Synthèse
Pour l'année 2018, le Haut Conseil estime que les enchaînements décrits dans le scénario macroéconomique du programme de stabilité pour la France sont plausibles tout comme les prévisions d'emploi, de masse salariale et d'inflation. Il considère que la prévision de croissance du Gouvernement de 2,0 % est réaliste.
Le Haut Conseil juge que les estimations de l'écart de production retenues par le Gouvernement pour 2017 et 2018 sont acceptables.
Il souligne cependant que l'incertitude entourant les estimations des écarts de production est importante et que celle-ci n'est pas levée par l'analyse des indicateurs de conjoncture et de prix qui sont en relation avec le cycle économique. En effet, si les taux d'utilisation des capacités de production et les difficultés de recrutement s'établissent début 2018 nettement au-dessus de leur moyenne de long terme, l'inflation sous-jacente reste encore très basse et ne témoigne pas de signes de tensions.
S'agissant de la croissance potentielle, le Haut Conseil renouvelle son appréciation de septembre dernier. Il considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la période 2018-2022 constituent une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme.
Le Haut Conseil observe que dans la plupart des prévisions disponibles, la croissance atteindrait son niveau le plus élevé en 2017 ou 2018 et connaîtrait en 2019 un infléchissement légèrement plus prononcé que dans la prévision du Gouvernement. Le Haut Conseil estime toutefois que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019, proche du consensus, est atteignable.
Pour les années suivantes, le Haut Conseil considère que le scénario retenu d'une croissance effective demeurant continûment supérieure à la croissance potentielle jusqu'en 2022 est optimiste, compte tenu notamment des hypothèses retenues en matière de hausse des taux d'intérêt et de consolidation des finances publiques.
Le Haut Conseil relève que le scénario de croissance du Gouvernement conduit à un solde des administrations publiques positif en fin de période et à une trajectoire de dette publique favorable. Il souligne que ce scénario de finances publiques repose sur une trajectoire de croissance optimiste.
Il note que le solde structurel, qui n'est pas affecté par les hypothèses de croissance effective, demeurerait négatif sur toute la période, tout en s'améliorant sensiblement.
Il rappelle qu'en tout état de cause, la réalisation de ce scénario de finances publiques nécessite un strict respect des engagements de maîtrise de la dépense publique.
OBSERVATIONS LIMINAIRES
En application de l'article 17 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022, établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne. Après en avoir délibéré lors de sa séance du 12 avril 2018, le haut Conseil a adopté le présent avis.
- Sur le périmètre de l'avis
Aux termes de l'article 17 de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil des finances publiques est saisi pour avis des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le programme de stabilité.
En conséquence, le présent avis ne porte pas sur le scénario de finances publiques lui-même. Toutefois, en raison de l'impact des finances publiques sur la croissance à court comme à moyen termes, le Haut Conseil doit tenir compte, pour apprécier la cohérence du scénario macroéconomique qui lui est présenté, d'éléments relatifs à la trajectoire de finances publiques.
- Sur les informations transmises
Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, le 6 avril 2018, du cadrage macroéconomique du projet de Programme de stabilité. Cette saisine a été accompagnée de réponses détaillées à un questionnaire qui avait été adressé au préalable par le Haut Conseil aux administrations compétentes.
- Sur la méthode utilisée par le Haut Conseil
Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au Programme de stabilité, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par le Gouvernement.
Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les dernières prévisions produites par un ensemble d'organismes comprenant des institutions internationales et nationales : la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la Banque de France et des instituts de conjoncture tels que COE-Rexecode et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique, à des auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) et de l'INSEE ainsi que d'organismes et experts extérieurs à l'administration des finances (Banque de France, COE-Rexecode, Natixis et OFCE).
Après une analyse du contexte général (I), le Haut Conseil formule son appréciation des prévisions macro-économiques sur lesquelles repose le projet de Programme de stabilité du Gouvernement d'abord pour 2018 (II) puis pour les années 2019 à 2022 (III).
