JORF n°0006 du 8 janvier 2020

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Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 106 et 107 ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (directive « mieux réguler ») ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive « mieux réguler » ;
Vu les lignes directrices de l'UE pour l'application des règles relatives aux aides d'Etat dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (2013/C 25/01) ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33-13, L. 34-8, L. 34-8-3 et L. 36-11 ;
Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;
Vu la décision n° 2010-1312 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses ;
Vu la décision n° 2013-1475 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 10 décembre 2013 modifiant la liste des communes des zones très denses établie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 ;
Vu la décision n° 2015-0776 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;
Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 5 décembre 2015, relative à la mise en œuvre de l'obligation de complétude des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné en dehors des zones très denses ;
Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 24 juillet 2018, relative à la cohérence des déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné ;
Vu l'avis n° 2017-1293 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires ;
Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD en date du 1er août 2019, et l'extrait du registre des délibérations de la Commission Départementale des Réseaux Numériques du Comité Syndical du Syndicat Mixte Départemental d'Equipement des Communes des Landes (SYDEC) acceptant l'offre de l'opérateur Altitude Infrastructure en réponse à la consultation des opérateurs de communications électroniques selon l'article L. 33-13 du CPCE, annexés au courrier de M. Thomas Courbe, en date du 7 septembre 2019, par lequel le Gouvernement saisit l'ARCEP d'une demande d'avis sur les engagements proposés par l'opérateur Altitude Infrastructure THD au titre de l'article L. 33-13 du CPCE ;
Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD, en date du 8 novembre 2019, annexé au courrier de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, en date du 8 novembre 2019, par lequel le Gouvernement actualise son courrier en date du 7 septembre 2019 ;
Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD en date du 9 octobre 2019 répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP à Altitude Infrastructure THD en date du 3 octobre ;
Vu le courrier du syndicat d'équipement des communes des Landes, en date du 18 octobre 2019, répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP en date du 3 octobre 2019 ;
Vu le courrier du syndicat mixte Gers Numérique, en date du 25 octobre 2019, répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP en date du 18 octobre 2019 ;
Après en avoir délibéré le 12 novembre 2019,

  1. Contexte

L'article L. 33-13 du CPCE permet au ministre chargé des communications électroniques d'« accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux. » Dans ce cadre, l'ARCEP doit ainsi rendre un avis sur la proposition d'engagements d'un opérateur à la suite de la saisine du ministre. Après acceptation des engagements par le ministre, l'Autorité en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 36-11 du CPCE. L'ARCEP veille ainsi à la bonne application des engagements.
Par ailleurs, l'Autorité a souligné, dans son avis n° 2017-1293 en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires, l'utilité d'engagements fondés sur l'article L. 33-13 du CPCE pour le déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné, tant en zone d'initiative privée qu'en zone d'initiative publique.
Le Gouvernement a invité les collectivités territoriales à saisir et sécuriser, dans le cadre d'appels à manifestations d'engagements locaux (AMEL), de nouvelles opportunités d'investissement privé, afin d'accélérer la couverture numérique de leur territoire. Ce dispositif prévoit que les collectivités territoriales puissent sélectionner un opérateur privé qui s'engage selon les modalités de l'article L. 33-13 du CPCE. Cet opérateur doit notamment s'engager à déployer un réseau FttH sur tout ou partie du territoire de la collectivité en complémentarité des déploiements des opérateurs tiers, qu'ils relèvent d'initiative privée ou publique.
Le Gouvernement a, par un courrier du directeur général des entreprises en date du 7 septembre 2019, actualisé par un courrier en date du 8 novembre 2019, saisi l'ARCEP d'une demande d'avis, sur la proposition d'engagements de la société Altitude Infrastructure THD sur une partie de la zone d'initiative publique du département des Landes.
Le cadre législatif et réglementaire s'appliquant au déploiement de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est rappelé en annexe 4.
Le présent avis de l'ARCEP décrit les principales caractéristiques des engagements proposés par Altitude Infrastructure THD (l'étendue de son périmètre et l'échéance ferme proposée) avant de formuler des observations sur trois points : l'offre d'accès associée à l'engagement, la fiabilité de l'engagement et la clause de sortie des engagements.

  1. Les engagements proposés par Altitude Infrastructure THD

Le département des Landes est partagé entre une zone d'initiative privée et une zone d'initiative publique. La première est constituée de 18 communes (comprenant un total de 29 000 locaux [1]) sur lesquelles l'opérateur Orange est engagé au titre de l'article L. 33-13 du CPCE à la suite de l'arrêté du ministre du 26 juillet 2018 (2). La zone d'initiative publique qui, au sens du plan France Très Haut Débit, est la zone complémentaire de la zone d'initiative privée, totalise 232 000 locaux et se partage entre :

- la zone sur laquelle porte la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD dans le cadre de l'AMEL (ci-après dite « zone AMEL ») ;
- la zone où le déploiement d'un réseau d'initiative publique (RIP) est assuré, à échelle départementale, par le syndicat d'équipement des communes des Landes (SYDEC) dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (ci-après dit « le RIP départemental ») ;
- la zone, constituée des 20 communes (comprenant un total de 35 000 locaux) formant l'agglomération du Grand Dax, où le déploiement d'un RIP est assuré par Grand Dax Très Haut Débit dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Dans son courrier en date du 8 novembre 2019 (ci-après « le courrier d'engagement »), Altitude Infrastructure THD propose un engagement, sur un périmètre géographique défini par une liste de 224 « codes communes » de l'INSEE situés en dehors des zones très denses, visant à rendre « raccordables » à la fibre jusqu'à l'abonné (FttH - Fibre to the Home) :

- d'ici fin 2020, 10,4 % des locaux dudit périmètre géographique ;
- d'ici fin 2021, 65,7 % des locaux ;
- d'ici fin 2022, 100 % des locaux.

