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Création d’un registre numérique des saisies salariales
| N° de demande d'avis : 25001425. | Thématiques : commissaire de justice ; registre des saisies des rémunérations ; procédures civiles d'exécution. | |:----------------------------------------------------------------|:----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------| |Organisme(s) à l'origine de la saisine : ministère de la justice.|Fondement de la saisine : article 16, 12 bis de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.|
L'essentiel :
L'article 16, 12° bis de l'ordonnance du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice a attribué à la chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) la mise en place, sous sa responsabilité, d'un registre des saisies des rémunérations. Le décret soumis à l'avis de la CNIL procède à la création et à la mise en œuvre de ce registre.
Ce registre numérique vise à assurer l'identification des parties et des acteurs impliqués dans les procédures de saisie des rémunérations et permet d'assurer leur suivi aux fins de leur bonne exécution. En raison du caractère d'utilité publique attaché au registre, le droit d'opposition des personnes concernées par le traitement de leurs données est exclu.
La CNIL recommande de réduire la durée maximale de conservation des données enregistrées au registre, de limiter la conservation des données en base active et de prévoir l'anonymisation des données identifiantes en base d'archivage définitif ainsi que des modalités d'effacement plus explicites.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi informatique et libertés ») ;
Après avoir entendu le rapport de M. Vincent Lesclous, commissaire, et les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement,
Adopte la délibération suivante :
I. - La saisine
A. - Le contexte
Le 12° bis de l'article 16 de l'ordonnance du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice prévoit la mise en place par la chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ), sous sa responsabilité, d'un registre numérique des saisies des rémunérations, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.
Ce traitement s'inscrit dans un processus de déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations, antérieurement confiée au juge de l'exécution.
Ce registre vise à traiter et conserver les informations nécessaires à l'identification de l'ensemble des parties et acteurs de la procédure de saisie des rémunérations et permettre ainsi le suivi des procédures aux fins de leur bonne exécution. Dans le cadre de ses attributions, la CNCJ doit également transmettre au ministre de la justice les données statistiques du registre ainsi qu'un rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la procédure.
B. - L'objet de la saisine
La CNIL a été saisie pour avis, sur le fondement de l'article 16, 12 bis de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, par le ministère de la justice, d'un projet de décret portant création du registre des saisies des rémunérations.
Le projet de décret :
- prévoit que le registre des saisies des rémunérations est tenu par la CNCJ ;
- détaille la nature et le périmètre des données traitées en renvoyant leur déclinaison à l'adoption ultérieure d'un arrêté du ministre de la justice ;
- réglemente les durées de conservation correspondantes ;
- identifie les personnes autorisées à procéder à des inscriptions, modifications, suppressions ainsi qu'à la consultation des données enregistrées ;
- régit les conditions permettant l'exercice des droits des personnes concernées par l'inscription de leurs données à caractère personnel au registre.
II. - L'avis de la CNIL
A. - Sur les catégories de données traitées
L'article 2 du projet de décret liste la nature et le périmètre des données pouvant être inscrites dans le registre, dont le contenu devra être précisé par arrêté.
A la lecture du décret, les données pouvant être inscrites au registre peuvent être classées dans deux catégories :
- les données d'identification des personnes physiques parties et acteurs de la procédure ;
- les données de procédure relatives à l'identification des créances et de tous les actes relatifs aux procédures de saisie des rémunérations, de paiement direct et à la traçabilité des accès et actions des acteurs de la saisie des rémunérations.
Ces données correspondent à des données de procédure qui peuvent contenir des informations bancaires et financières dans la mesure où elles portent directement sur des actes de procédure civile d'exécution relatifs à la saisie des rémunérations des personnes physiques. Considérant leur nature et leur périmètre, ces données peuvent également contenir certaines informations relatives à la relation de travail du débiteur (CC, Décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, § 124).
L'enregistrement de ces catégories de données est indispensable au suivi des procédures de saisie des rémunérations et participe à rendre l'action des commissaires de justice plus transparente, sous réserve de ne comporter que les seules informations strictement nécessaires à l'exécution de la mesure de saisie.
Dans un souci de minimisation du traitement des données à caractère personnel, l'arrêté envisagé ne devra permettre l'inscription au registre que des données adéquates, pertinentes et strictement nécessaires à l'identification et au suivi de l'état des procédures de saisie des rémunérations.
B. - Sur les durées de conservation
En premier lieu, l'article 5 du projet de décret prévoit la conservation en base active de l'ensemble des données inscrites au registre jusqu'à la radiation des procédures de saisie des rémunérations. L'absence de délai de conservation défini de ces données est justifiée par le caractère imprévisible de la durée de la procédure de saisie des rémunérations. Cette phase permet l'inscription, la modification, la consultation et le traitement des données conformément aux règles prévues par le projet de décret.
La durée de conservation en base active doit apparaitre strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif du traitement ayant justifié l'enregistrement des données.
Consciente du caractère imprévisible de la durée de la procédure de saisie susceptible de s'étendre sur plusieurs années, la CNIL recommande de fixer un délai maximum de conservation en base active. La Commission prend acte de la proposition du ministère de limiter la conservation des données en base active à une durée maximale de dix ans renouvelable, après relance automatique générée par le registre et sur confirmation du commissaire de justice répartiteur. A défaut de réponse du commissaire de justice répartiteur dans un délai d'un mois à compter de l'alerte, le ministère précise qu'il sera procédé à la radiation automatique de la procédure.
En deuxième lieu, le projet de décret prévoit, à l'issue du délai d'un mois, une phase d'archivage au sens strict des données inscrites au registre. Lors de cette phase, seule la CNCJ pourra consulter les données enregistrées pendant une période de 5 ans. Ce délai pourra néanmoins être prolongé en cas de contentieux. La CNIL estime que la durée de conservation de cinq années en base d'archivage apparait nécessaire et proportionnée au regard des finalités du registre.
Sur le partage des données avec l'autorité ministérielle à des fins statistiques, la CNIL prend acte de ce qu'un arrêté du garde des sceaux relatif au registre numérique de saisies des rémunérations et au traitement des données à caractère personnel mis en œuvre par la CNCJ devra expressément prévoir que « le partage des données avec l'autorité ministérielle à des fins statistiques ne peut porter que sur des données anonymisées ».
Enfin, le projet d'article fixe une durée maximale de conservation des données de 100 ans à compter de l'enregistrement du premier acte de la procédure de saisie des rémunérations. Le ministère précise que la fixation de ce délai vise à renforcer la protection des données en établissant un délai butoir incompressible et à s'adapter au délai particulièrement long de certaines procédures (plus de 30 ans). La Commission prend acte de l'engagement du ministère de réduire cette durée à soixante ans, de manière à satisfaire aux particularités de la procédure des saisies des rémunérations sans porter une atteinte excessive à la protection des données.
C. - Sur les droits des personnes concernées par le traitement
L'article 6 du projet de décret prévoit que les droits d'accès, de rectification et de limitation s'exercent directement auprès de la CNCJ selon les conditions des articles 15, 16, 18 et 21 du RGPD. La CNIL observe que le gouvernement n'a pas entendu déroger à l'obligation d'information des personnes concernées par le traitement de leurs données à caractère personnel prévue par le RGPD.
Les autres dispositions du projet de décret n'appellent pas d'observations de la part de la CNIL.
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