I. - Un environnement économique mondial et européen dynamique
- Une croissance de l'économie mondiale toujours soutenue début 2018
La croissance mondiale s'est renforcée en 2017, au-delà de ce qui était attendu il y a un an. L'accélération concerne les économies avancées mais également les économies émergentes. En particulier, l'activité aux États-Unis a accéléré en 2017 après une année 2016 en retrait. La plupart des prévisions retiennent la poursuite de cette accélération de l'économie américaine en 2018, sous l'effet notamment du stimulus induit par la réforme fiscale. En outre, le ralentissement de l'économie chinoise reste modéré tandis que la Russie et le Brésil sont sortis de récession. Le commerce mondial est en nette reprise depuis la fin de 2016 et sa progression se poursuit au début de 2018. Après avoir été peu dynamique en 2015 et 2016, il constitue un élément de soutien de l'activité pour la zone euro.
Depuis les prévisions associées au projet de loi de finances (PLF) pour 2018, le prix du pétrole a augmenté pour s'établir dans une fourchette de 65 $ à 70 $ / baril en mars (contre une hypothèse de 52 $) et l'euro s'est apprécié vis-à-vis du dollar (1,23 $ en mars contre 1,18).
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- Une poursuite de la reprise en zone euro
La croissance s'est renforcée en zone euro en 2017, s'élevant à 2,5 % en moyenne annuelle (après 1,8 % en 2016). L'indicateur du climat des affaires, issu des enquêtes de conjoncture, qui s'était amélioré de manière continue entre la rentrée 2016 et la fin 2017, jusqu'à atteindre les meilleurs niveaux constatés dans le passé (en 2000 et 2007), s'est légèrement replié au début de 2018. Il reste toutefois élevé.
La reprise de la zone euro devrait se poursuivre en 2018, portée par la demande mondiale et par une demande intérieure soutenue bénéficiant de la confiance toujours élevée des agents économiques, de conditions monétaires encore favorables et de politiques budgétaires légèrement expansives dans la zone euro.
- En France, une accélération de l'activité en 2017
La France a connu un net redressement de sa croissance économique en 2017 (2,0 %) par rapport à 2016 (1,1 %).
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La demande intérieure (hors stocks) a contribué à hauteur de près de 2 points à la croissance au cours de chacune des années 2016 et 2017, mais avec une composition différente : elle a reposé davantage en 2017 sur l'investissement des entreprises (4,4 % après 3,4 % en 2016) et l'investissement en logement (5,4 % après 2,4 %) et moins sur la consommation des ménages (1,3 % après 2,1 %). La contribution du commerce extérieur à la croissance a continué de peser sur l'activité en 2017 (- 0,3 point), mais dans une proportion moindre qu'en 2016 (où cette contribution avait atteint - 0,8 point, du fait en partie de facteurs exceptionnels ayant affecté les activités touristiques et les exportations agricoles). Cette contribution négative en 2017 doit toutefois être relativisée par l'accroissement des stocks d'équipements destinés à l'exportation (1).
La croissance française est restée inférieure à la moyenne de la zone euro dans son ensemble au cours de ces deux années. L'écart provient essentiellement de la contribution négative des échanges extérieurs, alors que la progression de la demande intérieure, en nette accélération dès 2016, a été proche de la moyenne européenne. Il s'explique aussi par le fait que la moyenne de la zone euro intègre des effets de « rattrapage » pour certains pays qui ont connu de fortes récessions en 2012-2013 (Espagne, Portugal).
- Des facteurs d'incertitude importants
Le scénario global s'inscrit dans une phase de reprise. Il n'est pas rare que dans une telle phase les prévisions sous-estiment la croissance, comme cela a été constaté en 2017 en Europe et en France. Ce pourrait à nouveau être le cas en 2018. La croissance pourrait ainsi être supérieure aux différentes prévisions actuelles.
Aux Etats-Unis, la mise en œuvre d'une politique budgétaire très expansive est un facteur de soutien de la croissance pour l'économie américaine et le reste du monde en 2018. Cependant, intervenant dans une économie proche du plein emploi, elle risque d'alimenter plus que prévu l'inflation et d'accélérer le resserrement de la politique monétaire.
Le contexte macro-économique comporte plusieurs autres facteurs d'incertitude pouvant affecter l'activité mondiale et européenne.
Le niveau élevé des indicateurs de tensions sur les capacités de production et les recrutements peut faire craindre que la croissance d'un certain nombre de pays européens bute sur des contraintes d'offre alimentant ainsi des tensions inflationnistes. Il est cependant possible que la dynamique actuelle se poursuive quelque temps encore, à l'instar de ce qui a été constaté aux Etats-Unis et en Allemagne ces dernières années.
