JORF n°0230 du 3 octobre 2013

Le premier contrat de régulation économique (CRE) avait une triple ambition :
― doter la région de Toulouse d'un outil aéroportuaire à la hauteur de ses besoins économiques, touristiques et sociaux ;
― répartir entre les différentes parties prenantes les efforts, notamment financiers, à consentir pour atteindre cet objectif ;
― créer une collectivité aéroportuaire, animée par ATB, pour que soient créées entre tous les acteurs les synergies qui permettent un développement harmonieux et dynamique de la plate-forme.
Le constat, à quelques mois de la fin du contrat, est globalement positif :
Les infrastructures ont été complétées pour offrir une capacité qui a permis d'accueillir dans de bonnes conditions la croissance du trafic, en ménageant des réserves de capacité pour l'avenir.
La qualité de service s'est améliorée sur la période.
Le dialogue instauré avec les acteurs est reconnu constant, transparent et constructif ; il peut servir de référence à nombre d'autres aéroports.
Mais ATB n'a pas atteint les objectifs de rentabilité, pour des raisons qui incombent principalement à ses décisions et à sa gestion.
Le deuxième CRE doit consolider ces acquis et placer ATB à un excellent niveau d'accueil de ses clients, au meilleur coût du service, en poursuivant un dialogue permanent et de qualité avec tous les acteurs de l'aéroport. Les propositions qui sont formulées dans cet avis doivent permettre cette consolidation dans un cadre économique satisfaisant pour toutes les parties.
Ce deuxième CRE s'engage dans un contexte économique difficile pour les compagnies aériennes, qui sont, pour la plupart, dans une situation financière très délicate pour leur avenir. Elles sont contraintes d'engager des efforts importants de productivité pour diminuer leurs coûts de production internes, mais également externes. La diminution des coûts d'escale rentre dans cette recherche, et il ne paraît pas anormal à la commission que la société aéroportuaire, fournisseur de service unique et obligé, participe à cet effort.
De manière générale, la commission considère qu'il convient de rechercher une plus grande maîtrise des coûts de l'aéroport et de rééquilibrer le partage du risque de trafic avec les compagnies aériennes. Cela passe par une évolution sensible des mécanismes d'ajustement tarifaire au trafic, à la qualité de service et à l'investissement.
C'est dans ce triple cadre que la commission a examiné les différents éléments constitutifs du contrat et a forgé ses propositions.

I. - L'évolution du trafic

  1. L'élaboration du deuxième CRE est marquée par un contexte économique incertain, par un trafic 2013 qui connaît de fortes évolutions suite à la mise en place de bases pour Air France et EasyJet, et par l'arrivée de la LGV sur le segment Tours―Bordeaux en 2017.
    De manière générale, les prévisions de trafic à horizon de cinq ans sont un exercice toujours délicat.
    C'est pourquoi il paraît particulièrement important de prévoir dès l'origine des mécanismes d'ajustement ou de révision du CRE.
  2. Compte tenu des appréciations globalement convergentes des différents acteurs sur le rythme de croissance de l'activité de la plate-forme de Toulouse-Blagnac hors effet LGV, la commission recommande de suivre la proposition d'ATB sur ce point, soit une augmentation de 2,2 % pour le nombre de passagers sur la période 2014-2018.
  3. ATB a estimé l'impact direct de l'arrivée de la LGV à Bordeaux en 2017, qui porte d'environ cinq heures à quatre heures douze la durée du voyage Paris―Toulouse, à une perte directe de 300 000 pax sur le trafic radial en 2018.
    Les compagnies aériennes considèrent que cet impact est surestimé, le transport aérien n'entrant réellement en compétition avec le transport ferroviaire qu'en deçà d'un seuil de trois heures de durée de voyage qui permet notamment au passager affaires d'effectuer un voyage aller-retour dans la journée.
    La commission recommande donc de retenir une baisse de trafic en 2018 qui ne saurait excéder 200 000 passagers.
  4. Compte tenu du trafic constaté jusqu'à l'été 2013, l'aéroport prévoit pour l'année 2013 une croissance du trafic très peu dynamique, de l'ordre de 0,3 % à 0,4 %. La commission recommande de suivre la proposition de l'aéroport si cette baisse de régime est confirmée au moment de la signature du contrat.
  5. La commission accueille favorablement la proposition d'ATB d'augmenter le risque de trafic porté par l'aéroport, par rapport au CRE précédent.
    Toutefois, elle va plus loin en renouvelant sa recommandation d'un partage du risque dissymétrique entre l'aéroport et les compagnies aériennes. Dans ce scénario, une partie plus faible de l'écart de recettes doit être répercutée sur les compagnies aériennes en cas de baisse du trafic. En effet, si l'exploitant aéroportuaire n'engage que peu de dépenses additionnelles en cas de trafic supérieur aux prévisions, il devrait en revanche mieux partager avec les compagnies aériennes les efforts à consentir, notamment en termes de productivité, en cas de trafic inférieur aux prévisions.
    Compte tenu de l'incertitude forte entourant les prévisions actuelles de trafic, il convient également de prévoir un mécanisme de révision du contrat en cas de dépassement trop important de ses hypothèses de trafic de base.
    Dans ces conditions, la commission propose que :
    ― dans une fourchette de l'ordre de plus ou moins 0,6 % de trafic sur toute la durée du contrat, le risque de trafic soit entièrement porté par l'aéroport ;
    ― en cas de dépassement de ces seuils, les effets sur les recettes aéronautiques d'un niveau de trafic s'écartant du scénario de base soient compensés rapidement sur les tarifs des redevances, à hauteur :
    ― de 70 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la hausse de ces seuils, au bénéfice des compagnies aériennes ;
    ― de 30 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la baisse de ces seuils, au profit de l'aéroport ;
    ― si le trafic devait s'écarter plus de deux années consécutives de 2 % du scénario de base, cela constituerait un motif de révision du contrat, pour prendre en compte le changement notable de ses conditions économiques.

