II. ― Description du projet de décision notifié
Contexte
RTE est le gestionnaire de réseau de transport d'électricité en France. Afin de se conformer aux règles applicables en matière de dissociation des gestionnaires de réseau de transport, RTE a choisi le modèle de gestionnaire de réseau de transport indépendant (ci-après « GTI ») visé à l'article 9, paragraphe 8, point b, de la directive Electricité. Ce choix est ouvert à RTE en vertu de la législation française assurant la transposition de la directive Electricité.
L'article 9 de la directive 2009/72/CE établit des règles relatives à la dissociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseau de transport. Conformément à l'article 9, paragraphe 8, point b, de cette directive, lorsque, le 3 septembre 2009, le réseau de transport appartient à une entreprise verticalement intégrée (ci-après « EVI »), un Etat membre peut décider de ne pas appliquer le paragraphe 1 dudit article, pour autant que l'Etat membre concerné se conforme aux dispositions du chapitre V établissant des exigences pour les gestionnaires de réseau de transport indépendants (articles 17 à 23 de la directive Electricité).
La CRE a examiné si, et dans quelle mesure, RTE respecte les règles du modèle GTI relatives à la dissociation prévues par la législation française assurant la transposition de la directive Electricité. Dans son projet de décision, la CRE a recensé un certain nombre de mesures qui restent à prendre pour garantir le plein respect des règles relatives à la dissociation. Le récapitulatif des mesures concernées figure au point 7 du projet de décision de la CRE.
III. ― Commentaires
Sur la base de la notification de la CRE, la Commission souhaite formuler les commentaires suivants sur le projet de décision.
- Choix du modèle GTI
Conformément à l'article 9, paragraphe 8, de la directive Electricité, le modèle GTI peut être appliqué dans les cas où, le 3 septembre 2009, le réseau de transport appartenait à une EVI. Dans le cas présent, la Commission estime, comme la CRE, que le choix du modèle GTI est légitime, étant donné que le réseau de transport concerné appartenait effectivement à une EVI à la date considérée.
- Définition de la notion d'EVI
Une définition de la notion d'EVI figure à l'article 2, paragraphe 21, de la directive Electricité. La définition de la notion d'EVI est nécessaire à l'application d'un nombre considérable de dispositions de la directive Electricité en matière de dissociation. Dans son projet de décision, la CRE se réfère à la notion d'EVI telle que définie dans la législation française assurant la transposition de la directive Electricité. La Commission se demande si la définition contenue dans la législation française est conforme aux dispositions de la directive Electricité. La Commission constate que la définition de la notion d'EVI contenue dans la législation française semble, entre autres, exclure catégoriquement, et sans justification apparente, les entreprises contrôlées par l'EVI mais établies à l'extérieur de l'Espace économique européen. Par ailleurs, la définition de la notion d'EVI contenue dans la législation française semble exclure, sans justification apparente, les gestionnaires de réseau de distribution contrôlés par l'EVI. La Commission est d'avis que la définition de la notion d'EVI contenue dans la législation française ne semble pas conforme aux dispositions de l'article 2, paragraphe 21, de la directive Electricité. La Commission considère que, dans sa décision finale de certification, la CRE devrait appliquer une définition de la notion d'EVI qui soit conforme aux dispositions de l'article 2, paragraphe 21, de la directive Electricité.
- Missions du GTI
Conformément aux dispositions de la directive Electricité, le GTI est tenu d'exercer l'activité de transport d'électricité, y compris d'effectuer toutes les tâches incombant à un gestionnaire de réseau de transport en vertu de l'article 12, ainsi qu'un certain nombre de tâches supplémentaires énumérées à l'article 17, paragraphe 2, de la directive Electricité. Pour ces tâches, le GTI doit être autonome. Le projet de décision ne précise pas si toutes les tâches pertinentes ont bien été confiées à RTE. La Commission considère que, dans sa décision finale de certification, la CRE devrait préciser les moyens mis en œuvre par elle pour vérifier que toutes les tâches pertinentes ont été confiées à RTE.