Le détail des engagements proposés par Altitude Infrastructure THD est repris en annexe 1 du présent avis, et leurs principaux aspects sont examinés ci-après.

2.1. Périmètre géographique des engagements

Le périmètre géographique sur lequel Altitude Infrastructure THD propose de s'engager à déployer un réseau à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est constitué de 224 « codes communes » du code officiel géographique publié par l'Insee (cf. annexe 1 du présent avis). Une partie de ces communes (3) sont situées dans le département du Gers : il s'agit de communes limitrophes qui font partie d'une communauté de communes majoritairement localisées dans les Landes et qui fait partie de la zone d'initiative publique landaise. Dans son courrier en date du 25 octobre 2019, Gers Numérique précise ainsi que « le déploiement d'un réseau FttH sur ces communes (dans le cadre d'un AMEL ou d'un RIP déployé par le SYDEC) n'appelle donc aucune remarque de la part de Gers Numérique puisque ces investissements seraient réalisés en parfaite articulation avec les chantiers engagés par le syndicat mixte [Gers Numérique] qui ne concernent pas ces communes ».
Sur certaines des communes formant le périmètre de la proposition d'engagements, Altitude Infrastructure THD propose de s'engager sur une partie de la commune, ces communes faisant l'objet du déploiement du RIP départemental sur le restant de leur territoire. Les fichiers géographiques fournis par Altitude Infrastructure THD et par le syndicat d'équipement des communes des Landes et par dans leurs courriers respectifs du 9 octobre 2019 et du 18 octobre 2019 montrent par ailleurs qu'une délimitation exacte et cohérente des zones relevant de la proposition d'Altitude Infrastructure THD et de celles relevant du RIP départemental a été effectuée à l'échelle infra-communale.
L'Autorité précise qu'elle a effectué son analyse sur la base de la géographie administrative au 1er janvier 2018, qui permet de disposer de l'ensemble des statistiques à jour produites par l'Insee. A cette aune, il ressort que les 224 communes présentes dans la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD et prises dans leur globalité totalisent environ 130 000 locaux ; ce chiffre inclut néanmoins les portions de ces communes qui seront in fine déployées par le RIP départemental, l'Autorité n'ayant pas eu les moyens de mener un décompte des locaux à l'échelle infra-communale dans le temps d'instruction de son avis. Altitude Infrastructure THD estime pour sa part dans son courrier d'engagement à près de 104 000 le nombre de locaux objets de sa proposition, en tenant compte des parties de communes qui seront déployées par le RIP départemental et en excluant donc du décompte les locaux concernés.
Les locaux objets de la proposition d'engagement d'Altitude Infrastructure THD représentent environ 40 % du nombre de locaux du département des Landes et 45 % du nombre de locaux de sa zone d'initiative publique.

2.2. Des engagements pluriannuels à échéance fin 2022

Altitude Infrastructure THD s'engage, de façon ferme, pour l'ensemble du périmètre géographique de sa proposition d'engagement (cf. section 2.1) sur un échéancier pluriannuel :

- deux échéances intermédiaires juridiquement opposables où Altitude Infrastructure THD s'engage, à fin 2020 et fin 2021, à avoir rendu « raccordables » respectivement 10,4 % et 65,7 % du nombre total de locaux du périmètre de sa proposition d'engagements ;
- une échéance finale où Altitude Infrastructure THD s'engage à avoir rendu « raccordables », à fin 2022, 100 % des logements et locaux à usage professionnel du périmètre de sa proposition d'engagements.

Cet engagement doit permettre à l'ensemble des habitants du périmètre géographique défini par Altitude Infrastructure THD d'être éligibles au FttH fin 2022. L'Autorité note également qu'Altitude Infrastructure THD ne prévoit pas de recourir au mécanisme de « raccordable sur demande », et a fortiori au couplage de ce mécanisme avec une tarification spécifique, comme d'autres opérateurs ont pu le faire dans le cadre de projets d'AMEL. L'absence de recours à un tel mécanisme permet d'assurer, en cas d'acceptation des engagements par le ministre chargé des communications électroniques, un déploiement rapide et équilibré du FttH dans le périmètre du projet.

  1. Les observations de l'ARCEP sur la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD

Comme vu précédemment, Altitude Infrastructure THD propose de prendre des engagements opposables avec pour objectif de rendre 100 % des locaux « raccordables » au FttH à fin 2022 sur la zone AMEL (partie 2.1), engagements qui sont de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture du département par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux.
La proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD appelle les observations suivantes de la part de l'Autorité.

3.1. L'offre d'accès associée à l'engagement

Dans le cadre de l'examen des propositions d'engagement de couverture FttH en application de l'article L. 33-13 du CPCE, il est essentiel que l'Autorité puisse apprécier les conditions d'accès aux réseaux dont le déploiement est envisagé.
Lorsque l'Autorité s'est prononcée en juin 2018 sur les engagements d'Orange et de SFR en zone AMII (4), les offres d'accès de ces deux opérateurs étaient connues, publiées de longue date et utilisées par les opérateurs commerciaux, qui y avaient souscrit. Tel n'est pas nécessairement le cas pour les projets d'AMEL.