II. - Les enjeux pour l'aéroport de Toulouse-Blagnac
a) Les investissements

  1. Après un premier CRE caractérisé par un cycle d'investissements élevés, le programme d'investissement 2014-2018 est minimal et orienté sur le renforcement de la qualité du service rendu aux clients.
  2. Les investissements de capacité sont limités à 21 026 k€.
    Sur ce total, environ 9 M€ sont destinés au développement vers l'accueil de vols long courrier, notamment :
    ― l'équipement de 12 banques d'enregistrement supplémentaires dans le hall D et du système de convoyage bagage permettant de prendre en charge les vols long courrier en complément de l'activité existante ;
    ― l'aire de stationnement avions déjà prévue au premier CRE nécessaire pour accueillir les avions long courrier en période de forte activité.
    La commission considère que ces investissements, qui traduisent un parti pris de développement ambitieux et permettent également d'améliorer les conditions d'exploitation pour l'activité existante, doivent être maintenus.
  3. Le programme d'investissements de renouvellement s'élève à 50 M€. La commission considère que ce volume d'investissements devrait être réduit d'environ 10 % pour contribuer à la limitation de l'évolution des tarifs dans une période de difficulté pour les compagnies aériennes.
  4. La commission approuve l'initiative d'ATB d'inclure pour cette période les investissements de capacité aux côtés des investissements de renouvellement dans la clause d'ajustement des tarifs 2018 en fonction de l'atteinte des objectifs d'investissement à fin 2016. La commission remarque toutefois que le taux de répercussion à la baisse sur les tarifs, limité à 50 % de la différence de coûts induite sur le périmètre régulé par le non-respect des objectifs en volume des investissements, pourrait être substantiellement augmenté afin de faire profiter davantage les compagnies aériennes des efforts de productivité de l'exploitant par rapport à sa prévision stratégique.

b) Les charges et la productivité

  1. La position de monopole de l'aéroport sur les activités du périmètre régulé implique que le régulateur économique accorde une attention particulière aux efforts de productivité que l'exploitant aéroportuaire est à même de réaliser et en particulier s'assure qu'il tienne les objectifs annoncés.
  2. La commission constate que même si le ratio des coûts opérationnels par passager se situe dans la moyenne de ceux des aéroports français, l'évolution globale des coûts opérationnels envisagée sur la période excède significativement l'inflation. La commission estime qu'il convient donc a minima de s'assurer qu'ATB tiennent les objectifs de coûts peu ambitieux annoncés.
  3. La commission suggère en conséquence qu'un objectif maximal de croissance de coûts opérationnels hors amortissements et impôts et taxes soit inscrit dans le CRE. Cet objectif pourrait au maximum être en ligne avec le taux de croissance annuel moyen annoncé par l'aéroport, éventuellement paramétré en fonction de l'inflation et du trafic prévisionnels. En cas de dépassement de cet objectif de coûts, l'aéroport pourrait être pénalisé par l'application d'un malus sur les tarifs 2018.

