Participaient à la séance : Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE et Hélène GASSIN, commissaires.
- CONTEXTE
1.1. Cadre juridique
Les dispositions des articles L. 271-1 à L. 271-3 du code de l'énergie, telles que résultant de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ont fait évoluer le cadre juridique applicable aux effacements de consommation d'électricité.
L'article L. 271-2 du code de l'énergie introduit de nouvelles évolutions, dont les modalités d'application ont été fixées par un décret en Conseil d'Etat (décret n° 2016-1132 du 19 août 2016 modifiant les dispositions de la partie réglementaire du code de l'énergie relatives aux effacements de consommation d'électricité). En modifiant les articles R. 271-1 à R. 271-9 du code de l'énergie, ce décret vient préciser ou modifier certaines des dispositions suivantes portant sur la valorisation des effacements de consommation sur le marché de l'énergie et sur le mécanisme d'ajustement.
L'entrée en vigueur des dispositions issues de ce décret nécessite par conséquent ainsi une adaptation des règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie (ci-après « règles NEBEF ») et des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre (ci-après « règles MA-RE »).
Les articles L. 271-2 et R. 271-3 du code de l'énergie précisent le cadre de cette évolution des règles NEBEF et des règles MA-RE.
En application des dispositions du troisième aliéna de l'article L. 271-2 du code de l'énergie, « les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Ce décret précise notamment les modalités utilisées pour caractériser et certifier les effacements de consommation d'électricité. Il prévoit également les conditions d'agrément technique des opérateurs d'effacement, les modalités de délivrance de cet agrément ainsi que le régime de sanctions applicables pour garantir le respect des conditions d'agrément. Il peut renvoyer la définition de certaines modalités d'application à des règles approuvées par la Commission de régulation de l'énergie sur proposition du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité ».
L'article R. 271-3 du code de l'énergie prévoit qu'« en application des articles L. 271-2 et L. 321-15-1, après consultation des personnes intervenant sur les marchés de l'électricité et des gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité selon les modalités qu'il détermine, le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité définit les règles relatives à la mise en œuvre d'effacements de consommation par les opérateurs d'effacement sur les marchés de l'énergie et sur le mécanisme d'ajustement.
Ces règles, accompagnées des résultats de la consultation, sont soumises à l'approbation de la Commission de régulation de l'énergie.
La décision par laquelle la Commission de régulation de l'énergie approuve les règles est publiée au Journal officiel de la République française. En outre, les règles approuvées sont publiées par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité sur son site internet. »
L'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit en outre l'introduction d'un régime de versement mutualisé, permettant, pour les acteurs dont les effacements conduisent à des économies d'énergie significatives, une répartition du versement entre l'opérateur d'effacement et RTE (1). Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret en conseil d'état, après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). La CRE a rendu son avis sur le projet de décret dans sa délibération du 14 septembre 2016 (2). Le décret susmentionné ainsi que l'arrêté définissant les catégories d'effacement n'ont pas été publiés à ce jour.
L'article L.321-10 du code de l'énergie dispose que « […] les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement qui sont soumises au gestionnaire du réseau public de transport sur le mécanisme d'ajustement sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie, préalablement à leur mise en œuvre ».
L'article L.321-14 du code de l'énergie précise que « […] les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières mentionnées au précédent alinéa sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie ».
1.2. Saisine de la CRE
Par courrier du 9 novembre 2016, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) a saisi, en application des dispositions des articles L. 271-2, L. 321-15-1, L.321-10 et L.321-14 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en vue de l'approbation de nouvelles règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre (ci-après les « Règles MA-RE 8.1 »). Cette saisine a été faite de manière simultanée à une saisine relative aux règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie (ci-après les « Règles NEBEF 3.0 ») qui font l'objet d'une autre délibération de la CRE datée du 7 décembre 2016.
Les Règles MA-RE 8.1 modifient les sections 1 et 2 des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre actuellement en vigueur. Les évolutions proposées par RTE visent notamment à mettre en cohérence ces règles avec le cadre prévu par les dispositions issues du décret n° 2016-1132 du 19 août 2016.
Dans le cadre du Comité des utilisateurs du réseau de transport d'électricité (CURTE), RTE a mené un large travail préalable de concertation des acteurs afin de préparer l'évolution de ces modalités depuis mars 2016. A l'issue de cette phase d'instruction et de travaux avec les parties prenantes, RTE a élaboré des projets de règles qui ont fait l'objet d'une consultation publique du 4 au 24 octobre 2016.
