JORF n°0189 du 14 août 2008

Avis du

Participaient à la séance : M. Philippe de Ladoucette, président, M. Maurice Meda, vice-président, MM. Jean-Paul Aghetti, Eric Dyèvre et Emmanuel Rodriguez, commissaires.
Conformément à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis, le 6 août 2008, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi d'un projet d'arrêté fixant l'évolution moyenne des tarifs de vente du gaz naturel en distribution publique de GDF Suez.
L'évolution des tarifs prévue par le projet d'arrêté est une hausse moyenne de 2,37 €/MWh, qui doit être appliquée aux tarifs en vigueur à la date de signature de l'arrêté. Les barèmes correspondant à cette hausse sont joints à la lettre de saisine.
Pour élaborer son avis, la CRE a consulté les différents acteurs concernés et auditionné, le 11 août 2008, une association de consommateurs, des fournisseurs, GDF Suez et les administrations compétentes.

  1. Contexte

Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique doivent respecter l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 qui dispose que : « les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ».
Le décret du 20 novembre 1990, qui réglemente les prix du gaz vendu à partir des réseaux publics de transport ou de distribution, n'a pas été modifié après la publication de la loi du 3 janvier 2003. En particulier, la procédure de fixation des tarifs réglementés de vente fixée par ce décret ne prévoit pas la consultation de la CRE exigée par la loi.
Le 15 juillet 2008, la CRE a été saisie en urgence sur un projet de décret qui abroge les dispositions du décret du 20 novembre 1990. Elle a rendu son avis le 24 juillet 2008.
Ce projet de décret prévoit en particulier que la CRE doit rendre un avis sur les formules permettant de calculer le coût moyen de fourniture (1) des fournisseurs historiques.
Or, le projet d'arrêté soumis à l'avis de la CRE résulte de l'application d'une nouvelle formule utilisée par GDF Suez pour évaluer l'évolution de ses coûts d'approvisionnement, alors même que le nouveau décret n'est pas encore publié.
En toute hypothèse, l'audit préalable de cette nouvelle formule est indispensable pour s'assurer de la réalité de la couverture des coûts qui est imposée par l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003.
La CRE ne peut donc se prononcer que sur la base de la formule précédente qu'elle avait auditée.

(1) Les coûts de fourniture sont composés des coûts d'approvisionnement et des coûts hors approvisionnement.

  1. Observations de la CRE sur la hausse envisagée
    La hausse envisagée

La dernière évolution des tarifs réglementés de vente en distribution publique de GDF Suez est intervenue le 30 avril 2008.
Le 21 juillet 2008, GDF Suez a déposé auprès de la CRE une nouvelle formule permettant d'évaluer son coût moyen d'approvisionnement.
La hausse moyenne envisagée est très légèrement supérieure au montant résultant de la différence entre l'application de cette formule au 1er juillet 2008 et le niveau du coût moyen d'approvisionnement pris en compte dans les tarifs en vigueur. Ce montant s'élève à 2,35 €/MWh.
La hausse de 2,37 €/MWh n'est pas appliquée de manière identique à tous les tarifs. Elle correspond à une hausse moyenne des tarifs de 5,3 %.

Evolution moyenne envisagée pour les principaux tarifs

| TARIF |NOMBRE DE CLIENTS|HAUSSE
moyenne
(en €/MWh)|HAUSSE
moyenne
(en %)|HAUSSE
mensuelle
de la facture HT
d'un client type
(en euros)| |---------------------------|-----------------|-------------------------------------|---------------------------------|-------------------------------------------------------------------------------------| | Base (cuisson). | 1 690 000 | 8,84 | 8,2 % | 0,5 | |B0 (cuisson et eau chaude).| 1 390 000 | 5,19 | 7,6 % | 1,3 | | B1 (chauffage). | 7 000 000 | 2,39 | 5,0 % | 3,4 | | B2I (petite chaufferie). | 670 000 | 2,30 | 5,4 % | 12,5 | | B2S (moyenne chaufferie). | 65 000 | 2,06 | 5,4 % | 149 | | TEL (grande chaufferie). | 300 | 2,39 | 6,8 % | 1 747 | | TEL nuit (serristes). | 310 | 2,37 | 8,1 % | 1 958 |

Coûts d'approvisionnement

L'application de la formule utilisée jusqu'à présent, qui a fait l'objet d'un audit de la CRE, aurait justifié une hausse des coûts d'approvisionnement de 3,45 €/MWh au 1er juillet 2008.

