Saisie par le ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 22 octobre 2019, relative à un manuscrit enluminé, l'Evangéliaire dit de Saint-Mihiel, parchemin, 254 f., 15 miniatures en pleine page, Reichenau, XIe siècle, demi-reliure de veau brun du XVIIIe siècle ;
La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 22 janvier 2020 ;
Après en avoir délibéré ;
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue un rare évangéliaire, réalisé probablement au XIe siècle sous la dynastie franconienne, et destiné à la lecture des péricopes des évangiles lors des principales fêtes de l'année liturgique ; que ce manuscrit, demeuré dans un bon état de conservation, remarquable pour la qualité de son écriture et de sa mise en page, est surtout connu pour l'originalité de ses quinze peintures en pleine page, dont le style s'inscrit pleinement dans la tradition de l'enluminure ottonienne de l'école de Reichenau, influencée par les esthétiques carolingienne, tardo-antique et byzantine ; que ce monastère, situé sur une île du lac de Constance, était devenu aux Xe et XIe siècles un centre culturel renommé dans toute l'Europe et dont le scriptorium produisait des manuscrits luxueux qui ont connu un rayonnement considérable en Lotharingie ; que le programme iconographique du manuscrit, au style tendant vers l'art roman, correspond, pour l'essentiel, à l'illustration des évangéliaires de cette époque, avec un important cycle christologique, mais comportant deux miniatures au caractère singulier ; que la première, accompagnant la fête de saint Michel archange, représente une scène très peu utilisée dans l'iconographie médiévale, le miracle du Mont Gargan, issu d'une légende du IXème siècle, relatant qu'un riche éleveur, Gargan, vers 490 en Italie du sud, aurait vu se retourner contre lui la flèche tirée sur un taureau échappé de son troupeau, faisant du sanctuaire du Mont Gargan un lieu de pèlerinage ; que la seconde, une double composition située à la fin du manuscrit, constitue une scène de dédicace inédite, où une femme, Irmengarde, soutient son époux défunt, Werner, qui présente un livre précieux à la reliure dorée comme offrande au Christ, trônant avec saint Michel ; qu'il s'agit donc de la représentation d'une donation pro anima, pratique dévotionnelle de cession d'un bien afin d'obtenir la prière constante d'un monastère pour le salut éternel d'un laïc ; que l'attribution du manuscrit à l'abbaye bénédictine Saint-Michel de Saint-Mihiel, dans la Meuse, qui tire son origine de l'achat à un libraire de Saint-Mihiel entre 1829 et 1833 par le curé Charles Didiot (1797-1866), n'est pas assurée ; que cet évangéliaire, aux commanditaires non identifiés à ce jour, qui pourrait provenir de la bibliothèque du monastère bénédictin Saint-Mansuy, près de Toul, où sa présence est attestée en 1696, et se trouvait en Lorraine au XVIIIe siècle, représente l'un des plus beaux témoins de l'ultime période de création de l'école de Reichenau ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national,
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.
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