c) La qualité de service

Les compagnies estiment que les indicateurs de qualité de service soumis à incitation financière ne doivent faire l'objet que de malus. La commission estime également peu justifiée la distribution de bonus sur la qualité de service compte tenu du bon niveau atteint aujourd'hui, et du droit des compagnies aériennes à bénéficier d'un service aéroportuaire de qualité puisqu'elles en paient la contrepartie.
Dans le cadre de ce CRE, et provisoirement, la commission suggère donc de retenir un dispositif asymétrique qui prévoit bonus et malus, mais comportant une amplitude d'ajustement tarifaire supérieure pour les malus. A long terme, la commission considère que les bonus devront être supprimés.

III. - Les enjeux pour les compagnies aériennes
et pour les utilisateurs
a) Les recettes extra-aéronautiques

La commission estime que si, en valeur, la croissance des revenus extra-aéronautiques est moins dynamique que pour le CRE 1, elle tient compte d'une part de l'arrivée prochaine du tramway sur l'aéroport au détriment des parkings, et d'autre part d'une élasticité au trafic un peu supérieure des commerces.
La commission recommande donc de ne retoucher ces recettes qu'à concurrence de la correction sur le trafic mentionné au paragraphe 3 de la première partie.

b) Les tarifs des redevances aéronautiques

  1. La commission a noté que, pendant le premier CRE, correspondant à une période de forts investissements, l'aéroport a augmenté en moyenne ses tarifs de 1,1 % environ hors inflation.
  2. En période de faible investissement, elle considère donc en première approche que la proposition d'ATB (inflation + 1 %) est trop élevée au regard du volume d'investissement très inférieur prévu sur la durée du CRE 2.
  3. Compte tenu du ralentissement de la progression du trafic observé en 2013, la commission estime donc qu'il est préférable d'accompagner la reprise des compagnies aériennes par une modération tarifaire sur le CRE 2.