RTE propose que les Règles MA-RE 8.1 entrent en vigueur le 1er janvier 2017.
Le 1er décembre 2016, la CRE a organisé une table ronde avec les acteurs ayant participé à la concertation menée par RTE.
- ÉVOLUTIONS PROPOSÉES PAR RTE
2.1. Mise en œuvre des dispositions issues du décret n° 2016-1132 du 19 août 2016
2.1.1. Simultanéité d'un effacement indissociable de la fourniture et d'un ajustement
2.1.1.1. Proposition de RTE
L'article R. 271-5 du code de l'énergie, modifié par le décret n° 2016-1132 du 19 août 2016, précise comment doivent être traités les cas dans lesquels il y a simultanéité entre plusieurs effacements sur un même site (dont notamment un effacement indissociable de la fourniture, ci-après « EIF ») :
- « Lorsqu'il est techniquement possible de différencier plusieurs effacements sur un même site de consommation durant une plage temporelle donnée, plusieurs opérateurs d'effacement et le fournisseur d'électricité du site pour ses offres d'effacement indissociables de l'offre de fourniture peuvent intervenir simultanément sur ce site durant cette plage.
- Lorsqu'il n'est pas possible de distinguer les opérations d'effacement sur un même site durant une plage temporelle donnée, les règles prévues à l'article R. 271-3 peuvent restreindre le nombre de personnes morales, opérateurs d'effacement ou fournisseurs d'électricité pour leurs offres d'effacement indissociables de l'offre de fourniture, pouvant se voir attribuer chacun une part du volume effacé sur ce site durant cette plage temporelle, selon des modalités qu'elles précisent.
- A défaut, elles prévoient que l'effacement de consommation réalisé ne peut être attribué qu'à la personne morale, le fournisseur d'électricité du site pour ses offres d'effacement indissociables de l'offre de fourniture ou l'opérateur d'effacement, ayant conclu le contrat en cours d'exécution le plus ancien. »
La gestion de la simultanéité entre effacements valorisés explicitement sur les marchés de l'énergie (ci-après « effacements explicites ») et EIF, en particulier la possibilité technique de différencier ou non plusieurs effacements sur un même site et sur une même plage temporelle, telle que prévue par le décret, dépend de nombreux paramètres :
- le type d'EIF : à ce jour, les seuls EIF connus sont les offres tarifaires EJP / Tempo, l'appel à contributions mené par RTE afin d'approfondir les connaissances sur les EIF n'ayant reçu aucune réponse de la part des fournisseurs ;
- le type d'effacements explicites (plutôt courts sur le mécanisme d'ajustement et effectués à la demande du gestionnaire de réseau de transport (ci-après, « GRT »), plus longs et à l'initiative de l'opérateur d'effacement sur le mécanisme NEBEF) ;
- les méthodes de contrôle du réalisé et le modèle de versement (corrigé ou régulé).
Sur le mécanisme d'ajustement, les effacements sont courts et effectués à la demande du GRT, tandis que les EIF type EJP / Tempo sont longs. RTE considère donc qu'il est presque toujours possible de différencier les EIF des effacements explicites valorisés sur le mécanisme d'ajustement. Il existe des cas théoriques pour lesquels ces deux effacements ne seraient pas différenciables : leur probabilité d'occurrence est jugée faible par RTE (3). RTE propose donc de considérer que les EIF et les effacements explicites sur le mécanisme d'ajustement sont systématiquement différenciables, ce qui se traduit par une absence d'évolution des règles relatives au mécanisme d'ajustement.
En outre, l'article R. 271-7 du code de l'énergie, modifié par le décret n° 2016-1132 du 19 août 2016, précise que : « les fournisseurs déclarent au gestionnaire du réseau public d'électricité auquel les sites concernés sont raccordés ceux dont ils valorisent les effacements dans le cadre d'offres indissociables de l'offre de fourniture ainsi que, le cas échéant, les périodes d'activation. S'il s'agit d'un gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, ce dernier transmet ces informations au GRT. »
Les Règles MA-RE 8.1 prévoient que les fournisseurs transmettent aux gestionnaires de réseau les informations requises relatives aux sites ayant souscrit une offre d'effacement indissociable de la fourniture et celles relatives aux activations d'EIF. Elles prévoient également la possibilité pour le fournisseur de transmettre de manière facultative des données supplémentaires afin d'enrichir la connaissance sur les EIF et d'étayer l'analyse ci-dessus, qui a été construite sur la base des EJP / Tempo uniquement.
