JORF n°0006 du 8 janvier 2020

Avis n°2019-1617 du 7 novembre 2019

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 106 et 107 ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (directive « mieux réguler ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive « mieux réguler » ;

Vu les lignes directrices de l'UE pour l'application des règles relatives aux aides d'Etat dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (2013/C 25/01) ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32-1, L. 33-13, L. 34-8, L. 34-8-3 et L. 36-11 ;

Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;

Vu la décision n° 2010-1312 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses ;

Vu la décision n° 2013-1475 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 10 décembre 2013 modifiant la liste des communes des zones très denses établie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 ;

Vu la décision n° 2015-0776 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 5 décembre 2015, relative à la mise en œuvre de l'obligation de complétude des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné en dehors des zones très denses ;

Vu la recommandation de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 24 juillet 2018, relative à la cohérence des déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné ;

Vu l'avis n° 2017-1293 de l'Autorité de régulation des communications, des postes et de la distribution de la presse en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires ;

Vu le courrier de SFR en date du 23 juillet 2019, et la délibération n° 2019-28 du comité syndical du syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique, porteur du réseau d'initiative publique de la Nièvre, en date du 17 juillet 2019, annexés au courrier de M. Thomas Courbe, en date du 7 septembre 2019, par lequel le Gouvernement saisit l'ARCEP d'une demande d'avis sur les engagements proposés par l'opérateur SFR au titre de l'article L. 33-13 du CPCE ;

Vu le courrier de SFR, en date du 14 octobre 2019, annexé au courrier de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, en date du 17 octobre 2019, par lequel le Gouvernement actualise son courrier en date du 7 septembre 2019 ;

Vu le courrier de SFR en date du 6 novembre 2019 répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP à SFR en date du 16 octobre 2019 ;

Vu le courrier du syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique, en date du 4 novembre 2019, répondant au courrier de la directrice générale de l'ARCEP en date du 16 octobre 2019 ;

Après en avoir délibéré le 7 novembre 2019,

  1. Contexte

L'article L. 33-13 du CPCE permet au ministre chargé des communications électroniques d'« accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, postes et de la distribution de la presse, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux. » Dans ce cadre, l'ARCEP doit ainsi rendre un avis sur la proposition d'engagements d'un opérateur à la suite de la saisine du ministre. Après acceptation des engagements par le ministre, l'Autorité en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 36-11 du CPCE. L'ARCEP veille ainsi à la bonne application des engagements.
Par ailleurs, l'Autorité a souligné, dans son avis n° 2017-1293 en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires, l'utilité d'engagements fondés sur l'article L. 33-13 du CPCE pour le déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné, tant en zone d'initiative privée qu'en zone d'initiative publique.
Le Gouvernement a invité les collectivités territoriales à saisir et sécuriser, dans le cadre d'appels à manifestations d'engagements locaux (AMEL), de nouvelles opportunités d'investissement privé, afin d'accélérer la couverture numérique de leur territoire. Ce dispositif prévoit que les collectivités territoriales puissent sélectionner un opérateur privé qui s'engage selon les modalités de l'article L. 33-13 du CPCE. Cet opérateur doit notamment s'engager à déployer un réseau FttH sur tout ou partie du territoire de la collectivité en complémentarité des déploiements des opérateurs tiers, qu'ils relèvent d'initiative privée ou publique.
Le Gouvernement a, par un courrier du directeur général des entreprises en date du 7 septembre 2019, actualisé par un courrier en date du 17 octobre 2019, saisi l'ARCEP d'une demande d'avis, sur la proposition d'engagements de la société SFR sur une partie de la zone d'initiative publique du département de la Nièvre.
Le cadre législatif et réglementaire s'appliquant au déploiement de réseaux à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est rappelé en annexe 4.
Le présent avis de l'ARCEP décrit les principales caractéristiques des engagements proposés par SFR (l'étendue de son périmètre et l'échéance ferme proposée) avant de formuler des observations sur cinq points : l'offre d'accès associée à l'engagement, la taille des zones arrière de point de mutualisation prévues par SFR, la clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession, la clause de sortie des engagements et la déclinaison locale des engagements.

