JORF n°0176 du 31 juillet 2013

  1. De la même manière, la transparence sur la situation des agents publics aujourd'hui proposée est un objectif parfaitement légitime et largement partagé dans les démocraties européennes, mais il ne doit pas justifier des atteintes disproportionnées aux droits de l'homme. Les libertés individuelles ont besoin du respect de la vie privée et ce serait une régression que de penser que tout doit être vu, que tout peut être dit. L'objectif de transparence ne doit pas courir le risque d'une hyper transparence ― c'est-à-dire un monde où la vie privée, la pudeur, la confidence seraient des valeurs oubliées.

Impératif de qualité de la loi et de cohérence des politiques en matière de probité publique

  1. Les affaires récentes ne doivent pas occulter le fait que la France dispose d'un arsenal juridique développé et multiforme pour lutter contre les différentes atteintes à la probité. Notamment, il existe en France une tradition bien ancrée de légalité et d'impartialité de l'action publique ainsi qu'une forte culture déontologique de la fonction publique qui sont des garanties importantes contre les risques d'agissements illicites. Néanmoins, dans un contexte de valorisation du profit individuel et de dévalorisation du service public, des phénomènes récents comme l'internationalisation et la décentralisation des marchés publics, le rétrécissement du périmètre de l'Etat et le développement des phénomènes de pantouflage sont autant de sources potentielles d'atteinte à la probité de la vie publique et économique.
  2. Certes l'ampleur et la nature des accusations portées à l'encontre du ministre du budget justifiaient une réponse forte et rapide des autorités publiques. Toutefois, les réformes ambitieuses de la justice économique et financière et de promotion de la probité publique annoncées par le Président de la République sont des sujets trop importants et trop complexes pour être traités dans l'urgence. La qualité de la loi suppose qu'elle ne soit pas instrumentalisée, au jour le jour, en fonction de l'actualité, mais qu'elle soit le produit d'une réflexion démocratique et d'une délibération éclairée dans l'espace public et au Parlement. La CNCDH considère qu'il aurait été intéressant de procéder à des comparaisons internationales et de faire un bilan approfondi des très nombreux lois et décrets adoptés sur le sujet depuis une vingtaine d'années (10) afin notamment d'en identifier les lacunes et les défaillances. Or, le Gouvernement a préféré répondre dans le feu de l'événement ― dont elle ne sous-estime pas l'importance en soi ― plutôt que prendre le temps de l'évaluation et de la réflexion. La CNCDH est opposée aux lois de « réaction » dictées par un fait divers, qui aboutissent à un empilement de dispositifs sans bilan d'ensemble et sans mesures de suivi. Une telle méthode est propice à l'inflation législative, constitue une menace pour la sécurité juridique, et plus généralement pour l'effectivité et la force de la loi.

(10) Depuis 1988, il y a eu quatorze lois et décrets concernant la probité, chacun de ces textes succédant à un scandale.


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Version 1

5. De la même manière, la transparence sur la situation des agents publics aujourd'hui proposée est un objectif parfaitement légitime et largement partagé dans les démocraties européennes, mais il ne doit pas justifier des atteintes disproportionnées aux droits de l'homme. Les libertés individuelles ont besoin du respect de la vie privée et ce serait une régression que de penser que tout doit être vu, que tout peut être dit. L'objectif de transparence ne doit pas courir le risque d'une hyper transparence ― c'est-à-dire un monde où la vie privée, la pudeur, la confidence seraient des valeurs oubliées.

Impératif de qualité de la loi et de cohérence des politiques en matière de probité publique

6. Les affaires récentes ne doivent pas occulter le fait que la France dispose d'un arsenal juridique développé et multiforme pour lutter contre les différentes atteintes à la probité. Notamment, il existe en France une tradition bien ancrée de légalité et d'impartialité de l'action publique ainsi qu'une forte culture déontologique de la fonction publique qui sont des garanties importantes contre les risques d'agissements illicites. Néanmoins, dans un contexte de valorisation du profit individuel et de dévalorisation du service public, des phénomènes récents comme l'internationalisation et la décentralisation des marchés publics, le rétrécissement du périmètre de l'Etat et le développement des phénomènes de pantouflage sont autant de sources potentielles d'atteinte à la probité de la vie publique et économique.

7. Certes l'ampleur et la nature des accusations portées à l'encontre du ministre du budget justifiaient une réponse forte et rapide des autorités publiques. Toutefois, les réformes ambitieuses de la justice économique et financière et de promotion de la probité publique annoncées par le Président de la République sont des sujets trop importants et trop complexes pour être traités dans l'urgence. La qualité de la loi suppose qu'elle ne soit pas instrumentalisée, au jour le jour, en fonction de l'actualité, mais qu'elle soit le produit d'une réflexion démocratique et d'une délibération éclairée dans l'espace public et au Parlement. La CNCDH considère qu'il aurait été intéressant de procéder à des comparaisons internationales et de faire un bilan approfondi des très nombreux lois et décrets adoptés sur le sujet depuis une vingtaine d'années (10) afin notamment d'en identifier les lacunes et les défaillances. Or, le Gouvernement a préféré répondre dans le feu de l'événement ― dont elle ne sous-estime pas l'importance en soi ― plutôt que prendre le temps de l'évaluation et de la réflexion. La CNCDH est opposée aux lois de « réaction » dictées par un fait divers, qui aboutissent à un empilement de dispositifs sans bilan d'ensemble et sans mesures de suivi. Une telle méthode est propice à l'inflation législative, constitue une menace pour la sécurité juridique, et plus généralement pour l'effectivité et la force de la loi.

(10) Depuis 1988, il y a eu quatorze lois et décrets concernant la probité, chacun de ces textes succédant à un scandale.