JORF n°0228 du 29 septembre 2017

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Jean-Laurent LASTELLE et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
La présente délibération est prise en application des dispositions du règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (le Règlement). En application de l'article 12 de ce dernier, elle a pour objet d'établir une décision de répartition transfrontalière des coûts du projet d'infrastructure de transport d'électricité Golfe de Gascogne entre la France et l'Espagne à la demande des gestionnaires de réseau de transport (GRT) français et espagnol, Réseau de transport d'électricité (RTE) et Red Eléctrica de España (REE), promoteurs du projet. Cette décision conjointe de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (CNMC) se fonde sur l'analyse des coûts et bénéfices du projet menée par RTE et REE.

  1. Contexte et saisine de la CRE
    1.1. Le Règlement (UE) n° 347/2013

Le Règlement (UE) n° 347/2013 vise à promouvoir l'interconnexion des réseaux européens. Il introduit notamment la notion de projet d'intérêt commun (PIC) qui, dans le domaine de l'électricité, peut concerner des infrastructures de transport, de stockage ou de smart grids. Ces projets sont considérés comme nécessaires à la mise en œuvre des corridors prioritaires pour la construction du marché intérieur de l'énergie. La France appartient à deux des quatre corridors prioritaires dans le secteur de l'électricité :

- réseau dans les mers septentrionales, qui vise à développer un réseau électrique et intégré en mer et les interconnexions correspondantes dans la mer du Nord, la mer d'Irlande, la Manche, la mer Baltique et les mers voisines, en vue de transporter l'électricité depuis les sources d'énergie renouvelables en mer vers les centres de consommation et de stockage et d'accroître les échanges transfrontaliers d'électricité. Les autres Etats inclus dans ce groupe sont l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède ;
- interconnexions électriques Nord-Sud en Europe de l'Ouest, visant à développer les interconnexions entre les Etats membres de la région et avec la zone méditerranéenne, péninsule Ibérique comprise, en vue notamment d'intégrer l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables et de renforcer les infrastructures des réseaux intérieurs pour favoriser l'intégration du marché dans la région. Les autres Etats concernés sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni.

Les Etats appartenant à un corridor prioritaire constituent un groupe régional chargé de la sélection des projets d'intérêt commun, auquel participent des représentants des Etats membres, des autorités nationales de régulation et des opérateurs de réseau, ainsi que la Commission européenne, l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (ENTSOE). Les listes régionales de projets d'intérêt commun sont établies sur la base d'une demande de sélection soumise par les porteurs de projets.
Parmi les mesures destinées à favoriser la réalisation des PIC, le Règlement prévoit des mécanismes de financement visant à pallier les problèmes de viabilité commerciale des projets lorsque ceux-ci font obstacle à la prise de décision d'investissement. L'article 12 du Règlement dispose ainsi que, à la demande des porteurs de projet et sur la base d'une analyse des coûts et bénéfices d'un PIC pour les pays concernés, les autorités de régulation nationales compétentes décident, de manière coordonnée, d'une répartition des coûts d'investissement dans les six mois à compter de la réception de la dernière demande d'investissement. Cette décision ouvre la possibilité de solliciter une aide financière de l'Union européenne au titre de l'article 14 du Règlement.

1.2. Recommandation de l'ACER n° 05/2015 définissant des bonnes pratiques pour les décisions de répartition des coûts des projets d'intérêt commun

L'ACER a publié une recommandation le 18 décembre 2015, définissant des bonnes pratiques pour le traitement des demandes d'investissement dans le cadre du Règlement. Cette recommandation développe des lignes directrices notamment en ce qui concerne la maturité du projet nécessaire pour procéder à une répartition des coûts, la consultation des GRT des pays non hôtes du projet sur lesquels ce dernier a un impact, et la coopération entre les régulateurs. Elle recommande en particulier de ne procéder à une répartition des coûts que dans le cas où le projet a un impact net négatif sur l'un des pays hôtes.

1.3. Demande d'investissement de RTE et REE pour le projet Golfe de Gascogne

RTE et REE ont déposé une demande d'investissement pour le projet Golfe de Gascogne auprès des autorités de régulation nationales, la CRE et la CNMC, visant à obtenir une décision conjointe de répartition des coûts. Cette demande d'investissement se présente sous la forme de deux documents (le « dossier de demande d'investissement » et le « dossier de demande d'investissement - informations complémentaires »), dont le dernier a été reçu le 27 mars 2017 par la CRE. RTE et REE ont consulté les GRT des pays non hôtes du projet sur lesquels ce dernier a un impact significatif (le Portugal et l'Allemagne).
Après évaluation du dossier, les autorités de régulation ont considéré que le projet était suffisamment mature et que la demande d'investissement était complète. La CRE et la CNMC ont déclaré la demande d'investissement recevable et en ont notifié l'ACER par courrier en date du 13 avril 2017.

  1. Le projet Golfe de Gascogne et la demande des GRT

Le projet Golfe de Gascogne fait partie du Plan décennal de développement du réseau à l'échelle européenne (« Ten Year Network Development Plan », ci-après TYNDP) préparé par l'ENTSOE depuis 2012. Il a été déclaré Projet d'intérêt commun (PIC) en 2013 et 2015 (sous le numéro 2.7), et est candidat pour être intégré à la liste de 2017.
Le projet Golfe de Gascogne consiste à construire deux liaisons CCHT (Courant continu à haute tension) indépendantes, chacune d'une capacité de 1 000 MW, entre Cubnezais en France, et Gatica en Espagne. Cela s'accompagnera de la construction de quatre nouvelles stations de conversion. Le tracé de 370 km, dont 70 % se situent en territoire français, comprend une partie maritime de 280 km. Le projet est de ce fait complexe sur le plan technique. En particulier, la traversée du Gouf de Capbreton nécessite de réaliser un forage dirigé permettant de faire passer les câbles en souterrain (l'instabilité des fonds marins ne permet pas de simplement déposer les câbles). Le tracé préférentiel des GRT prévoit la réalisation de ce forage à 2 km des côtes françaises, au large de Capbreton. Les travaux devraient s'étendre de 2020 à 2024, pour une mise en service de la ligne en 2025.
Ce projet devra permettre de porter la capacité totale d'interconnexion entre la France et l'Espagne à 5 000 MW.
Les coûts d'investissement du projet sont estimés par les GRT à 1 750 M€, avec une incertitude évaluée à plus ou moins 200 M€. 68 % des postes de coûts du projet sont situés sur le territoire français, et 32 % en Espagne. RTE et REE fondent leur analyse coûts-bénéfices sur un partage de ces coûts d'investissement à 50/50. Les coûts d'exploitation et de maintenance sont par ailleurs évalués par les GRT à environ 10,2 M€/an, dont 60 % seront pris en charge par RTE et 40 % par REE selon l'accord des GRT. Enfin, les GRT se sont mis d'accord pour partager les recettes des rentes de congestion à 50/50, comme cela est actuellement le cas sur les autres lignes entre la France et l'Espagne.

  1. Analyse conjointe de la CRE et de la CNMC
    3.1. Hypothèses retenues

L'analyse coûts-bénéfices réalisée par RTE et REE est fondée sur les résultats du TYNDP 2016 en ce qui concerne les pertes sur le réseau et les bénéfices socio-économiques du projet. Le TYNDP présente les résultats pour cinq scénarios : un pour l'année de référence 2020, et quatre pour 2030. Ces derniers, appelés « Visions », se basent sur des hypothèses différentes de conditions économiques, de coordination des politiques énergétiques, de développement des énergies renouvelables et de consommation d'électricité afin de dessiner un panel de scénarios contrastés pour l'horizon 2030 en Europe. En particulier, les Visions 1 (« Slowest progress ») et 2 (« Constrained progress ») prennent en compte des conditions économiques moins favorables ainsi qu'un plus faible développement des énergies renouvelables que les Visions 3 (« National green transition ») et 4 (« European green revolution »). Les Visions 2 et 4 prennent comme hypothèse une forte coordination européenne pour les choix de politiques énergétiques, contrairement aux Visions 1 et 3.
La CRE et la CNMC retiennent une prise en compte équivalente de tous les scénarios 2030 pour l'analyse coûts-bénéfices du projet Golfe de Gascogne et calculent la Valeur actuelle nette (VAN) du projet en faisant la moyenne des quatre Visions.
L'analyse du TYNDP prend pour hypothèse un taux de disponibilité de l'interconnexion de 100 %, considérée comme peu réaliste par RTE et REE étant donnés les défis technologiques du projet. Les GRT ont donc proposé d'utiliser un taux de disponibilité de 92 %, que reprennent les régulateurs.
L'analyse coûts-bénéfices développée ci-après est également fondée sur l'hypothèse d'un partage des recettes de la rente de congestion à 50/50 et des coûts d'exploitation à 60 % par RTE et 40 % par REE, comme proposé par les GRT dans leur demande d'investissement.

3.2. Coûts

La CRE et la CNMC notent que le projet Golfe de Gascogne est un projet coûteux et qu'il existe peu de projets comparables (à la fois en termes de longueur et de contexte géographique) pour effectuer une comparaison pertinente des coûts du projet. Ce niveau de coût élevé peut être expliqué par le choix d'éviter la construction d'une ligne aérienne traversant les Pyrénées pour des raisons socio-environnementales, ainsi que par le besoin de contourner les zones plus congestionnées près de la frontière afin de tirer le plus grand bénéfice possible de la nouvelle liaison, entraînant la nécessité de franchir le gouf de Capbreton. La CRE et la CNMC retiennent le niveau de coûts d'investissement mentionné par les GRT dans la demande d'investissement.
Elles soulignent cependant la forte incertitude portant sur les coûts d'investissement ainsi que le risque significatif d'augmentation de ces coûts.
La CRE et la CNMC retiennent également les coûts d'exploitation et de maintenance, estimés à environ 10,2 M€/an par les GRT. Les coûts retenus pour les pertes sont ceux calculés dans le cadre du TYNDP pour les quatre visions, en prenant en compte un taux de disponibilité de l'interconnexion de 92 %.