3.1.1. Les conditions tarifaires associées à l'engagement

En l'espèce, Altitude Infrastructure THD a joint à son courrier d'engagement un projet indicatif d'accès aux lignes FttH. Altitude Infrastructure THD a indiqué qu'elle entendait proposer sur le périmètre de la zone AMEL des conditions d'accès identiques à celles qui sont proposées par les filiales du groupe exploitant des réseaux d'initiative publique (cf. annexe 2 du présent avis).
Altitude Infrastructure THD a indiqué que les tarifs mentionnés dans le projet indicatif d'offre d'accès ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des lignes, à l'exception de celles qui seront identifiées par Altitude Infrastructure THD dans la catégorie de « raccordements longs ». Ce cas est examiné ci-dessous.

3.1.2. Les « raccordements longs » (segment PBO-DTIo)

Sur le segment du raccordement final situé entre le point de branchement optique (PBO) et le dispositif de terminaison intérieur optique (DTIo), Altitude Infrastructure THD prévoit dans sa proposition d'engagement de créer une catégorie de « raccordements longs », définis comme étant « un raccordement final pour lequel l'éloignement entre le PBO et la limite du domaine privatif est supérieur à 100 mètres » et limités à « 2 % des locaux au global ».
Ces « raccordements longs » « pourront être traités au travers d'une tarification différenciée en cas de demande d'un opérateur commercial. Cette tarification sera orientée vers les coûts. Les lignes concernées par ce dispositif seront clairement identifiées vis-à-vis des tiers. »
Dans un premier temps, l'Autorité tient à rappeler qu'il appartiendra à Altitude Infrastructure THD de respecter sa recommandation du 7 décembre 2015, qui s'applique en parallèle des obligations qui seront le cas échéant issues des engagements proposés et qui indique que « dans le cas où les câbles de raccordement final d'un groupe de trois logements ou plus devraient cheminer en parallèle sur plus de 100 mètres, il serait préférable de poser un PBO supplémentaire, plus proche des logements, de manière à supprimer le cheminement en parallèle des câbles de raccordement final. »
Il conviendra également que les modalités tarifaires de l'offre d'accès aux lignes qu'Altitude Infrastructure THD a prévues de déployer dans le cadre de l'AMEL soient transparentes, en limitant le recours à toute forme de tarification n'offrant pas une visibilité adéquate aux opérateurs commerciaux. La recommandation du 7 décembre 2015 indique en effet, à propos du raccordement final, que : « si la facturation ponctuelle de prestation sur devis ne semble pas problématique en tant que telle, l'Autorité estime que le recours trop fréquent à cette pratique irait à l'encontre du principe de transparence prévu par l'article L. 34-8-3 ».

3.1.3. Les conditions de renouvellement des droits d'usage pérenne

L'offre d'accès type du groupe Altitude Infrastructure THD prévoit l'octroi de droits d'usage de 60 ans renouvelables par période quinquennale après les 20 premières années. L'ARCEP note que cette offre prévoit des conditions tarifaires différentes pour les opérateurs commerciaux selon qu'ils souscrivent des tranches de cofinancement au cours des cinq premières années du réseau ou après la cinquième année. L'Autorité s'interroge sur les conditions tarifaires attachées au renouvellement des droits d'usage, en ce qu'elles pourraient induire une différence de traitement entre les opérateurs cofinanceurs.
L'Autorité a donc demandé à Altitude Infrastructure THD dans quelle mesure l'équilibre du plan d'affaires de son projet reposait sur des revenus attachés au renouvellement de droits d'usage conférés après la cinquième année. Altitude Infrastructure THD a indiqué à cet égard dans un courrier en date du 9 octobre 2019 que « les revenus complémentaires applicables au renouvellement des droits d'usages pour les opérateurs commerciaux cofinanceurs après le pic ex post ne constituent pas un élément essentiel au plan d'affaires d'Altitude Infrastructure THD ». Ainsi, la modification éventuelle des conditions tarifaires sur ce point ne porterait pas atteinte au plan d'affaires présenté par Altitude Infrastructure THD et donc in fine à la crédibilité du projet d'Altitude Infrastructure THD et de sa proposition d'engagements.

3.2. La fiabilité de l'engagement
3.2.1. La création d'une société ad hoc pour exécuter l'engagement

Dans son courrier d'engagement, Altitude Infrastructure THD prévoit de recourir à une société ad hoc créée dans le but exclusif d'exécuter les engagements, dans le cas où ils seraient acceptés par le Gouvernement :
« Altitude Infrastructure créera une société ad hoc (entité légale qu'il contrôle directement ou indirectement au sens des articles L. 233-1 du code de commerce) dédiée à la conception, à la construction et au financement du réseau et à laquelle sera automatiquement transféré le présent engagement dans son intégralité et sans exception. Cette substitution emporte transfert à la société ad hoc de l'ensemble des actes passés, prestations réalisées et contrats conclus par Altitude Infrastructure THD pendant la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de l'engagement et la date de substitution, ainsi que des responsabilités en découlant. Cette substitution se matérialisera par l'envoi d'un courrier au Premier ministre ou au ministre chargé des communications électroniques précisant que la société ad hoc s'oblige irrévocablement et inconditionnellement à reprendre l'intégralité des obligations d'Altitude Infrastructure THD résultant du présent engagement L. 33-13.
[…] Pour garantir la solvabilité de la société ad hoc et protéger l'Etat contre une défaillance de celle-ci, Altitude Infrastructure THD s'engage à détenir le contrôle de la société ad hoc de manière directe ou indirecte au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce durant toute la période de construction du réseau FttH. »
Altitude Infrastructure THD propose également d'assortir son engagement d'une garantie financière qui prend la forme d'un cautionnement solidaire :
« le présent engagement est par ailleurs accompagné d'un cautionnement solidaire de la société Altitude Infrastructure THD, présentée en annexe 3, à hauteur de [SDA] euros, qui pourra être sollicitée pour le paiement de toute sanction qui ne serait pas honorée par la société ad hoc, ou en cas de dissolution de cette dernière sans que les engagements souscrits dans le cadre du présent courrier n'aient été transférés au préalable en accord avec le paragraphe précédent ».
Le transfert d'engagements à une société de projet dédiée suppose de s'assurer de la capacité financière de la société de projet à faire face aux conséquences des engagements souscrits. A titre d'illustration, il convient d'éviter que le montage juridique retenu pour la société de projet ne puisse lui permettre renoncer au projet et à ses engagements sans conséquence financière pour elle ou ses actionnaires.
Il revient au Gouvernement d'apprécier la pertinence et le caractère satisfaisant des garanties fournies par Altitude Infrastructure THD au regard des engagements proposés, assurant, in fine, à l'ARCEP de pouvoir exercer un contrôle effectif du respect des engagements pris.

