JORF n°0094 du 20 avril 2012

Avis n°2011-1427 du 1er décembre 2011

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 33-7, L. 36-5 et D. 98-6-3 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

Vu le décret n° 2006-272 du 3 mars 2006 modifiant le décret n° 2000-1276 du 26 décembre 2000 portant application de l'article 89 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 modifiée d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire relatif aux conditions d'exécution et de publication des levés de plans entrepris par les services publics ;

Vu le décret n° 2009-167 du 12 février 2009 relatif à la communication d'informations à l'Etat et aux collectivités territoriales sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire ;

Vu l'avis n° 2008-1218 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 novembre 2008 ;

Vu l'avis n° 2009-0727 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 8 septembre 2009 ;

Vu l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 10 novembre 2010 n° 327062 ;

Vu la demande d'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique en date du 28 novembre 2011 ;

Après en avoir délibéré le 1er décembre 2011,

I. ― Cadre de la saisine de l'Autorité

En application des dispositions de l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), l'Autorité est saisie d'une demande d'avis sur un projet de décret portant application de l'article L. 33-7 du CPCE et sur un projet d'arrêté d'application de l'article D. 98-6-3 du CPCE.
En 2008, le législateur a introduit le principe d'un droit à la connaissance des réseaux pour les collectivités territoriales, leurs groupements et l'Etat en leur permettant d'obtenir gratuitement de la part des gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et des opérateurs de communications électroniques des informations relatives à l'implantation et au déploiement de leurs infrastructures et réseaux sur leur territoire. Ce droit à la connaissance des réseaux a été codifié à l'article L. 33-7 du CPCE.
Cet article prévoit que les modalités de sa mise en œuvre sont précisées par décret. Tel était l'objet du décret n° 2009-167 du 12 février 2009 relatif à la communication d'informations à l'Etat et aux collectivités territoriales sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire, codifié à l'article D. 98-6-3 du CPCE, et d'un arrêté d'application du 15 janvier 2010 comportant en annexe une structure pour la transmission des données.
Le décret précité a fait l'objet d'une annulation partielle par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 10 novembre 2010.
La haute juridiction administrative a annulé deux alinéas du décret pour incompétence du pouvoir réglementaire :
― le cinquième alinéa du IV de l'article D. 98-6-3 : « L'Etat, les collectivités et les groupements peuvent communiquer des données reçues en application du présent article à un tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lequel ils sont en relation contractuelle, après information des opérateurs et des gestionnaires d'infrastructures dont elles proviennent. La communication fait l'objet d'une convention de durée limitée qui en précise les finalités, impose au destinataire de respecter la sécurité et la confidentialité des données conformément au présent IV et précise que les données sont restituées à son terme et les copies détruites. Le service de l'Etat, la collectivité ou le groupement détenteur des données veille au respect par le destinataire de ses obligations en matière de sécurité et de confidentialité des données prévues par la convention. Les données communiquées ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles prévues par la convention. » Le Conseil d'Etat a jugé que cette communication à un tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lequel les collectivités sont en relation contractuelle n'est pas mentionnée à l'article L. 33-7 du CPCE. Il en résulte que le pouvoir réglementaire a excédé la compétence qu'il tenait de cet article ;
― le dernier alinéa du V de l'article D. 98-6-3 : « Les informations devant être communiquées en application du présent article sont transmises sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des systèmes d'informations géographiques et suivant un format largement répandu. Un arrêté des ministres chargés de l'aménagement du territoire, des collectivités territoriales, des communications électroniques et de l'urbanisme précise le format et la structure de données suivant lesquels ces informations doivent être transmises. » Le Conseil d'Etat a considéré que cette disposition imposait aux opérateurs un traitement des informations qui allait au-delà des obligations posées par le législateur. De ce fait, la mise en place d'un délai à partir duquel les données devront être communiquées sous format vectorisé est devenue sans objet.
La loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne (1) a, dans son article 20, modifié l'article L. 33-7 du CPCE en permettant au pouvoir réglementaire de prévoir la communication des données par la collectivité à un tiers concourant à l'aménagement du territoire ainsi que la structure et le format dans lesquels les données doivent être communiquées aux collectivités.
L'article L. 33-7 dispose désormais : « Les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et les opérateurs de communications électroniques communiquent gratuitement à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à leur demande, les informations relatives à l'implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sur leur territoire. Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment au regard des règles relatives à la sécurité publique et à la sécurité nationale, des modalités de communication de ces informations à des tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lesquels les collectivités et leurs groupements sont en relation contractuelle ainsi que du format et de la structure de données selon lesquelles ces informations doivent être transmises. »
L'article L. 33-7 actuellement en vigueur prévoit ainsi l'adoption d'un décret précisant notamment les modalités de communication de ces informations à des tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lesquels les collectivités et leurs groupements sont en relation contractuelle et le format et la structure de données selon lesquelles ces informations doivent être transmises.

(1) Loi d'habilitation pour la transposition du « paquet télécoms » par ordonnance.

II. ― Sur le projet de décret d'application de l'
article L. 33-7du code des postes et des communications électroniques

Le projet de décret modifie l'article D. 98-6-3 du CPCE en insérant un alinéa après le quatrième alinéa du IV et en insérant un alinéa après le cinquième alinéa du V. Il comporte trois articles

2.1. Sur la possibilité pour l'Etat, les collectivités et leurs groupements de communiquer les données reçues
à un tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lequel ils sont en relations contractuelles

Le premier paragraphe (I) de l'article 1er du projet de décret prévoit la possibilité pour l'Etat, les collectivités et leurs groupements de communiquer les données reçues à un tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lequel ils sont en relations contractuelles. Cette communication est encadrée par un certain nombre de conditions : information préalable des opérateurs de communications électroniques et des gestionnaires d'infrastructures concernés, conclusion d'une convention à durée limitée en précisant les finalités et prévoyant le respect de la sécurité et de la confidentialité des données par le destinataire.
L'Autorité note que le I de l'article 1er est identique à la rédaction initiale du décret de 2009 dont les dispositions avaient été annulées par le Conseil d'Etat en novembre 2010 pour absence de base légale. La loi du 22 mars 2011 précitée ayant donné compétence au pouvoir réglementaire de préciser les modalités de communications des informations à des tiers, le I de l'article 1er du projet de décret soumis pour avis n'appelle pas d'observation particulière.

