JORF n°231 du 5 octobre 2007

I. - Sur les modalités d'arrêt de la diffusion analogique
et la gestion du dividende numérique

L'Autorité souscrit pleinement au schéma proposé par le projet de loi en ce qui concerne la date d'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique ainsi que les modalités de réaffectation du dividende numérique. En revanche, les dispositions du projet d'article 12 apparaissent particulièrement contestables.

La date d'arrêt de la diffusion analogique marque
une volonté dynamique pour une France numérique

L'article 4 du projet de loi fixe la date définitive d'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique au 30 novembre 2011. En outre, l'article 5 de ce même projet de texte prévoit, à compter du 30 novembre 2009, une extinction progressive de la diffusion analogique des services de télévision sur le territoire métropolitain par zones géographiques.
Cette date impose un objectif ambitieux, mais réaliste, qui aura pour effet de donner un signal très fort à destination de l'ensemble des acteurs économiques et de provoquer une dynamique vertueuse susceptible de placer la France en bonne position pour le développement de la télévision numérique hertzienne. L'arrêt de la diffusion analogique en 2011 en France s'insère en outre parfaitement dans l'objectif européen qui est de mettre un terme à ce mode de diffusion en 2012 (1).
L'Autorité est donc pleinement favorable à une telle décision.
Par ailleurs, l'article 4 du projet de loi soumis pour avis précise que l'arrêt de la diffusion analogique est mis en oeuvre par le CSA dans le « cadre des orientations déterminées par un schéma national [...] approuvé par arrêté du Premier ministre ». L'Autorité comprend que ce schéma national sera issu des réflexions du comité stratégique pour le numérique, institué par le Président de la République le 4 mai dernier, auquel elle apportera son soutien et son expertise pour faciliter au mieux sa mission.

La gestion du dividende numérique est un enjeu majeur

Le spectre radioélectrique constitue par nature une ressource limitée faisant l'objet d'une demande croissante. Or, la meilleure efficacité spectrale induite par la télévision numérique terrestre (TNT) permettra de dégager une ressource supplémentaire, communément appelée « dividende numérique ». Une partie des fréquences disponibles aura vocation à compléter la couverture de la TNT et à enrichir l'offre de services audiovisuels, mais l'affectation de ressources à de nouveaux services de communications électroniques représente un enjeu sociétal, économique et industriel majeur qui s'inscrit dans le cadre des actions visant l'accès de tous à la société de l'information.
Dans ces conditions, et eu égard aux impacts positifs d'une utilisation optimale de ce dividende numérique, l'Autorité soutient pleinement le dispositif mis en place par l'article 7 du projet de loi, à savoir le lancement par le Premier ministre d'une consultation publique sur la réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion de la télévision analogique terrestre avant toute réassignation à une autorité gestionnaire.
L'Autorité considère que cette consultation publique devrait intervenir dès que possible après la promulgation de la loi, objet du présent avis, afin d'évaluer les besoins en ressources radioélectriques, de permettre une réaffectation compatible avec la date d'arrêt effectif de l'analogique et donc de placer la France dans les meilleures conditions en 2011.
Sur le fond, cette consultation devrait être ouverte en ce qui concerne les choix de réaffectation des fréquences, et devrait également préciser les besoins éventuels de réaménagement du spectre rendus nécessaires. Des propositions de modification de cet article 7 sont formulées en annexe au présent avis.
Enfin, la gestion du dividende numérique en France ne pourra se faire indépendamment des débats qui ont déjà commencé au niveau européen (2). Sur ce point, l'Autorité souscrit pleinement au projet de mémorandum du Gouvernement français pour une Europe numérique, selon lequel il convient d'examiner l'opportunité de dégager une bande de fréquences contiguës et harmonisées au niveau européen, réservée à de nouveaux usages, afin de favoriser l'émergence d'un marché de masse.
Le dividende numérique ne doit pas être préempté par l'octroi d'un droit d'usage supplémentaire aux éditeurs d'un service national de télévision préalablement autorisé
L'article 12 du projet de loi prévoit qu'à l'extinction complète de la diffusion analogique le CSA peut accorder à l'éditeur d'un service national de télévision préalablement autorisé qui lui en fait la demande un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service de télévision à vocation nationale, à condition que ce service soit édité par une personne morale distincte, contrôlée par cet éditeur.
Cet article aurait pour conséquence d'offrir un « canal bonus » aux chaînes existantes, c'est-à-dire un canal supplémentaire en plus de celui dont elles disposent pour fournir leurs services de télévision, et donc de préempter une partie du dividende numérique. Or, ces mêmes éditeurs avaient déjà reçu un « canal bonus » lors du lancement de la TNT. Cette nouvelle disposition, qui a pour effet de préempter encore un peu plus le dividende numérique au profit de ces seuls éditeurs, n'est aucunement justifiée.
I1 est donc en totale contradiction avec l'objectif visé par l'article 7 du projet de loi, les compétences dévolues au Premier ministre à ce titre et la mission confiée au comité stratégique pour le numérique.
Dans ces conditions, l'Autorité émet un avis défavorable sur ce projet d'article 12 et propose sa suppression.
Par ailleurs, l'Autorité constate que diverses dispositions du projet de loi (art. 4 ou 6) prévoient la possibilité de proroger les autorisations de diffusion en mode numérique déjà attribuées pour une durée de cinq ans.
Ces dispositions appellent deux remarques. Tout d'abord, on peut s'interroger sur le bien-fondé de cette prorogation qui a de nouveau pour effet de freiner la constitution du dividende numérique. Ensuite, une telle disposition n'est acceptable que dans la mesure où elle n'est pas opposable aux éventuelles décisions de réaménagement du spectre, rendues nécessaires notamment lors des étapes ultérieures de réaffectation des fréquences provoquée par l'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre analogique.
Ces dispositions sont donc sans préjudice des modalités de réaménagement du spectre prévues à l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée. A l'image de ce qui a été fait pour d'autres dispositions de la loi du 30 septembre 1986 qui le mentionnent expressément, une référence à l'article 26 pourrait être ajoutée dans ces projets d'articles.