IV. - Les enjeux économiques et la rentabilité du capital

  1. ATB a proposé la sortie des activités de diversification immobilière du périmètre de régulation. Compte tenu du risque associé à de telles activités, à leur consommation de capitaux en début de cycle d'investissement et d'une rentabilité propre qui se mesure sur plusieurs décennies, donc sur une période très supérieure à celle d'un CRE, la commission recommande de suivre la proposition d'ATB.
  2. La commission considère que l'un des fondements de la régulation économique doit consister à rechercher une bonne adéquation entre le retour sur les capitaux engagés par ATB (RCE) et le coût moyen pondéré de ces capitaux (CMPC).
  3. Cette adéquation n'est contestée par aucun des acteurs. Elle est cohérente avec l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, qui stipule que l'exploitant d'aéroport reçoit une juste rémunération des capitaux investis évaluée au regard du CMPC.
  4. La méthode retenue par ATB pour le calcul du coût moyen pondéré du capital est le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF). La commission approuve le choix de cette méthode, qu'elle estime précise et cohérente avec la théorie financière et la pratique professionnelle.
    La commission est en accord avec ATB sur les paramètres suivants :
    ― le ratio d'endettement VD/(VD+VCP) proposé par ATB est 0,3 et correspond à l'endettement moyen des sociétés du secteur ;
    ― le ß proposé est 0,64 pour l'actif économique (ße). L'écart entre ADP (0,44) et ATB (0,64) est justifié par la différence de taille entre les deux entités. De plus, les résultats du CRE 1 montrent que l'aéroport a traversé la crise économique sans subir de baisse d'activité très lourde, ce qui milite pour un coefficient de risque systématique faible ;
    ― le taux d'intérêt sans risque rf est égal à 2,5 %, ce qui reflète la situation présente.
    En revanche, la commission conteste les valeurs avancées par l'aéroport pour les primes de risques de crédit et d'action ;
    ― en ce qui concerne le risque de crédit, ATB suggère une valeur de 2,5 %, soit le spread de financement constaté pour les sociétés notées BBB-. Toutefois le ratio d'endettement de l'aéroport diminue d'année en année et son ratio endettement financier net divisé par EBITDA atteindra 1,2 en fin de CRE. Ces perspectives permettent à ATB d'anticiper raisonnablement un spread plus faible. Par prudence, la commission suggère de ne réduire la prime de risque que de 0,5 % pour ramener le taux d'intérêt de la dette à 4,5 % ;
    ― ATB propose 6,5 % comme prime de risque actions, ce qui est tout à fait surestimé. Tous les historiques de surrendement de l'investissement « actions » par rapport au taux sans risque sont inférieurs au chiffre cité. La commission estime donc que le chiffre de 6,5 % est exagéré et propose de le réduire à 5,5 %, ce qui se situe déjà dans la partie haute de l'échelle.
    Compte tenu de ces éléments, le calcul du CMPC avec les paramètres suggérés conduit à une estimation entre 5,8 et 5,9 %.
  5. L'entreprise connaît actuellement un bas cycle en matière d'investissements, et certains investissements du CRE 1 commencent à induire des recettes significatives. Même si ATB n'a pas atteint ses objectifs de rentabilité au cours du premier CRE, la commission estime raisonnable de prévoir un rattrapage du RCE par rapport au CMPC la dernière année de la période de régulation, soit l'objectif d'un RCE prévisionnel d'au plus 5,9 % en 2018.
  6. La révision des hypothèses de trafic, du programme d'investissements et des objectifs de rentabilité devrait permettre d'aboutir à une croissance moyenne des tarifs des redevances aéronautiques de 0,5 % en-dessous de l'inflation, ce qui ménage encore des marges de manœuvre à la société aéroportuaire pour améliorer sa rentabilité.

V. - Les relations entre Aéroport Toulouse-Blagnac
et ses usagers

  1. L'avis que la commission a rendu sur le premier CRE soulignait particulièrement le rôle central que la société aéroportuaire doit jouer dans la vie d'un aéroport.
    La commission insiste à nouveau sur ce point. ATB n'est pas seulement un fournisseur de capacité ou de services. Il lui incombe d'assumer un rôle d'ensemblier et de chef d'orchestre pour que les différents acteurs de la plate-forme œuvrent de manière harmonieuse en synergie positive, dynamique et efficace. Ce rôle implique qu'elle soit concernée par la qualité des services fournis par d'autres prestataires, y compris les services publics, même si elle n'a pas d'autorité fonctionnelle sur eux. La commission invite ATB à se positionner délibérément dans ce rôle et à le faire reconnaître.
    A cet égard, il paraît souhaitable à la commission que soient mis en place des indicateurs globaux de qualité de service sur la plate-forme (comme les retards toutes causes confondues au départ, voire à l'arrivée) dont le suivi alimenterait utilement les instances de concertation aéroportuaires.
  2. ATB a poursuivi ses efforts de transparence et de concertation, y compris dans le domaine financier. Cette attitude est reconnue et appréciée par ses clients. Elle doit se poursuivre tout au long du CRE 2.
  3. La commission apprécie les progrès accomplis tout au long des cinq années du CRE, dans le cadre du projet d'entreprise de la société, pour que toutes ses composantes, du management aux acteurs de terrains, adoptent une réelle « attitude de service » à l'écoute des besoins des clients et à la recherche de leur satisfaction. Cette attitude est vertueuse dans la situation spécifique dans laquelle se situe la société aéroportuaire. La commission est confiante dans sa pérennisation.

*
* *

Le CRE 1 a donné des résultats très appréciables et a permis que Toulouse-Blagnac soit un aéroport de qualité reconnu comme tel, ce qui assoit la préférence pour une régulation par CRE de cinq ans, qui donne de la visibilité à tous les acteurs du transport aérien en évitant les incertitudes d'une régulation exclusivement annuelle.
Le CRE 2 doit consolider cette situation favorable au prix d'un effort partagé et équilibré entre les parties dans un contexte sensible pour le transport aérien français.
Les propositions de la commission conjuguent cette ambition, cet équilibre et ce contexte.
Fait à Paris, le 23 septembre 2013.


Historique des versions

Version 1

Le premier contrat de régulation économique (CRE) avait une triple ambition :

― doter la région de Toulouse d'un outil aéroportuaire à la hauteur de ses besoins économiques, touristiques et sociaux ;

― répartir entre les différentes parties prenantes les efforts, notamment financiers, à consentir pour atteindre cet objectif ;

― créer une collectivité aéroportuaire, animée par ATB, pour que soient créées entre tous les acteurs les synergies qui permettent un développement harmonieux et dynamique de la plate-forme.

Le constat, à quelques mois de la fin du contrat, est globalement positif :

Les infrastructures ont été complétées pour offrir une capacité qui a permis d'accueillir dans de bonnes conditions la croissance du trafic, en ménageant des réserves de capacité pour l'avenir.

La qualité de service s'est améliorée sur la période.

Le dialogue instauré avec les acteurs est reconnu constant, transparent et constructif ; il peut servir de référence à nombre d'autres aéroports.

Mais ATB n'a pas atteint les objectifs de rentabilité, pour des raisons qui incombent principalement à ses décisions et à sa gestion.

Le deuxième CRE doit consolider ces acquis et placer ATB à un excellent niveau d'accueil de ses clients, au meilleur coût du service, en poursuivant un dialogue permanent et de qualité avec tous les acteurs de l'aéroport. Les propositions qui sont formulées dans cet avis doivent permettre cette consolidation dans un cadre économique satisfaisant pour toutes les parties.

Ce deuxième CRE s'engage dans un contexte économique difficile pour les compagnies aériennes, qui sont, pour la plupart, dans une situation financière très délicate pour leur avenir. Elles sont contraintes d'engager des efforts importants de productivité pour diminuer leurs coûts de production internes, mais également externes. La diminution des coûts d'escale rentre dans cette recherche, et il ne paraît pas anormal à la commission que la société aéroportuaire, fournisseur de service unique et obligé, participe à cet effort.

De manière générale, la commission considère qu'il convient de rechercher une plus grande maîtrise des coûts de l'aéroport et de rééquilibrer le partage du risque de trafic avec les compagnies aériennes. Cela passe par une évolution sensible des mécanismes d'ajustement tarifaire au trafic, à la qualité de service et à l'investissement.

C'est dans ce triple cadre que la commission a examiné les différents éléments constitutifs du contrat et a forgé ses propositions.

I. - L'évolution du trafic

1. L'élaboration du deuxième CRE est marquée par un contexte économique incertain, par un trafic 2013 qui connaît de fortes évolutions suite à la mise en place de bases pour Air France et EasyJet, et par l'arrivée de la LGV sur le segment Tours―Bordeaux en 2017.

De manière générale, les prévisions de trafic à horizon de cinq ans sont un exercice toujours délicat.

C'est pourquoi il paraît particulièrement important de prévoir dès l'origine des mécanismes d'ajustement ou de révision du CRE.

2. Compte tenu des appréciations globalement convergentes des différents acteurs sur le rythme de croissance de l'activité de la plate-forme de Toulouse-Blagnac hors effet LGV, la commission recommande de suivre la proposition d'ATB sur ce point, soit une augmentation de 2,2 % pour le nombre de passagers sur la période 2014-2018.

3. ATB a estimé l'impact direct de l'arrivée de la LGV à Bordeaux en 2017, qui porte d'environ cinq heures à quatre heures douze la durée du voyage Paris―Toulouse, à une perte directe de 300 000 pax sur le trafic radial en 2018.

Les compagnies aériennes considèrent que cet impact est surestimé, le transport aérien n'entrant réellement en compétition avec le transport ferroviaire qu'en deçà d'un seuil de trois heures de durée de voyage qui permet notamment au passager affaires d'effectuer un voyage aller-retour dans la journée.

La commission recommande donc de retenir une baisse de trafic en 2018 qui ne saurait excéder 200 000 passagers.

4. Compte tenu du trafic constaté jusqu'à l'été 2013, l'aéroport prévoit pour l'année 2013 une croissance du trafic très peu dynamique, de l'ordre de 0,3 % à 0,4 %. La commission recommande de suivre la proposition de l'aéroport si cette baisse de régime est confirmée au moment de la signature du contrat.

