JORF n°180 du 6 août 2003

L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications ;
Vu la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L. 33-4, L. 33-4-1 et L. 35-4 ;
Vu le code pénal, et notamment ses articles 121-2, 131-41, 226-18 et 226-21 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique et social, et notamment son article 10 ;
Vu le décret n° 96-1225 du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges de France Télécom ;
Vu le courrier du secrétaire d'Etat à l'industrie en date du 9 janvier 2002 saisissant pour avis l'Autorité sur le projet de décret relatif à l'annuaire universel et modifiant le code des postes et télécommunications ;
Après en avoir délibéré le 21 février 2002,
L'Autorité de régulation des télécommunications, soucieuse de l'intérêt des consommateurs et du développement de la concurrence, prend connaissance avec satisfaction du présent projet. Il crée en effet les conditions de mise en oeuvre de l'annuaire universel, rassemblant les informations sur tous les utilisateurs de réseaux ouverts au public fixes et mobiles dans la mesure où ils ne se sont pas opposés à leur inscription sur ces listes d'utilisateurs publiées. L'Autorité note avec satisfaction que les droits du consommateur se trouvent réaffirmés dans la mesure où, d'une part, l'exercice du droit à ne pas être mentionné sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs publiées est gratuit et où, d'autre part, les opérateurs ont désormais l'obligation de proposer la posssibilité de ne pas être mentionné sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs accessibles par un service de renseignements.

  1. La création de deux marchés distincts

La rédaction de l'article L. 33-4 et l'article R. 10-4 du projet de décret relatif à l'annuaire universel fait apparaître que l'utilisation des listes d'abonnés fournies par les opérateurs n'est autorisée dans ce cadre que pour l'édition « d'annuaire universel et la fourniture de service universel de renseignements », les listes fournies rassemblant « tous les abonnés ou utilisateurs auxquels les opérateurs ont affecté un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation prévu à l'article L. 34-10 » (article L. 33-4). Le caractère d'universalité de ces services est également défini à l'article L. 35-4 qui précise que cette liste est celle de « tous les abonnés aux réseaux ouverts au public ». Cette lecture est corroborée par les alinéas 4 et 5 de l'article R. 10-4 qui obligent, d'une part, les opérateurs à fournir l'intégralité de leur liste et, d'autre part, les acheteurs à n'utiliser ces listes que pour éditer un annuaire universel et fournir un service universel de renseignements, sauf dispositions contractuelles contraires.
Le dispositif retenu instaure ainsi deux marchés, avec des régimes de cession des listes différents :
- d'une part, un marché réglementé qui est celui des cessions à des fins de services d'annuaires et de renseignements universels, à des conditions techniques et financières régies par le droit spécifique des télécommunications, les litiges relatifs aux conditions de cession relevant de la compétence de l'Autorité ;
- d'autre part, un marché libre qui est celui des cessions à d'autres fins, et notamment à des fins de prospection commerciale selon des conditions relevant du droit commun et du droit de la concurrence, les litiges relevant du juge de droit commun ou du Conseil de la concurrence.
De ces dispositions, il résulte également que les opérateurs de télécommunications ou leurs distributeurs demeurent en pratique la seule source pour le marché des données ultilisées à des fins de prospection commerciale, sauf dispositions contractuelles contraires entre eux et les fournisseurs de services d'annuaires ou de renseignements universels.
A titre d'exemple, France Télécom, en tant qu'opérateur, pourra céder librement les données concernant ses propres abonnés mais, en tant que prestataire d'un service d'annuaires et de renseignements universels, elle ne pourra céder la liste complète des abonnés qu'elle a constituée dans ce cadre, sans avoir l'accord de tous les opérateurs qui lui ont apporté leur liste.
L'Autorité note que la publication du présent décret est sans conséquence sur les décisions émanant des juridictions de droit commun ou du Conseil de la concurrence relatives aux cessions de listes à des fins de prospection commerciale, en raison même de la séparation du régime réglementaire entre ces deux marchés.