3.3. Bénéfices bruts du projet
3.3.1. Valeur du bénéfice socio-économique du projet

Suivant les hypothèses décrites ci-dessus, la valeur du bénéfice socio-économique du projet (ou Socio-economic welfare, ci-après « SEW ») pour l'année de référence 2020 est de 184 M€/an. En 2030, le SEW s'élève à 110 M€/an pour les Visions 1 et 3, à 138 M€/an pour la Vision 2 et à 221 M€/an pour la Vision 4.
Le SEW du projet est particulièrement sensible aux hypothèses des scénarios considérés. Le projet apporte ainsi un bénéfice plus élevé dans les scénarios prenant pour hypothèse une forte coordination européenne.

3.3.2. Bénéfices en termes de sécurité d'approvisionnement

La méthodologie de l'ENTSOE comporte un indicateur visant à valoriser les bénéfices en termes de sécurité d'approvisionnement, mais selon les GRT la monétisation de ces bénéfices est complexe et le TYNDP 2016 peut les sous-estimer. RTE et REE ont donc développé une méthode ad hoc permettant de les valoriser. La CRE et la CNMC relèvent que cette évaluation complémentaire s'appuie sur des scénarios très différents de ceux du TYNDP 2016, ce qui pose un risque de manque de précision.
Selon l'analyse des GRT, les bénéfices du projet en termes de sécurité d'approvisionnement s'élèvent à 40 M€/an, dès la mise en service de l'interconnexion. La CRE et la CNMC s'accordent pour utiliser l'estimation fournie par les GRT dans le cadre de cette demande d'investissement et en prenant acte des limites de la procédure du TYNDP 2016. Cependant, elles considèrent que cette méthodologie n'est pas mature et devrait être améliorée. Par conséquent, cette valeur doit être considérée comme une approximation, et les régulateurs saluent les travaux en cours en vue de la définition d'une méthodologie plus précise dans le contexte du TYNDP 2018.

3.4. Bénéfices nets du projet

L'analyse des coûts et des bénéfices du projet menée selon les hypothèses décrites précédemment permet de conclure que la VAN du projet est positive à l'échelle européenne : elle s'élève à 222 M€ en moyenne pour les quatre scénarios du TYNDP considérés en 2030. La VAN est négative pour les Visions 1 et 3 (- 90 M€ et - 40 M€), et positive dans les Visions 2 et 4 (60 M€ et 957 M€).
En utilisant l'hypothèse de répartition des coûts d'investissement proposée par les GRT dans la demande d'investissement (50/50, soit 875 M€ pour chacun des GRT), la VAN du projet à l'échelle française apparaît négative. Une analyse par pays démontre que cela est le cas dès lors que RTE supporte plus de 528 M€ de coûts d'investissement.

3.5. Demande de financement européen

La CRE et la CNMC soutiennent la demande des GRT d'obtenir une subvention européenne via le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) en 2017. Les régulateurs notent en particulier que la viabilité commerciale du projet ne serait pas assurée en l'absence de subvention. Si l'augmentation des tarifs estimée reste faible (1,2 % en France et 1,5 % en Espagne), le projet viendra fortement alourdir les programmes d'investissement de RTE et REE, et pourrait peser sur leur santé financière.
Par ailleurs, la réalisation du projet Golfe de Gascogne produira un certain nombre d'externalités positives qui ne bénéficieront pas uniquement aux pays hôtes mais également aux autres Etats membres et acteurs européens et qui ne sont pas monétisables. Golfe de Gascogne est ainsi l'occasion de développer des innovations technologiques liées au franchissement du Gouf de Capbreton. Il participe également à l'atteinte de l'objectif de 10 % d'interconnexion pour l'Espagne, ainsi qu'à la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques européens tels que le développement des énergies renouvelables. L'analyse coûts-bénéfices montre ainsi que la valeur du projet dépend particulièrement de la réalisation de ces objectifs.
Les régulateurs estiment ainsi que le niveau de subvention dont devrait à ce titre bénéficier le projet dans le cadre du MIE est de 700 M€, soit 40 % des coûts d'investissement du projet, sous la limite théorique de soutien financier par le MIE fixée à 50 %.