La poursuite de la hausse des cours du pétrole et de l'appréciation de l'euro pourrait affecter la croissance de la zone euro. Celle-ci pourrait également pâtir des incertitudes qui caractérisent la situation politique de certains pays et les conditions du Brexit.
La mise en place de mesures protectionnistes par les autorités américaines, et les ripostes des pays concernés, constituent une menace importante à moyen terme pour les échanges commerciaux et pour la croissance mondiale. Les tensions géopolitiques demeurent par ailleurs très fortes au niveau mondial.
II. - Observations sur les prévisions pour 2018
- Les prévisions du Gouvernement
Selon la saisine du Gouvernement, « Après avoir atteint 2,0 % en 2017, la croissance s'établirait à nouveau à 2,0 % en 2018 […].
La reprise à l'œuvre en 2017 se confirmerait en 2018 et 2019, soutenue notamment par un environnement international porteur. La poursuite de la reprise en zone euro et l'accélération de la demande mondiale favoriseraient le net rebond des exportations et une sensible amélioration du commerce extérieur, qui cesserait de peser sur la croissance dès 2018. […]
Après le fort rebond de 2016 (1,8 %), le pouvoir d'achat aurait crû à un rythme légèrement inférieur en 2017 (1,5 %). Il croîtrait à peu près au même rythme en 2018 à 1,6 %, sous l'effet d'une progression des salaires réels stable dans les branches marchandes non agricoles et de créations d'emplois toujours dynamiques. […] La consommation croîtrait au même rythme que le pouvoir d'achat en 2018 (1,6 %). […] Après avoir accéléré continument entre 2014 et 2017, l'investissement des entreprises progresserait à un rythme stable en 2018 (4,4 % en 2018, comme en 2017). […] »
En 2018, l'inflation sous-jacente augmenterait à 0,7 % après 0,4 % en 2017, sous l'effet de l'augmentation de l'inflation des services en lien avec la reprise graduelle des salaires nominaux. […] L'inflation totale augmenterait à 1,4 % en 2018, après 1,0 % en 2017, du fait de l'augmentation de la fiscalité sur le tabac (contribution de + 0,3 point d'IPC) […] et de la hausse du prix du pétrole et l'augmentation de la fiscalité énergétique. »
- Appréciation du Haut Conseil
a) La croissance de l'activité :
La prévision de croissance du Gouvernement pour 2018 est supérieure à celle retenue pour la loi de finances pour 2018. Elle est à présent de 2,0 % (contre 1,7 %).
L'hypothèse du Gouvernement sur la croissance mondiale (3,8 %), en hausse depuis le PLF pour 2018, est proche de celles des organisations internationales (3,9 % pour le FMI dans ses prévisions de janvier 2018 et pour l'OCDE en mars dernier). Le Gouvernement retient toutefois une croissance de la zone euro un peu plus forte que les organisations internationales (2,5 % contre 2,2 % pour le FMI en janvier, 2,3 % pour la Commission européenne en février et pour l'OCDE en mars). La moyenne des prévisions du Consensus Forecasts pour la croissance de la zone euro en 2018 est de 2,4 % en avril 2018.
La prévision de croissance pour 2018 bénéficie d'un acquis de croissance de 0,9 % au 4e trimestre 2017, sensiblement plus élevé que l'année précédente pour 2017 (0,4 %) et le Haut Conseil estime que les enchaînements décrits dans le scénario du Gouvernement pour la France sont plausibles : poursuite d'une forte croissance de l'investissement des entreprises en réponse à des taux d'utilisation des capacités élevés, consommation en légère accélération soutenue par la dynamique des revenus, ralentissement de l'investissement des ménages.
La contribution à la croissance du commerce extérieur se rapprocherait de la neutralité en 2018. Cette hypothèse, retenue par la plupart des prévisionnistes, l'a déjà été au cours des années récentes sans se réaliser. Les livraisons liées à d'importants contrats (paquebots, avions Rafale…), le rebond du tourisme et le retour à la normale des exportations agricoles lui donnent davantage de vraisemblance en 2018. Le rétablissement des marges des entreprises devrait également y contribuer.