5. La commission accueille favorablement la proposition d'ATB d'augmenter le risque de trafic porté par l'aéroport, par rapport au CRE précédent.

Toutefois, elle va plus loin en renouvelant sa recommandation d'un partage du risque dissymétrique entre l'aéroport et les compagnies aériennes. Dans ce scénario, une partie plus faible de l'écart de recettes doit être répercutée sur les compagnies aériennes en cas de baisse du trafic. En effet, si l'exploitant aéroportuaire n'engage que peu de dépenses additionnelles en cas de trafic supérieur aux prévisions, il devrait en revanche mieux partager avec les compagnies aériennes les efforts à consentir, notamment en termes de productivité, en cas de trafic inférieur aux prévisions.

Compte tenu de l'incertitude forte entourant les prévisions actuelles de trafic, il convient également de prévoir un mécanisme de révision du contrat en cas de dépassement trop important de ses hypothèses de trafic de base.

Dans ces conditions, la commission propose que :

― dans une fourchette de l'ordre de plus ou moins 0,6 % de trafic sur toute la durée du contrat, le risque de trafic soit entièrement porté par l'aéroport ;

― en cas de dépassement de ces seuils, les effets sur les recettes aéronautiques d'un niveau de trafic s'écartant du scénario de base soient compensés rapidement sur les tarifs des redevances, à hauteur :

― de 70 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la hausse de ces seuils, au bénéfice des compagnies aériennes ;

― de 30 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la baisse de ces seuils, au profit de l'aéroport ;

― si le trafic devait s'écarter plus de deux années consécutives de 2 % du scénario de base, cela constituerait un motif de révision du contrat, pour prendre en compte le changement notable de ses conditions économiques.

II. - Les enjeux pour l'aéroport de Toulouse-Blagnac

a) Les investissements

1. Après un premier CRE caractérisé par un cycle d'investissements élevés, le programme d'investissement 2014-2018 est minimal et orienté sur le renforcement de la qualité du service rendu aux clients.

2. Les investissements de capacité sont limités à 21 026 k€.

Sur ce total, environ 9 M€ sont destinés au développement vers l'accueil de vols long courrier, notamment :

― l'équipement de 12 banques d'enregistrement supplémentaires dans le hall D et du système de convoyage bagage permettant de prendre en charge les vols long courrier en complément de l'activité existante ;

― l'aire de stationnement avions déjà prévue au premier CRE nécessaire pour accueillir les avions long courrier en période de forte activité.

La commission considère que ces investissements, qui traduisent un parti pris de développement ambitieux et permettent également d'améliorer les conditions d'exploitation pour l'activité existante, doivent être maintenus.

3. Le programme d'investissements de renouvellement s'élève à 50 M€. La commission considère que ce volume d'investissements devrait être réduit d'environ 10 % pour contribuer à la limitation de l'évolution des tarifs dans une période de difficulté pour les compagnies aériennes.

4. La commission approuve l'initiative d'ATB d'inclure pour cette période les investissements de capacité aux côtés des investissements de renouvellement dans la clause d'ajustement des tarifs 2018 en fonction de l'atteinte des objectifs d'investissement à fin 2016. La commission remarque toutefois que le taux de répercussion à la baisse sur les tarifs, limité à 50 % de la différence de coûts induite sur le périmètre régulé par le non-respect des objectifs en volume des investissements, pourrait être substantiellement augmenté afin de faire profiter davantage les compagnies aériennes des efforts de productivité de l'exploitant par rapport à sa prévision stratégique.

b) Les charges et la productivité

1. La position de monopole de l'aéroport sur les activités du périmètre régulé implique que le régulateur économique accorde une attention particulière aux efforts de productivité que l'exploitant aéroportuaire est à même de réaliser et en particulier s'assure qu'il tienne les objectifs annoncés.

2. La commission constate que même si le ratio des coûts opérationnels par passager se situe dans la moyenne de ceux des aéroports français, l'évolution globale des coûts opérationnels envisagée sur la période excède significativement l'inflation. La commission estime qu'il convient donc a minima de s'assurer qu'ATB tiennent les objectifs de coûts peu ambitieux annoncés.

