JORF n°0004 du 6 janvier 2011

Délibération du 7 octobre 2010

Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Maurice MÉDA, vice-président, M. Michel THIOLLIÈRE, vice-président, M. Jean-Paul AGHETTI, M. Emmanuel RODRIGUEZ et Mme Marie-Solange TISSIER, commissaires.

  1. Cadre juridique

Avant le 15 octobre de chaque année, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée de proposer au ministre chargé de l'énergie, pour l'année suivante, le montant des charges de service public de l'électricité définies à l'article 5 de la loi du 10 février 2000, sur la base de la comptabilité appropriée tenue par les fournisseurs supportant des charges.
La CRE doit aussi proposer le montant de la contribution unitaire (par kWh) applicable pour l'année suivante et qui doit couvrir, en application de la loi du 7 décembre 2006 :
― les charges de service public de l'électricité (1) ;
― le budget du Médiateur national de l'énergie ;
― les charges liées au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), à hauteur de 0,55 €/MWh maximum, sans que cela conduise à augmenter le montant de la contribution unitaire à un niveau supérieur à celui applicable à la date de publication de la loi du 7 décembre 2006, soit 4,5 €/MWh.
L'assiette des kWh soumis à contribution est évaluée à partir de la consommation finale d'électricité sur le territoire national, en tenant compte des exonérations et plafonnements prévus par la loi.
En application du décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004, les charges de service public de l'électricité prévisionnelles de l'année 2011 (CP11) sont égales :
― aux charges prévisionnelles imputables aux missions de service public au titre de l'année 2011 ;
― augmentées de l'écart entre les charges constatées en 2009 et les contributions recouvrées au titre de 2009 ;
― augmentées des charges constatées supplémentaires au titre des années antérieures qui n'avaient pas pu être prises en compte dans les charges 2010 du fait de défauts d'informations, nettes des contributions recouvrées au titre de ces années postérieurement à l'évaluation des charges de l'année 2010 (reliquat 04, 05, 06, 07 et 08) ;
― augmentées du montant prévisionnel des frais de gestion de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour 2011 (FGCDC11), ce montant comprenant l'écart entre les frais prévisionnels et les frais effectivement exposés au titre de 2009 ;
― diminuées des produits financiers réalisés par la CDC dans la gestion des fonds perçus au titre de 2009 (2).
L'annexe 5 fournit un historique des charges de service public par nature et de la contribution unitaire.
La proposition de la CRE est élaborée dans le cadre juridique actuel, qui prévoit que la CSPE est fixée par arrêté ou reconduite d'une année sur l'autre par application de l'article 5 de la loi du 10 février 2000.

(1) Charges dues à l'obligation d'achat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelable ou par cogénération, surcoûts de production dans les zones non interconnectées (ZNI) liés à la péréquation tarifaire et charges dues aux dispositions sociales. (2) Ces produits financiers ont été inclus dans les contributions recouvrées au titre de 2009.

  1. Charges de service public de l'électricité prévisionnelles 2011
    2.1. Charges par opérateur

Compte tenu des éléments détaillés figurant en annexes, la CRE retient pour l'année 2011 les montants indiqués dans le tableau 1, en millions d'euros (M€), dont le détail par opérateur est fourni en annexe 6.

Tableau 1 : charges prévisionnelles 2011 (M€)

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 4 du 06/01/2011 texte numéro 75

L'écart entre les charges constatées au titre de 2009 et les charges prévisionnelles au titre de la même année s'élève à + 794,4 M€. Il résulte essentiellement de la baisse des prix de marché constatés par rapport aux prix retenus pour la prévision, les prix de marché servant au calcul du coût évité par l'obligation d'achat en métropole continentale.
Les charges prévisionnelles 2009 sont supérieures de 582,1 M€ aux contributions recouvrées au titre de 2009. Le maintien de la contribution unitaire à 4,5 €/MWh au lieu des 5,8 €/MWh proposés par la CRE explique cet écart.
Les reliquats de charges sur les années 2004 à 2008 sont négatifs. Ils s'expliquent notamment par un retraitement des amortissements et de la rémunération des capitaux afférente déclarés par EDF dans les zones interconnectées sur cette période. Ce retraitement fait suite à une recommandation de la Cour des comptes figurant dans son rapport sur l'activité d'EDF dans ces zones.