La prévision de croissance du Gouvernement pour 2018 est en ligne avec celles des organisations internationales (2,0 % pour la Commission européenne en février 2018, 2,2 % pour l'OCDE en mars, 1,9 % pour le FMI en janvier) et avec les autres prévisions nationales (2,0 % pour l'OFCE, 1,9 % pour la Banque de France et COE-Rexecode). La prévision moyenne du Consensus forecasts pour la France, qui synthétise les estimations de vingt-trois prévisionnistes, est de 2,1 % en avril, avec des prévisions s'étageant entre 1,8 % et 2,4 %.
Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2018 est réaliste.
b) L'emploi et la masse salariale du secteur marchand :
Le taux de croissance de la masse salariale du secteur privé a nettement augmenté en 2017. Il est estimé à 3,6 % en moyenne annuelle, contre 2,4 % en 2016. L'accélération porte à la fois sur les effectifs salariés (1,5 % en 2017 après 1,0 % en 2016) et sur le salaire moyen (2,0 % après 1,4 %). L'évolution constatée en 2017 se révèle supérieure à la prévision du Gouvernement associée en septembre dernier au PLF pour 2018 (3,3 %). Selon les données de l'ACOSS, la progression de la masse salariale est de 4,0 % en glissement annuel (2) au 4e trimestre 2017 (1,7 % pour l'emploi, 2,2 % pour le salaire moyen).
Tableau : Décomposition de la masse salariale du secteur privé (variations en %)
| |2015|2016|2017|Prévision 2018| |-----------------------|----|----|----|--------------| |Emploi salarié marchand|0,1 |1,0 |1,5 | 1,5 | |Salaire moyen par tête |1,6 |1,4 |2,0 | 2,4 | | Masse salariale |1,7 |2,4 |3,6 | 3,9 |
Source : Programme de stabilité 2018-2022
Pour 2018, le Gouvernement prévoit une augmentation de l'emploi salarié marchand du même ordre qu'en 2017 (250 000 en moyenne annuelle) qui, compte tenu de la fin de la montée en charge de l'impact favorable des politiques publiques de l'emploi (CICE, prime à l'embauche, pacte de responsabilité), va au-delà de ce que la bonne tenue de l'activité laisserait attendre. Cette prévision est toutefois cohérente avec le niveau très élevé de l'indicateur du « climat de l'emploi » dans les enquêtes de conjoncture de l'INSEE auprès des entreprises en mars 2018.
La progression du salaire moyen serait de 2,4 % en 2018. Cette prévision est légèrement supérieure au rythme constaté sur les derniers trimestres (2,2 % en glissement annuel). Elle suppose une poursuite de l'accélération constatée en 2017 qui paraît cohérente avec l'augmentation de l'inflation prévue pour 2018.
Au total, la masse salariale du secteur privé en valeur progresserait de 3,9 % en 2018. La prévision pour 2018 est ainsi révisée en hausse sensible par rapport au PLF pour 2018 (3,1 %). Elle est cohérente avec les prévisions de l'ACOSS.
Le Haut Conseil considère que les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont plausibles.
c) Les prix à la consommation :
Les prix à la consommation (3) ont augmenté de 1,0 % en 2017 en moyenne annuelle, après 0,2 % en 2016. En glissement annuel, la hausse a été de 1,2 % en décembre 2017 puis de 1,5 % en mars 2018, du fait principalement de l'augmentation des prix du tabac. L'inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatils, est estimée à 0,8 % en mars et serait voisine de 0,9 % en juin selon l'INSEE.
Pour 2018, le Gouvernement intègre les augmentations du taux de change et du prix de pétrole intervenues depuis les prévisions associées au PLF pour 2018 et les stabilise aux niveaux constatés en mars. Il relève sa prévision de hausse des prix à la consommation à 1,4 % en moyenne annuelle, contre 1,1 % en septembre dernier dans les hypothèses associées au PLF.
L'augmentation prévue par rapport à 2017 s'expliquerait par une inflation sous-jacente un peu plus forte (0,7 % contre 0,5 % en 2017), en cohérence avec la remontée enregistrée au cours des derniers mois, et par l'augmentation de la fiscalité sur le tabac (contribution de 0,3 point à la hausse d'ensemble selon le Gouvernement). La contribution des prix de l'énergie resterait forte (0,5 point comme en 2017, dont 0,2 point au titre de la fiscalité).
La prévision du Gouvernement pour la hausse des prix en 2018 est en ligne avec la moyenne du Consensus Forecasts, qui est de 1,5 % en avril 2018.
Le Haut Conseil estime que la prévision d'inflation du Gouvernement pour 2018 est raisonnable.
III. - Observations sur le scénario macroéconomique pour les années 2019 à 2022
Les hypothèses retenues par le Gouvernement pour la croissance et l'inflation ne peuvent être analysées sans prendre en compte la position de l'économie française dans le cycle. Celle-ci s'apprécie à partir de l'écart de production (output gap), soit l'écart entre le PIB observé et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est défini comme la production dite soutenable, c'est-à-dire celle qui peut être réalisée sans engendrer d'effets inflationnistes ou désinflationnistes. L'écart de production constitue, en principe, un indicateur de la capacité de rebond du pays quand il est négatif ou d'une perspective de ralentissement quand il est positif.
A. - L'écart de production en début de période et la croissance potentielle
- Le scénario du Gouvernement
Dans sa saisine, le Gouvernement précise que : « La croissance potentielle augmenterait à l'horizon 2022 grâce aux effets positifs des réformes structurelles mises en œuvre lors du quinquennat […].
Après sept années d'écart de production négatif (entre 2012 et 2018), l'activité poursuivrait sa phase de rebond cyclique. Ainsi, l'écart de production, revenu en terrain positif à partir de 2019, continuerait de croître tout en restant inférieur aux niveaux observés avant la crise de 2008-2009 ou au début des années 2000. […] L'écart de production atteindrait 1,6 point de PIB potentiel en 2022, un niveau toujours inférieur à ceux atteints au début et au milieu des années 2000. »
- Appréciation du Haut Conseil
a) L'écart de production en début de période :
L'écart de production ne correspond pas à une donnée observable ou comptable mais doit être évalué à partir de différentes méthodes statistiques et/ou économétriques (4). Les estimations des organisations internationales pour 2017 s'étagent sur un peu plus d'un point. L'estimation du Gouvernement (- 0,9 point de PIB) est proche de celle de la Commission européenne (- 0,8 point) mais inférieure à celles de l'OCDE (- 1,6 point) et du FMI (- 1,8 point). Le Gouvernement et la Commission prévoient une quasi-fermeture de cet écart de production en 2018.
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Les estimations de l'écart de production sont fragiles et les interprétations sur les conséquences de cet écart diffèrent. Néanmoins, les estimations vont dans le même sens pour considérer que l'écart entre le PIB observé et le PIB potentiel devrait être résorbé avant l'échéance de la programmation.
L'analyse des écarts de production peut être complétée par l'observation directe d'indicateurs de conjoncture et de prix, qui sont en relation avec le cycle économique. Ils délivrent des messages contrastés. Les taux d'utilisation des capacités de production et les difficultés de recrutement s'établissent début 2018 nettement au-dessus de leur moyenne de long terme, suggérant que l'économie française pourrait être plus avancée dans le cycle que ne l'indiquent les estimations de l'écart de production. En revanche, l'inflation sous-jacente reste très basse et ne manifeste pas de signes de tensions (cf. annexe n° 2).
Le Haut Conseil considère que les estimations de l'écart de production retenues pour 2017 et 2018 sont acceptables.
Il note cependant que l'incertitude entourant les estimations d'écart de production est importante et que celle-ci n'est pas levée par l'analyse des indicateurs de conjoncture et de prix qui sont en relation avec le cycle économique. En effet, si les taux d'utilisation des capacités de production et les difficultés de recrutement s'établissent début 2018 nettement au-dessus de leur moyenne de long terme, l'inflation sous-jacente reste encore très basse et ne témoigne pas de signes de tensions.
b) La croissance potentielle des prochaines années :
Le Gouvernement n'a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (5). La croissance potentielle de l'économie française est ainsi estimée à 1,25 % pour chacune des années comprises entre 2017 et 2020. Elle augmenterait très légèrement en fin de période (de + 0,05 point en 2021 puis à nouveau en 2022) afin de tenir compte de l'impact de réformes structurelles et s'établirait à 1,35 % en 2022.
