- Il apparaît à cet égard que la jurisprudence est très fluctuante d'une juridiction à une autre. Alors que certains tribunaux ordonnent systématiquement une ou plusieurs expertises (médicales, endocrinologiques ou psychiatriques), d'autres tribunaux estiment suffisante la remise d'attestions de médecins reconnus pour leur compétence en la matière. La situation des personnes transidentitaires se caractérise ainsi par une grande inégalité en fonction des juridictions où sont déposées les requêtes et, partant, par une grande insécurité juridique. Cette situation était déjà dénoncée par la circulaire du 14 mai 2010 comme discriminatoire.
- En outre, les expertises, hormis le fait qu'elles sont vécues comme intrusives et humiliantes par les personnes concernées, contribuent à rallonger la durée du processus de changement de sexe à l'état civil, qui est à l'heure actuelle considérable, puisqu'elle est de deux à neuf ans. Durant cette période, les personnes transidentitaires ne peuvent pas changer leurs papiers d'identité, ce qui affecte très profondément leur vie quotidienne, dans la mesure où leur apparence ne correspond pas au sexe indiqué sur leurs papiers. Cette dichotomie entrave notamment leur accès au logement, à l'emploi et aux droits sociaux (9). Elle contribue aussi à créer des situations discriminatoires contre lesquelles le dispositif juridique antidiscrimination n'offre pas forcément de protection, même dans l'hypothèse où le critère d'« identité de genre » serait introduit dans la législation française (10). Elle constitue ainsi une atteinte à la dignité des personnes.
(9) Ces constats, concernant l'insécurité juridique des personnes et le recours abusif aux expertises judiciaires, étaient déjà présents dans le rapport rendu en novembre 2009 par la Haute Autorité de santé, Situation actuelle et perspectives d'évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France, pp. 44-45 notamment. Le rapport est disponible sur internet : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-12/rapport_transsexualisme.pdf. (10) Les personnes sont ainsi mises en difficulté dans toutes les situations de la vie quotidienne qui nécessitent la présentation des papiers d'identité, par exemple la réception de courriers adressés en recommandé, les contrôles d'identité ou de douane, etc.
1 version