JORF n°0176 du 31 juillet 2013

II. ― Le changement de la mention de sexe à l'état civil
II-1. Les problèmes posés par la jurisprudence

  1. En ce qui concerne le changement de la mention de sexe à l'état civil, le droit français se caractérise par l'absence de toute disposition législative ou réglementaire. Le système repose en son entier sur une construction jurisprudentielle, ce qui contribue à rendre la situation des personnes transidentitaires souhaitant obtenir une modification de leur état civil particulièrement précaire et difficile. Elles sont en effet exposées aux interprétations divergentes du droit faites par les juridictions, ce qui pose le problème de l'effectivité de ces droits. Dès lors, seule une intervention législative serait à même d'améliorer la condition des personnes concernées. Une telle intervention devrait permettre une simplification et une unification du parcours menant à la reconnaissance d'une nouvelle identité légale.
  2. Les conditions du changement de la mention de sexe sont aujourd'hui fixées par quatre arrêts de la Cour de cassation, deux rendus le 7 mars 2012 et deux autres le 13 février 2013. Ces arrêts posent le principe suivant : « Pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. » Deux conditions sont ainsi posées : le diagnostic du transsexualisme et l'irréversibilité de la transformation de l'apparence physique. Une circulaire datant du 14 mai 2010 invitait par ailleurs le juge à « donner un avis favorable à la demande de changement d'état civil dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage...), ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l'ablation des organes génitaux ». Si l'intervention chirurgicale n'est pas exigée, le droit demande en revanche un traitement médical irréversible, qui implique notamment une obligation de stérilisation. La notion d'irréversibilité, invoquée dans la circulaire et reprise dans les arrêts de la Cour de cassation, apparaît ainsi comme un élément permettant de justifier la dérogation au principe d'indisponibilité de l'état des personnes (8). Or c'est justement cette notion d'irréversibilité, mal définie et difficile à prouver, qui entraîne de manière très fréquente une demande d'expertise médicale.

(8) En France, l'état civil est régi par les principes d'indisponibilité et d'immutabilité de l'état des personnes. L'indisponibilité de l'état des personnes est le principe légal selon lequel un individu ne peut disposer de manière pleine et entière de sa personnalité juridique, ni un tiers pour lui. L'immutabilité de l'état civil signifie que l'état civil est par principe immuable. Ce qui ne signifie pas que ces principes soient sans limites : un individu peut en effet changer de situation matrimoniale, de nom, de sexe, de nationalité à condition que ce changement se fasse dans les conditions prévues par la loi, et non du fait de sa seule volonté. Les principes d'indisponibilité et d'immutabilité n'ont pas de valeur constitutionnelle et ne s'opposent donc pas à la volonté du législateur. Les changements de situation matrimoniale, de nom, de sexe et de nationalité entrent ainsi dans le cadre de ce que le droit nomme « mutabilité contrôlée », selon des critères énoncés par la loi.


Historique des versions

Version 1

II. ― Le changement de la mention de sexe à l'état civil

II-1. Les problèmes posés par la jurisprudence

16. En ce qui concerne le changement de la mention de sexe à l'état civil, le droit français se caractérise par l'absence de toute disposition législative ou réglementaire. Le système repose en son entier sur une construction jurisprudentielle, ce qui contribue à rendre la situation des personnes transidentitaires souhaitant obtenir une modification de leur état civil particulièrement précaire et difficile. Elles sont en effet exposées aux interprétations divergentes du droit faites par les juridictions, ce qui pose le problème de l'effectivité de ces droits. Dès lors, seule une intervention législative serait à même d'améliorer la condition des personnes concernées. Une telle intervention devrait permettre une simplification et une unification du parcours menant à la reconnaissance d'une nouvelle identité légale.

17. Les conditions du changement de la mention de sexe sont aujourd'hui fixées par quatre arrêts de la Cour de cassation, deux rendus le 7 mars 2012 et deux autres le 13 février 2013. Ces arrêts posent le principe suivant : « Pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. » Deux conditions sont ainsi posées : le diagnostic du transsexualisme et l'irréversibilité de la transformation de l'apparence physique. Une circulaire datant du 14 mai 2010 invitait par ailleurs le juge à « donner un avis favorable à la demande de changement d'état civil dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage...), ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l'ablation des organes génitaux ». Si l'intervention chirurgicale n'est pas exigée, le droit demande en revanche un traitement médical irréversible, qui implique notamment une obligation de stérilisation. La notion d'irréversibilité, invoquée dans la circulaire et reprise dans les arrêts de la Cour de cassation, apparaît ainsi comme un élément permettant de justifier la dérogation au principe d'indisponibilité de l'état des personnes (8). Or c'est justement cette notion d'irréversibilité, mal définie et difficile à prouver, qui entraîne de manière très fréquente une demande d'expertise médicale.

(8) En France, l'état civil est régi par les principes d'indisponibilité et d'immutabilité de l'état des personnes. L'indisponibilité de l'état des personnes est le principe légal selon lequel un individu ne peut disposer de manière pleine et entière de sa personnalité juridique, ni un tiers pour lui. L'immutabilité de l'état civil signifie que l'état civil est par principe immuable. Ce qui ne signifie pas que ces principes soient sans limites : un individu peut en effet changer de situation matrimoniale, de nom, de sexe, de nationalité à condition que ce changement se fasse dans les conditions prévues par la loi, et non du fait de sa seule volonté. Les principes d'indisponibilité et d'immutabilité n'ont pas de valeur constitutionnelle et ne s'opposent donc pas à la volonté du législateur. Les changements de situation matrimoniale, de nom, de sexe et de nationalité entrent ainsi dans le cadre de ce que le droit nomme « mutabilité contrôlée », selon des critères énoncés par la loi.