  1. Conclusions de la CRE ET de la CNMC

Les résultats du TYNDP mettent en avant une répartition géographique déséquilibrée des bénéfices socio-économiques du projet entre la France et l'Espagne, cette dernière captant la majeure partie des bénéfices. Cela peut s'expliquer par la situation géographique de l'Espagne, en périphérie de l'Europe. Par ailleurs, certains pays non hôtes bénéficient également du projet. Cependant, si la somme totale des bénéfices des pays non hôtes reste relativement importante, chacun d'entre eux pris individuellement ne capte qu'une petite partie de ces bénéfices. Suivant la recommandation de l'ACER, les GRT ont donc décidé de ne pas demander de contribution financière à ces pays. Cette décision est partagée par la CRE et la CNMC.
Suivant l'évaluation de la demande d'investissement et les conclusions formulées ci-dessus, la CRE et la CNMC reconnaissent la nécessité d'une répartition transfrontalière des coûts, afin que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative. Les analyses menées montrent que pour atteindre cet objectif, la contribution de RTE aux coûts d'investissement du projet Golfe de Gascogne ne peut pas dépasser 528 M€.
La CRE et la CNMC décident donc que RTE et REE supporteront chacun la moitié des coûts d'investissement du projet (soit 875 M€), et que la subvention devra être allouée de manière à ce que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative (ce qui revient à ce que 350 M€ issus de la subvention soient attribués à RTE, quel que soit son montant). En cas d'absence de subvention ou de subvention inférieure à 350 M€, la CRE et la CNMC conviennent de trouver un nouvel accord pour la répartition des coûts, selon des modalités qui garantissent la mise en œuvre rapide du projet du Golfe de Gascogne.
Par ailleurs, REE supportera les éventuels dépassements de coûts d'investissement du projet jusqu'à ce que sa contribution nette totale (c'est-à-dire nette de l'aide financière versée par l'Union européenne) aux coûts d'investissement atteigne 875 M€. Tout dépassement supplémentaire des coûts au-delà de ce montant sera supporté à 62,5 % par REE et 37,5 % par RTE.
Enfin, les recettes de congestion liées au projet seront partagées à 50/50 entre RTE et REE, comme proposé par les GRT et retenu dans l'analyse coûts-bénéfices. Cependant, si le projet se révélait plus rentable que prévu initialement, un mécanisme spécifique serait mis en œuvre pour partager ces bénéfices additionnels. Ainsi, tout accroissement de 1 % du taux d'utilisation de l'interconnexion au-delà du taux prévisionnel se traduira par un paiement de RTE à REE de 0,3 M€. Ce montant prend en compte le surplus brut prévisionnel (net des pertes électriques) du projet et une clé de répartition prévoyant le transfert de RTE à REE de 25 % du bénéfice additionnel tiré de l'interconnexion par la France.
Si le taux d'utilisation s'avère inférieur au taux anticipé pour une année N, le transfert de RTE à REE sera réduit en conséquence l'année N + 1, sauf si cela conduit à un transfert négatif pour cette année N + 1, auquel cas aucun transfert ne sera réalisé, et le solde sera reporté sur l'année N + 2.
Ce mécanisme sera mis en œuvre pendant une durée de vingt-cinq ans. Si le solde est négatif à la fin de cette période, aucun transfert de REE à RTE ne sera réalisé. Après dix ans de service de l'interconnexion, la CRE et la CNMC évalueront ce mécanisme spécifique et pourront, le cas échéant, s'accorder sur un mécanisme différent.
DÉCISION DE LA CRE
La CRE adopte la décision relative au traitement de la demande de RTE et REE de répartition transfrontalière des coûts, qui a été rédigée conjointement par la CRE et la CNMC et est annexée à la présente délibération.
La CRE et la CNMC décident que RTE et REE supporteront chacun la moitié des coûts d'investissement du projet (soit 875 M€), et que la subvention devra être allouée de manière à ce que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative (ce qui revient à ce que 350 M€ issus de la subvention soient attribués à RTE, quel que soit son montant). En cas d'absence de subvention ou de subvention inférieure à 350 M€, la CRE et la CNMC conviennent de trouver un nouvel accord pour la répartition des coûts, selon des modalités qui garantissent la mise en œuvre rapide du projet du Golfe de Gascogne.
REE supportera les éventuels dépassements de coûts d'investissement du projet jusqu'à ce que sa contribution nette totale (c'est-à-dire nette de l'aide financière versée par l'Union européenne) aux coûts d'investissement atteigne 875 M€. Tout dépassement supplémentaire des coûts au-delà de ce montant sera supporté à 62,5 % par REE et 37,5 % par RTE.
Enfin, tout accroissement de 1 % du taux d'utilisation de l'interconnexion au-delà du taux prévisionnel se traduira par un paiement de RTE à REE de 0,3 M€. Ce montant prend en compte le surplus brut prévisionnel (net des pertes électriques) du projet et une clé de répartition prévoyant le transfert de RTE à REE de 25 % du bénéfice additionnel tiré de l'interconnexion par la France.
Dans la mesure où ils correspondent à ceux d'un opérateur efficace, les coûts effectivement supportés par RTE dans les conditions fixées par la présente décision de répartition des coûts et après déduction des aides financières de l'Union européenne seront intégrés au tarif du gestionnaire de réseau, en application des règles tarifaires en vigueur. La CRE définira par ailleurs les paramètres de la régulation incitative qui s'appliquera au projet Golfe de Gascogne dans les conditions fixées par le tarif TURPE 5 (1).
La présente délibération sera transmise à la CNMC et notifiée à RTE et à l'ACER.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française et transmise au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Historique des versions

Version 1

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Jean-Laurent LASTELLE et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.