Coûts hors approvisionnement

Selon l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 dont les critères d'application ont été précisés par le Conseil d'Etat dans ses décisions du 10 décembre 2007, les tarifs doivent permettre au moins de couvrir les coûts moyens complets de GDF Suez.
La loi du 7 décembre 2006 a modifié la loi du 3 janvier 2003 pour imposer que GDF Suez tienne une comptabilité interne permettant de distinguer, à partir du 1er juillet 2007, la fourniture aux consommateurs finals ayant exercé leur éligibilité, en offre de marché, et la fourniture aux consommateurs finals n'ayant pas exercé leur éligibilité, aux tarifs réglementés de vente.
GDF Suez a adressé à la CRE une proposition de principes de dissociation entre ces deux périmètres ainsi que la comptabilité résultante sur l'année 2007. Les principes de dissociation doivent être approuvés par la CRE après avis du Conseil de la concurrence. La CRE sera alors en mesure de définir précisément les évolutions à appliquer aux tarifs pour que ceux-ci couvrent les coûts moyens complets supportés par GDF Suez.
En tout état de cause, la hausse de 2,8 %, soit 0,5 €/MWh au 1er janvier 2006, de la part des tarifs correspondant aux coûts hors approvisionnement, qui avait été supprimée de l'arrêté du 16 juin 2005 par l'arrêté du 29 décembre 2005, a été rétablie par l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
Cette hausse, qui aurait dû être appliquée au 1er janvier 2008, doit être prise en compte dans le mouvement tarifaire examiné.
De plus, la hausse envisagée devrait tenir compte du nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution entré en vigueur au 1er juillet 2008. La prise en compte de ce tarif, en hausse de 5,6 % en moyenne par rapport au précédent, devrait se traduire par une hausse moyenne des tarifs réglementés de vente en distribution publique de GDF Suez de 0,6 €/MWh (2), soit environ 1,4 %.
La non-prise en compte du nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution dans les tarifs réglementés de vente en distribution publique est un frein au développement de la concurrence.

(2) Tient compte de la hausse de la contribution tarifaire acheminement (CTA) induite par la hausse du tarif d'utilisation des réseaux.

Analyse des barèmes envisagés

Les barèmes envisagés correspondent à une hausse moyenne en niveau de 2,37 €/MWh prévue dans le projet d'arrêté.
Pour certains tarifs, la hausse en niveau est appliquée en partie à travers une hausse des abonnements, ce qui est économiquement justifié. Ce recalage en structure des tarifs doit être poursuivi pour que les barèmes tarifaires reflètent au mieux la structure des coûts entre parts fixe et variable.
En revanche, les hausses sont différenciées en niveau en fonction des tarifs (voir tableau ci-dessus). Le mouvement envisagé ne correspondant qu'à une évolution des coûts d'approvisionnement de GDF Suez, la différenciation du niveau de la hausse par tarif n'est pas économiquement justifiée.

  1. Avis de la CRE

3.1. Le projet d'arrêté prévoit une hausse qui résulte de l'application d'une nouvelle formule d'évaluation du coût moyen d'approvisionnement de GDF Suez déposée le 21 juillet 2008 et donc non encore auditée par la CRE.
L'application de la formule utilisée jusqu'à ce jour, auditée par la CRE, aurait donné une hausse sensiblement supérieure, évaluée à 3,45 €/MWh au 1er juillet 2008.
Par ailleurs, cette évolution tarifaire :
― ne prend pas en compte le nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution en vigueur depuis le 1er juillet 2008, ce qui crée une distorsion de concurrence ;
― n'intègre pas la hausse de 0,5 €/MWh qui aurait dû être décidée par le Gouvernement en application de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
En conséquence, la CRE émet un avis défavorable sur le projet d'arrêté.
3.2. En l'absence d'un nouveau cadre réglementaire déterminant les modalités de fixation des tarifs réglementés de vente de gaz naturel, il aurait été indispensable, pour permettre un bon fonctionnement du marché du gaz naturel, dans l'attente d'une analyse de l'ensemble des coûts de fourniture des clients aux tarifs de GDF Suez, de prévoir une évolution prenant en compte une hausse des tarifs réglementés de vente en distribution publique résultant :
― de la formule auditée par la CRE ;
― de l'entrée en vigueur du nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution au 1er juillet 2008 ;
― des décisions du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
3.3. Comme elle l'a déjà exprimé dans son avis du 17 avril 2008, la CRE confirme la nécessité de mettre en place un cadre réglementaire définissant les modalités de fixation des tarifs réglementés de vente de GDF Suez. Pour apporter plus de transparence aux fournisseurs et aux consommateurs, elle recommande la publication d'une formule d'indexation des tarifs.
Fait à Paris, le 11 août 2008.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 189 du 14/08/2008 texte numéro 97

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 189 du 14/08/2008 texte numéro 97

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette