Le mode de régulation d'Aéroports de Paris (ADP) a évolué en 2011 suite à la publication de l'arrêté du 17 décembre 2009 modifiant l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes, qui a exclu les activités commerciales et les activités immobilières de diversification du périmètre d'activités dont la rentabilité est appréciée pour fixer le niveau des redevances aéroportuaires, dénommé « périmètre régulé » dans la suite de cet avis. Ce nouveau système est celui dit de « caisse aménagée », par opposition au système de « caisse unique » dans lequel le périmètre régulé comprend la quasi-totalité des activités de l'aéroport, qui prévalait avant 2011 pour ADP et qui est appliqué sur tous les autres aéroports qui relèvent de la compétence de l'Etat.
Cette réforme a conduit ADP à réaliser un découpage comptable plus fin que celui effectué jusqu'alors, et à développer des méthodes pour identifier les recettes, les charges et les actifs relatifs au périmètre régulé dont l'étendue a été restreinte. Cette méthodologie n'a pas fait à ce jour l'objet d'un encadrement réglementaire ni d'une consultation des usagers.
C'est dans ce cadre que la commission a été saisie par la ministre chargée de l'aviation civile, en vertu de l'article L.228-1 du code de l'aviation civile, pour donner un avis sur les méthodes mises en œuvre par ADP et proposer des recommandations visant à les améliorer ainsi que leur transparence vis-à-vis des usagers.
Le constat au regard des auditions d'ADP et de ses usagers est le suivant :
- la complexité comptable induite par la mise en place du système de caisse aménagée et le niveau de détail des méthodes mises en place mettent en exergue l'asymétrie d'information entre ADP, le régulateur et les usagers ;
- ADP a développé des méthodes d'allocation dont la complexité parait dans l'ensemble adaptée ;
- la technique comptable employée par ADP, qui avait fait l'objet d'un audit en 2010, n'est pas remise en question dans le cadre de cette saisine. En revanche, certains choix d'opportunité dans la manière d'allouer en particulier les actifs entre le périmètre régulé et le périmètre non régulé doivent faire l'objet d'améliorations visant à être plus représentatifs de l'usage réel des infrastructures.
De manière générale, la commission considère que la complexité et le niveau de détail comptable des méthodes mises en œuvre ne sont pas incompatibles avec la fixation par le régulateur de grands principes qui, alliés à un niveau de transparence adéquat vis-à-vis des usagers, doivent permettre de s'assurer de la pertinence de l'allocation des actifs, des recettes et des charges au périmètre régulé.
La commission considère par ailleurs que la voie réglementaire pour fixer ces principes n'est pas la plus adaptée car l'évolution de l'activité peut impliquer des changements de méthode dans le temps, et impose une certaine flexibilité. Le cadre temporel et juridique des contrats de régulation économique semble plus compatible avec ces objectifs.
C'est dans cette optique que la commission a examiné les différents éléments constitutifs des méthodes d'allocation développées par ADP et a forgé ses propositions. Celles-ci se veulent pragmatiques et simples à mettre en œuvre, et se concentrent sur les enjeux financiers majeurs, tel que préconisé dans la saisine.
I. - L'allocation des actifs
C'est sur ce point que la commission cible l'essentiel de ses recommandations, car c'est celui qui peut faire l'objet de corrections dont l'impact est le plus sensible sur la rentabilité du périmètre régulé.
Dans chacune des différentes catégories d'actifs, ADP identifie les investissements qui sont intégralement dédiés à l'un des périmètres régulé ou non régulé, qui leurs sont donc affectés directement et intégralement, et les projets mixte ayant des fonctionnalités communes aux deux périmètres, dont la répartition par périmètre fait l'objet d'une méthodologie propre à chaque type d'infrastructure.
- Actifs liés aux aérogares
La première recommandation de la commission concerne les surfaces communes en aérogare (hall public, espace de circulation, blocs sanitaires…) dont ADP considère aujourd'hui qu'elles sont intégralement dédiées aux activités aéronautiques et donc attribuées à 100% au périmètre régulé. Cette considération conduit à faire bénéficier aux activités commerciales en aérogare de l'intégralité des synergies dégagées par l'existence de plusieurs activités économiques dans les mêmes infrastructures, alors même que ces surfaces communes sont nécessaires à l'acheminement des clients des commerces.
La commission considère donc qu'une partie de ces actifs doit être allouée aux activités commerciales. Elle recommande de fixer forfaitairement la proportion qui doit être attribuée aux commerces, sur la durée d'un contrat de régulation économique, afin de ne pas introduire une complexité excessive.
La commission recommande l'allocation de l'ordre de 20 % de ces surfaces communes en aérogare aux activités commerciales pour le 3e contrat de régulation économique à venir (CRE3).
Par suite, les investissements ayant des fonctionnalités communes aux deux périmètres et qui sont alloués selon une clé surfacique, pondérée ou non (en particulier les infrastructures aérogares), doivent être mécaniquement alloués dans une proportion plus importante aux activités commerciales, dont les surfaces prises en compte seront augmentées via l'allocation précitée d'une partie des surfaces communes.