Historique des versions

Version 1

I. - Sur les modalités d'arrêt de la diffusion analogique

et la gestion du dividende numérique

L'Autorité souscrit pleinement au schéma proposé par le projet de loi en ce qui concerne la date d'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique ainsi que les modalités de réaffectation du dividende numérique. En revanche, les dispositions du projet d'article 12 apparaissent particulièrement contestables.

La date d'arrêt de la diffusion analogique marque

une volonté dynamique pour une France numérique

L'article 4 du projet de loi fixe la date définitive d'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique au 30 novembre 2011. En outre, l'article 5 de ce même projet de texte prévoit, à compter du 30 novembre 2009, une extinction progressive de la diffusion analogique des services de télévision sur le territoire métropolitain par zones géographiques.

Cette date impose un objectif ambitieux, mais réaliste, qui aura pour effet de donner un signal très fort à destination de l'ensemble des acteurs économiques et de provoquer une dynamique vertueuse susceptible de placer la France en bonne position pour le développement de la télévision numérique hertzienne. L'arrêt de la diffusion analogique en 2011 en France s'insère en outre parfaitement dans l'objectif européen qui est de mettre un terme à ce mode de diffusion en 2012 (1).

L'Autorité est donc pleinement favorable à une telle décision.

Par ailleurs, l'article 4 du projet de loi soumis pour avis précise que l'arrêt de la diffusion analogique est mis en oeuvre par le CSA dans le « cadre des orientations déterminées par un schéma national [...] approuvé par arrêté du Premier ministre ». L'Autorité comprend que ce schéma national sera issu des réflexions du comité stratégique pour le numérique, institué par le Président de la République le 4 mai dernier, auquel elle apportera son soutien et son expertise pour faciliter au mieux sa mission.