2.1.1.2. Position des acteurs de marché
Deux acteurs ont noté que les EIF ne se limiteraient probablement pas aux seules options EJP et TEMPO.
Un opérateur d'effacement demande à avoir accès aux informations relatives aux EIF transmises par les fournisseurs à RTE.
Un autre opérateur d'effacement souhaite que le dispositif de simultanéité décrit ci-dessus soit transposé au cas de plusieurs effacements explicites sur un même site.
2.1.1.3. Analyse de la CRE
La CRE est favorable à la proposition de RTE. La CRE partage l'analyse selon laquelle la quasi-totalité des effacements explicites sur le mécanisme d'ajustement seront différenciables des EIF (au moins 90% des cas de simultanéité). Pour les cas résiduels dans lesquels deux effacements ne pourraient pas être différenciés, il apparaît techniquement impossible d'ici l'entrée en vigueur des règles de mettre en œuvre un dispositif pour identifier de manière fine les occurrences des cas concernés et de mettre en œuvre une règle pouvant restreindre le nombre de personnes morales opérant sur le site et pouvant se voir attribuer les volumes d'effacements, comme cela est prévu par l'alinéa 6 de l'article R. 271-5 du code de l'énergie.
Par ailleurs, la CRE demande à RTE de reconduire systématiquement l'analyse relative aux EIF dans les cas suivants :
- connaissance de nouveaux EIF ;
- introduction de nouvelles méthodes de contrôle du réalisé.
En outre, en raison de la nature d'informations commercialement sensibles, tel que précisé par l'article L 321-15-1 du code de l'énergie, des informations relatives aux EIF transmises par les fournisseurs à RTE, la CRE considère que seules les informations ayant un impact sur leur activité peuvent être transmises aux opérateurs d'effacements (i.e. en cas d'effacements non différenciables d'un EIF, lorsqu'une restriction leur est appliquée).
Enfin, la question du « multi-opérateurs » faisant simultanément des offres à partir d'un même site sera traitée dans le cadre de la Feuille de Route de l'équilibrage.
2.1.2. Autres évolutions visant à mettre en œuvre les dispositions issues du décret n° 2016-1132 du 19 août 2016
Les Règles MA-RE 8.1 introduisent des évolutions qui visent à mettre en cohérence les règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre avec les Règles NEBEF 3.0. Ces évolutions sont traitées dans la délibération portant approbation des règles relatives à la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie du 7 décembre 2016.
La CRE est favorable à la mise en cohérence de ces évolutions au sein des Règles MA-RE 8.1.
2.2. Mise en œuvre des évolutions relatives aux flux financiers des réserves
2.2.1. Mode de financement des réserves
2.2.1.1. Proposition de RTE
Conformément à la demande de la CRE dans sa délibération du 19 octobre 2016 portant projet de décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans le domaine de tension HTB (ci-après « TURPE 5 »), RTE propose dans les Règles MA-RE 8.1 de transférer le financement, du compte ajustement écarts (ci-après « CAE ») vers le TURPE, des coûts d'équilibrage à vocation capacitaire (financement des surcoûts liés à la reconstitution des marges, ainsi que des réserves rapide et complémentaire). Ces évolutions ont été concertées dans le cadre des consultations publiques de la CRE (4) (5) relatives à l'élaboration des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.
RTE ne propose pas à ce stade de revoir les valeurs des coefficients « k » (appliqué au prix de règlement des écarts, ci-après « PRE ») et « c » (appliqué au soutirage physique des responsables d'équilibre) qui pourraient être induites par les évolutions des flux financiers du CAE.
2.2.1.2. Analyse de la CRE
La CRE est favorable à la proposition de RTE mettant en œuvre les décisions prises dans la délibération du 19 octobre 2016 susmentionnée.