  1. Les engagements proposés par SFR

Le département de la Nièvre est partagé entre une zone d'initiative privée et une zone d'initiative publique. La première est constituée de 12 communes (comprenant un total de 41 000 locaux (1)) sur lesquelles l'opérateur Orange est engagé au titre de l'article L. 33-13 du CPCE à la suite de l'arrêté du ministre du 26 juillet 2018 (2). La zone d'initiative publique qui, au sens du plan France Très Haut Débit, est la zone complémentaire de la zone d'initiative privée, totalise 106 000 locaux et se partage entre la zone sur laquelle porte la proposition d'engagements de SFR dans le cadre de l'AMEL (ci-après dite « zone AMEL ») et la zone où le déploiement d'un réseau d'initiative publique (RIP) est assuré par le syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique dans le cadre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (3).
Dans son courrier en date du 14 octobre 2019 (ci-après « le courrier d'engagement »), SFR propose un engagement, sur un périmètre géographique défini par une liste de 272 « codes communes » de l'INSEE situés en dehors des zones très denses, visant à rendre « raccordables » à la fibre jusqu'à l'abonné (FttH - Fibre to the Home) :

- 5 091 locaux d'ici fin 2020 ;
- 57 759 locaux d'ici fin 2021 ;
- 100 % des locaux (soit environ 66 000 locaux d'après SFR) d'ici fin 2022.

Le détail des engagements proposés par SFR sont repris en annexe 1 du présent avis, et leurs principaux aspects sont examinés ci-après.

2.1. Périmètre géographique des engagements

Le périmètre géographique sur lequel SFR propose de s'engager à déployer un réseau à très haut débit en fibre optique jusqu'à l'abonné est constitué de 272 « codes communes » du code officiel géographique publié par l'INSEE (cf. annexe 1 du présent avis).
Sur certaines de ces communes, SFR propose de s'engager sur une partie de la commune, ces communes faisant l'objet du déploiement du RIP sur le restant de leur territoire. Si le syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique a fourni des fichiers géographiques dans un courrier en date du 4 novembre 2019, SFR n'a pas fourni de tels fichiers et une délimitation exacte et cohérente des zones relevant de la proposition de SFR reste à effectuer à l'échelle infra-communale. L'Autorité invite donc le ministre, avant qu'il ne décide d'accepter l'engagement proposé, à demander à SFR de communiquer la délimitation finalisée de ses déploiements à l'échelle infra-communale, et que celle-ci soit répercutée dans son engagement.
L'Autorité précise qu'elle a effectué son analyse sur la base de la géographie administrative au 1er janvier 2018, qui permet de disposer de l'ensemble des statistiques à jour produites par l'INSEE. A cette aune, il ressort que les 272 communes présentes dans la proposition d'engagements de SFR et prises dans leur globalité totalisent environ 97 000 locaux ; ce chiffre inclut néanmoins les portions de ces communes qui seront in fine déployées par le RIP, l'Autorité n'ayant pas eu les moyens de mener un décompte des locaux à l'échelle infra-communale dans le temps d'instruction de son avis. SFR estime pour sa part dans son courrier d'engagement à près de 66 309 le nombre de locaux objets de sa proposition, en tenant compte des parties de communes qui seront déployées par le RIP et en excluant donc du décompte les locaux concernés.
Les locaux objets de la proposition d'engagement de SFR représentent environ 45 % du nombre de locaux de la Nièvre et 63 % du nombre de locaux de sa zone d'initiative publique.

2.2. Des engagements pluriannuels à échéance fin 2022

SFR s'engage, de façon ferme, pour l'ensemble du périmètre géographique de sa proposition d'engagement (cf. section 2.1), sur un échéancier pluriannuel :

- deux échéances intermédiaires juridiquement opposables, où SFR s'engage à, fin 2020 et fin 2021, avoir rendu « raccordables » respectivement 5 091 et 57 759 locaux (en cumulé) du périmètre de sa proposition d'engagement ;
- une échéance finale où SFR s'engage à avoir rendu « raccordables », fin 2022, 100 % des logements et locaux à usage professionnel des communes précisées ci-avant.

