Les niveaux de rentabilité induits par les tarifs proposés dépendent fortement de l'efficacité énergétique des installations (notée V ci-dessous). En fonction de ce critère, trois catégories de rentabilité peuvent être identifiées :
50 % ¸ V ¸ 65 % : seules les installations aux coûts d'approvisionnement les plus faibles et aux coûts d'investissement les mieux maitrisés sont susceptibles d'atteindre des niveaux de rentabilité satisfaisants, c'est-à-dire comparables au coût moyen pondéré du capital cible ;
65 % ¸ V ¸ 80 % : les projets types, c'est-à-dire correspondant aux hypothèses faites dans le scénario de référence, bénéficient de rentabilités normales (entre 5,5 et 8 % de TRI projet) ;
V ¹ 80 % : les tarifs permettent à l'ensemble des projets d'atteindre des niveaux de rentabilité normaux. Les rentabilités maximales induites restent inférieures à 10 %.
En conclusion, l'analyse des TRI projet montre que les tarifs proposés sont appropriés : ils induisent des rentabilités normales, sans être excessives, pour les projets aux coûts les mieux maitrisés et à ceux présentant des efficacités énergétiques supérieures à 65 %.
Cette structure tarifaire, peu incitative pour des efficacités énergétiques faibles, est en cohérence avec la directive 2009/28/CE qui prévoit que « dans le cas de la biomasse, les Etats membres encouragent les technologies de conversion présentant un rendement de conversion [...] d'au moins 70 % pour les applications industrielles. »
- Cas des projets de 1 à 5 MW destinés à alimenter
en chaleur des entreprises de scierie
2.1. Le tarif applicable paraît adéquat
Le projet d'arrêté prévoit d'accorder une dérogation aux conditions d'attribution de la prime X aux installations exploitées par une entreprise référencée sous le code NAF 1610A (sciage et rabotage du bois) dont l'énergie thermique est exclusivement valorisée pour le séchage et autres traitements thermiques de la production de cette même entreprise. Pour ces installations, le seuil serait abaissé à 1 MW, au lieu de 5 MW dans le cas général.
Les installations visées par cette dérogation présentent, du fait d'une puissance installée réduite, des coûts d'investissement supérieurs aux hypothèses de référence retenues au paragraphe 1. En revanche, elles bénéficient de conditions d'approvisionnement plus favorables en raison de la disponibilité sur place de produits connexes de scierie. L'écart de coût d'approvisionnement est évalué à environ 3 € par MWh de biomasse mobilisée.
Au final, les niveaux de rentabilité obtenus sont comparables à ceux des projets de plus de 5 MW bénéficiant de la prime complémentaire X. Ainsi, seules les installations d'une efficacité énergétique supérieure à 65 % pourront bénéficier d'un tarif incitatif. A titre indicatif, le temps de retour brut sur investissement pour un projet de 1,5 MW présentant une efficacité énergétique de 65 % est estimé à douze années.
2.2. Les risques de conflit d'usage liés à ce tarif sont à analyser
La filière biomasse présente une difficulté singulière liée aux nombreux usages des produits employés comme combustibles. Une partie d'entre eux peut également servir à l'alimentation humaine ou animale, comme matière première non substituable dans certaines industries de transformation telles que la fabrication de pâte à papier ou de panneaux, ou trouver des débouchés plus pertinents dans d'autres secteurs énergétiques (chauffage individuel et collectif, biocarburants...).
A ce jour, le développement de la filière biomasse en France destinée à la production d'électricité résulte principalement de la mise en œuvre des appels d'offres prévus à l'article 8 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. La procédure d'appel d'offres peut permettre un contrôle effectif par la puissance publique des quantités de biomasse mobilisées, par zone géographique, et des risques de conflit d'usage.
Les conditions d'éligibilité à la prime complémentaire X fixées dans l'arrêté tarifaire en vigueur permettent, dans une moindre mesure, de limiter les conflits d'usage dans la mobilisation de la ressource. En effet, près de 50 % de la biomasse d'origine sylvicole mobilisée doit provenir directement de la forêt. Cependant, le reste de l'approvisionnement peut être fait à partir de ressources utilisées par d'autres industries.
Dans le cas d'installations de 1 à 5 MW destinées à alimenter en vapeur des entreprises de scierie pour leurs besoins de séchage, la majorité de l'approvisionnement devrait se faire à partir de produits connexes de scierie, dont une grande partie est à l'heure actuelle valorisée par l'industrie de la trituration (dosses, délignures, sciure).
