JORF n°0112 du 15 mai 2019

Annexe

ANNEXE
DÉCISION COORDONNÉE PORTANT SUR LA DEMANDE DE RÉPARTITION TRANSFRONTALIÈRE DES COÛTS DU PROJET CELTIC INTERCONNECTOR

Ce document établit la décision coordonnée de répartition transfrontalière des coûts (Cross-Border Cost Allocation - CBCA) des autorités de régulation nationales irlandaise et française (" les régulateurs "), la Commission for Regulation of Utilities (CRU) et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour le projet Celtic Interconnector.
En septembre 2018, les gestionnaires de réseau de transport (GRT) d'Irlande et de France, EirGrid et Réseau de transport d'électricité (RTE), ont soumis une demande d'investissement aux régulateurs pour le développement du projet Celtic Interconnector. Cette demande d'investissement contenait une demande de répartition transfrontalière des coûts d'investissement du projet Celtic entre l'Irlande et la France et de leur inclusion dans les tarifs de chaque pays, conformément à l'article 12 du règlement (UE) n° 347/2013 (1) (" le Règlement ").
Des informations manquantes dans la première demande ont été reçues par la suite. Les régulateurs ont considéré le dossier de demande d'investissement comme complet en novembre 2018 et l'ont transmis pour information à l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (l'Agence). En particulier, les régulateurs considèrent que le projet a atteint une maturité suffisante pour soumettre une demande de CBCA et ont commencé leurs évaluations respectives du dossier.
Entre le 20 décembre 2018 et le 15 février 2019, les régulateurs ont mené des consultations publiques portant sur la demande d'investissement pour le projet Celtic et présentant leurs analyses préliminaires. Les documents de consultation sont disponibles sur les sites internet des régulateurs (2).
Les régulateurs, après avoir :

- analysé le contenu de la demande d'investissement conformément au Règlement et en tenant compte de la recommandation n° 05/2015 de l'Agence ainsi que, plus largement, des politiques énergétiques européenne et nationales ;
- consulté sur la demande d'investissement en France et en Irlande et pris en compte les contributions des acteurs à leurs consultations respectives ;
- examiné les bénéfices escomptés du projet Celtic pour l'Irlande et la France, ainsi que pour l'Union européenne dans son ensemble ;
- examiné les coûts d'investissement à répartir entre l'Irlande et la France, y compris les potentiels surcoûts par rapport aux coûts d'investissement actuellement estimés ; et
- pris en compte l'intention des porteurs de projet de solliciter l'aide financière de l'Union européenne.

  1. Ont conclu que l'interconnexion Celtic générerait des bénéfices pour les parties prenantes en Irlande et en France, et serait bénéfique (en termes d'analyse coûts-bénéfices globale) à l'échelle européenne (3). Toutefois, les impacts potentiels du projet sur le bien-être socio-économique varient considérablement selon les différents scenarios prévisionnels ; ainsi, les impacts peuvent être positifs ou négatifs aux périmètres nationaux (Irlande et France) en fonction des différents scenarios considérés ;
  2. Ont conclu qu'en fonction des scénarios, 50 % à 80 % des bénéfices bruts se situaient en Irlande, et 20 % à 50 % en France ;
  3. Se sont accordées pour que 65 % des coûts d'investissement estimés (4) du projet soient supportés par l'Irlande, et 35 % par la France (5).
    Pour parvenir à cet accord, les régulateurs ont tenu compte du bénéfice net positif du projet à l'échelle de l'Europe dans son ensemble, ainsi que du besoin de consolider l'intégration du marché de l'énergie européen, d'encourager l'intégration des énergies renouvelables et de renforcer la solidarité entre les Etats membres de l'Union européenne. A cet égard, la relative isolation du marché électrique irlandais et la sortie attendue du Royaume-Uni de l'Union européenne ont une importance particulière.
    Dans ce contexte, les régulateurs ont convenu que le fait de lier les marchés électriques de l'Irlande et de la France serait bénéfique pour les deux pays, et pour l'Europe dans son ensemble. En particulier, les régulateurs reconnaissent l'existence d'externalités positives associées au projet Celtic, qui sont difficiles à quantifier et ne peuvent ainsi pas être complètement reflétées dans l'analyse coûts-bénéfices du projet. En effet, Celtic génère des externalités en termes de solidarité et de sécurité d'approvisionnement, et contribue à l'atteinte des objectifs en matière d'énergie et de climat de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne l'intégration des marchés et la durabilité.
    Néanmoins, les régulateurs doivent aussi prendre en considération leur objectif de protection des intérêts des consommateurs actuels et futurs en France et en Irlande. A cet effet, elles doivent s'assurer que le projet a un impact net positif, non seulement pour l'Europe dans son ensemble mais respectivement en France et en Irlande. De plus, bien qu'il y ait des perspectives de bénéfices conséquents provenant du projet, ceux-ci sont menacés par les risques portants sur les coûts d'investissement et d'opération, ainsi que par les incertitudes entourant les évolutions potentielles du paysage énergétique. Celles-ci sont liées à la sortie attendue du Royaume-Uni de l'Union européenne, à l'évolution des prix des matières premières, incluant l'impact des réformes du système communautaire d'échange de quotas d'émission (European Union Emission Trading Scheme), ainsi qu'aux politiques énergétiques nationales, comme les objectifs d'énergie renouvelable et le développement de nouvelles interconnexions.
    De plus, l'inclusion des coûts de Celtic dans les tarifs nationaux augmenterait les tarifs de réseau des deux pays, et en particulier en Irlande étant donné la taille du marché, sa base de consommateurs et sa localisation périphérique.
    Les bénéfices conséquents et les externalités positives non monétisées qu'apporte le projet à l'Union européenne, au-delà de la France et l'Irlande, ainsi que la contribution considérable du projet Celtic aux objectifs de l'Union européenne en termes d'infrastructures énergétiques, justifient une aide financière européenne significative au titre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Cette aide permettrait aussi d'atténuer les risques supportés par les consommateurs irlandais et français. Selon les dispositions de l'article 10(3) du règlement (UE) n° 1316/2013, le montant de l'aide financière européenne peut couvrir jusqu'à 75 % des coûts du projet, en particulier si le projet garantit un degré élevé de sécurité d'approvisionnement à l'échelle régionale ou de l'Union ou renforce la solidarité de l'Union. Les régulateurs considèrent ainsi que le projet devrait bénéficier d'une aide financière européenne substantielle, couvrant au moins 60% des coûts d'investissement estimés du projet, tenant compte de l'aide précédemment accordée au projet au titre du MIE. Cette aide devrait être partagée entre EirGrid et RTE de manière analogue à la répartition des coûts d'investissement (i.e. 65 % pour EirGrid, 35% pour RTE).
    Ce niveau de subvention européenne garantirait que le projet n'ait pas d'impact net négatif pour la France ou l'Irlande, y compris dans les scénarios où certains des risques identifiés se produisent. En retour, elle garantirait également que le projet, une fois inclus dans les tarifs nationaux, ne représente pas une charge disproportionnée pour les consommateurs en Irlande et en France.
    Si l'aide financière de l'UE n'atteint pas 60 % des coûts d'investissement estimés du projet, et un minimum de 195 M€ pour la France, les régulateurs conviennent de revoir la décision relative à la répartition des coûts du projet.
    Les régulateurs estiment que les porteurs de projet devraient solliciter cette aide financière de l'Union européenne dans les meilleurs délais, compte tenu de l'ampleur de l'investissement et du besoin de visibilité.
    Compte tenu de ce qui précède et sous réserve que l'aide financière de l'Union européenne atteigne au moins 60 % des coûts d'investissement estimés du projet, les régulateurs ont convenu de ce qui suit :