Cet engagement doit permettre à l'ensemble des habitants du périmètre géographique défini par SFR d'être éligibles au FttH fin 2022. L'Autorité note également que SFR ne prévoit pas de recourir au mécanisme de « raccordable sur demande », et a fortiori au couplage de ce mécanisme avec une tarification spécifique, comme d'autres opérateurs ont pu le faire dans le cadre de projets d'AMEL. L'absence de recours à un tel mécanisme permet d'assurer, en cas d'acceptation des engagements par le ministre chargé des communications électroniques, un déploiement rapide et équilibré du FttH dans le périmètre du projet.

  1. Les observations de l'ARCEP sur la proposition d'engagements de SFR

Comme vu précédemment, SFR propose de prendre des engagements opposables avec pour objectif de rendre 100 % des locaux « raccordables » au FttH à fin 2022 sur le périmètre « AMEL » de la Nièvre, engagements qui sont de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture du département par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux.
La proposition d'engagements de SFR appelle les observations suivantes de la part de l'Autorité.

3.1. L'offre d'accès associée à l'engagement

Dans le cadre de l'examen des propositions d'engagement de couverture FttH en application de l'article L. 33-13 du CPCE, il est essentiel que l'Autorité puisse apprécier les conditions d'accès aux réseaux dont le déploiement est envisagé.
Lorsque l'Autorité s'est prononcée en juin 2018 sur les engagements d'Orange et SFR en zone AMII (4), les offres d'accès de ces deux opérateurs étaient connues, publiées de longue date et utilisées par les opérateurs commerciaux, qui y avaient souscrit. Tel n'est pas nécessairement le cas pour les projets d'AMEL.

3.1.1. Les conditions tarifaires associées à l'engagement

En l'espèce, SFR renvoie, à titre indicatif et en annexe de son courrier d'engagement, à son offre de référence en dehors des zones très denses en vigueur. SFR proposera dans la zone AMEL des départements concernés des conditions d'accès identiques à celles qu'il propose en zone AMII. Les principales conditions tarifaires de cette offre sont rappelées en annexe 2 du présent avis.
SFR introduit, sur le segment qui relie le PBO au local de l'utilisateur final et est construit lors de la souscription d'une offre commerciale par un client, une catégorie de lignes dénommées « raccordements longs », examinée dans la section qui suit (cf. point 3.1.2).
En dehors de ces « raccordements longs », l'offre d'accès proposée par SFR permettra ainsi aux opérateurs commerciaux de retrouver dans cette zone AMEL les mêmes conditions d'accès que celles qu'ils connaissent ailleurs sur le territoire, tant en zone AMII que sur les réseaux d'initiative publique.