3.2.2. La clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession de l'engagement

Altitude Infrastructure THD prévoit une procédure à suivre dans le cas où elle souhaiterait céder le réseau qu'elle propose de déployer ou bien l'engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE :
« En cas de cession de l'engagement L. 33-13 ou du réseau, et à l'exception d'une cession à une société qu'Altitude Infrastructure THD contrôle directement ou indirectement au sens des articles L. 233-1 du code de commerce, le cédant s'engage à saisir le ministre chargé des communications électroniques, conjointement avec le cessionnaire pressenti, pour demander le transfert de l'ensemble du présent engagement.
« L'Etat vérifie alors si le cessionnaire présente bien toutes les garanties professionnelles et financières pour assurer la réalisation des engagements. En cas de refus d'agréer la cession, l'Etat devra dûment motiver sa décision. En cas d'acceptation, le cédant est libéré de l'exécution de son engagement à compter de l'arrêté du ministre chargé des communications électroniques portant acceptation du transfert de l'engagement au titre de l'article L. 33-13 du CPCE. »
Il semble naturel Altitude Infrastructure THD puisse vouloir céder à un tiers le réseau déployé. L'Autorité rappelle néanmoins le caractère intuitu personae d'un engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE auprès du ministre chargé des communications électroniques. Le transfert d'engagements qui ont été souscrits nominativement par une société n'apparaît ainsi envisageable et juridiquement possible que sous la condition d'un accord du ministre qui a accepté l'engagement initial, et supposera un nouvel avis de l'Autorité.
En particulier, dans le cas où un transfert de l'engagement serait demandé, il appartiendra bien au Gouvernement et à l'ARCEP d'apprécier « toutes les garanties professionnelles et financières » du cessionnaire proposé et au Gouvernement, in fine, d'accepter ou de refuser la cession de l'engagement.

3.3. La clause de sortie des engagements

Altitude Infrastructure THD introduit dans son courrier une clause détaillant les modalités lui permettant de demander à l'Etat de se voir délier de ses engagements en cas de « circonstances […] venant dégrader de façon substantiellement négative le plan d'affaire, comme par exemple [une] modification du cadre législatif et réglementaire précisé ci-dessus ou [un] déploiement de FTTH de la part d'un opérateur tiers sur la zone concernée par les présents engagements ».
Altitude Infrastructure THD prévoit également un protocole pour demander une modification de ses engagements (5).
Il semble naturel que dans le cadre de ses engagements Altitude Infrastructure THD souhaite se prémunir d'aléas imprévisibles. Dans ces conditions, il appartiendra au Gouvernement et à l'ARCEP d'apprécier l'existence de conséquences substantiellement négatives sur le plan d'affaires d'Altitude Infrastructure THD et avant toute modification éventuelle des engagements.
En tout état de cause, il est utile de noter que le cadre législatif et réglementaire a vocation à se préciser et pourra donc évoluer, notamment à la suite de la transposition en droit français du cadre européen. Par ailleurs, l'ARCEP peut être amenée à préciser l'application du cadre réglementaire en vigueur, notamment par des recommandations ou à se prononcer, lorsqu'elle est saisie, dans le cadre de décisions de règlement de différend au titre de l'article L. 36-8 du CPCE.

Conclusion

Altitude Infrastructure THD propose de prendre des engagements juridiquement opposables relatifs à ses ambitions de couverture FttH en dehors des zones très denses, qui le conduiraient à rendre 100 % des locaux de la zone AMEL des Landes, telle que définie plus haut et inscrite dans un périmètre comprenant 224 communes, « raccordables » en FttH à fin 2022, avec deux échéances intermédiaires juridiquement opposables à fin 2020 et fin 2021.
A la suite de l'étude des engagements proposés, l'Autorité émet un avis positif sur la proposition d'engagements au titre de l'article L. 33-13 du CPCE de la société Altitude Infrastructure THD.
L'Autorité formule en complément plusieurs observations, portant principalement sur :

- les conditions tarifaires d'accès liées au traitement spécifique des « raccordements longs » ;
- La création d'une société ad hoc pour exécuter l'engagement ;
- la clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession ;
- la formulation de la clause de sortie.

L'Autorité restera, dans l'hypothèse où le ministre accepterait ces propositions d'engagements, très vigilante quant à leur réalisation.