  1. La définition de l'universalité des services d'annuaires
    et de renseignements

La directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 précise en son article 6 que « les annuaires regroupant l'ensemble des abonnés qui n'ont pas exprimé d'objection à être répertoriés, y compris les numéros fixes, mobiles et personnels, soient mis à la disposition des utilisateurs sous une forme approuvée par l'autorité réglementaire nationale, qu'elle soit imprimée ou électronique ou les deux à la fois, et régulièrement mis à jour ».
L'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et télécommunications et qui transpose notamment la directive 98/10/CE du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel précise qu'« au moyen d'un annuaire universel, présenté sous forme imprimée et électronique, et d'un service universel de renseignements, le public a accès, sous réserve de la protection des droits des personnes, aux noms ou raisons sociales, aux numéros téléphoniques et aux adresses de tous les abonnés aux réseaux ouverts au public, ainsi qu'à la mention de leur profession pour ceux qui le souhaitent. Il peut avoir accès, sous cette même réserve, aux adresses électroniques des abonnés qui le souhaitent. »
Le projet de décret dispose que les opérateurs communiquent les listes d'abonnés dans les conditions déterminées par ce texte « en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements au niveau national ou départemental » (article R. 10-4). Par ailleurs l'article L. 33-4 dispose que les listes fournies comprennent « tous les abonnés ou utilisateurs ».
Il apparaît à l'Autorité que certaines catégories d'annuaires pourraient être exclues du bénéfice des conditions de cession prévues au présent projet de décret, à savoir les annuaires locaux non départementaux qui constituent un segment du marché des annuaires où une certaine concurrence s'est développée à ce jour.
Certains annuaires, notamment ceux édités sous format « papier », concernant des zones infradépartementales ou des zones couvrant plusieurs départements, par exemple lorsqu'elles constituent un unique bassin d'emploi ou une même zone de chalandise. La question se pose donc de savoir si les éditeurs de ces annuaires pourront avoir accès aux listes d'abonnés des opérateurs dans les conditions prévues par le présent projet de décret.
Il convient de noter que l'article L. 33-4 du code tel que modifié par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 dispose que « toute demande présentée en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements même limité à une zone géographique déterminée ».
C'est pourquoi l'Autorité considère que dans le présent projet de décret la rédaction de l'alinéa 1er de l'article R. 10-4 est non seulement restrictive par rapport à la rédaction retenue par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001, mais qu'elle pourrait également être considérée comme non conforme à ce texte ; l'Autorité est donc d'avis que l'emploi des termes de « au niveau national ou d'une zone géographique déterminée » au lieu de « au niveau national ou départemental » permettrait de lever toute ambiguïté sur cette question. Il conviendrait dès lors de modifier les autres dispositions du présent projet qui font référence au département.

  1. Absence de mécanismes permettant à un autre opérateur
    que France Télécom d'être compensé au titre du service universel

L'obligation d'universalité pesant sur des éditeurs d'annuaires ou des fournisseurs de services de renseignements pourrait conduire à une situation déséquilibrée, entre France Télécom et les autres fournisseurs de services, au regard du dispositif général qui régit les obligations relevant du service universel.
Contrairement au mécanisme retenu pour la fourniture des tarifs sociaux, les dispositions du code issues des modifications introduites par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ne prévoient pas de sytème de « pay or play » en ce qui concerne l'obligation d'annuaire universel.
Ainsi, un opérateur qui souhaiterait éditer un annuaire universel ne pourrait être compensé, alors que France Télécom pourrait obtenir, le cas échéant, une telle compensation. Au surplus, s'agissant des fournisseurs de services d'annuaires et de renseignements universels, d'autres entreprises que les opérateurs de télécommunications sont susceptibles d'intervenir sur ce marché.
Par souci de cohérence avec les dispositions relatives aux tarifs sociaux, l'Autorité souhaiterait voir introduit le système « pay or play » en ce qui concerne les prestations de services d'annuaires et de renseignements universels.