3.1.2. Les « raccordements longs » (segment PBO-DTIo)

Sur le segment du raccordement final situé entre le PBO et le dispositif de terminaison intérieur optique (DTIo), SFR prévoit dans sa proposition d'engagement de créer une catégorie de « raccordements longs », qu'il définit comme « tout raccordement dont la distance entre le point de branchement optique (PBO) et la parcelle privative est supérieure à 300 ml ou ne répondant pas à une base forfaitaire dépendante de la typologie du raccordement tel que définie dans le cadre des accords inter-opérateurs (5). »
SFR limite le recours à cette catégorie de raccordements et « s'engage à ce que le nombre de raccordements longs ne dépasse pas 8 % des raccordements à l'échelle du projet et 20 % à l'échelle d'une commune. »
SFR envisage que des raccordements « standards » puissent mesurer jusqu'à 300 mètres. Cette longueur s'écarte des longueurs habituellement constatées ou retenues par les opérateurs d'infrastructure dans leurs spécifications techniques. La question de la longueur des raccordements finals emporte des conséquences opérationnelles particulièrement importantes pour les opérateurs qui les réalisent concrètement, en premier lieu pour les raccordements de type « aérien ». Afin d'assurer un accès effectif des opérateurs commerciaux à son réseau, il importe que SFR s'assure que les conditions techniques de réalisation de ces raccordements ne fassent pas obstacle à leur réalisation par d'autres opérateurs, quel que soit le mode de réalisation choisie par l'opérateur commercial.
Le taux de 8 % pour le maximum de « raccordements longs » a retenu l'attention de l'Autorité en ce qu'il peut apparaitre élevé. Dans un premier temps, l'Autorité tient à rappeler qu'il appartiendra à SFR de tenir compte de sa recommandation du 7 décembre 2015, qui s'applique en parallèle des obligations qui seront le cas échéant issues des engagements proposés et qui indique que « dans le cas où les câbles de raccordement final d'un groupe de trois logements ou plus devraient cheminer en parallèle sur plus de 100 mètres, il serait préférable de poser un PBO supplémentaire, plus proche des logements, de manière à supprimer le cheminement en parallèle des câbles de raccordement final. »
Par ailleurs, SFR indique dans son courrier d'engagement que « la tarification de la réalisation de ces raccordements [longs] reflètera les coûts. » Dans sa recommandation du 7 décembre 2015, l'Autorité indique, à propos du raccordement final, que : « si la facturation ponctuelle de prestation sur devis ne semble pas problématique en tant que telle, l'Autorité estime que le recours trop fréquent à cette pratique irait à l'encontre du principe de transparence prévu par l'article L. 34-8-3 ». Aussi, il conviendra que, dans le cas où il identifierait un nombre important de « raccordements longs », SFR prévoie des modalités tarifaires associées suffisamment précises et transparentes, en limitant le recours à toute forme de tarification n'offrant pas une visibilité adéquate aux opérateurs commerciaux et, le cas échéant, en adaptant son offre d'accès en conséquence.
En outre, le projet de convention entre SFR et le syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique, transmis par ce dernier dans son courrier en date du 4 novembre 2019, pourrait prévoir que SFR propose, sur le marché de détail, en tant qu'opérateur commercial, la réalisation des « raccordements longs » à des tarifs équivalents à ceux des « raccordements standards ». Si ce mécanisme est susceptible de créer une pression concurrentielle sur le marché de détail de nature à favoriser une absence de tarification spécifique des services FttH pour les locaux en « raccordement long », l'Autorité sera néanmoins vigilante à ce que n'émerge, sur le marché de gros, aucun mécanisme tarifaire ou non tarifaire concernant ces raccordements pouvant s'apparenter à des pratiques discriminatoires, par exemple de subventions croisées.

3.2. La taille des zones arrière de PM ou de PRDM prévues par SFR dans le cadre de son projet d'AMEL

Il a été porté à la connaissance de l'Autorité des difficultés, de la part de SFR et du syndicat mixte Nièvre Numérique, concernant la possibilité de regrouper plus de 1 000 locaux par zone arrière de point de mutualisation (PM) ou de point de raccordement distant mutualisé (PRDM), tel que prévu par l'article 3 de la décision n° 2010-1312 susvisée. Cette décision précise, en effet, que l'établissement d'une taille minimale « [permet] à plusieurs opérateurs alternatifs de pouvoir se raccorder dans des conditions économiques et techniques raisonnables ».
Néanmoins, dans son courrier en date du 6 novembre 2019, SFR indique être « [prêt] à restituer [au syndicat mixte Nièvre Numérique] 4 zones arrières de PM qui permettraient de résoudre les difficultés » et qu'« à l'issue de cette opération, aucun NRO de la zone de déploiement AMEL de SFR ne fait moins de 1 000 lignes ». Pour sa part, le syndicat mixte Nièvre Numérique indique dans son courrier en date du 4 novembre 2019 que « pour respecter les règles de la décision 2010-1312 de l'ARCEP, et en concertation avec les équipes techniques de SFR, Nièvre numérique déploiera 1 356 prises supplémentaires » et fournit une cartographie indiquant que les zones arrière de NRO envisagées par le RIP regroupent au moins 1 000 locaux. D'après ces éléments, il apparaît qu'un ajustement à la marge des périmètres respectifs de la zone AMEL et de la zone objet du déploiement du RIP est susceptible de permettre aux deux réseaux de regrouper plus de 1 000 locaux par zone arrière de PM ou de PRDM.

