Saisie par le Gouvernement, en application des articles 9 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ci-après : « l'ARCOM »), après en avoir délibéré le 22 novembre 2023, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.
I. - Observations générales
Le projet de décret dont est saisie l'ARCOM a pour objet l'adaptation de certaines des dispositions du cahier des charges de France Télévisions encadrant le régime de contribution du groupe en matière de production audiovisuelle, dans l'attente de la conclusion d'un accord professionnel.
En décembre 2022, le cahier des charges de France Télévisions a été modifié afin de tirer les conséquences de la modernisation du régime de contribution au développement de la production et d'exposition des œuvres intervenue dans le cadre de la modification de la loi du 30 septembre 1986 et de l'adoption des décrets n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (dit décret « SMAD »), et n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre (dit décret « TNT »).
Il conservait le cadre existant, issu notamment des accords professionnels alors en vigueur, tout en l'adaptant afin de le mettre en conformité avec le nouveau dispositif réglementaire. L'ARCOM avait relevé à cet égard que certaines des obligations de production pourraient être amenées à évoluer à compter de l'exercice 2023, tenant compte des accords professionnels qui pourraient être conclus le cas échéant.
En 2023, en l'absence d'accord interprofessionnel entre le groupe et les organisations professionnelles de l'industrie cinématographique ou audiovisuelle et les représentants des auteurs, une modification du cahier des charges de France Télévisions est proposée pour adapter le régime de contribution du groupe en matière de production audiovisuelle.
Les dispositions encadrant le régime de la production cinématographique demeurent, quant à elles, inchangées.
II. - Observations détaillées
2.1. Obligations de contribution au développement de la production audiovisuelle
Sur le montant de la contribution au développement de la production audiovisuelle
Le projet de décret pérennise le montant minimal en valeur absolue, fixé à 420 millions d'euros, de la contribution à la production audiovisuelle de France Télévisions.
L'ARCOM estime que la pérennisation de ce plancher qui s'applique depuis plusieurs années permet à l'ensemble des parties prenantes d'avoir une visibilité sur l'étendue des obligations de France Télévisions et un volume d'investissement stable dans l'intérêt du public et du secteur de la création audiovisuelle.
S'agissant de l'encadrement de la production audiovisuelle indépendante
Les décrets « TNT » et « CabSat » du 30 décembre 2021 prévoient, pour les dépenses de préachat et les investissements en parts de producteur pris en compte au titre de la production audiovisuelle indépendante, une interdiction de détention des mandats de commercialisation par l'éditeur lorsque le producteur dispose pour l'œuvre d'une capacité de distribution ou d'un accord-cadre avec une entreprise de distribution. Il est toutefois possible d'y déroger par modulation de la contribution. En tout état de cause, conformément au décret TNT, les conventions et cahiers des charges doivent prévoir les conditions équitables, transparentes et non discriminatoires de négociation des mandats de commercialisation.
Dans son avis n° 2022-18 du 7 décembre 2022 relatif au projet de décret portant modification du cahier des charges de France Télévisions, l'ARCOM avait invité le Gouvernement à clarifier l'encadrement des mandats de commercialisation au titre de la production indépendante pour les œuvres préachetées non coproduites. Le cahier des charges avait alors prohibé, pour l'exercice 2022, la détention des mandats de commercialisation pour ces œuvres, même lorsque le producteur ne dispose pas d'une capacité de distribution ou d'un accord-cadre, ce qui était plus restrictif que le régime général prévu par le décret TNT. Cette disposition devait être réexaminée en 2023, au regard des négociations entre France Télévisions et l'industrie audiovisuelle en vue de la conclusion d'un nouvel accord interprofessionnel.
En l'absence de conclusion d'un tel accord, le projet de décret permet à France Télévisions de détenir en 2023 les mandats de commercialisation sur des œuvres préachetées non coproduites si le producteur n'a pas de capacité de distribution. Le texte prévoit donc de revenir au régime général fixé par le décret TNT. L'ARCOM relève cependant qu'il n'est pas fait mention de la situation dans laquelle le producteur ne disposerait pas d'un accord-cadre.
Par ailleurs, le projet de décret étend aux œuvres préachetées non coproduites les conditions équitables, transparentes et non-discriminatoires prévues par l'accord du 24 mai 2016 portant sur les conditions de cession des mandats de commercialisation et des droits secondaires des œuvres relevant de la production indépendante coproduites avec les éditeurs de services et annexées au cahier des charges.
En toute rigueur, la rédaction du titre de cette annexe, qui en l'état ne fait référence qu'aux seules œuvres coproduites, et le cas échéant de certains de ses éléments pourrait utilement être précisée dans la mesure où pourront être concernées des œuvres non nécessairement coproduites par France Télévisions.
L'ARCOM considère qu'une telle extension de ces conditions aux œuvres préachetées non coproduites s'impose en l'absence de nouvel accord professionnel. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle a procédé en 2022 lorsqu'elle a adapté les conventions des éditeurs de télévision privés concernés afin de les mettre en conformité avec le nouveau cadre réglementaire.
2.2. Proposition de modification complémentaire s'agissant du respect des droits d'auteur
France Télévisions, par l'ampleur et la diversité de sa contribution au financement et à l'exposition de la création audiovisuelle et cinématographique, entretient des relations très riches avec les auteurs et leurs représentants. Aussi, l'ARCOM souhaite que son cahier des charges puisse être modifié sur deux points.
L'Autorité réitère la proposition qu'elle a formulée dans son avis n° 2022-18 du 7 décembre 2022 qu'à l'instar des obligations réglementaires et conventionnelles applicables aux éditeurs privés, le cahier des charges rappelle que le soutien de France Télévisions à la création s'inscrit dans le respect de la législation française en matière de propriété intellectuelle et que les accords qu'elle conclut avec les organisations professionnelles de l'industrie cinématographique ou audiovisuelle doivent également prendre en compte les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs pour la partie des accords qui affectent directement leurs intérêts.
En outre, par parallélisme avec les règles applicables aux éditeurs privés, le cahier des charges pourrait comporter une disposition garantissant les conditions d'accès des ayants droit aux données d'exploitation de leurs œuvres sur les services de médias audiovisuels à la demande de France Télévisions et contribuant ainsi à la bonne identification des œuvres, notamment afin d'assurer leur traçabilité sur leurs différents supports d'exploitation et leur juste rémunération. La mise en place d'une immatriculation universelle obligatoire par le CNC pour toute œuvre bénéficiaire de ses soutiens depuis 2016 va dans ce sens. L'adoption plus massive de ces immatriculations constitue pour l'ARCOM une pratique qu'il convient d'encourager sur tous les points de la chaîne de valeur audiovisuelle.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.
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