  1. La fourniture par les opérateurs des listes
    d'abonnés à des fins de prospection directe

L'Autorité s'interroge sur le dispositif relatif à l'utilisation et à la diffusion des données personnelles des abonnés s'opposant à leur commercialisation à des fins de prospection commerciale.
Les conditions d'une telle utilisation et diffusion sont mentionnées en trois articles distincts du nouveau corpus réglementaire :
- l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications issu de l'ordonnance précitée, dispose que ces données sont mises « à la disposition de toute personne qui en fait la demande » ;
- l'article R. 10-1 interdit, sous contrôle pénal, « l'usage par quiconque (...), dans les opérations de prospection directe, des données à caractère personnel contenues dans les listes d'abonnés au service téléphonique au public et relative aux abonnés ayant exprimé leur opposition à cet usage quel que soit le mode d'accès auxdites données, y compris par simple consultation de l'annuaire » ;
- l'article R. 10-7, qui détermine les mentions devant figurer dans les annuaires universels, impose que « les données relatives à chaque abonné (soient) complétées par des moyens permettant le repérage des restrictions éventuellement demandées affectant leur utilisation dans les opérations de prospection directe (...) ».
L'interdiction générale et absolue sous contrôle pénal de l'utilisation des données des personnes qui s'opposent à la prospection commerciale, qui résulte des articles L. 33-4-1 et R. 10-1 du code des postes et télécommunications, a pour conséquence de faire des fichiers des opérateurs les seuls « fichiers sources » réglementaires grâce auxquels les entreprises de prospection directe sont en mesure de respecter leurs obligations, alors même que ces entreprises peuvent se procurer des fichiers auprès d'autres fournisseurs.
Un arrêt de la Cour de cassation (n° 2030 FS-P) de décembre 2001 relatif aux modalités d'accès à la « liste orange » de France Télécom (liste des personnes qui s'opposent à la commercialisation des données les concernant à des fins de prospection commerciale) confirme que « la liste orange ne pouvant, par nature, être divulgée, France Télécom ne pouvait que proposer des listes d'abonnés expurgées de ceux inscrits sur cette liste ou proposer une prestation de mise en conformité des fichiers externes avec la liste orange ».
Cet arrêt de la Cour de cassation n'ayant de portée que pour France Télécom et seulement jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation relative aux services d'annuaires et de renseignements universels, il paraîtrait opportun à l'Autorité que, à l'occasion de ce décret, le Gouvernement puisse déterminer de façon précise les conditions dans lesquelles ces données peuvent être mises à la disposition des entreprises concernées par l'ensemble des opérateurs afin de faire cesser pour l'avenir les litiges, d'une part, entre opérateurs et entreprises de prospection commerciale et, d'autre part, entre ces mêmes entreprises et les particuliers.
Or, de la lecture conjointe de ces trois articles ne ressortent pas clairement les conditions dans lesquelles les entreprises de prospection commerciale seront en mesure d'établir des listes respectant la volonté des personnes ne souhaitant pas être soumises à des opérations de prospection directe :
- l'article R. 10-7, qui prévoit le marquage dans les annuaires des personnes opposées au démarchage commercial, pourrait être interprété comme une incitation au téléchargement des listes publiées par les éditeurs d'annuaires, dont les entreprises expurgeraient elles-mêmes les abonnés opposés au démarcharge commercial ;
- l'interdiction de tout usage de ces données, même par consultation de l'annuaire, qui figure à l'article R. 10-1, pourrait, a contrario, être interprétée comme interdisant un usage à fin « d'expurger » les listes que des entreprises de prospection commerciale se seraient procurées auprès d'autres sources que les opérateurs de télécommunications ; telle paraît être l'interprétation faite par la Cour de cassation de l'actuel article R. 10-1 du code, issu du décret n° 94-373 du 6 mai 1994, très proche du nouvel article R. 10-1 ;
- l'article L. 33-4-1, quant à lui, paraît faire obligation aux opérateurs de fournir, dans des conditions non précisées, la liste des personnes opposées aux opérations de prospection directe.
L'autorité souhaiterait donc que le Gouvernement apporte une clarification au dispositif envisagé par le code des postes et télécommunications.