L'estimation de la croissance potentielle du Gouvernement est globalement en ligne avec les évaluations disponibles pour les années 2018-2019. Pour les années suivantes, elle est inférieure à celle retenue par le FMI et supérieure à celle de la Commission.
Les estimations diffèrent notamment par la prise en compte des effets des réformes structurelles engagées. Ainsi, le FMI tient compte dans ses prévisions de croissance potentielle d'un effet de ces réformes structurelles de l'ordre de 0,3 point. En revanche, l'estimation de la croissance potentielle de la Commission européenne ne tient pas compte de ces effets.
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S'agissant de la croissance potentielle, le Haut Conseil renouvelle son appréciation de septembre dernier. Il considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la période 2018-2022, qui se situent dans la moyenne des estimations disponibles, constituent une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme.
B. - Observations sur le scénario pour les années 2019 à 2022
- Le scénario du Gouvernement
Selon la saisine du Gouvernement, « la croissance s'établirait à […] 1,9 % en 2019. […] A partir de 2020, la croissance ralentirait légèrement : 1,7 % de 2020 à 2022. […] L'inflation se redresserait progressivement sous l'hypothèse que la BCE est crédible dans l'ancrage des anticipations d'inflation vers sa cible de moyen terme. Pour la France, l'inflation convergerait vers 1,75 % en 2022. »
- Appréciation du Haut Conseil sur le scénario macroéconomique pour 2019
De la même manière que pour 2018, le Gouvernement a révisé la prévision de croissance pour 2019 à la hausse par rapport à la loi de programmation, de 1,7 à 1,9 %. Il retient donc pour 2019 une croissance en légère décélération mais proche de 2 % pour la troisième année consécutive.
Les prévisions des instituts de conjoncture diffèrent à partir de 2019, traduisant des appréciations distinctes quant au scénario de croissance pour la France (tableau infra) ou dans la zone euro (6). Les appréciations diffèrent sur le comportement cyclique de l'économie française. Certaines prévisions présentent une croissance du PIB pour 2019 stable, voire en accélération par rapport à 2018, tandis que d'autres prévisions, plus nombreuses, indiquent un début de ralentissement de l'activité vers son potentiel. Pour ces dernières, le ralentissement porte sur les exportations et sur l'investissement, alors que la consommation se maintient. Ce ralentissement traduit généralement des prévisions de croissance pour la zone euro plus basses que dans le scénario du Gouvernement, ce qui peut être à l'origine du léger écart avec le consensus pour la France.
Tableau : prévisions de croissance du PIB pour 2018-2019
| |France|Zone euro| | | |---------------------------------------------|------|---------|----|----| | | 2018 | 2019 |2018|2019| | Commission européenne (fév. 2018) | 2,0 | 1,8 |2,3 |2,0 | | Banque de France / BCE (mars 2018) | 1,9 | 1,7 |2,4 |1,9 | | FMI (janv. 2018) | 1,9 | 1,9 |2,2 |2,0 | | OCDE (mars 2018) | 2,2 | 1,9 |2,3 |2,1 | | Consensus (avril 2018) | 2,1 | 1,8 |2,4 |1,9 | | min du Consensus | 1,8 | 1,5 |2,1 |1,3 | | max du Consensus | 2,4 | 2,3 |2,8 |2,3 | | COE-Rexecode (avr. 2018) | 1,9 | 1,5 |2,2 |1,7 | | OFCE (avr. 2018) | 2,0 | 2,1 |2,2 |1,8 | | Gouvernement (PSTAB 2018-2022 ; avr. 2018) | 2,0 | 1,9 |2,5 |2,3 | |Prévision la plus basse (hors min consensus) | 1,9 | 1,5 |2,2 |1,7 | |Prévision la plus élevée (hors max consensus)| 2,2 | 2,1 |2,5 |2,3 |
Le Haut Conseil observe que, dans la plupart des prévisions disponibles, la croissance atteindrait son niveau le plus élevé en 2017 ou 2018 et connaîtrait en 2019 un infléchissement légèrement plus prononcé que dans la prévision du Gouvernement. Le Haut Conseil estime toutefois que la prévision de croissance du Gouvernement, proche du consensus, est atteignable.