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Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 106 et 107 ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (directive « mieux réguler ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive « mieux réguler » ;

Vu les lignes directrices de l'UE pour l'application des règles relatives aux aides d'Etat dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (2013/C 25/01) ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33-13, L. 34-8, L. 34-8-3 et L. 36-11 ;

Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;

Vu la décision n° 2010-1312 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses ;

Vu la décision n° 2013-1475 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 10 décembre 2013 modifiant la liste des communes des zones très denses établie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 ;

Vu la décision n° 2015-0776 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 5 décembre 2015, relative à la mise en œuvre de l'obligation de complétude des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné en dehors des zones très denses ;

Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 24 juillet 2018, relative à la cohérence des déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné ;

Vu l'avis n° 2017-1293 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires ;

Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD en date du 1er août 2019, et l'extrait du registre des délibérations de la Commission Départementale des Réseaux Numériques du Comité Syndical du Syndicat Mixte Départemental d'Equipement des Communes des Landes (SYDEC) acceptant l'offre de l'opérateur Altitude Infrastructure en réponse à la consultation des opérateurs de communications électroniques selon l'article L. 33-13 du CPCE, annexés au courrier de M. Thomas Courbe, en date du 7 septembre 2019, par lequel le Gouvernement saisit l'ARCEP d'une demande d'avis sur les engagements proposés par l'opérateur Altitude Infrastructure THD au titre de l'article L. 33-13 du CPCE ;

Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD, en date du 8 novembre 2019, annexé au courrier de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, en date du 8 novembre 2019, par lequel le Gouvernement actualise son courrier en date du 7 septembre 2019 ;

Vu le courrier d'Altitude Infrastructure THD en date du 9 octobre 2019 répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP à Altitude Infrastructure THD en date du 3 octobre ;

Vu le courrier du syndicat d'équipement des communes des Landes, en date du 18 octobre 2019, répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP en date du 3 octobre 2019 ;

Vu le courrier du syndicat mixte Gers Numérique, en date du 25 octobre 2019, répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP en date du 18 octobre 2019 ;

Après en avoir délibéré le 12 novembre 2019,

1. Contexte

L'article L. 33-13 du CPCE permet au ministre chargé des communications électroniques d'« accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux. » Dans ce cadre, l'ARCEP doit ainsi rendre un avis sur la proposition d'engagements d'un opérateur à la suite de la saisine du ministre. Après acceptation des engagements par le ministre, l'Autorité en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 36-11 du CPCE. L'ARCEP veille ainsi à la bonne application des engagements.

Par ailleurs, l'Autorité a souligné, dans son avis n° 2017-1293 en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires, l'utilité d'engagements fondés sur l'article L. 33-13 du CPCE pour le déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné, tant en zone d'initiative privée qu'en zone d'initiative publique.

Le Gouvernement a invité les collectivités territoriales à saisir et sécuriser, dans le cadre d'appels à manifestations d'engagements locaux (AMEL), de nouvelles opportunités d'investissement privé, afin d'accélérer la couverture numérique de leur territoire. Ce dispositif prévoit que les collectivités territoriales puissent sélectionner un opérateur privé qui s'engage selon les modalités de l'article L. 33-13 du CPCE. Cet opérateur doit notamment s'engager à déployer un réseau FttH sur tout ou partie du territoire de la collectivité en complémentarité des déploiements des opérateurs tiers, qu'ils relèvent d'initiative privée ou publique.

Le Gouvernement a, par un courrier du directeur général des entreprises en date du 7 septembre 2019, actualisé par un courrier en date du 8 novembre 2019, saisi l'ARCEP d'une demande d'avis, sur la proposition d'engagements de la société Altitude Infrastructure THD sur une partie de la zone d'initiative publique du département des Landes.

Le cadre législatif et réglementaire s'appliquant au déploiement de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est rappelé en annexe 4.

Le présent avis de l'ARCEP décrit les principales caractéristiques des engagements proposés par Altitude Infrastructure THD (l'étendue de son périmètre et l'échéance ferme proposée) avant de formuler des observations sur trois points : l'offre d'accès associée à l'engagement, la fiabilité de l'engagement et la clause de sortie des engagements.

2. Les engagements proposés par Altitude Infrastructure THD

Le département des Landes est partagé entre une zone d'initiative privée et une zone d'initiative publique. La première est constituée de 18 communes (comprenant un total de 29 000 locaux [1]) sur lesquelles l'opérateur Orange est engagé au titre de l'article L. 33-13 du CPCE à la suite de l'arrêté du ministre du 26 juillet 2018 (2). La zone d'initiative publique qui, au sens du plan France Très Haut Débit, est la zone complémentaire de la zone d'initiative privée, totalise 232 000 locaux et se partage entre :

- la zone sur laquelle porte la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD dans le cadre de l'AMEL (ci-après dite « zone AMEL ») ;

- la zone où le déploiement d'un réseau d'initiative publique (RIP) est assuré, à échelle départementale, par le syndicat d'équipement des communes des Landes (SYDEC) dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (ci-après dit « le RIP départemental ») ;

- la zone, constituée des 20 communes (comprenant un total de 35 000 locaux) formant l'agglomération du Grand Dax, où le déploiement d'un RIP est assuré par Grand Dax Très Haut Débit dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Dans son courrier en date du 8 novembre 2019 (ci-après « le courrier d'engagement »), Altitude Infrastructure THD propose un engagement, sur un périmètre géographique défini par une liste de 224 « codes communes » de l'INSEE situés en dehors des zones très denses, visant à rendre « raccordables » à la fibre jusqu'à l'abonné (FttH - Fibre to the Home) :

- d'ici fin 2020, 10,4 % des locaux dudit périmètre géographique ;

- d'ici fin 2021, 65,7 % des locaux ;

- d'ici fin 2022, 100 % des locaux.