La gestion du dividende numérique est un enjeu majeur

Le spectre radioélectrique constitue par nature une ressource limitée faisant l'objet d'une demande croissante. Or, la meilleure efficacité spectrale induite par la télévision numérique terrestre (TNT) permettra de dégager une ressource supplémentaire, communément appelée « dividende numérique ». Une partie des fréquences disponibles aura vocation à compléter la couverture de la TNT et à enrichir l'offre de services audiovisuels, mais l'affectation de ressources à de nouveaux services de communications électroniques représente un enjeu sociétal, économique et industriel majeur qui s'inscrit dans le cadre des actions visant l'accès de tous à la société de l'information.

Dans ces conditions, et eu égard aux impacts positifs d'une utilisation optimale de ce dividende numérique, l'Autorité soutient pleinement le dispositif mis en place par l'article 7 du projet de loi, à savoir le lancement par le Premier ministre d'une consultation publique sur la réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion de la télévision analogique terrestre avant toute réassignation à une autorité gestionnaire.

L'Autorité considère que cette consultation publique devrait intervenir dès que possible après la promulgation de la loi, objet du présent avis, afin d'évaluer les besoins en ressources radioélectriques, de permettre une réaffectation compatible avec la date d'arrêt effectif de l'analogique et donc de placer la France dans les meilleures conditions en 2011.

Sur le fond, cette consultation devrait être ouverte en ce qui concerne les choix de réaffectation des fréquences, et devrait également préciser les besoins éventuels de réaménagement du spectre rendus nécessaires. Des propositions de modification de cet article 7 sont formulées en annexe au présent avis.

Enfin, la gestion du dividende numérique en France ne pourra se faire indépendamment des débats qui ont déjà commencé au niveau européen (2). Sur ce point, l'Autorité souscrit pleinement au projet de mémorandum du Gouvernement français pour une Europe numérique, selon lequel il convient d'examiner l'opportunité de dégager une bande de fréquences contiguës et harmonisées au niveau européen, réservée à de nouveaux usages, afin de favoriser l'émergence d'un marché de masse.

Le dividende numérique ne doit pas être préempté par l'octroi d'un droit d'usage supplémentaire aux éditeurs d'un service national de télévision préalablement autorisé

L'article 12 du projet de loi prévoit qu'à l'extinction complète de la diffusion analogique le CSA peut accorder à l'éditeur d'un service national de télévision préalablement autorisé qui lui en fait la demande un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service de télévision à vocation nationale, à condition que ce service soit édité par une personne morale distincte, contrôlée par cet éditeur.

Cet article aurait pour conséquence d'offrir un « canal bonus » aux chaînes existantes, c'est-à-dire un canal supplémentaire en plus de celui dont elles disposent pour fournir leurs services de télévision, et donc de préempter une partie du dividende numérique. Or, ces mêmes éditeurs avaient déjà reçu un « canal bonus » lors du lancement de la TNT. Cette nouvelle disposition, qui a pour effet de préempter encore un peu plus le dividende numérique au profit de ces seuls éditeurs, n'est aucunement justifiée.

I1 est donc en totale contradiction avec l'objectif visé par l'article 7 du projet de loi, les compétences dévolues au Premier ministre à ce titre et la mission confiée au comité stratégique pour le numérique.

Dans ces conditions, l'Autorité émet un avis défavorable sur ce projet d'article 12 et propose sa suppression.

Par ailleurs, l'Autorité constate que diverses dispositions du projet de loi (art. 4 ou 6) prévoient la possibilité de proroger les autorisations de diffusion en mode numérique déjà attribuées pour une durée de cinq ans.

Ces dispositions appellent deux remarques. Tout d'abord, on peut s'interroger sur le bien-fondé de cette prorogation qui a de nouveau pour effet de freiner la constitution du dividende numérique. Ensuite, une telle disposition n'est acceptable que dans la mesure où elle n'est pas opposable aux éventuelles décisions de réaménagement du spectre, rendues nécessaires notamment lors des étapes ultérieures de réaffectation des fréquences provoquée par l'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre analogique.

Ces dispositions sont donc sans préjudice des modalités de réaménagement du spectre prévues à l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée. A l'image de ce qui a été fait pour d'autres dispositions de la loi du 30 septembre 1986 qui le mentionnent expressément, une référence à l'article 26 pourrait être ajoutée dans ces projets d'articles.