3. La commission suggère en conséquence qu'un objectif maximal de croissance de coûts opérationnels hors amortissements et impôts et taxes soit inscrit dans le CRE. Cet objectif pourrait au maximum être en ligne avec le taux de croissance annuel moyen annoncé par l'aéroport, éventuellement paramétré en fonction de l'inflation et du trafic prévisionnels. En cas de dépassement de cet objectif de coûts, l'aéroport pourrait être pénalisé par l'application d'un malus sur les tarifs 2018.

c) La qualité de service

Les compagnies estiment que les indicateurs de qualité de service soumis à incitation financière ne doivent faire l'objet que de malus. La commission estime également peu justifiée la distribution de bonus sur la qualité de service compte tenu du bon niveau atteint aujourd'hui, et du droit des compagnies aériennes à bénéficier d'un service aéroportuaire de qualité puisqu'elles en paient la contrepartie.

Dans le cadre de ce CRE, et provisoirement, la commission suggère donc de retenir un dispositif asymétrique qui prévoit bonus et malus, mais comportant une amplitude d'ajustement tarifaire supérieure pour les malus. A long terme, la commission considère que les bonus devront être supprimés.

III. - Les enjeux pour les compagnies aériennes

et pour les utilisateurs

a) Les recettes extra-aéronautiques

La commission estime que si, en valeur, la croissance des revenus extra-aéronautiques est moins dynamique que pour le CRE 1, elle tient compte d'une part de l'arrivée prochaine du tramway sur l'aéroport au détriment des parkings, et d'autre part d'une élasticité au trafic un peu supérieure des commerces.

La commission recommande donc de ne retoucher ces recettes qu'à concurrence de la correction sur le trafic mentionné au paragraphe 3 de la première partie.

b) Les tarifs des redevances aéronautiques

1. La commission a noté que, pendant le premier CRE, correspondant à une période de forts investissements, l'aéroport a augmenté en moyenne ses tarifs de 1,1 % environ hors inflation.

2. En période de faible investissement, elle considère donc en première approche que la proposition d'ATB (inflation + 1 %) est trop élevée au regard du volume d'investissement très inférieur prévu sur la durée du CRE 2.

3. Compte tenu du ralentissement de la progression du trafic observé en 2013, la commission estime donc qu'il est préférable d'accompagner la reprise des compagnies aériennes par une modération tarifaire sur le CRE 2.

IV. - Les enjeux économiques et la rentabilité du capital

1. ATB a proposé la sortie des activités de diversification immobilière du périmètre de régulation. Compte tenu du risque associé à de telles activités, à leur consommation de capitaux en début de cycle d'investissement et d'une rentabilité propre qui se mesure sur plusieurs décennies, donc sur une période très supérieure à celle d'un CRE, la commission recommande de suivre la proposition d'ATB.

2. La commission considère que l'un des fondements de la régulation économique doit consister à rechercher une bonne adéquation entre le retour sur les capitaux engagés par ATB (RCE) et le coût moyen pondéré de ces capitaux (CMPC).

3. Cette adéquation n'est contestée par aucun des acteurs. Elle est cohérente avec l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, qui stipule que l'exploitant d'aéroport reçoit une juste rémunération des capitaux investis évaluée au regard du CMPC.

4. La méthode retenue par ATB pour le calcul du coût moyen pondéré du capital est le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF). La commission approuve le choix de cette méthode, qu'elle estime précise et cohérente avec la théorie financière et la pratique professionnelle.

La commission est en accord avec ATB sur les paramètres suivants :

― le ratio d'endettement VD/(VD+VCP) proposé par ATB est 0,3 et correspond à l'endettement moyen des sociétés du secteur ;

― le ß proposé est 0,64 pour l'actif économique (ße). L'écart entre ADP (0,44) et ATB (0,64) est justifié par la différence de taille entre les deux entités. De plus, les résultats du CRE 1 montrent que l'aéroport a traversé la crise économique sans subir de baisse d'activité très lourde, ce qui milite pour un coefficient de risque systématique faible ;

― le taux d'intérêt sans risque rf est égal à 2,5 %, ce qui reflète la situation présente.