La présente délibération est prise en application des dispositions du règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (le Règlement). En application de l'article 12 de ce dernier, elle a pour objet d'établir une décision de répartition transfrontalière des coûts du projet d'infrastructure de transport d'électricité Golfe de Gascogne entre la France et l'Espagne à la demande des gestionnaires de réseau de transport (GRT) français et espagnol, Réseau de transport d'électricité (RTE) et Red Eléctrica de España (REE), promoteurs du projet. Cette décision conjointe de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (CNMC) se fonde sur l'analyse des coûts et bénéfices du projet menée par RTE et REE.

1. Contexte et saisine de la CRE

1.1. Le Règlement (UE) n° 347/2013

Le Règlement (UE) n° 347/2013 vise à promouvoir l'interconnexion des réseaux européens. Il introduit notamment la notion de projet d'intérêt commun (PIC) qui, dans le domaine de l'électricité, peut concerner des infrastructures de transport, de stockage ou de smart grids. Ces projets sont considérés comme nécessaires à la mise en œuvre des corridors prioritaires pour la construction du marché intérieur de l'énergie. La France appartient à deux des quatre corridors prioritaires dans le secteur de l'électricité :

- réseau dans les mers septentrionales, qui vise à développer un réseau électrique et intégré en mer et les interconnexions correspondantes dans la mer du Nord, la mer d'Irlande, la Manche, la mer Baltique et les mers voisines, en vue de transporter l'électricité depuis les sources d'énergie renouvelables en mer vers les centres de consommation et de stockage et d'accroître les échanges transfrontaliers d'électricité. Les autres Etats inclus dans ce groupe sont l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède ;

- interconnexions électriques Nord-Sud en Europe de l'Ouest, visant à développer les interconnexions entre les Etats membres de la région et avec la zone méditerranéenne, péninsule Ibérique comprise, en vue notamment d'intégrer l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables et de renforcer les infrastructures des réseaux intérieurs pour favoriser l'intégration du marché dans la région. Les autres Etats concernés sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni.

Les Etats appartenant à un corridor prioritaire constituent un groupe régional chargé de la sélection des projets d'intérêt commun, auquel participent des représentants des Etats membres, des autorités nationales de régulation et des opérateurs de réseau, ainsi que la Commission européenne, l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité (ENTSOE). Les listes régionales de projets d'intérêt commun sont établies sur la base d'une demande de sélection soumise par les porteurs de projets.

Parmi les mesures destinées à favoriser la réalisation des PIC, le Règlement prévoit des mécanismes de financement visant à pallier les problèmes de viabilité commerciale des projets lorsque ceux-ci font obstacle à la prise de décision d'investissement. L'article 12 du Règlement dispose ainsi que, à la demande des porteurs de projet et sur la base d'une analyse des coûts et bénéfices d'un PIC pour les pays concernés, les autorités de régulation nationales compétentes décident, de manière coordonnée, d'une répartition des coûts d'investissement dans les six mois à compter de la réception de la dernière demande d'investissement. Cette décision ouvre la possibilité de solliciter une aide financière de l'Union européenne au titre de l'article 14 du Règlement.

1.2. Recommandation de l'ACER n° 05/2015 définissant des bonnes pratiques pour les décisions de répartition des coûts des projets d'intérêt commun

L'ACER a publié une recommandation le 18 décembre 2015, définissant des bonnes pratiques pour le traitement des demandes d'investissement dans le cadre du Règlement. Cette recommandation développe des lignes directrices notamment en ce qui concerne la maturité du projet nécessaire pour procéder à une répartition des coûts, la consultation des GRT des pays non hôtes du projet sur lesquels ce dernier a un impact, et la coopération entre les régulateurs. Elle recommande en particulier de ne procéder à une répartition des coûts que dans le cas où le projet a un impact net négatif sur l'un des pays hôtes.

1.3. Demande d'investissement de RTE et REE pour le projet Golfe de Gascogne

RTE et REE ont déposé une demande d'investissement pour le projet Golfe de Gascogne auprès des autorités de régulation nationales, la CRE et la CNMC, visant à obtenir une décision conjointe de répartition des coûts. Cette demande d'investissement se présente sous la forme de deux documents (le « dossier de demande d'investissement » et le « dossier de demande d'investissement - informations complémentaires »), dont le dernier a été reçu le 27 mars 2017 par la CRE. RTE et REE ont consulté les GRT des pays non hôtes du projet sur lesquels ce dernier a un impact significatif (le Portugal et l'Allemagne).

Après évaluation du dossier, les autorités de régulation ont considéré que le projet était suffisamment mature et que la demande d'investissement était complète. La CRE et la CNMC ont déclaré la demande d'investissement recevable et en ont notifié l'ACER par courrier en date du 13 avril 2017.

2. Le projet Golfe de Gascogne et la demande des GRT

Le projet Golfe de Gascogne fait partie du Plan décennal de développement du réseau à l'échelle européenne (« Ten Year Network Development Plan », ci-après TYNDP) préparé par l'ENTSOE depuis 2012. Il a été déclaré Projet d'intérêt commun (PIC) en 2013 et 2015 (sous le numéro 2.7), et est candidat pour être intégré à la liste de 2017.

Le projet Golfe de Gascogne consiste à construire deux liaisons CCHT (Courant continu à haute tension) indépendantes, chacune d'une capacité de 1 000 MW, entre Cubnezais en France, et Gatica en Espagne. Cela s'accompagnera de la construction de quatre nouvelles stations de conversion. Le tracé de 370 km, dont 70 % se situent en territoire français, comprend une partie maritime de 280 km. Le projet est de ce fait complexe sur le plan technique. En particulier, la traversée du Gouf de Capbreton nécessite de réaliser un forage dirigé permettant de faire passer les câbles en souterrain (l'instabilité des fonds marins ne permet pas de simplement déposer les câbles). Le tracé préférentiel des GRT prévoit la réalisation de ce forage à 2 km des côtes françaises, au large de Capbreton. Les travaux devraient s'étendre de 2020 à 2024, pour une mise en service de la ligne en 2025.

Ce projet devra permettre de porter la capacité totale d'interconnexion entre la France et l'Espagne à 5 000 MW.

Les coûts d'investissement du projet sont estimés par les GRT à 1 750 M€, avec une incertitude évaluée à plus ou moins 200 M€. 68 % des postes de coûts du projet sont situés sur le territoire français, et 32 % en Espagne. RTE et REE fondent leur analyse coûts-bénéfices sur un partage de ces coûts d'investissement à 50/50. Les coûts d'exploitation et de maintenance sont par ailleurs évalués par les GRT à environ 10,2 M€/an, dont 60 % seront pris en charge par RTE et 40 % par REE selon l'accord des GRT. Enfin, les GRT se sont mis d'accord pour partager les recettes des rentes de congestion à 50/50, comme cela est actuellement le cas sur les autres lignes entre la France et l'Espagne.

3. Analyse conjointe de la CRE et de la CNMC

3.1. Hypothèses retenues

L'analyse coûts-bénéfices réalisée par RTE et REE est fondée sur les résultats du TYNDP 2016 en ce qui concerne les pertes sur le réseau et les bénéfices socio-économiques du projet. Le TYNDP présente les résultats pour cinq scénarios : un pour l'année de référence 2020, et quatre pour 2030. Ces derniers, appelés « Visions », se basent sur des hypothèses différentes de conditions économiques, de coordination des politiques énergétiques, de développement des énergies renouvelables et de consommation d'électricité afin de dessiner un panel de scénarios contrastés pour l'horizon 2030 en Europe. En particulier, les Visions 1 (« Slowest progress ») et 2 (« Constrained progress ») prennent en compte des conditions économiques moins favorables ainsi qu'un plus faible développement des énergies renouvelables que les Visions 3 (« National green transition ») et 4 (« European green revolution »). Les Visions 2 et 4 prennent comme hypothèse une forte coordination européenne pour les choix de politiques énergétiques, contrairement aux Visions 1 et 3.

La CRE et la CNMC retiennent une prise en compte équivalente de tous les scénarios 2030 pour l'analyse coûts-bénéfices du projet Golfe de Gascogne et calculent la Valeur actuelle nette (VAN) du projet en faisant la moyenne des quatre Visions.

L'analyse du TYNDP prend pour hypothèse un taux de disponibilité de l'interconnexion de 100 %, considérée comme peu réaliste par RTE et REE étant donnés les défis technologiques du projet. Les GRT ont donc proposé d'utiliser un taux de disponibilité de 92 %, que reprennent les régulateurs.

L'analyse coûts-bénéfices développée ci-après est également fondée sur l'hypothèse d'un partage des recettes de la rente de congestion à 50/50 et des coûts d'exploitation à 60 % par RTE et 40 % par REE, comme proposé par les GRT dans leur demande d'investissement.

3.2. Coûts

La CRE et la CNMC notent que le projet Golfe de Gascogne est un projet coûteux et qu'il existe peu de projets comparables (à la fois en termes de longueur et de contexte géographique) pour effectuer une comparaison pertinente des coûts du projet. Ce niveau de coût élevé peut être expliqué par le choix d'éviter la construction d'une ligne aérienne traversant les Pyrénées pour des raisons socio-environnementales, ainsi que par le besoin de contourner les zones plus congestionnées près de la frontière afin de tirer le plus grand bénéfice possible de la nouvelle liaison, entraînant la nécessité de franchir le gouf de Capbreton. La CRE et la CNMC retiennent le niveau de coûts d'investissement mentionné par les GRT dans la demande d'investissement.

Elles soulignent cependant la forte incertitude portant sur les coûts d'investissement ainsi que le risque significatif d'augmentation de ces coûts.

La CRE et la CNMC retiennent également les coûts d'exploitation et de maintenance, estimés à environ 10,2 M€/an par les GRT. Les coûts retenus pour les pertes sont ceux calculés dans le cadre du TYNDP pour les quatre visions, en prenant en compte un taux de disponibilité de l'interconnexion de 92 %.