  1. Tarifs de fourniture des listes d'abonnés par les opérateurs
    à des fins d'annuaire et de services de renseignements universels

L'Autorité observe que :
- le calcul du coût de la composante « annuaires » du service universel prévu à l'article R. 20-36 (1) exclut les coûts communs ;
- la plupart des instances de régulation européennes ont choisi d'évaluer les coûts de cession de listes à des fins d'annuaire universel sur la base des coûts incrémentaux encourus.
Dans ces conditions, l'Autorité estime qu'il n'y aurait pas lieu de prendre en compte des coûts communs dans le calcul des coûts de fourniture des listes d'abonnés. Si toutefois une telle mention devait être conservée, il conviendrait alors de ne considérer que les seuls coûts indivis, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent être affectés à une activité particulière. C'est d'ailleurs ainsi que sont compris les coûts communs dans le cadre de l'interconnexion, notamment dans l'article D. 99-12 du code des postes et télécommunications.
Au regard de cette analyse, la mention « notamment les coûts de saisie de consolidation et de gestion des listes » n'a pas lieu de figurer à l'article R. 10-6.
En outre, il paraît souhaitable à l'Autorité qu'une référence soit faite au principe d'efficacité et de comparaison internationale, afin d'offrir à moindre coût pour la collectivité les services d'annuaires et de renseignements universels et de faciliter la convergence des conditions de cession des listes à l'échelon européen.
Aussi, l'Autorité propose-t-elle d'ajouter un principe supplémentaire à ceux prévus à l'article R. 10-6 : « Les coûts pris en compte sont ceux d'un opérateur efficace au regard notamment des références internationales. »
D'une façon générale, l'Autorité recommande que le présent décret permette une application souple du dispositif afin de prendre en compte les évolutions des usages et des technologies afférentes à ces services, et notamment le passage d'une consultation des annuaires traditionnellement sous format imprimé ou télématique à une consultation sur d'autres supports tels qu'internet ou les téléphones mobiles.
Au-delà de ces observations, l'Autorité estime qu'il serait nécessaire d'apporter certaines modifications, principalement rédactionnelles, au présent projet de décret afin d'en assurer la cohérence avec les textes de nature législative ou réglementaire récemment adoptés. Ces demandes de modifications figurent en annexe 1 du présent avis. Figurent également en annexe 2 les propositions de modification de l'Autorité par rapport au projet de décret qui lui a été transmis.
Au bénéfice de ces observations, l'Autorité émet un avis favorable sur le présent projet de décret.


Historique des versions

Version 1

L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications ;

Vu la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L. 33-4, L. 33-4-1 et L. 35-4 ;

Vu le code pénal, et notamment ses articles 121-2, 131-41, 226-18 et 226-21 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique et social, et notamment son article 10 ;

Vu le décret n° 96-1225 du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges de France Télécom ;

Vu le courrier du secrétaire d'Etat à l'industrie en date du 9 janvier 2002 saisissant pour avis l'Autorité sur le projet de décret relatif à l'annuaire universel et modifiant le code des postes et télécommunications ;

Après en avoir délibéré le 21 février 2002,

L'Autorité de régulation des télécommunications, soucieuse de l'intérêt des consommateurs et du développement de la concurrence, prend connaissance avec satisfaction du présent projet. Il crée en effet les conditions de mise en oeuvre de l'annuaire universel, rassemblant les informations sur tous les utilisateurs de réseaux ouverts au public fixes et mobiles dans la mesure où ils ne se sont pas opposés à leur inscription sur ces listes d'utilisateurs publiées. L'Autorité note avec satisfaction que les droits du consommateur se trouvent réaffirmés dans la mesure où, d'une part, l'exercice du droit à ne pas être mentionné sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs publiées est gratuit et où, d'autre part, les opérateurs ont désormais l'obligation de proposer la posssibilité de ne pas être mentionné sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs accessibles par un service de renseignements.

1. La création de deux marchés distincts

La rédaction de l'article L. 33-4 et l'article R. 10-4 du projet de décret relatif à l'annuaire universel fait apparaître que l'utilisation des listes d'abonnés fournies par les opérateurs n'est autorisée dans ce cadre que pour l'édition « d'annuaire universel et la fourniture de service universel de renseignements », les listes fournies rassemblant « tous les abonnés ou utilisateurs auxquels les opérateurs ont affecté un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation prévu à l'article L. 34-10 » (article L. 33-4). Le caractère d'universalité de ces services est également défini à l'article L. 35-4 qui précise que cette liste est celle de « tous les abonnés aux réseaux ouverts au public ». Cette lecture est corroborée par les alinéas 4 et 5 de l'article R. 10-4 qui obligent, d'une part, les opérateurs à fournir l'intégralité de leur liste et, d'autre part, les acheteurs à n'utiliser ces listes que pour éditer un annuaire universel et fournir un service universel de renseignements, sauf dispositions contractuelles contraires.