2.2. Charges par nature

L'évolution des charges par nature au titre d'une année s'établit comme indiqué dans le tableau 2.

Tableau 2 : répartition des charges au titre d'une année, par nature

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 4 du 06/01/2011 texte numéro 75

(1) En métropole continentale.
(2) Corse, DOM, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles bretonnes des Glénans, Ouessant, Molène et Sein, Mayotte.

Entre 2009 et 2011, on constate :
― une hausse très forte des surcoûts relatifs aux contrats d'achat en métropole continentale, tirée par le fort développement des achats aux filières renouvelables, essentiellement les filières photovoltaïque et éolienne, qui représentent respectivement, au titre de 2011, 915 M€ et 408 M€. La baisse des surcoûts liés à la filière cogénération atténue un peu la hausse totale des surcoûts dus aux contrats d'achat. Elle est due notamment à la sortie de l'obligation d'achat de plusieurs installations en 2011 ;
― une augmentation des charges relatives à la péréquation tarifaire. Si les surcoûts de production se stabilisent, les surcoûts d'achat augmentent sensiblement, aussi bien pour les filières thermiques que renouvelables. Le développement des énergies renouvelables est porté par la filière photovoltaïque, qui devrait induire 83 M€ de charges en 2011. Le développement de la filière thermique s'explique par la reprise d'une activité normale après les grèves observées au premier trimestre 2009 et par la mise en service de la première centrale Diesel exploitée par EDF PEI, filiale d'EDF, et qui vient remplacer la centrale existante de Bellefontaine en Martinique ;
― une forte diminution des charges dues aux dispositions sociales en raison d'une baisse du nombre de bénéficiaires à hauteur d'environ 960 000 à 670 000. D'après EDF, il y avait, à la fin de l'année 2009, plus de bénéficiaires du tarif de première nécessité (TPN) que de foyers bénéficiaires à cette date de la CMU-C (et donc ayant droit au TPN). En effet, l'élargissement (3) du critère d'éligibilité au TPN est intervenu en août 2008, mais le bénéfice du TPN pour les nouveaux ayants droit n'a été effectif qu'à partir de fin 2008-début 2009, le temps que le processus d'attribution du TPN aboutisse. Aussi, fin 2009, nombreux étaient les consommateurs qui bénéficiaient du TPN (4) alors qu'ils n'y avaient plus droit à cette date. Ils ont été alors sortis du dispositif. De plus, EDF a constaté une diminution du nombre de demandes reçues pour bénéficier de ce tarif : un nouvel ayant droit sur trois en faisait la demande début 2009, contre un sur quatre seulement début 2010. Les causes de cette évolution n'ont pu être identifiées à ce jour. Une analyse approfondie doit être menée pour identifier les mesures permettant d'attribuer le TPN à tous les ayants droit titulaires d'un contrat de fourniture d'électricité.

(3) Les ayants droit sont devenus les personnes bénéficiant de la CMU-C. (4) Le bénéfice du TPN est pour un an. Le renouvellement n'est pas automatique et doit être demandé.

Tableau 3 : détail des charges par filière d'achat (métropole et ZNI)

| | 2008 |2009 |PRÉVISION 2010|PRÉVISION 2011| |--------------------------------|------|-----|--------------|--------------| | Cogénération |828,8 |950,4| 668,9 | 705,3 | | Energies renouvelables | 14,1 |582,2| 589,6 | 1 567,0 | | Photovoltaïque | 14,5 |66,1 | 177,0 | 998,1 | | Eolien | 85,9 |323,9| 316,8 | 413,5 | | Hydraulique |― 68,0|117,7| 30,4 | 67,8 | | Biomasse | 9,2 |20,9 | 43,8 | 53,2 | | Biogaz | 4,3 |25,6 | 23,4 | 32,6 | | Géothermie | 4,7 | 1,6 | 4,8 | 6,6 | |Incinération d'ordures ménagères|― 36,5|26,5 | ― 66,7 | ― 64,9 |

  1. Nombre de kWh soumis à contribution

| | 2010 | 2011 | |-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|-------------|-------------| | Consommation intérieure prévisionnelle (hors pertes) (TWh) | 467,6 | 464,2 | | TWh exonérés de CSPE (*) |92,5 (19,8 %)|90,8 (19,6 %)| | Total TWh soumis à contribution | 375,1 | 373,4 | | (*) Exonération des auto-producteurs jusqu'à 240 GWh par site de production, plafonnement à 500 k€ par site de consommation, plafonnement à 0,5 % de la valeur ajoutée des sociétés industrielles consommant plus de 7 GWh.| | |

L'assiette de contribution ne prend pas en compte les mesures introduites par la loi du 13 juillet 2005 relatives à la taxation/détaxation de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables ou par cogénération vendue/achetée dans un autre Etat membre de l'Union européenne. En effet, à défaut de données constatées à ce jour, l'impact de ces mesures sur l'assiette de contribution est considéré comme globalement peu significatif (l'une des mesures impactant l'assiette à la hausse, l'autre à la baisse).

  1. Contribution unitaire 2011

La contribution unitaire nécessaire pour couvrir les charges de service public de l'électricité en 2011 est évaluée à 12,90 €/MWh, dont 9,3 €/MWh pour couvrir les charges de service public prévisionnelles au titre de 2011 et 3,6 €/MWh pour couvrir la régularisation 2009 et les reliquats.
Le soutien à la filière photovoltaïque, qui connaît un développement très dynamique, représente, à lui seul, 2,7 €/MWh au titre de 2011. Si la filière s'était développée de manière plus progressive, conduisant à atteindre les objectifs 2020 de la programmation pluriannuelle des investissements à cette échéance, la part de la CSPE au titre de 2011 aurait été limitée à 7,4 €/MWh.
La contribution unitaire nécessaire pour couvrir le budget du Médiateur national de l'énergie en 2011 est estimée à 0,02 €/MWh.
Ainsi, la contribution unitaire 2011 (CSPE 2011) nécessaire pour couvrir les charges s'élève à 12,9 €/MWh. Si le plafond fixé à l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 était maintenu, elle devrait être fixée au maximum à 5,58 €/MWh. Ce plafonnement entraînerait, sur 2011, un déficit de recouvrement estimé à 2,7 Mds€, à la charge d'EDF.
En application des dispositions de l'article 16 de la loi du 7 décembre 2006, la CSPE 2011 ne participe pas au financement d'une partie des charges supportées par les fournisseurs qui alimentent des clients au tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché en 2011.
Les montants imputables aux contrats d'achat relevant de l'article 8 ou 10 de la loi du 10 février 2000 sont évalués, pour la cogénération, respectivement à 0,70 (5) €/MWh et 0,29 €/MWh et, pour les énergies renouvelables, respectivement à 5,17 (5) 5 €/MWh et 2,18 €/MWh, selon que la CSPE 2011 est égale à 12,9 €/MWh ou à 5,58 €/MWh. La détermination de ces montants est nécessaire à la mise en œuvre des dispositions de l'article 58 de la loi du 13 juillet 2005 relatives à l'achat ou à la vente dans un autre Etat membre de l'Union européenne d'électricité produite à partir d'une source d'énergie renouvelable ou par cogénération.
Fait à Paris, le 7 octobre 2010.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette

(5) Seuls les surcoûts relatifs à des contrats d'obligation d'achat (article 10) ou issus d'un appel d'offres (article 8) sont pris en compte pour la détermination de ces contributions unitaires. En particulier, les surcoûts dus aux cogénérations sous contrats C97 et C99 (article 50) n'entrent pas en ligne de compte.