Md€ en 2018, soit 2,5 points de PIB, après 2,8 points en 2017.

Tableau 1 : Ecarts par rapport à la loi de programmation 2018-2022 (% du PIB)

| | 2017 | 2018 | | | | | |--------------------------------------|------------------------------------------|----------|------------------------|------------------------------------------|----------|---| | LPFP
(Jan. 2018) |Projet de loi de règlement 2018 (Mai 2019)|Ecart (*)|LPFP
(Jan. 2018)|Projet de loi de règlement 2018 (Mai 2019)|Ecart (*)| | | Solde effectif (1) | - 2,9 | - 2,8 | 0,1 | - 2,8 | - 2,5 |0,2| | Composante conjoncturelle (2) | - 0,6 | - 0,3 | 0,3 | - 0,4 | - 0,2 |0,2| |Mesures ponctuelles et temporaires (3)| - 0,1 | - 0,1 | 0,0 | - 0,2 | - 0,2 |0,0| |Solde structurel (1) - (2) - (3) (*) | - 2,2 | - 2,4 | -0,1 | - 2,1 | - 2,1 |0,0|

(*) Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Sources : loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques de janvier 2018 et projet de loi de règlement pour 2018.

Selon les estimations du Gouvernement, le déficit constaté en 2018 (2,5 points de PIB) est inférieur de 0,2 point (compte tenu des arrondis) à celui prévu pour 2018 dans la loi de programmation de janvier 2018 (2,8 points de PIB). Cet écart positif résulte d'une conjoncture plus favorable en 2017 que prévu dans la LPFP.
La composante conjoncturelle du déficit, calculée à partir de l'écart de production (voir annexe 3), est ainsi estimée à - 0,2 point de PIB en 2018 contre - 0,4 point dans la LPFP. Cette différence provient d'une activité plus soutenue que prévu au moment de l'établissement de la LPFP : la croissance constatée en 2017 a été plus forte qu'anticipé (2,2 % au lieu de 1,7 %), contribuant à une réduction plus rapide de l'écart de production.
Les opérations ponctuelles et temporaires pèsent sur le solde public à hauteur, selon le Gouvernement, de - 0,2 point de PIB (5,6 Md€) en 2018, comme estimé dans la LPFP. Les dépenses liées au remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes, qui ont été réparties sur les exercices 2017 et 2018, ont compté pour 3,7 Md€ l'an dernier (hors intérêts du contentieux). Les autres opérations tiennent à divers contentieux fiscaux et au changement du mode d'enregistrement comptable des ventes de licences hertziennes pour 1 Md€ (2).

Tableau 2 : Opérations exceptionnelles et temporaires, en Md€

| |2016 |2017 |2018 | |----------------------------------------------------|-----|-----|-----| | Contentieux 3 % dividendes | 0 |-4,7|-3,7| | Licences hertziennes | 0 | 0 |-1,0| | Dépenses UE |-0,9| 0 | 0 | | Intérêts des contentieux |-0,1|-0,7|-0,6| | Surtaxe IS | 0 | 4,9 | 0,1 | |Contentieux fiscaux (OPCVM, De Ruyter, Stéria, CVAE)|-1,1|-1,1|-0,4| | Effet sur le solde public |-2,1|-1,6|-5,6|

Source : Gouvernement.

Le Haut Conseil note que la recapitalisation d'Areva en 2017 (4,5 Md€) ne figure pas parmi les opérations ponctuelles retenues par le Gouvernement.
Le déficit structurel, qui correspond à la différence entre le déficit effectif et sa composante conjoncturelle après déduction des mesures ponctuelles et temporaires, est ainsi estimé à 2,1 points de PIB en 2018, soit un niveau identique à celui prévu dans la LPFP de janvier 2018.
Le Haut Conseil constate que le déficit structurel estimé pour 2018 est identique à celui figurant dans la loi de programmation de janvier 2018 et qu'il n'y a donc pas lieu de déclencher le mécanisme de correction prévu par l'article 23 de la loi organique.

III. - Observations relatives à la variation du solde structurel et à l'effort structurel

Sous la réserve relative à l'estimation du PIB, le Haut Conseil formule les observations suivantes relatives à l'ajustement et à l'effort structurels (3).
Le déficit structurel estimé passe de 2,4 points de PIB en 2017 à 2,1 points en 2018, correspondant à un ajustement structurel de 0,2 point (compte tenu des arrondis). En 2018, cette amélioration du solde structurel s'explique par un effort sur les dépenses publiques (hors crédits d'impôts) partiellement compensé par des mesures de baisse des prélèvements obligatoires.

Tableau 3 : Décomposition de la variation du solde structurel (en points de PIB) avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP

| |LPFP 2018-2022|PLR 2018|Ecart (PLR - LPFP)| | | | |----------------------------------------------|--------------|--------|------------------|-----|------|----| | | 2017 | 2018 | 2017 |2018 | 2017 |2018| | Solde structurel | -2,2 | -2,1 | -2,4 |-2,1|- 0,2|0,0 | | Variation du solde structurel | 0,2 | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 0 |0,1 | | Effort structurel | 0,0 | 0,2 | -0,1 | 0,2 |-0,1 |0,0 | |Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires| -0,1 | -0,3 | -0,1 |-0,2| 0,0 |0,1 | | Effort en dépense | 0,0 | 0,4 | -0,2 | 0,4 |-0,2 |0,0 | | Traitement des crédits d'impôt | 0,1 | 0,0 | 0,1 | 0,0 | 0,0 |0,0 | | Composante « non discrétionnaire » (4) | 0,2 | -0,1 | 0,3 | 0,0 | 0,1 |0,1 | | Recettes non fiscales | | | -0,1 |-0,1| | | | Effets d'élasticité des PO | 0,4 | 0,1 | 0,5 | 0,2 | 0,1 |0,1 |

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Source : loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques de janvier 2018 et projet de loi de règlement pour 2017.