- Appréciation du Haut Conseil sur le scénario macroéconomique pour les années 2020 à 2022
Le Gouvernement laisse pratiquement inchangées ses prévisions pour les années 2020 à 2022 (1,7 % par an) (7). La croissance effective demeure au-dessus de la croissance potentielle sur toute la période.
Les hypothèses du Gouvernement conduisent à une quasi-fermeture de l'écart de production dès 2018. Pour le même scénario de croissance que celui présenté dans le Programme de stabilité, la prise en compte d'écarts de production plus négatifs en début de période, tels qu'ils sont estimés par d'autres organisations, conduirait à une fermeture de cet écart plus tardive (2020 pour l'OCDE et le FMI).
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Le scénario associé au projet de loi de programmation des finances publiques en septembre dernier retenait la même croissance du PIB (1,7 %) pour toutes les années de la période 2017 à 2022 et n'intégrait donc pas d'éléments de nature cyclique. Le nouveau scénario présenté par le Gouvernement dans le programme de stabilité relève les taux de croissance des premières années de la période pour prendre en compte la reprise constatée en 2017, mais sans aller au bout de la logique d'un scénario cyclique, lequel conduirait à la poursuite d'un ralentissement au-delà de 2020.
Le scénario retenu conduit à prévoir que l'écart de production, redevenu positif en 2019, augmente chaque année jusqu'à atteindre 1,6 point de PIB en 2022. Des écarts de production de cette ampleur sont possibles (8) mais supposent un environnement macroéconomique particulièrement porteur, du fait soit de l'environnement international, soit du policy mix.
Or, le scénario du Gouvernement est construit en formulant implicitement l'hypothèse que l'environnement international de l'économie française demeurerait stable à l'horizon 2022. Il ne prend pas en compte la probabilité d'un retournement de conjoncture des partenaires économiques de la France qui ont connu une longue période de croissance.
De plus, la trajectoire de croissance du PIB entre 2020 et 2022 est peu cohérente avec le policy-mix retenu à cet horizon. Le programme de stabilité retient un effort structurel devenant plus important à partir de 2019 (9) mais la croissance de l'activité ne semble que peu impactée par cette orientation plus restrictive de la politique budgétaire. La remontée des taux d'intérêt retenue par le Gouvernement devrait également avoir pour effet de freiner la demande globale à cet horizon (10).
Enfin, la coexistence d'un écart de production durablement positif et croissant avec une inflation qui resterait contenue à 1,75 % en 2021 et 2022 (11) est discutable.
Au total, le Haut Conseil considère que le scénario retenu d'une croissance effective demeurant continûment supérieure à la croissance potentielle jusqu'en 2022 est optimiste, compte tenu notamment des hypothèses retenues en matière de hausse des taux d'intérêt et de consolidation des finances publiques.
- Impact du scénario macroéconomique sur les finances publiques
Les hypothèses de croissance retenues dans le programme de stabilité, qui se traduisent par un écart de production positif de 1,6 point de PIB en fin de période, conduisent à une composante conjoncturelle du solde public positive à partir de 2019 et atteignant 0,9 point de PIB en 2022. La composante conjoncturelle contribue donc significativement à l'amélioration du solde public sur la période.
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Le scénario de croissance effective n'a en revanche aucune incidence sur l'estimation du solde structurel. Cette notion est au cœur des règles européennes fixées par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012. L'objectif de moyen terme, qui est déterminé dans les lois de programmation des finances publiques et constitue le principal engagement européen de la France en matière de finances publiques, est fixé en termes de solde structurel.
Le Haut Conseil relève que le scénario de croissance du Gouvernement conduit à un solde des administrations publiques positif en fin de période et à une trajectoire de dette publique favorable. Il souligne que ce scénario de finances publiques repose sur une trajectoire de croissance optimiste.
Il note que le solde structurel, qui n'est pas affecté par les hypothèses de croissance effective, demeurerait négatif sur toute la période, tout en s'améliorant sensiblement.
Il rappelle qu'en tout état de cause, la réalisation du scénario de finances publiques nécessite un strict respect des engagements de maîtrise de la dépense publique.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au programme de stabilité lors de sa transmission par le Gouvernement au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne.
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