3.3. Bénéfices bruts du projet

3.3.1. Valeur du bénéfice socio-économique du projet

Suivant les hypothèses décrites ci-dessus, la valeur du bénéfice socio-économique du projet (ou Socio-economic welfare, ci-après « SEW ») pour l'année de référence 2020 est de 184 M€/an. En 2030, le SEW s'élève à 110 M€/an pour les Visions 1 et 3, à 138 M€/an pour la Vision 2 et à 221 M€/an pour la Vision 4.

Le SEW du projet est particulièrement sensible aux hypothèses des scénarios considérés. Le projet apporte ainsi un bénéfice plus élevé dans les scénarios prenant pour hypothèse une forte coordination européenne.

3.3.2. Bénéfices en termes de sécurité d'approvisionnement

La méthodologie de l'ENTSOE comporte un indicateur visant à valoriser les bénéfices en termes de sécurité d'approvisionnement, mais selon les GRT la monétisation de ces bénéfices est complexe et le TYNDP 2016 peut les sous-estimer. RTE et REE ont donc développé une méthode ad hoc permettant de les valoriser. La CRE et la CNMC relèvent que cette évaluation complémentaire s'appuie sur des scénarios très différents de ceux du TYNDP 2016, ce qui pose un risque de manque de précision.

Selon l'analyse des GRT, les bénéfices du projet en termes de sécurité d'approvisionnement s'élèvent à 40 M€/an, dès la mise en service de l'interconnexion. La CRE et la CNMC s'accordent pour utiliser l'estimation fournie par les GRT dans le cadre de cette demande d'investissement et en prenant acte des limites de la procédure du TYNDP 2016. Cependant, elles considèrent que cette méthodologie n'est pas mature et devrait être améliorée. Par conséquent, cette valeur doit être considérée comme une approximation, et les régulateurs saluent les travaux en cours en vue de la définition d'une méthodologie plus précise dans le contexte du TYNDP 2018.

3.4. Bénéfices nets du projet

L'analyse des coûts et des bénéfices du projet menée selon les hypothèses décrites précédemment permet de conclure que la VAN du projet est positive à l'échelle européenne : elle s'élève à 222 M€ en moyenne pour les quatre scénarios du TYNDP considérés en 2030. La VAN est négative pour les Visions 1 et 3 (- 90 M€ et - 40 M€), et positive dans les Visions 2 et 4 (60 M€ et 957 M€).

En utilisant l'hypothèse de répartition des coûts d'investissement proposée par les GRT dans la demande d'investissement (50/50, soit 875 M€ pour chacun des GRT), la VAN du projet à l'échelle française apparaît négative. Une analyse par pays démontre que cela est le cas dès lors que RTE supporte plus de 528 M€ de coûts d'investissement.

3.5. Demande de financement européen

La CRE et la CNMC soutiennent la demande des GRT d'obtenir une subvention européenne via le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) en 2017. Les régulateurs notent en particulier que la viabilité commerciale du projet ne serait pas assurée en l'absence de subvention. Si l'augmentation des tarifs estimée reste faible (1,2 % en France et 1,5 % en Espagne), le projet viendra fortement alourdir les programmes d'investissement de RTE et REE, et pourrait peser sur leur santé financière.

Par ailleurs, la réalisation du projet Golfe de Gascogne produira un certain nombre d'externalités positives qui ne bénéficieront pas uniquement aux pays hôtes mais également aux autres Etats membres et acteurs européens et qui ne sont pas monétisables. Golfe de Gascogne est ainsi l'occasion de développer des innovations technologiques liées au franchissement du Gouf de Capbreton. Il participe également à l'atteinte de l'objectif de 10 % d'interconnexion pour l'Espagne, ainsi qu'à la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques européens tels que le développement des énergies renouvelables. L'analyse coûts-bénéfices montre ainsi que la valeur du projet dépend particulièrement de la réalisation de ces objectifs.

Les régulateurs estiment ainsi que le niveau de subvention dont devrait à ce titre bénéficier le projet dans le cadre du MIE est de 700 M€, soit 40 % des coûts d'investissement du projet, sous la limite théorique de soutien financier par le MIE fixée à 50 %.

4. Conclusions de la CRE ET de la CNMC

Les résultats du TYNDP mettent en avant une répartition géographique déséquilibrée des bénéfices socio-économiques du projet entre la France et l'Espagne, cette dernière captant la majeure partie des bénéfices. Cela peut s'expliquer par la situation géographique de l'Espagne, en périphérie de l'Europe. Par ailleurs, certains pays non hôtes bénéficient également du projet. Cependant, si la somme totale des bénéfices des pays non hôtes reste relativement importante, chacun d'entre eux pris individuellement ne capte qu'une petite partie de ces bénéfices. Suivant la recommandation de l'ACER, les GRT ont donc décidé de ne pas demander de contribution financière à ces pays. Cette décision est partagée par la CRE et la CNMC.