L'effort structurel, c'est-à-dire la partie de l'amélioration du solde structurel qui est directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires, donc à l'action des pouvoirs publics, est estimé à 0,2 point en 2018, conformément à ce qui était prévu dans la loi de programmation.
L'effort en dépense est estimé à 0,4 point de PIB en 2018 comme prévu dans la LPFP de janvier 2018. Cet effort se mesure en comparant l'augmentation des dépenses publiques (hors crédits d'impôt et remboursement du contentieux 3 % dividendes) de 0,5 % en volume (5) à la croissance potentielle du PIB (estimée à 1,25 % en volume en 2018 selon la LPFP de janvier 2018) (6). Cet effort est identique à celui programmé en LPFP.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Source : HCFP à partir des données INSEE et du Gouvernement.

Si l'on neutralise la dépense de 4,5 Md€ en 2017 liée à la recapitalisation d'Areva, l'effort en dépense est nul en 2017 (au lieu de - 0,2 point de PIB) et de + 0,2 point en 2018 (au lieu de + 0,4). La croissance de la dépense publique en volume est alors en 2018 du même ordre qu'en 2017 (0,9 % après 1,0 %).

Tableau 4 : Evolution en % des dépenses publiques hors crédits d'impôt et remboursement taxe 3 % (en volume, déflaté par les prix du PIB)

| |2016|2017|2018| |--------------------------------------|----|----|----| |Avec recapitalisation d'Areva en 2017 |1,1 |1,4 |0,5 | |Corrigé de la recapitalisation d'Areva|1,1 |1,0 |0,9 |

Source : HCFP à partir des données INSEE.

Les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ont, selon le Gouvernement, un impact sur le solde estimé à - 0,2 point de PIB en 2018, soit un niveau très proche de celui figurant dans la LPFP (- 0,3 point), l'écart résultant d'effets d'arrondis.
Les facteurs « non discrétionnaires » (voir note 3 et annexe 3) avaient joué un rôle important en 2017 du fait de la forte élasticité des prélèvements obligatoires (annexe 4). Ils sont neutres sur l'évolution du solde structurel en 2018 : l'accroissement spontané (hors mesures) des recettes de prélèvements obligatoires, supérieur à la croissance du PIB en valeur (7), a en effet été compensé par d'autres facteurs, en particulier la diminution en part de PIB des recettes hors prélèvements obligatoires.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Source : loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques de janvier 2018 et projet de loi de règlement pour 2018
Note de lecture : De 2013 à 2015, la variation du solde structurel avait été inférieure à l'effort structurel et ce décalage s'est inversé à partir de 2016.

Sur la base de la croissance potentielle retenue dans la LPFP 2018-2022 et des estimations actuelles de croissance, le déficit structurel se réduit de 0,2 point de PIB en 2018. L'effort structurel, qui vise à mesurer la part de cette amélioration résultant de l'action des pouvoirs publics, est également de 0,2 point. Cette évolution résulte de deux effets de sens contraire : un effort en dépense de 0,4 point et une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point.
Hors impact de la recapitalisation d'Areva en 2017, l'effort en dépense serait nul en 2017 (contre - 0,2 point) et de + 0,2 point en 2018 (contre + 0,4), ce qui réduirait à zéro l'ajustement et l'effort structurels en 2018.

Le Haut Conseil souligne que, si la diminution du déficit structurel est conforme en 2018 à la trajectoire inscrite dans la LPFP, le solde structurel (- 2,1 points de PIB) reste très éloigné de l'objectif de moyen terme (- 0,4 point de PIB) défini dans ce texte.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

Fait à Paris, le 9 mai 2019.

Pour le Haut Conseil des finances publiques :

Le premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,

Didier Migaud

(1) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

(2) Un changement est intervenu en mai 2018 dans les règles d'enregistrement en comptabilité nationale des cessions de licences hertziennes. Leur produit est désormais lissé sur la durée d'exploitation des licences (soit une recette de 0,4 Md€ en 2018) alors qu'auparavant il était enregistré au moment des libérations de fréquences (soit 1 Md€ en 2018). Le nouveau mode de comptabilisation conduit à dégrader le solde de 2018. Le choix de classer le changement de comptabilisation en mesure temporaire contribue en 2018 à l'amélioration du solde structurel présenté par le Gouvernement.

(3) L'ajustement structurel est défini comme la variation du solde structurel. L'effort structurel est défini comme la part de cet ajustement découlant directement d'une action des pouvoirs publics sur les dépenses ou les recettes. Il rend mieux compte que l'ajustement structurel de l'orientation de la politique budgétaire. Les autres éléments qui ont une incidence sur le solde structurel - pour l'essentiel les variations des élasticités des prélèvements obligatoires et les recettes non fiscales - sont rassemblés dans la composante « non discrétionnaire ».

(4) Voir la définition précise en annexe 3.

(5) Cette évolution résulte d'une croissance de la dépense en valeur de 1,4 % en 2018 diminuée de la hausse de 0,9 % du prix du PIB, qui doit être utilisé dans le calcul de l'effort structurel. Dans l'article liminaire du projet de loi de règlement, l'évolution de la dépense en volume est déflatée par l'indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac, soit 1,6 % en 2018.

(6) Les dépenses publiques hors crédits d'impôts représentant 55 % du PIB, l'effort en dépense est proche de la moitié de l'écart entre le taux de croissance en volume de la dépense publique et celui du PIB potentiel.

(7) L'évolution spontanée des prélèvements (hors mesures) est estimée à 3,1 % en 2018 pour une croissance du PIB en valeur de 2,5 %.