Le dispositif retenu instaure ainsi deux marchés, avec des régimes de cession des listes différents :

- d'une part, un marché réglementé qui est celui des cessions à des fins de services d'annuaires et de renseignements universels, à des conditions techniques et financières régies par le droit spécifique des télécommunications, les litiges relatifs aux conditions de cession relevant de la compétence de l'Autorité ;

- d'autre part, un marché libre qui est celui des cessions à d'autres fins, et notamment à des fins de prospection commerciale selon des conditions relevant du droit commun et du droit de la concurrence, les litiges relevant du juge de droit commun ou du Conseil de la concurrence.

De ces dispositions, il résulte également que les opérateurs de télécommunications ou leurs distributeurs demeurent en pratique la seule source pour le marché des données ultilisées à des fins de prospection commerciale, sauf dispositions contractuelles contraires entre eux et les fournisseurs de services d'annuaires ou de renseignements universels.

A titre d'exemple, France Télécom, en tant qu'opérateur, pourra céder librement les données concernant ses propres abonnés mais, en tant que prestataire d'un service d'annuaires et de renseignements universels, elle ne pourra céder la liste complète des abonnés qu'elle a constituée dans ce cadre, sans avoir l'accord de tous les opérateurs qui lui ont apporté leur liste.

L'Autorité note que la publication du présent décret est sans conséquence sur les décisions émanant des juridictions de droit commun ou du Conseil de la concurrence relatives aux cessions de listes à des fins de prospection commerciale, en raison même de la séparation du régime réglementaire entre ces deux marchés.

2. La définition de l'universalité des services d'annuaires

et de renseignements

La directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 précise en son article 6 que « les annuaires regroupant l'ensemble des abonnés qui n'ont pas exprimé d'objection à être répertoriés, y compris les numéros fixes, mobiles et personnels, soient mis à la disposition des utilisateurs sous une forme approuvée par l'autorité réglementaire nationale, qu'elle soit imprimée ou électronique ou les deux à la fois, et régulièrement mis à jour ».

L'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et télécommunications et qui transpose notamment la directive 98/10/CE du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel précise qu'« au moyen d'un annuaire universel, présenté sous forme imprimée et électronique, et d'un service universel de renseignements, le public a accès, sous réserve de la protection des droits des personnes, aux noms ou raisons sociales, aux numéros téléphoniques et aux adresses de tous les abonnés aux réseaux ouverts au public, ainsi qu'à la mention de leur profession pour ceux qui le souhaitent. Il peut avoir accès, sous cette même réserve, aux adresses électroniques des abonnés qui le souhaitent. »

Le projet de décret dispose que les opérateurs communiquent les listes d'abonnés dans les conditions déterminées par ce texte « en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements au niveau national ou départemental » (article R. 10-4). Par ailleurs l'article L. 33-4 dispose que les listes fournies comprennent « tous les abonnés ou utilisateurs ».

Il apparaît à l'Autorité que certaines catégories d'annuaires pourraient être exclues du bénéfice des conditions de cession prévues au présent projet de décret, à savoir les annuaires locaux non départementaux qui constituent un segment du marché des annuaires où une certaine concurrence s'est développée à ce jour.

Certains annuaires, notamment ceux édités sous format « papier », concernant des zones infradépartementales ou des zones couvrant plusieurs départements, par exemple lorsqu'elles constituent un unique bassin d'emploi ou une même zone de chalandise. La question se pose donc de savoir si les éditeurs de ces annuaires pourront avoir accès aux listes d'abonnés des opérateurs dans les conditions prévues par le présent projet de décret.

Il convient de noter que l'article L. 33-4 du code tel que modifié par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 dispose que « toute demande présentée en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements même limité à une zone géographique déterminée ».