3.3. La clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession de l'engagement

SFR prévoit une procédure à suivre dans le cas où elle souhaiterait céder le réseau qu'elle propose de déployer ou bien l'engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE :
« En cas de cession à une société tierce, Altice France / SFR et ladite société tierce s'engagent à saisir le Ministre en charge des communications électroniques pour demander le transfert de ces engagements. En outre, dans le cas de la création d'une société de projet par Altice France / SFR, les engagements de déploiement souscrits par la présente au titre de l'article L. 33-13 resteront opposables à Altice France et ne seront donc pas transférés à ladite société de projet. »
Il semble naturel que SFR puisse vouloir céder à un tiers le réseau déployé. L'Autorité rappelle néanmoins le caractère intuitu personae d'un engagement pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE auprès du ministre chargé des communications électroniques. Le transfert d'engagements qui ont été souscrits nominativement par une société n'apparaît ainsi envisageable et juridiquement possible que sous la condition d'un accord du ministre qui a accepté l'engagement initial, et supposera un nouvel avis de l'Autorité.

3.4. La clause de sortie des engagements

SFR introduit dans son courrier une clause détaillant les modalités lui permettant de demander à l'Etat de « reconsidérer tout ou partie de ses engagements » en cas d'« impact substantiel sur son plan d'affaires » d'une « modification substantielle du cadre législatif et réglementaire ».
SFR prévoit également un protocole pour demander une modification de ses engagements. (6).
Il semble naturel que dans le cadre de ses engagements SFR souhaite se prémunir d'aléas imprévisibles, comme c'est le cas pour ses engagements en zone AMII. Dans ces conditions, il appartiendra au Gouvernement et à l'ARCEP d'apprécier l'existence de conséquences substantiellement négatives sur le plan d'affaires de SFR et avant toute modification éventuelle des engagements.
En tout état de cause, il est utile de noter que le cadre législatif et réglementaire a vocation à se préciser et pourra donc évoluer, notamment à la suite de la transposition en droit français du cadre européen. Par ailleurs, l'ARCEP peut être amenée à préciser l'application du cadre réglementaire en vigueur, notamment par des recommandations ou à se prononcer, lorsqu'elle est saisie, dans le cadre de décisions de règlement de différend au titre de l'article L. 36-8 du CPCE.

3.5. La déclinaison locale des engagements

Dans son courrier en date du 4 novembre 2019, le syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique indique qu'une « convention [précisant] l'intensité de couverture FTTH dans toutes les communes [de la zone AMEL] » pourrait être signée avec SFR.
L'ARCEP se félicite que les engagements de SFR, en cas d'acceptation par le Gouvernement, puissent être déclinés au niveau communal dans une convention de déploiements FttH en zone AMEL liant l'opérateur SFR et les collectivités. Une telle convention permettrait d'informer localement ces dernières du déploiement des réseaux FttH. Le contrôle de l'ARCEP, quant à lui, s'effectuera sur le périmètre géographique global des communes pour lequel SFR propose des engagements : c'est-à-dire que l'Autorité appréciera l'atteinte des taux de locaux « raccordables » aux échéances prévues pour le périmètre géographique de ces engagements dans son ensemble.
Néanmoins, le projet de convention annexé par le syndicat mixte ouvert Nièvre Numérique au courrier susvisé prévoit, en l'état, qu'un mécanisme incluant des « pénalités forfaitaires » puisse être activé dans le cas où le syndicat constaterait un non-respect, par SFR, du « seuil de 5 000 prises raccordables […] fin 2020 ». Un tel contrôle contractuel viendrait s'ajouter au contrôle de l'Autorité. S'il appartient naturellement aux collectivités de déterminer quel mécanisme leur paraît le plus approprié, l'ARCEP souhaite toutefois alerter sur les conséquences potentielles de la coexistence de deux mécanismes au sein d'une même zone, qui pourrait être source de complexité et d'ambiguïté juridique. Par ailleurs, il serait préjudiciable qu'il y ait deux autorités chargées du contrôle du même engagement, ce qui limiterait la capacité d'action de l'ARCEP.

