JORF n°0176 du 31 juillet 2013

  1. La commission tient également à préciser que les éléments traités dans le présent avis ne constituent qu'une part limitée des problématiques relevant de la protection de l'enfance, dont le champ est extrêmement vaste. La commission a retenu les principaux éléments soulevés lors des auditions qu'elle a réalisées (voir liste en annexe), éléments qui lui semblent importants au regard des droits de l'homme.

A. ― Champ de la protection de l'enfance

  1. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a redéfini les objectifs et le champ de la protection de l'enfance en proposant une définition large qui va de la prévention des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontées dans l'exercice de leurs responsabilités parentales jusqu'à la substitution familiale (article L.AA2-3 du code de l'action sociale et des familles [CASF]). La loi a également opéré un changement de vocabulaire juridique en introduisant la notion d'« enfance en danger ou en risque de l'être » et en supprimant la notion de maltraitance. Dès lors les situations qui peuvent conduire à l'intervention de l'aide sociale à l'enfance, et éventuellement déboucher sur un placement de l'enfant, sont extrêmement variées (situation sociale difficile de la famille, problèmes socio-économiques, situation médicale des parents qui entraîne une incapacité à s'occuper des enfants, famille qui rencontre des difficultés éducatives face à des enfants ayant des comportements difficiles ou déroutants, situation de maltraitance, violences sexuelles, etc.). La notion d'« information préoccupante » a été créée, sans avoir été définie précisément. La différence avec le « signalement » n'est pas claire. Dans ce cadre imprécis, il semble de plus en plus difficile pour les professionnels d'évaluer une situation. Les travailleurs sociaux éprouvent des difficultés à effectuer leur travail d'aide et d'accompagnement auprès des enfants et des familles. Le champ d'intervention de la protection de l'enfance est aujourd'hui tellement large que la masse des évaluations à produire nuit à l'évaluation rapide et complète des situations. La loi n'a pas défini les notions clés qui doivent fonder la protection de l'enfance, en particulier celles du danger ou de l'intérêt de l'enfant. Cette absence de définition place les travailleurs sociaux et les acteurs de la protection de l'enfance dans des situations très complexes. Cette absence, conjuguée au manque de critères d'évaluation et d'indicateurs de séparation, conduit trop souvent au non-respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, et ce de deux manières contradictoires :
    ― les informations préoccupantes adressées aux conseils généraux peuvent concerner tant des suspicions de maltraitance que des situations relatives à des difficultés socio-éducatives, leur traitement est de ce fait rendu difficile. Les situations de maltraitance sont plus difficilement identifiées et leur traitement intervient souvent trop tard, lorsque la situation s'est détériorée et que l'enfant est gravement en danger ;
    ― à l'inverse, pour des situations de négligence ou de carences de la part des parents, qui constituent la majorité des situations connues dans le champs de la protection de l'enfance (12), le recours au placement, hors de la cellule familiale, va être décidé sans que soit recherchées d'autres solutions sur le long terme. Ainsi, selon Pierre Naves, inspecteur général des affaires sociales, en février 2012, 50 % des placements d'enfant auraient pu être évités.
    Afin de prévenir ces situations, la CNDH rappelle qu'il revient au législateur de définir clairement les objectifs et les moyens de la politique publique de protection de l'enfance et d'en préciser les missions, ce qui pourrait être élaboré par une conférence de consensus sur la protection de l'enfance, cherchant à comprendre ce qui a conduit à des dysfonctionnements et ainsi en éviter la reproduction.
    La CNCDH recommande pour tous les professionnels de l'enfance et de la famille (justice, éducation nationale, santé, social...) des formations communes afin de développer une culture du travail interdisciplinaire permettant d'avoir une vision la plus complète possible et de parer aux risques de conflits d'approches disciplinaires concurrentielles.

(12) Voir note précédente.


Historique des versions

Version 1

8. La commission tient également à préciser que les éléments traités dans le présent avis ne constituent qu'une part limitée des problématiques relevant de la protection de l'enfance, dont le champ est extrêmement vaste. La commission a retenu les principaux éléments soulevés lors des auditions qu'elle a réalisées (voir liste en annexe), éléments qui lui semblent importants au regard des droits de l'homme.

A. ― Champ de la protection de l'enfance

9. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a redéfini les objectifs et le champ de la protection de l'enfance en proposant une définition large qui va de la prévention des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontées dans l'exercice de leurs responsabilités parentales jusqu'à la substitution familiale (article L.AA2-3 du code de l'action sociale et des familles [CASF]). La loi a également opéré un changement de vocabulaire juridique en introduisant la notion d'« enfance en danger ou en risque de l'être » et en supprimant la notion de maltraitance. Dès lors les situations qui peuvent conduire à l'intervention de l'aide sociale à l'enfance, et éventuellement déboucher sur un placement de l'enfant, sont extrêmement variées (situation sociale difficile de la famille, problèmes socio-économiques, situation médicale des parents qui entraîne une incapacité à s'occuper des enfants, famille qui rencontre des difficultés éducatives face à des enfants ayant des comportements difficiles ou déroutants, situation de maltraitance, violences sexuelles, etc.). La notion d'« information préoccupante » a été créée, sans avoir été définie précisément. La différence avec le « signalement » n'est pas claire. Dans ce cadre imprécis, il semble de plus en plus difficile pour les professionnels d'évaluer une situation. Les travailleurs sociaux éprouvent des difficultés à effectuer leur travail d'aide et d'accompagnement auprès des enfants et des familles. Le champ d'intervention de la protection de l'enfance est aujourd'hui tellement large que la masse des évaluations à produire nuit à l'évaluation rapide et complète des situations. La loi n'a pas défini les notions clés qui doivent fonder la protection de l'enfance, en particulier celles du danger ou de l'intérêt de l'enfant. Cette absence de définition place les travailleurs sociaux et les acteurs de la protection de l'enfance dans des situations très complexes. Cette absence, conjuguée au manque de critères d'évaluation et d'indicateurs de séparation, conduit trop souvent au non-respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, et ce de deux manières contradictoires :

― les informations préoccupantes adressées aux conseils généraux peuvent concerner tant des suspicions de maltraitance que des situations relatives à des difficultés socio-éducatives, leur traitement est de ce fait rendu difficile. Les situations de maltraitance sont plus difficilement identifiées et leur traitement intervient souvent trop tard, lorsque la situation s'est détériorée et que l'enfant est gravement en danger ;

― à l'inverse, pour des situations de négligence ou de carences de la part des parents, qui constituent la majorité des situations connues dans le champs de la protection de l'enfance (12), le recours au placement, hors de la cellule familiale, va être décidé sans que soit recherchées d'autres solutions sur le long terme. Ainsi, selon Pierre Naves, inspecteur général des affaires sociales, en février 2012, 50 % des placements d'enfant auraient pu être évités.

Afin de prévenir ces situations, la CNDH rappelle qu'il revient au législateur de définir clairement les objectifs et les moyens de la politique publique de protection de l'enfance et d'en préciser les missions, ce qui pourrait être élaboré par une conférence de consensus sur la protection de l'enfance, cherchant à comprendre ce qui a conduit à des dysfonctionnements et ainsi en éviter la reproduction.

La CNCDH recommande pour tous les professionnels de l'enfance et de la famille (justice, éducation nationale, santé, social...) des formations communes afin de développer une culture du travail interdisciplinaire permettant d'avoir une vision la plus complète possible et de parer aux risques de conflits d'approches disciplinaires concurrentielles.

(12) Voir note précédente.