C'est pourquoi l'Autorité considère que dans le présent projet de décret la rédaction de l'alinéa 1er de l'article R. 10-4 est non seulement restrictive par rapport à la rédaction retenue par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001, mais qu'elle pourrait également être considérée comme non conforme à ce texte ; l'Autorité est donc d'avis que l'emploi des termes de « au niveau national ou d'une zone géographique déterminée » au lieu de « au niveau national ou départemental » permettrait de lever toute ambiguïté sur cette question. Il conviendrait dès lors de modifier les autres dispositions du présent projet qui font référence au département.

3. Absence de mécanismes permettant à un autre opérateur

que France Télécom d'être compensé au titre du service universel

L'obligation d'universalité pesant sur des éditeurs d'annuaires ou des fournisseurs de services de renseignements pourrait conduire à une situation déséquilibrée, entre France Télécom et les autres fournisseurs de services, au regard du dispositif général qui régit les obligations relevant du service universel.

Contrairement au mécanisme retenu pour la fourniture des tarifs sociaux, les dispositions du code issues des modifications introduites par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ne prévoient pas de sytème de « pay or play » en ce qui concerne l'obligation d'annuaire universel.

Ainsi, un opérateur qui souhaiterait éditer un annuaire universel ne pourrait être compensé, alors que France Télécom pourrait obtenir, le cas échéant, une telle compensation. Au surplus, s'agissant des fournisseurs de services d'annuaires et de renseignements universels, d'autres entreprises que les opérateurs de télécommunications sont susceptibles d'intervenir sur ce marché.

Par souci de cohérence avec les dispositions relatives aux tarifs sociaux, l'Autorité souhaiterait voir introduit le système « pay or play » en ce qui concerne les prestations de services d'annuaires et de renseignements universels.

4. La fourniture par les opérateurs des listes

d'abonnés à des fins de prospection directe

L'Autorité s'interroge sur le dispositif relatif à l'utilisation et à la diffusion des données personnelles des abonnés s'opposant à leur commercialisation à des fins de prospection commerciale.

Les conditions d'une telle utilisation et diffusion sont mentionnées en trois articles distincts du nouveau corpus réglementaire :

- l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications issu de l'ordonnance précitée, dispose que ces données sont mises « à la disposition de toute personne qui en fait la demande » ;

- l'article R. 10-1 interdit, sous contrôle pénal, « l'usage par quiconque (...), dans les opérations de prospection directe, des données à caractère personnel contenues dans les listes d'abonnés au service téléphonique au public et relative aux abonnés ayant exprimé leur opposition à cet usage quel que soit le mode d'accès auxdites données, y compris par simple consultation de l'annuaire » ;

- l'article R. 10-7, qui détermine les mentions devant figurer dans les annuaires universels, impose que « les données relatives à chaque abonné (soient) complétées par des moyens permettant le repérage des restrictions éventuellement demandées affectant leur utilisation dans les opérations de prospection directe (...) ».

L'interdiction générale et absolue sous contrôle pénal de l'utilisation des données des personnes qui s'opposent à la prospection commerciale, qui résulte des articles L. 33-4-1 et R. 10-1 du code des postes et télécommunications, a pour conséquence de faire des fichiers des opérateurs les seuls « fichiers sources » réglementaires grâce auxquels les entreprises de prospection directe sont en mesure de respecter leurs obligations, alors même que ces entreprises peuvent se procurer des fichiers auprès d'autres fournisseurs.

Un arrêt de la Cour de cassation (n° 2030 FS-P) de décembre 2001 relatif aux modalités d'accès à la « liste orange » de France Télécom (liste des personnes qui s'opposent à la commercialisation des données les concernant à des fins de prospection commerciale) confirme que « la liste orange ne pouvant, par nature, être divulgée, France Télécom ne pouvait que proposer des listes d'abonnés expurgées de ceux inscrits sur cette liste ou proposer une prestation de mise en conformité des fichiers externes avec la liste orange ».

Cet arrêt de la Cour de cassation n'ayant de portée que pour France Télécom et seulement jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation relative aux services d'annuaires et de renseignements universels, il paraîtrait opportun à l'Autorité que, à l'occasion de ce décret, le Gouvernement puisse déterminer de façon précise les conditions dans lesquelles ces données peuvent être mises à la disposition des entreprises concernées par l'ensemble des opérateurs afin de faire cesser pour l'avenir les litiges, d'une part, entre opérateurs et entreprises de prospection commerciale et, d'autre part, entre ces mêmes entreprises et les particuliers.