En conclusion, la dérogation accordée aux installations de 1 à 5 MW destinées à alimenter en chaleur les entreprises de scierie pourrait engendrer de forts conflits d'usage sur la mobilisation de produits connexes de scierie. La CRE attire l'attention du législateur sur la nécessité d'évaluer les impacts de cette dérogation sur les conditions d'approvisionnement d'autres filières industrielles soumises à une compétition internationale. A défaut, il conviendra de constater a posteriori les conséquences de ces mesures.
- Opportunité d'adopter un tarif hiver-été
Contrairement à la structure tarifaire définie dans l'arrêté abrogé du 16 avril 2002 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant, à titre principal, l'énergie dégagée par la combustion de matières non fossiles d'origine végétale, le tarif de référence envisagé n'est pas modulé par des critères de disponibilité ou de puissance garantie. Or, les centrales électriques utilisant la biomasse ont l'avantage, par rapport à d'autres filières de production, de présenter une capacité de modulation de puissance en fonction des besoins. Dès lors, il semble pertinent d'inciter à une production maximale pendant les périodes où la consommation est la plus élevée.
Par conséquent, la CRE recommande de réintroduire une exigence de disponibilité en hiver et un malus qui s'imputerait en diminution du tarif de référence en cas de non-respect de cette exigence.
- La structure tarifaire proposée ne modifie que peu les prévisions de charges
de service public due au développement de la filière
La programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité en vigueur prévoit l'installation de 2 300 MW d'installations de production d'électricité à partir de biomasse entre la fin de l'année 2009 et l'année 2020. Selon le plan d'action national en faveur des énergies renouvelables fixé pour la période 2009-2020, 500 MW d'installations valorisant du biogaz pourraient participer à cet objectif. En supposant que 800 MW de centrales biomasse seront développées dans le cadre d'appels d'offres, 1 100 MW d'installations biomasse solide sous obligation d'achat pourraient être construites d'ici à 2020.
Sur cette base, les charges annuelles de service public à l'horizon 2020 induites par le projet d'arrêté seraient comprises entre 250 et 800 M€.
Tableau 2 : estimation des charges annuelles de service induites
par le projet d'arrêté en fonction des prix de marché
|PRIX DE MARCHÉ (coût évité)
(€/MWh)|CHARGES ANNUELLES À COMPTER DE 2020
(7,7 TWh en obligation d'achat)|
|-----------------------------------------|-------------------------------------------------------------------------|
| 50 | 600-800 M€/an |
| 75 | 400-600 M€/an |
| 100 | 250-400 M€/an |
Avis de la CRE
Rentabilité des projets de plus de 5 MW
La baisse de 3,6 % des tarifs d'achat proposée induit une diminution des rentabilités des projets de plus de 5 MW sous obligation d'achat. Cependant, les tarifs proposés paraissent appropriés : ils induisent des rentabilités normales, sans être excessives, pour les projets aux coûts les mieux maitrisés et ceux présentant des efficacités énergétiques supérieures à 65 %.
Cas des projets sur le site de scieries
Le tarif applicable aux projets de 1 à 5 MW destinés à alimenter en chaleur des entreprises de scierie, composé du tarif de référence et de la prime complémentaire, induit des niveaux de rentabilité comparables à ceux des projets de plus de 5 MW bénéficiant de la prime complémentaire X. En effet, les installations visées par cette dérogation qui présentent, du fait d'une puissance installée réduite, des coûts d'investissement unitaires élevés, bénéficient également de conditions d'approvisionnement plus favorables en raison de la disponibilité sur place de produits connexes de scierie.
Cependant, la majorité de l'approvisionnement de ces installations devrait provenir de produits connexes de scierie, dont une grande partie est à l'heure actuelle valorisée par l'industrie de la trituration (dosses, délignures, sciure). La CRE attire l'attention du législateur sur la nécessité d'évaluer les impacts de la dérogation accordée sur les conditions d'approvisionnement d'autres filières industrielles soumises à une compétition internationale. A défaut, il conviendra de constater les conséquences de ces mesures.
Opportunité d'adopter un tarif hiver-été
Les centrales électriques utilisant la biomasse ont l'avantage, par rapport à d'autres filières de production, de présenter une capacité de modulation de puissance en fonction des besoins. Dès lors, il semble pertinent d'inciter à une production maximale pendant les périodes où la consommation est la plus élevée.
Par conséquent, la CRE recommande de réintroduire une exigence de disponibilité en hiver et un malus qui s'imputerait en diminution du tarif de référence en cas de non-respect de cette exigence.
Charges de service public
Sur la base d'une augmentation de capacité de 1 100 MW d'ici à 2020, des installations de cogénération biomasse bénéficiant de l'obligation d'achat, les charges annuelles de service public à l'horizon 2020 induites par le projet d'arrêté seraient comprises entre 250 et 800 M€ en fonction des prix de marché.
Fait à Paris, le 29 décembre 2010.
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