Suivant l'évaluation de la demande d'investissement et les conclusions formulées ci-dessus, la CRE et la CNMC reconnaissent la nécessité d'une répartition transfrontalière des coûts, afin que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative. Les analyses menées montrent que pour atteindre cet objectif, la contribution de RTE aux coûts d'investissement du projet Golfe de Gascogne ne peut pas dépasser 528 M€.

La CRE et la CNMC décident donc que RTE et REE supporteront chacun la moitié des coûts d'investissement du projet (soit 875 M€), et que la subvention devra être allouée de manière à ce que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative (ce qui revient à ce que 350 M€ issus de la subvention soient attribués à RTE, quel que soit son montant). En cas d'absence de subvention ou de subvention inférieure à 350 M€, la CRE et la CNMC conviennent de trouver un nouvel accord pour la répartition des coûts, selon des modalités qui garantissent la mise en œuvre rapide du projet du Golfe de Gascogne.

Par ailleurs, REE supportera les éventuels dépassements de coûts d'investissement du projet jusqu'à ce que sa contribution nette totale (c'est-à-dire nette de l'aide financière versée par l'Union européenne) aux coûts d'investissement atteigne 875 M€. Tout dépassement supplémentaire des coûts au-delà de ce montant sera supporté à 62,5 % par REE et 37,5 % par RTE.

Enfin, les recettes de congestion liées au projet seront partagées à 50/50 entre RTE et REE, comme proposé par les GRT et retenu dans l'analyse coûts-bénéfices. Cependant, si le projet se révélait plus rentable que prévu initialement, un mécanisme spécifique serait mis en œuvre pour partager ces bénéfices additionnels. Ainsi, tout accroissement de 1 % du taux d'utilisation de l'interconnexion au-delà du taux prévisionnel se traduira par un paiement de RTE à REE de 0,3 M€. Ce montant prend en compte le surplus brut prévisionnel (net des pertes électriques) du projet et une clé de répartition prévoyant le transfert de RTE à REE de 25 % du bénéfice additionnel tiré de l'interconnexion par la France.

Si le taux d'utilisation s'avère inférieur au taux anticipé pour une année N, le transfert de RTE à REE sera réduit en conséquence l'année N + 1, sauf si cela conduit à un transfert négatif pour cette année N + 1, auquel cas aucun transfert ne sera réalisé, et le solde sera reporté sur l'année N + 2.

Ce mécanisme sera mis en œuvre pendant une durée de vingt-cinq ans. Si le solde est négatif à la fin de cette période, aucun transfert de REE à RTE ne sera réalisé. Après dix ans de service de l'interconnexion, la CRE et la CNMC évalueront ce mécanisme spécifique et pourront, le cas échéant, s'accorder sur un mécanisme différent.

DÉCISION DE LA CRE

La CRE adopte la décision relative au traitement de la demande de RTE et REE de répartition transfrontalière des coûts, qui a été rédigée conjointement par la CRE et la CNMC et est annexée à la présente délibération.

La CRE et la CNMC décident que RTE et REE supporteront chacun la moitié des coûts d'investissement du projet (soit 875 M€), et que la subvention devra être allouée de manière à ce que la VAN du projet à l'échelle de la France ne soit pas négative (ce qui revient à ce que 350 M€ issus de la subvention soient attribués à RTE, quel que soit son montant). En cas d'absence de subvention ou de subvention inférieure à 350 M€, la CRE et la CNMC conviennent de trouver un nouvel accord pour la répartition des coûts, selon des modalités qui garantissent la mise en œuvre rapide du projet du Golfe de Gascogne.

REE supportera les éventuels dépassements de coûts d'investissement du projet jusqu'à ce que sa contribution nette totale (c'est-à-dire nette de l'aide financière versée par l'Union européenne) aux coûts d'investissement atteigne 875 M€. Tout dépassement supplémentaire des coûts au-delà de ce montant sera supporté à 62,5 % par REE et 37,5 % par RTE.

Enfin, tout accroissement de 1 % du taux d'utilisation de l'interconnexion au-delà du taux prévisionnel se traduira par un paiement de RTE à REE de 0,3 M€. Ce montant prend en compte le surplus brut prévisionnel (net des pertes électriques) du projet et une clé de répartition prévoyant le transfert de RTE à REE de 25 % du bénéfice additionnel tiré de l'interconnexion par la France.

Dans la mesure où ils correspondent à ceux d'un opérateur efficace, les coûts effectivement supportés par RTE dans les conditions fixées par la présente décision de répartition des coûts et après déduction des aides financières de l'Union européenne seront intégrés au tarif du gestionnaire de réseau, en application des règles tarifaires en vigueur. La CRE définira par ailleurs les paramètres de la régulation incitative qui s'appliquera au projet Golfe de Gascogne dans les conditions fixées par le tarif TURPE 5 (1).

La présente délibération sera transmise à la CNMC et notifiée à RTE et à l'ACER.

La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française et transmise au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.