Or, de la lecture conjointe de ces trois articles ne ressortent pas clairement les conditions dans lesquelles les entreprises de prospection commerciale seront en mesure d'établir des listes respectant la volonté des personnes ne souhaitant pas être soumises à des opérations de prospection directe :

- l'article R. 10-7, qui prévoit le marquage dans les annuaires des personnes opposées au démarchage commercial, pourrait être interprété comme une incitation au téléchargement des listes publiées par les éditeurs d'annuaires, dont les entreprises expurgeraient elles-mêmes les abonnés opposés au démarcharge commercial ;

- l'interdiction de tout usage de ces données, même par consultation de l'annuaire, qui figure à l'article R. 10-1, pourrait, a contrario, être interprétée comme interdisant un usage à fin « d'expurger » les listes que des entreprises de prospection commerciale se seraient procurées auprès d'autres sources que les opérateurs de télécommunications ; telle paraît être l'interprétation faite par la Cour de cassation de l'actuel article R. 10-1 du code, issu du décret n° 94-373 du 6 mai 1994, très proche du nouvel article R. 10-1 ;

- l'article L. 33-4-1, quant à lui, paraît faire obligation aux opérateurs de fournir, dans des conditions non précisées, la liste des personnes opposées aux opérations de prospection directe.

L'autorité souhaiterait donc que le Gouvernement apporte une clarification au dispositif envisagé par le code des postes et télécommunications.

5. Tarifs de fourniture des listes d'abonnés par les opérateurs

à des fins d'annuaire et de services de renseignements universels

L'Autorité observe que :

- le calcul du coût de la composante « annuaires » du service universel prévu à l'article R. 20-36 (1) exclut les coûts communs ;

- la plupart des instances de régulation européennes ont choisi d'évaluer les coûts de cession de listes à des fins d'annuaire universel sur la base des coûts incrémentaux encourus.

Dans ces conditions, l'Autorité estime qu'il n'y aurait pas lieu de prendre en compte des coûts communs dans le calcul des coûts de fourniture des listes d'abonnés. Si toutefois une telle mention devait être conservée, il conviendrait alors de ne considérer que les seuls coûts indivis, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent être affectés à une activité particulière. C'est d'ailleurs ainsi que sont compris les coûts communs dans le cadre de l'interconnexion, notamment dans l'article D. 99-12 du code des postes et télécommunications.

Au regard de cette analyse, la mention « notamment les coûts de saisie de consolidation et de gestion des listes » n'a pas lieu de figurer à l'article R. 10-6.

En outre, il paraît souhaitable à l'Autorité qu'une référence soit faite au principe d'efficacité et de comparaison internationale, afin d'offrir à moindre coût pour la collectivité les services d'annuaires et de renseignements universels et de faciliter la convergence des conditions de cession des listes à l'échelon européen.

Aussi, l'Autorité propose-t-elle d'ajouter un principe supplémentaire à ceux prévus à l'article R. 10-6 : « Les coûts pris en compte sont ceux d'un opérateur efficace au regard notamment des références internationales. »

D'une façon générale, l'Autorité recommande que le présent décret permette une application souple du dispositif afin de prendre en compte les évolutions des usages et des technologies afférentes à ces services, et notamment le passage d'une consultation des annuaires traditionnellement sous format imprimé ou télématique à une consultation sur d'autres supports tels qu'internet ou les téléphones mobiles.

Au-delà de ces observations, l'Autorité estime qu'il serait nécessaire d'apporter certaines modifications, principalement rédactionnelles, au présent projet de décret afin d'en assurer la cohérence avec les textes de nature législative ou réglementaire récemment adoptés. Ces demandes de modifications figurent en annexe 1 du présent avis. Figurent également en annexe 2 les propositions de modification de l'Autorité par rapport au projet de décret qui lui a été transmis.

Au bénéfice de ces observations, l'Autorité émet un avis favorable sur le présent projet de décret.