Conclusion

SFR propose de prendre des engagements juridiquement opposables relatifs à ses ambitions de couverture FttH en dehors des zones très denses, qui le conduiraient à rendre 100 % des locaux de la zone AMEL de la Nièvre, telle que définie plus haut et inscrite dans un périmètre comprenant 272 communes, « raccordables » en FttH à fin 2022, avec deux échéances intermédiaires juridiquement opposables.
A la suite de l'étude des engagements proposés, l'Autorité émet un avis positif sur la proposition d'engagements au titre de l'article L. 33-13 du CPCE de la société SFR.
L'Autorité formule en complément plusieurs observations, portant principalement sur :

- les conditions tarifaires d'accès liées au traitement spécifique des « raccordements longs » ;
- la taille des zones arrière de PM ou de PRDM prévues par SFR dans le cadre de son projet d'AMEL ;
- la formulation de la clause de sortie ;
- la clause prévoyant les modalités à suivre en cas de cession ;
- l'existence éventuelle d'un mécanisme de pénalités locales coexistant avec le mécanisme prévu à l'article L. 33-13 du CPCE.

L'Autorité restera, dans l'hypothèse où le ministre accepterait ces propositions d'engagements, très vigilante quant à leur réalisation.

Fait à Paris, le 7 novembre 2019.

Le président,

S. Soriano

(1) Dans l'ensemble du présent avis, le terme « locaux » désigne les logements et locaux à usage professionnel.

(2) Arrêté du 26 juillet 2018 portant acceptation de la proposition d'engagements de la société Orange au titre de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques.

(3) A l'exception de la commune de Lormes faisant l'objet d'un projet pilote de déploiement FttH déployé et exploité par l'opérateur Nivertel dans le cadre d'une délégation de service public.

(4) Avis n° 2018-0364 de l'Autorité du 12 juin 2018 rendu à la demande du ministre chargé des communications électroniques portant sur la proposition d'engagements d'Orange au titre de l'article L. 33-13 et avis n° 2018-0365 de l'Autorité du 12 juin 2018 rendu à la demande du ministre chargé des communications électroniques portant sur la proposition d'engagements de SFR au titre de l'article L. 33-13.

(5) Ce second cas correspond donc au cas où le tarif ne correspond pas à celui d'un raccordement standard, puisque SFR précise « Il est entendu qu'un raccordement « standard » est défini dans le cadre des accords inter-opérateurs comme un raccordement réalisé sur une base forfaitaire dépendante de la typologie du raccordement. ».

(6) Le courrier d'engagement de SFR prévoit à cet égard que : « Toute modification de ce cadre général ouvre droit pour Altice France de demander, dans un délai de 2 mois suivant la modification ou son annonce, la tenue d'une réunion au cours de laquelle Altice France / SFR présenterait au département via son Syndicat Mixte Ouvert Nièvre Numérique et à des représentants du Gouvernement et de l'ARCEP, les raisons qui le conduisent à envisager de reconsidérer tout ou partie des engagements ici proposés à l'aune de l'impact sur son plan d'affaires de cette modification. Cette réunion devra se tenir au plus tard un mois suivant le jour de la demande par Altice France : SFR. Au plus tard dans le mois suivant ladite réunion, Altice France / SFR se réserve le droit de reconsidérer tout ou partie des susdits engagements dès lors qu'il aura démontré l'impact substantiel sur son plan d'affaires des dites modifications du cadre ».