La commission considère par ailleurs que la méthode de pondération des surfaces introduite par ADP est d'un niveau de complexité satisfaisant et permet une bonne représentation des coûts relatifs à chaque activité ; il conviendra d'en suivre l'impact, la stabilité dans le temps et la pertinence en recalculant périodiquement les coefficients sur plusieurs infrastructures. Ces coefficients devraient être fixés sur la durée d'un CRE, sauf si la mise en service de nouvelles infrastructures était susceptible de modifier de manière substantielle ces coefficients en cours de CRE.
En outre, ADP adaptera sa méthodologie pour tenir compte du remplacement dans le code de l'urbanisme des notions de SHOB et de SHON par la notion de surface de plancher, pour les nouvelles installations comme pour les anciennes.
- Actifs liés aux accès
a) Voiries
Les accès routiers qui peuvent être identifiés comme desservant uniquement des bâtiments ou des zones spécifiques à un périmètre d'activité sont directement attribués au périmètre en question. Pour les voiries communes partagées et non affectables à une activité particulière, leur affectation est faite par ADP au prorata des charges d'amortissements, ce qui conduit à pénaliser les activités capitalistiques récentes.
Compte tenu selon ADP de l'impossibilité d'évaluer la nature du trafic sur les voiries, ADP a proposé à la commission de faire évoluer cette allocation des voiries communes en se basant non plus sur les charges d'amortissements mais sur la valeur brute liées aux activités des zones desservies.
Cette évolution semble plus représentative que la méthode existante notamment dans la mesure où les bâtiments amortis génèrent toujours une activité économique. La commission préconise toutefois d'identifier à terme une méthodologie qui mette plus en adéquation l'allocation des actifs des voiries communes avec la répartition de ses différentes catégories d'usagers.
b) Gares
L'allocation de la gare RER CDG2 se fait aujourd'hui selon ADP selon une méthodologie basée sur les surfaces, qui conduit aujourd'hui à affecter 89 % des actifs correspondants au périmètre régulé. L'allocation de la gare CDG1 serait entièrement sur le périmètre non régulé.
Concernant la gare RER CDG1, ADP propose d'instaurer une méthodologie assise sur une étude de flux datée de 2009, qui a estimé la part des passagers aériens à 43 % du trafic de la gare. ADP propose d'allouer 50 % des actifs de cette gare aux aérogares de CDG1 (taux majoré pour tenir compte des salariés d'ADP liés aux activités en aérogare), redistribués selon les différentes activités en aérogare via les surfaces pondérées de CDG1, les 50 % restants étant alloués aux activités d'immobilier de diversification.
La commission considère que cette proposition est cohérente, à condition d'actualiser pour chaque CRE l'étude de flux de la gare CDG1.
Concernant la gare RER CDG2, ADP n'a pas exposé en détail sa méthodologie, mais estime que la répartition à 89 % au périmètre régulé reflète l'utilisation quasi-exclusive de cette gare par les passagers aériens ou les employés d'ADP liés à cette activité.
Dans un premier temps, la commission recommande que la méthode de répartition actuelle, basée sur les surfaces en aérogare, intègre l'évolution de ces surfaces induite par la mise en œuvre de la répartition de 20 % des surfaces communes aux activités commerciales, tel que préconisé au paragraphe I-1.
A terme, la commission estime qu'une étude de flux similaire à celle effectuée sur CDG1 devrait être réalisée pour affiner la méthode d'allocation à l'image de celle proposée pour CDG1.
c) CDG Val
L'infrastructure du CDG Val est aujourd'hui exclusivement attribuée au périmètre régulé, ce qui n'est pas cohérent car il est utilisé par presque toutes les typologies d'acteurs de la plate-forme. ADP propose de l'affecter aux activités régulées et non régulées selon une moyenne des répartitions précitées pour les gares RER CDG1 et CDG2, chacune étant pondérée par sa valeur nette comptable.
Si la commission approuve la cohérence d'une répartition des actifs du CDG Val selon une moyenne pondérée des deux gares RER, dans la mesure où l'on peut considérer en première approximation que le trafic de la ligne est composé des mêmes natures de flux que ceux observés dans les deux gares, elle estime que la pondération par la valeur nette comptable des gares n'est pas pertinente. Elle propose plutôt de retenir le niveau de trafic de chacune des deux gares qui est plus représentatif de leur impact sur l'utilisation du CDG Val.
II. - L'allocation des charges
L'allocation des charges entre les périmètres régulé et non régulé fait l'objet de méthodes d'allocations directes ou indirectes très variées selon le type de charge concerné. La durée de la mission et le niveau de détail des éléments transmis par ADP n'ont pas permis à la commission d'évaluer dans le détail la pertinence de chacune de ces méthodes. En outre, la demande de la saisine consistant à se concentrer sur les enjeux majeurs a conduit la commission à porter son attention principalement sur la répartition des actifs évoquée au I, compte tenu de l'enjeu financier plus conséquent qu'elle représente en première approche. Il est toutefois possible d'apporter les premières recommandations suivantes.