En revanche, la commission conteste les valeurs avancées par l'aéroport pour les primes de risques de crédit et d'action ;

― en ce qui concerne le risque de crédit, ATB suggère une valeur de 2,5 %, soit le spread de financement constaté pour les sociétés notées BBB-. Toutefois le ratio d'endettement de l'aéroport diminue d'année en année et son ratio endettement financier net divisé par EBITDA atteindra 1,2 en fin de CRE. Ces perspectives permettent à ATB d'anticiper raisonnablement un spread plus faible. Par prudence, la commission suggère de ne réduire la prime de risque que de 0,5 % pour ramener le taux d'intérêt de la dette à 4,5 % ;

― ATB propose 6,5 % comme prime de risque actions, ce qui est tout à fait surestimé. Tous les historiques de surrendement de l'investissement « actions » par rapport au taux sans risque sont inférieurs au chiffre cité. La commission estime donc que le chiffre de 6,5 % est exagéré et propose de le réduire à 5,5 %, ce qui se situe déjà dans la partie haute de l'échelle.

Compte tenu de ces éléments, le calcul du CMPC avec les paramètres suggérés conduit à une estimation entre 5,8 et 5,9 %.

5. L'entreprise connaît actuellement un bas cycle en matière d'investissements, et certains investissements du CRE 1 commencent à induire des recettes significatives. Même si ATB n'a pas atteint ses objectifs de rentabilité au cours du premier CRE, la commission estime raisonnable de prévoir un rattrapage du RCE par rapport au CMPC la dernière année de la période de régulation, soit l'objectif d'un RCE prévisionnel d'au plus 5,9 % en 2018.

6. La révision des hypothèses de trafic, du programme d'investissements et des objectifs de rentabilité devrait permettre d'aboutir à une croissance moyenne des tarifs des redevances aéronautiques de 0,5 % en-dessous de l'inflation, ce qui ménage encore des marges de manœuvre à la société aéroportuaire pour améliorer sa rentabilité.

V. - Les relations entre Aéroport Toulouse-Blagnac

et ses usagers

1. L'avis que la commission a rendu sur le premier CRE soulignait particulièrement le rôle central que la société aéroportuaire doit jouer dans la vie d'un aéroport.

La commission insiste à nouveau sur ce point. ATB n'est pas seulement un fournisseur de capacité ou de services. Il lui incombe d'assumer un rôle d'ensemblier et de chef d'orchestre pour que les différents acteurs de la plate-forme œuvrent de manière harmonieuse en synergie positive, dynamique et efficace. Ce rôle implique qu'elle soit concernée par la qualité des services fournis par d'autres prestataires, y compris les services publics, même si elle n'a pas d'autorité fonctionnelle sur eux. La commission invite ATB à se positionner délibérément dans ce rôle et à le faire reconnaître.

A cet égard, il paraît souhaitable à la commission que soient mis en place des indicateurs globaux de qualité de service sur la plate-forme (comme les retards toutes causes confondues au départ, voire à l'arrivée) dont le suivi alimenterait utilement les instances de concertation aéroportuaires.

2. ATB a poursuivi ses efforts de transparence et de concertation, y compris dans le domaine financier. Cette attitude est reconnue et appréciée par ses clients. Elle doit se poursuivre tout au long du CRE 2.

3. La commission apprécie les progrès accomplis tout au long des cinq années du CRE, dans le cadre du projet d'entreprise de la société, pour que toutes ses composantes, du management aux acteurs de terrains, adoptent une réelle « attitude de service » à l'écoute des besoins des clients et à la recherche de leur satisfaction. Cette attitude est vertueuse dans la situation spécifique dans laquelle se situe la société aéroportuaire. La commission est confiante dans sa pérennisation.

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Le CRE 1 a donné des résultats très appréciables et a permis que Toulouse-Blagnac soit un aéroport de qualité reconnu comme tel, ce qui assoit la préférence pour une régulation par CRE de cinq ans, qui donne de la visibilité à tous les acteurs du transport aérien en évitant les incertitudes d'une régulation exclusivement annuelle.

Le CRE 2 doit consolider cette situation favorable au prix d'un effort partagé et équilibré entre les parties dans un contexte sensible pour le transport aérien français.

Les propositions de la commission conjuguent cette ambition, cet équilibre et ce contexte.

Fait à Paris, le 23 septembre 2013.