2.2. Sur le format des données transmises par les opérateurs de communications électroniques
et les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques

Le second paragraphe (II) de l'article 1er du projet de décret précise que les informations sont transmises sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des systèmes d'informations géographiques et suivant un format largement répandu.
L'article D. 98-6-3 précise les informations pouvant être demandées aux opérateurs de communications électroniques et aux gestionnaires d'infrastructures. Ainsi, il ressort du III de l'article D. 98-6-3 que la demande peut porter sur :
― les infrastructures d'accueil des réseaux de communications électroniques (fourreaux, poteaux, chambres techniques, sites d'émission, etc.) ;
― les équipements passifs des réseaux, notamment les éléments de branchement et d'interconnexion.
De manière générale, l'exigence d'un format vectorisé concerne l'ensemble de ces informations : infrastructures d'accueil et équipements passifs.
L'article 2 du projet de décret prévoit que l'obligation de communication de l'ensemble de ces informations sous forme de données vectorisées n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2014, à l'exception de celles concernant les éléments de branchement et d'interconnexion qui sont exigibles sous forme de données vectorisées dès l'entrée en vigueur du projet de décret. Ainsi, avant le 1er janvier 2014, les autres informations, et notamment les infrastructures d'accueil, ne sont fournies en format vectorisé que lorsque ces informations sont disponibles sous ce format. A défaut, elles sont transmises sous forme de données numériques géolocalisées et permettant, le cas échéant, de calculer la longueur des infrastructures d'accueil.
L'Autorité accueille favorablement le principe selon lequel l'ensemble des informations pouvant être demandées dans le cadre de ce dispositif pourront être transmises sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées. En effet, la transmission de données vectorisées est pour les collectivités qui en font la demande un préalable indispensable à l'exploitation desdites données. Les collectivités détentrices d'informations vectorisées et intégrées dans leur système d'information géographique pourront mesurer la pertinence de leur politique d'aménagement numérique du territoire au regard des réseaux déjà déployés par les opérateurs notamment afin de déterminer le coût du déploiement des futurs réseaux, dans le cadre de schémas directeurs ou de projets de réseaux d'initiative publique.
De même, l'Autorité considère comme raisonnable et proportionné le délai prévu par le projet de décret fixé au 1er janvier 2014 et à partir duquel un format vectorisé pour l'ensemble des informations est exigible.
En effet, comme l'indique le Conseil d'Etat dans son arrêt du 10 novembre 2010 :
« Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;
Considérant qu'en fixant, aux termes de l'article 2 du décret attaqué, l'entrée en vigueur de l'obligation de communication des informations relatives aux infrastructures d'accueil au 1er juillet 2011, le Gouvernement a pris en considération le principe de sécurité juridique et n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; ».
L'Autorité estime par ailleurs que les mesures prévoyant l'entrée en vigueur immédiate de cette obligation s'agissant des données relatives aux éléments de branchement et d'interconnexion et le format non vectorisé mais permettant de calculer la longueur des infrastructures d'accueil pour la période antérieure au 1er janvier 2014 répondent aux principales attentes des collectivités territoriales en matière d'aménagement numérique du territoire.
III. ― Sur le projet d'arrêté d'application de l'article D. 98-6-3 du code des postes et des communications électroniques relatif aux modalités de communication d'informations à l'Etat et aux collectivités territoriales sur les infrastructures et réseaux établis sur leur territoire
Les dispositions du projet d'arrêté, objet de la demande d'avis, remplacent les dispositions de l'arrêté du 15 janvier 2010 devenues sans objet à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat des dispositions du décret sur la base duquel il avait été adopté.
Le projet d'arrêté réintroduit les dispositions de la version initiale de l'arrêté du 15 janvier 2010, la loi du 22 mars 2011 précitée donnant compétence au pouvoir réglementaire de préciser les modalités relatives à la structure de données selon lesquelles ces informations doivent être transmises.
Le projet d'arrêté reprend notamment dans son annexe la structure de données dans son intégralité. Cette structure constitue le complément indispensable de la fourniture d'informations sous une forme vectorielle géolocalisée.
Il en ressort que l'Autorité est favorable au rétablissement de cet arrêté dans sa rédaction initiale.

IV. ― Sur l'entrée en vigueur du projet de décret et du projet d'arrêté

Le projet de décret ainsi que le projet d'arrêté entrent en vigueur deux mois à compter de leur publication.
Compte tenu du contexte réglementaire lié au dispositif sur la connaissance des réseaux, l'Autorité s'interroge sur l'opportunité de différer de deux mois l'entrée en vigueur des dispositions prévues par les projets de textes et propose une entrée en vigueur selon le régime de droit commun, à savoir le lendemain de la publication des textes au Journal officiel.

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Sous réserve de la prise en compte de la proposition relative à l'entrée en vigueur du projet de décret et du projet d'arrêté, l'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret et le projet d'arrêté portant application de l'article L. 33-7 du CPCE.
Le présent avis sera transmis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 1er décembre 2011.

Le président,

J.-L. Silicani