La CRE estime qu'il est nécessaire de réviser la valeur du coefficient « c », dans la mesure où son dimensionnement avait été fixé en prenant en compte le financement de réserves qui sont désormais portées par le TURPE 5 (réserves rapide et complémentaire) ou par la CSPE à partir de 2018 (appel d'offres effacements). La CRE demande à RTE de lui soumettre une proposition à cet effet d'ici le 1er avril 2017.
Concernant la valeur fixée ex-ante du coefficient « k », la CRE souhaite disposer d'un retour d'expérience sur la mise en œuvre des flux financiers relatifs à l'énergie d'équilibrage et d'un prix de règlement des écarts unique avant de procéder, le cas échéant, à sa revalorisation. A la différence du coefficient « c », cette revalorisation n'a pas besoin d'être immédiate dans la mesure où la CRE fixe annuellement le solde des flux financiers relatifs à l'énergie d'équilibrage au sein du CAE, et donc la valeur ex-post du coefficient « k ».
2.2.2. Décalage de la date d'entrée en vigueur du prix de règlement des écarts unique
2.2.2.1. Proposition de RTE
Dans sa délibération du 10 mars 2016 (6), la CRE avait approuvé la proposition de RTE de mettre en œuvre un prix de règlement des écarts unique, intégrant les énergies de réglage des réserves automatiques, à partir du 1er janvier 2017. Cette date avait été choisie de manière à laisser le temps nécessaire, d'une part à RTE pour mener les développements informatiques requis et, d'autre part aux RE fournisseurs pour adapter leur contrat de fourniture à cette évolution si besoin.
RTE propose, dans les Règles MA-RE 8.1, de décaler la date de cette évolution au 3 avril 2017, en raison de difficultés opérationnelles. Cette proposition a été annoncée à l'issue de la concertation.
2.2.2.2. Analyse de la CRE
La CRE regrette le décalage de la modification du PRE mais note qu'il est dû à des contraintes opérationnelles dans le contexte particulier d'un passage de l'hiver 2016/2017 sous forte vigilance pour le système électrique.
2.3. Autres évolutions
2.3.1.1. Proposition de RTE
Les Règles MA-RE 8.1 intègrent par ailleurs d'autres évolutions, principalement relatives à :
- la priorité d'appel aux énergies renouvelables et à la cogénération (prévue par l'article R. 324-21) ;
- l'unicité de l'acteur d'ajustement et du responsable de programmation, pour les entités d'ajustement constituées d'un site d'injection raccordé au réseau public de transport.
2.3.1.2. Position des acteurs de marché
Un acteur a remis en cause la notion d'unicité de l'acteur d'ajustement et du responsable de programmation, pour les entités d'ajustement constituées d'un site d'injection raccordé au réseau public de transport (ci-après « RPT »), et souhaite que ce sujet soit instruit dans le cadre d'une prochaine évolution des règles.
Les autres évolutions n'ont pas fait l'objet de remarques de la part des acteurs.
2.3.1.3. Analyse de la CRE
La CRE note que la notion d'unicité de l'acteur d'ajustement et du responsable de programmation, pour les entités d'ajustement constituées d'un site d'injection raccordé au réseau public de transport, relève d'une clarification des règles existantes, dans la mesure où le fonctionnement actuel du mécanisme d'ajustement, pour les groupes raccordés au RPT, repose sur le principe d'un acteur d'ajustement identique au responsable de programmation.
La CRE est favorable aux autres évolutions proposées par RTE dans les Règles MA-RE 8.1.
- DÉCISION DE LA CRE
3.1. Approbation
En application des dispositions des articles L. 271-2, R. 271-3, L. 321-10 et L. 321-14 du code de l'énergie, la CRE approuve les règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre qui lui ont été soumises par RTE par courrier du 9 novembre 2016.
Les règles entreront en vigueur le 1er janvier 2017. Elles sont publiées sur le site de RTE.
La présente délibération est publiée au Journal officiel de la République française.
3.2. Autres demandes de la CRE
La CRE demande à RTE :
- de poursuivre les analyses menées en 2016 sur la gestion simultanée des effacements indissociables de la fourniture et des effacements explicites, notamment en cas de connaissance de nouveaux EIF (autres que EJP et Tempo) ou en cas d'introduction de nouvelles méthodes de contrôle du réalisé sur le mécanisme d'ajustement ;
- de lui soumettre, d'ici le 1er avril 2017, une proposition de révision de la valeur du prix proportionnel au soutirage physique des responsables d'équilibre (« coefficient c »).
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