Le détail des engagements proposés par Altitude Infrastructure THD est repris en annexe 1 du présent avis, et leurs principaux aspects sont examinés ci-après.

2.1. Périmètre géographique des engagements

Le périmètre géographique sur lequel Altitude Infrastructure THD propose de s'engager à déployer un réseau à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est constitué de 224 « codes communes » du code officiel géographique publié par l'Insee (cf. annexe 1 du présent avis). Une partie de ces communes (3) sont situées dans le département du Gers : il s'agit de communes limitrophes qui font partie d'une communauté de communes majoritairement localisées dans les Landes et qui fait partie de la zone d'initiative publique landaise. Dans son courrier en date du 25 octobre 2019, Gers Numérique précise ainsi que « le déploiement d'un réseau FttH sur ces communes (dans le cadre d'un AMEL ou d'un RIP déployé par le SYDEC) n'appelle donc aucune remarque de la part de Gers Numérique puisque ces investissements seraient réalisés en parfaite articulation avec les chantiers engagés par le syndicat mixte [Gers Numérique] qui ne concernent pas ces communes ».

Sur certaines des communes formant le périmètre de la proposition d'engagements, Altitude Infrastructure THD propose de s'engager sur une partie de la commune, ces communes faisant l'objet du déploiement du RIP départemental sur le restant de leur territoire. Les fichiers géographiques fournis par Altitude Infrastructure THD et par le syndicat d'équipement des communes des Landes et par dans leurs courriers respectifs du 9 octobre 2019 et du 18 octobre 2019 montrent par ailleurs qu'une délimitation exacte et cohérente des zones relevant de la proposition d'Altitude Infrastructure THD et de celles relevant du RIP départemental a été effectuée à l'échelle infra-communale.

L'Autorité précise qu'elle a effectué son analyse sur la base de la géographie administrative au 1er janvier 2018, qui permet de disposer de l'ensemble des statistiques à jour produites par l'Insee. A cette aune, il ressort que les 224 communes présentes dans la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD et prises dans leur globalité totalisent environ 130 000 locaux ; ce chiffre inclut néanmoins les portions de ces communes qui seront in fine déployées par le RIP départemental, l'Autorité n'ayant pas eu les moyens de mener un décompte des locaux à l'échelle infra-communale dans le temps d'instruction de son avis. Altitude Infrastructure THD estime pour sa part dans son courrier d'engagement à près de 104 000 le nombre de locaux objets de sa proposition, en tenant compte des parties de communes qui seront déployées par le RIP départemental et en excluant donc du décompte les locaux concernés.

Les locaux objets de la proposition d'engagement d'Altitude Infrastructure THD représentent environ 40 % du nombre de locaux du département des Landes et 45 % du nombre de locaux de sa zone d'initiative publique.

2.2. Des engagements pluriannuels à échéance fin 2022

Altitude Infrastructure THD s'engage, de façon ferme, pour l'ensemble du périmètre géographique de sa proposition d'engagement (cf. section 2.1) sur un échéancier pluriannuel :

- deux échéances intermédiaires juridiquement opposables où Altitude Infrastructure THD s'engage, à fin 2020 et fin 2021, à avoir rendu « raccordables » respectivement 10,4 % et 65,7 % du nombre total de locaux du périmètre de sa proposition d'engagements ;

- une échéance finale où Altitude Infrastructure THD s'engage à avoir rendu « raccordables », à fin 2022, 100 % des logements et locaux à usage professionnel du périmètre de sa proposition d'engagements.

Cet engagement doit permettre à l'ensemble des habitants du périmètre géographique défini par Altitude Infrastructure THD d'être éligibles au FttH fin 2022. L'Autorité note également qu'Altitude Infrastructure THD ne prévoit pas de recourir au mécanisme de « raccordable sur demande », et a fortiori au couplage de ce mécanisme avec une tarification spécifique, comme d'autres opérateurs ont pu le faire dans le cadre de projets d'AMEL. L'absence de recours à un tel mécanisme permet d'assurer, en cas d'acceptation des engagements par le ministre chargé des communications électroniques, un déploiement rapide et équilibré du FttH dans le périmètre du projet.

3. Les observations de l'ARCEP sur la proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD

Comme vu précédemment, Altitude Infrastructure THD propose de prendre des engagements opposables avec pour objectif de rendre 100 % des locaux « raccordables » au FttH à fin 2022 sur la zone AMEL (partie 2.1), engagements qui sont de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture du département par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux.

La proposition d'engagements d'Altitude Infrastructure THD appelle les observations suivantes de la part de l'Autorité.

3.1. L'offre d'accès associée à l'engagement

Dans le cadre de l'examen des propositions d'engagement de couverture FttH en application de l'article L. 33-13 du CPCE, il est essentiel que l'Autorité puisse apprécier les conditions d'accès aux réseaux dont le déploiement est envisagé.

Lorsque l'Autorité s'est prononcée en juin 2018 sur les engagements d'Orange et de SFR en zone AMII (4), les offres d'accès de ces deux opérateurs étaient connues, publiées de longue date et utilisées par les opérateurs commerciaux, qui y avaient souscrit. Tel n'est pas nécessairement le cas pour les projets d'AMEL.