- le montant des coûts d'investissement estimé du projet Celtic (i.e. 930 M€) sera supporté à 65 % par l'Irlande, et à 35 % par la France ;
- tout montant de soutien financier européen supérieur au montant minimum requis (60 % des coûts d'investissement estimés du projet) sera alloué à la couverture des coûts dépassant les coûts d'investissement estimés du projet ; le cas échéant, les coûts restants supérieurs aux coûts d'investissement estimés du projet devraient être partagés à parts égales entre EirGrid et RTE.

Cette décision de répartition transfrontalière des coûts est basée sur un partage à parts égales des coûts d'opération et de maintenance du projet ainsi que des revenus d'interconnexions issus de la rente de congestion du projet entre Eirgrid et RTE.
En application de leurs cadres de régulation nationaux, les régulateurs définiront des mesures incitatives appropriées afin que les GRT réduisent au minimum le risque de dépassement des coûts.
Les GRT devront soumettre périodiquement à leurs régulateurs respectifs des estimations de coûts mises à jour (au moins tous les six mois ou à la demande des régulateurs) et feront immédiatement rapport aux deux régulateurs de tout changement substantiel de ces estimations. Les GRT ne devront pas engager de dépenses significatives (en dehors des activités de développement du projet) tant que le processus d'appels d'offres pour la réalisation du projet ne sera pas achevé et que le coût total des principaux contrats de fourniture (y compris les câbles) n'est pas connu. De plus, si le montant de ces contrats venait à dépasser les coûts estimés (au-delà de 20 % de l'évaluation initiale) ou si les coûts totaux du projet devaient être revus sensiblement à la hausse (au-delà de 20 % de l'évaluation initiale), la CRU et la CRE conviennent de consulter les parties au projet et de revoir la présente décision afin de réexaminer l'opportunité d'investir dans le projet et/ou la décision de répartition transfrontalière en ce qui concerne les surcoûts.

(1) Règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes

(2) Ceux de la CRU sont disponibles à https://www.cru.ie/document_group/celtic-electricity-interconnector/; ceux de la CRE à https://www.cre.fr/Documents/Consultations-publiques/Demande-d-investissement-relative-au-projet-CELTIC-incluant-un-partage-transfrontalier-des-couts.

(3) i.e. le périmètre incluant les pays dont les GRT sont membres du réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (European Newtwork of Transmission System Operators - ENTSO-E)

(4) Les coûts d'investissement sont exprimés en valeur réelle 2018 et incluent les dépenses passées et prévues dans le futur pour toutes les phases (études préliminaires, conception, construction, etc.).

(5) Davantage de détails sur la répartition des coûts et sa justification sont disponibles dans les documents publiés par les régulateurs en complément de cette décision.