JORF n°0176 du 31 juillet 2013

II-3. La question de la judiciarisation de la procédure

  1. En vue de trouver des solutions afin d'accélérer et d'harmoniser la procédure de changement de sexe à l'état civil, les travaux de la CNCDH l'ont par ailleurs conduite à interroger la pertinence de la judiciarisation du processus. A cet égard, les auditions menées par la CNCDH ont permis de dégager trois alternatives possibles à la situation actuelle. La première serait d'instaurer une procédure de type « référé » ; la seconde est celle d'une déjudiciarisation totale du processus ; la troisième est celle d'une déjudiciarisation partielle. Au regard des différents arguments et objections qui ont été exposés pour ces trois solutions, la CNCDH se prononce en faveur de la déjudiciarisation partielle. Pour éclairer cette recommandation, les trois solutions seront exposées et discutées dans les paragraphes qui suivent.
  2. La vulnérabilité sociale et économique dans laquelle sont maintenues les personnes transidentitaires, durant la période où leur genre ne coïncide pas avec la mention du sexe inscrite sur les documents d'identité, constitue une situation d'urgence qui semble justifier a priori le recours à une procédure de référé. La question a donc été posée de savoir si un juge statuant en référé pourrait ainsi ordonner des mesures urgentes, comme il en a la possibilité selon le code de procédure civile ; ces mesures urgentes permettant de protéger la personne requérante pourraient être la modification des documents d'identité, le changement de prénom et la modification du numéro de sécurité sociale. Le changement de l'état civil lui-même demeurerait du ressort du juge du fond. Durant la période d'attente pour le changement de la mention de sexe à l'état civil, la personne transidentitaire aurait des documents d'identité conformes au sexe revendiqué, ce qui lèverait les obstacles entravant actuellement la vie quotidienne des personnes engagées dans ce genre de procédures.
  3. Il apparaît néanmoins que cette solution souffre plusieurs objections. La première est que la procédure en référé alourdirait la procédure actuelle, en ajoutant une étape supplémentaire à celle déjà en vigueur. La seconde est que le recours à une procédure de référé se heurterait à la nature, par définition provisoire, des ordonnances du juge statuant en référé : la modification des documents d'identité ne saurait en effet être considérée comme une mesure provisoire. La troisième est que le juge des référés aurait toujours la possibilité de refuser ces demandes, au motif d'une « contestation sérieuse », tel que prévu par le code de procédure civile. Il pourrait alors renvoyer la procédure au juge du fond ou demander des mesures d'instruction, le risque étant alors de retrouver les écueils de la situation actuelle.
  4. La deuxième solution serait celle d'une déjudiciarisation totale de la procédure, qui consisterait alors en une simple déclaration faite devant un officier d'état civil. C'est l'option choisie par la loi argentine (15), qui comporte une garantie importante : en cas de seconde demande de changement de sexe à l'état civil, le traitement de la requête relève alors de la procédure judiciaire. Dans la loi argentine, la procédure déclarative va de pair avec la reconnaissance d'un nouveau droit subjectif, celui du droit à la reconnaissance de son identité de genre, droit qui sert de fondement et de justification à la procédure déclarative.

(15) Loi argentine 26743 du 23 mai 2012.


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Version 1

II-3. La question de la judiciarisation de la procédure

25. En vue de trouver des solutions afin d'accélérer et d'harmoniser la procédure de changement de sexe à l'état civil, les travaux de la CNCDH l'ont par ailleurs conduite à interroger la pertinence de la judiciarisation du processus. A cet égard, les auditions menées par la CNCDH ont permis de dégager trois alternatives possibles à la situation actuelle. La première serait d'instaurer une procédure de type « référé » ; la seconde est celle d'une déjudiciarisation totale du processus ; la troisième est celle d'une déjudiciarisation partielle. Au regard des différents arguments et objections qui ont été exposés pour ces trois solutions, la CNCDH se prononce en faveur de la déjudiciarisation partielle. Pour éclairer cette recommandation, les trois solutions seront exposées et discutées dans les paragraphes qui suivent.

26. La vulnérabilité sociale et économique dans laquelle sont maintenues les personnes transidentitaires, durant la période où leur genre ne coïncide pas avec la mention du sexe inscrite sur les documents d'identité, constitue une situation d'urgence qui semble justifier a priori le recours à une procédure de référé. La question a donc été posée de savoir si un juge statuant en référé pourrait ainsi ordonner des mesures urgentes, comme il en a la possibilité selon le code de procédure civile ; ces mesures urgentes permettant de protéger la personne requérante pourraient être la modification des documents d'identité, le changement de prénom et la modification du numéro de sécurité sociale. Le changement de l'état civil lui-même demeurerait du ressort du juge du fond. Durant la période d'attente pour le changement de la mention de sexe à l'état civil, la personne transidentitaire aurait des documents d'identité conformes au sexe revendiqué, ce qui lèverait les obstacles entravant actuellement la vie quotidienne des personnes engagées dans ce genre de procédures.

27. Il apparaît néanmoins que cette solution souffre plusieurs objections. La première est que la procédure en référé alourdirait la procédure actuelle, en ajoutant une étape supplémentaire à celle déjà en vigueur. La seconde est que le recours à une procédure de référé se heurterait à la nature, par définition provisoire, des ordonnances du juge statuant en référé : la modification des documents d'identité ne saurait en effet être considérée comme une mesure provisoire. La troisième est que le juge des référés aurait toujours la possibilité de refuser ces demandes, au motif d'une « contestation sérieuse », tel que prévu par le code de procédure civile. Il pourrait alors renvoyer la procédure au juge du fond ou demander des mesures d'instruction, le risque étant alors de retrouver les écueils de la situation actuelle.

28. La deuxième solution serait celle d'une déjudiciarisation totale de la procédure, qui consisterait alors en une simple déclaration faite devant un officier d'état civil. C'est l'option choisie par la loi argentine (15), qui comporte une garantie importante : en cas de seconde demande de changement de sexe à l'état civil, le traitement de la requête relève alors de la procédure judiciaire. Dans la loi argentine, la procédure déclarative va de pair avec la reconnaissance d'un nouveau droit subjectif, celui du droit à la reconnaissance de son identité de genre, droit qui sert de fondement et de justification à la procédure déclarative.

(15) Loi argentine 26743 du 23 mai 2012.