3.1.1. Les conditions tarifaires associées à l'engagement

En l'espèce, Altitude Infrastructure THD a joint à son courrier d'engagement un projet indicatif d'accès aux lignes FttH. Altitude Infrastructure THD a indiqué qu'elle entendait proposer sur le périmètre de la zone AMEL des conditions d'accès identiques à celles qui sont proposées par les filiales du groupe exploitant des réseaux d'initiative publique (cf. annexe 2 du présent avis).

Altitude Infrastructure THD a indiqué que les tarifs mentionnés dans le projet indicatif d'offre d'accès ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des lignes, à l'exception de celles qui seront identifiées par Altitude Infrastructure THD dans la catégorie de « raccordements longs ». Ce cas est examiné ci-dessous.

3.1.2. Les « raccordements longs » (segment PBO-DTIo)

Sur le segment du raccordement final situé entre le point de branchement optique (PBO) et le dispositif de terminaison intérieur optique (DTIo), Altitude Infrastructure THD prévoit dans sa proposition d'engagement de créer une catégorie de « raccordements longs », définis comme étant « un raccordement final pour lequel l'éloignement entre le PBO et la limite du domaine privatif est supérieur à 100 mètres » et limités à « 2 % des locaux au global ».

Ces « raccordements longs » « pourront être traités au travers d'une tarification différenciée en cas de demande d'un opérateur commercial. Cette tarification sera orientée vers les coûts. Les lignes concernées par ce dispositif seront clairement identifiées vis-à-vis des tiers. »

Dans un premier temps, l'Autorité tient à rappeler qu'il appartiendra à Altitude Infrastructure THD de respecter sa recommandation du 7 décembre 2015, qui s'applique en parallèle des obligations qui seront le cas échéant issues des engagements proposés et qui indique que « dans le cas où les câbles de raccordement final d'un groupe de trois logements ou plus devraient cheminer en parallèle sur plus de 100 mètres, il serait préférable de poser un PBO supplémentaire, plus proche des logements, de manière à supprimer le cheminement en parallèle des câbles de raccordement final. »

Il conviendra également que les modalités tarifaires de l'offre d'accès aux lignes qu'Altitude Infrastructure THD a prévues de déployer dans le cadre de l'AMEL soient transparentes, en limitant le recours à toute forme de tarification n'offrant pas une visibilité adéquate aux opérateurs commerciaux. La recommandation du 7 décembre 2015 indique en effet, à propos du raccordement final, que : « si la facturation ponctuelle de prestation sur devis ne semble pas problématique en tant que telle, l'Autorité estime que le recours trop fréquent à cette pratique irait à l'encontre du principe de transparence prévu par l'article L. 34-8-3 ».

3.1.3. Les conditions de renouvellement des droits d'usage pérenne

L'offre d'accès type du groupe Altitude Infrastructure THD prévoit l'octroi de droits d'usage de 60 ans renouvelables par période quinquennale après les 20 premières années. L'ARCEP note que cette offre prévoit des conditions tarifaires différentes pour les opérateurs commerciaux selon qu'ils souscrivent des tranches de cofinancement au cours des cinq premières années du réseau ou après la cinquième année. L'Autorité s'interroge sur les conditions tarifaires attachées au renouvellement des droits d'usage, en ce qu'elles pourraient induire une différence de traitement entre les opérateurs cofinanceurs.

L'Autorité a donc demandé à Altitude Infrastructure THD dans quelle mesure l'équilibre du plan d'affaires de son projet reposait sur des revenus attachés au renouvellement de droits d'usage conférés après la cinquième année. Altitude Infrastructure THD a indiqué à cet égard dans un courrier en date du 9 octobre 2019 que « les revenus complémentaires applicables au renouvellement des droits d'usages pour les opérateurs commerciaux cofinanceurs après le pic ex post ne constituent pas un élément essentiel au plan d'affaires d'Altitude Infrastructure THD ». Ainsi, la modification éventuelle des conditions tarifaires sur ce point ne porterait pas atteinte au plan d'affaires présenté par Altitude Infrastructure THD et donc in fine à la crédibilité du projet d'Altitude Infrastructure THD et de sa proposition d'engagements.

3.2. La fiabilité de l'engagement

3.2.1. La création d'une société ad hoc pour exécuter l'engagement

Dans son courrier d'engagement, Altitude Infrastructure THD prévoit de recourir à une société ad hoc créée dans le but exclusif d'exécuter les engagements, dans le cas où ils seraient acceptés par le Gouvernement :

« Altitude Infrastructure créera une société ad hoc (entité légale qu'il contrôle directement ou indirectement au sens des articles L. 233-1 du code de commerce) dédiée à la conception, à la construction et au financement du réseau et à laquelle sera automatiquement transféré le présent engagement dans son intégralité et sans exception. Cette substitution emporte transfert à la société ad hoc de l'ensemble des actes passés, prestations réalisées et contrats conclus par Altitude Infrastructure THD pendant la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de l'engagement et la date de substitution, ainsi que des responsabilités en découlant. Cette substitution se matérialisera par l'envoi d'un courrier au Premier ministre ou au ministre chargé des communications électroniques précisant que la société ad hoc s'oblige irrévocablement et inconditionnellement à reprendre l'intégralité des obligations d'Altitude Infrastructure THD résultant du présent engagement L. 33-13.