Tout d'abord, en ce qui concerne les charges actuellement réparties selon une clé basée sur les surfaces en aérogare, pondérées ou non, les évolutions de répartition des surfaces entre le périmètre régulé et les autres activités en aérogares mentionnées au I devraient s'appliquer de la même manière aux surfaces utilisées comme clé de répartition des charges.
Par ailleurs, les évolutions recommandées au I pour les différents types d'actifs devraient avoir des conséquences identiques sur la répartition entre périmètres des charges d'amortissements liées à ces actifs.
La commission recommande notamment d'apporter une attention particulière à la répartition des frais administratifs et des frais à répartir, qui représentent un volume important, et dont la nature conduit à les distribuer entre toutes les activités d'ADP.
III. - L'allocation des recettes
En ce qui concerne l'allocation des recettes dans le système actuel de régulation en caisse aménagée et sans mécanisme de contribution du périmètre non régulé au périmètre régulé, ADP procède directement à l'allocation des recettes relatives à chaque périmètre, selon qu'il s'agisse de redevances aéronautiques, spécialisées, de recettes locatives, de recettes des parcs… La commission n'identifie pas dans ce cadre de piste d'amélioration, la distribution des recettes à chaque périmètre étant déjà représentative de leurs activités respectives.
Seule la production immobilisée est répartie selon des clés de répartition entre les différents périmètres. La commission n'a pas eu le temps d'explorer les méthodes appliquées à ce poste de recettes, mais son volume est relativement modeste et pour les trois quart alloué au périmètre régulé. La commission estime qu'une meilleure clarification de ces méthodes par ADP pourrait éventuellement permettre d'en améliorer la représentativité.
IV. - Transparence et suivi
La réglementation existante exige la transmission par ADP à ses usagers d'un certain nombre d'informations relatives à l'activité économique du périmètre régulé, en vertu de l'arrêté du 16 janvier 2012 relatif à la transmission d'informations préalables à la fixation sur certains aérodromes des redevances mentionnées à l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile. Toutefois, il n'existe aucune prescription particulière sur la transmission d'informations relatives aux méthodes d'allocation des actifs, des recettes et des charges entre le périmètre régulé et les autres activités de l'exploitant aéroportuaire.
Une bonne connaissance des méthodes employées par ADP est essentielle compte tenu de leurs impacts sur la rentabilité du périmètre régulé et donc à terme sur le niveau de redevances aéroportuaires payées par les usagers. La commission estime à ce titre que le niveau de détail des informations transmises et les explications formulées par ADP sur les méthodes d'allocation doivent être encore plus complets que ceux donnés dans le cadre de la présente saisine pour permettre aux usagers et à l'autorité de supervision des redevances au sens de la directive 2009/12/CE (ASI) de mieux comprendre les implications des méthodes utilisées et d'identifier des pistes d'amélioration. Cet effort de clarification et d'information doit permettre une meilleure appréhension par les usagers des réalités économiques de chacune des caisses et de formuler leur avis auprès du régulateur. Il ne doit pas conduire à une situation de quasi cogestion, l'exploitant aéroportuaire devant rester maitre de sa gestion et de ses décisions, dans le cadre et pendant toute la durée du CRE.
Cette transparence doit s'accompagner d'un contrôle périodique par l'autorité de supervision indépendante. Ce contrôle nécessitant une charge de travail importante au regard de la complexité des méthodes comptables employées, et la stabilisation des méthodes étant nécessaire à la lisibilité de l'évolution dans le temps des résultats du périmètre régulé, le cadre temporel des CRE semble approprié.
Sur la base de ces considérations, la commission préconise :
- la transmission par ADP d'une description complète des méthodes d'allocations des actifs, des recettes et des charges entre le périmètre régulé et les autres activités, en annexe du dossier publié à l'occasion de l'élaboration d'un CRE en application de l'article R.224-4 II a du code de l'aviation civile. Cette description doit être suffisamment intelligible pour permettre d'identifier la méthode de répartition de chaque catégorie de revenus, de charges et d'actifs, et notamment illustrer la méthode de calcul des coefficients de pondération des surfaces en aérogare ;
- l'inscription en annexe des CRE des principales méthodes d'allocation, ainsi que l'insertion d'une clause dans le CRE précisant que toute évolution de ces méthodes doit être soumis à la consultation des usagers dans le cadre des réunions annuelles de la commission consultative économique, puis à l'homologation de l'ASI. Cette consultation devrait s'accompagner de la production d'une étude d'impact sur les actifs, les revenus, les charges et la rentabilité du périmètre régulé ;
- l'obligation pour ADP de préciser pour tout nouveau projet d'investissement dépassant un certain seuil la répartition prévisionnelle des actifs et des charges entre les différents périmètres ;
- la réalisation d'un audit comptable en fin de CRE sur la bonne application par ADP des méthodes d'allocation décrites dans le CRE, et permettant, le cas échéant, d'identifier des pistes d'amélioration.
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