[…] Pour garantir la solvabilité de la société ad hoc et protéger l'Etat contre une défaillance de celle-ci, Altitude Infrastructure THD s'engage à détenir le contrôle de la société ad hoc de manière directe ou indirecte au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce durant toute la période de construction du réseau FttH. »

Altitude Infrastructure THD propose également d'assortir son engagement d'une garantie financière qui prend la forme d'un cautionnement solidaire :

« le présent engagement est par ailleurs accompagné d'un cautionnement solidaire de la société Altitude Infrastructure THD, présentée en annexe 3, à hauteur de [SDA] euros, qui pourra être sollicitée pour le paiement de toute sanction qui ne serait pas honorée par la société ad hoc, ou en cas de dissolution de cette dernière sans que les engagements souscrits dans le cadre du présent courrier n'aient été transférés au préalable en accord avec le paragraphe précédent ».

Le transfert d'engagements à une société de projet dédiée suppose de s'assurer de la capacité financière de la société de projet à faire face aux conséquences des engagements souscrits. A titre d'illustration, il convient d'éviter que le montage juridique retenu pour la société de projet ne puisse lui permettre renoncer au projet et à ses engagements sans conséquence financière pour elle ou ses actionnaires.

Il revient au Gouvernement d'apprécier la pertinence et le caractère satisfaisant des garanties fournies par Altitude Infrastructure THD au regard des engagements proposés, assurant, in fine, à l'ARCEP de pouvoir exercer un contrôle effectif du respect des engagements pris.

3.2.2. La clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession de l'engagement

Altitude Infrastructure THD prévoit une procédure à suivre dans le cas où elle souhaiterait céder le réseau qu'elle propose de déployer ou bien l'engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE :

« En cas de cession de l'engagement L. 33-13 ou du réseau, et à l'exception d'une cession à une société qu'Altitude Infrastructure THD contrôle directement ou indirectement au sens des articles L. 233-1 du code de commerce, le cédant s'engage à saisir le ministre chargé des communications électroniques, conjointement avec le cessionnaire pressenti, pour demander le transfert de l'ensemble du présent engagement.

« L'Etat vérifie alors si le cessionnaire présente bien toutes les garanties professionnelles et financières pour assurer la réalisation des engagements. En cas de refus d'agréer la cession, l'Etat devra dûment motiver sa décision. En cas d'acceptation, le cédant est libéré de l'exécution de son engagement à compter de l'arrêté du ministre chargé des communications électroniques portant acceptation du transfert de l'engagement au titre de l'article L. 33-13 du CPCE. »

Il semble naturel Altitude Infrastructure THD puisse vouloir céder à un tiers le réseau déployé. L'Autorité rappelle néanmoins le caractère intuitu personae d'un engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE auprès du ministre chargé des communications électroniques. Le transfert d'engagements qui ont été souscrits nominativement par une société n'apparaît ainsi envisageable et juridiquement possible que sous la condition d'un accord du ministre qui a accepté l'engagement initial, et supposera un nouvel avis de l'Autorité.

En particulier, dans le cas où un transfert de l'engagement serait demandé, il appartiendra bien au Gouvernement et à l'ARCEP d'apprécier « toutes les garanties professionnelles et financières » du cessionnaire proposé et au Gouvernement, in fine, d'accepter ou de refuser la cession de l'engagement.

3.3. La clause de sortie des engagements

Altitude Infrastructure THD introduit dans son courrier une clause détaillant les modalités lui permettant de demander à l'Etat de se voir délier de ses engagements en cas de « circonstances […] venant dégrader de façon substantiellement négative le plan d'affaire, comme par exemple [une] modification du cadre législatif et réglementaire précisé ci-dessus ou [un] déploiement de FTTH de la part d'un opérateur tiers sur la zone concernée par les présents engagements ».

Altitude Infrastructure THD prévoit également un protocole pour demander une modification de ses engagements (5).

Il semble naturel que dans le cadre de ses engagements Altitude Infrastructure THD souhaite se prémunir d'aléas imprévisibles. Dans ces conditions, il appartiendra au Gouvernement et à l'ARCEP d'apprécier l'existence de conséquences substantiellement négatives sur le plan d'affaires d'Altitude Infrastructure THD et avant toute modification éventuelle des engagements.

En tout état de cause, il est utile de noter que le cadre législatif et réglementaire a vocation à se préciser et pourra donc évoluer, notamment à la suite de la transposition en droit français du cadre européen. Par ailleurs, l'ARCEP peut être amenée à préciser l'application du cadre réglementaire en vigueur, notamment par des recommandations ou à se prononcer, lorsqu'elle est saisie, dans le cadre de décisions de règlement de différend au titre de l'article L. 36-8 du CPCE.

Conclusion

Altitude Infrastructure THD propose de prendre des engagements juridiquement opposables relatifs à ses ambitions de couverture FttH en dehors des zones très denses, qui le conduiraient à rendre 100 % des locaux de la zone AMEL des Landes, telle que définie plus haut et inscrite dans un périmètre comprenant 224 communes, « raccordables » en FttH à fin 2022, avec deux échéances intermédiaires juridiquement opposables à fin 2020 et fin 2021.

A la suite de l'étude des engagements proposés, l'Autorité émet un avis positif sur la proposition d'engagements au titre de l'article L. 33-13 du CPCE de la société Altitude Infrastructure THD.

L'Autorité formule en complément plusieurs observations, portant principalement sur :

- les conditions tarifaires d'accès liées au traitement spécifique des « raccordements longs » ;

- La création d'une société ad hoc pour exécuter l'engagement ;

- la clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession ;

- la formulation de la clause de sortie.

L'Autorité restera, dans l'hypothèse où le ministre accepterait ces propositions d'engagements, très vigilante quant à leur réalisation.