- Contrats de services entre l'EVI et le GTI
A. ― Services fournis au GTI par d'autres parties de l'EVI
L'article 17, paragraphe 1, point c, de la directive Electricité prévoit des règles particulières relatives à la passation de contrats de services entre d'autres parties de l'EVI et le GTI. Etant donné que le GTI devrait être autonome et indépendant des autres parties de l'EVI, la directive Electricité interdit la passation de contrats de fourniture de services au GTI par une autre partie de l'EVI. A titre d'observation préliminaire, et compte tenu de l'interdiction générale relative à la prestation de services en faveur du GTI par d'autres parties de l'EVI, la Commission considère qu'une dérogation ne pourrait être envisagée que dans des circonstances exceptionnelles. Ce type de dérogation devrait faire l'objet d'une interprétation stricte et ne devrait pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour protéger des intérêts supérieurs tels que la sûreté et la fiabilité du réseau de transport. Une dérogation ne pourrait éventuellement être considérée comme justifiée que dans des cas exceptionnels, lorsque les services concernés sont strictement nécessaires pour protéger les intérêts supérieurs susvisés et lorsqu'aucun prestataire de services autre que l'EVI ne pourrait fournir ces services au GTI. En principe, ce type de dérogation devrait également revêtir un caractère purement transitoire et être limité dans le temps. Il convient en outre de garantir que les transactions entre d'autres parties de l'EVI et le GTI sont effectuées aux conditions normales du marché afin d'éviter tout financement croisé. Dans son projet de décision, la CRE n'a pas démontré de façon suffisamment précise si, dans le cas présent, tous les services fournis au GTI par d'autres parties de l'EVI sont strictement nécessaires pour protéger les intérêts supérieurs susvisés. La CRE n'a pas non plus démontré si les services concernés, même s'ils sont strictement et intrinsèquement nécessaires, pouvaient aussi être fournis par d'autres prestataires de services non liés à l'EVI, dans l'immédiat ou dans un avenir proche. Dans le cas présent, la Commission considère que les contrats de fourniture de services au GTI par d'autres parties de l'EVI, tels que, à titre d'exemple, les contrats de services de réseau visant à garantir l'équilibrage, l'ajustement, la sécurité ou la fiabilité, devraient être examinés conformément aux principes susvisés. Cette liste n'est pas exhaustive.
B. ― Services fournis par le GTI à d'autres parties de l'EVI
Conformément à l'article 17, paragraphe 1, point c, de la directive Electricité, le GTI peut, dans des circonstances particulières, fournir des services à d'autres parties de l'EVI, notamment s'il n'y a aucune discrimination à l'encontre des autres utilisateurs du réseau, s'il n'existe aucune restriction de la concurrence en matière de production ou de fourniture et si l'autorité de régulation a approuvé la fourniture des services concernés. Dans son projet de décision, la CRE se réfère à un nombre significatif de contrats de services fournis par le GTI à d'autres parties de l'EVI. La Commission considère que, dans l'analyse des contrats concernés et en l'absence de marché véritable pour les services concernés, la CRE devrait examiner si les clauses du contrat de services reflètent les coûts, de manière à garantir l'absence de financement croisé indu. Cette analyse n'a pas toujours été effectuée dans le projet de décision. La Commission considère que la CRE devrait systématiquement procéder à cette analyse et prendre les résultats en compte dans sa décision finale de certification.
- Identité sociale, pratiques de communication et stratégie de marque
Conformément à l'article 17, paragraphe 4, de la directive Electricité, le GTI, dans son identité sociale, ses pratiques de communication ou sa stratégie de marque, doit s'abstenir de toute confusion avec l'identité distincte d'autres entités de l'EVI. Il en résulte une obligation générale d'éviter toute confusion, pour les consommateurs, entre le gestionnaire de réseau de transport et l'entreprise de fourniture. Il ressort du projet de décision que la dénomination sociale officielle de RTE est « RTE EDF Transport SA ». La Commission estime, comme la CRE, que la référence à EDF dans la dénomination sociale du GTI constitue une violation de la directive Electricité. La Commission est d'avis que la CRE devrait exiger, dans sa décision finale de certification, que la dénomination sociale de l'entreprise soit modifiée.
- Séparation des auditeurs
Conformément à l'article 17, paragraphe 6, de la directive Electricité, les auditeurs du GTI doivent être différents des auditeurs des autres parties de l'EVI. La Commission encourage la CRE à exiger de RTE qu'il modifie ses statuts afin de faire en sorte que les auditeurs qui contrôlent le GTI et ceux qui contrôlent d'autres parties de l'EVI ne puissent pas être les mêmes.
- Direction. ― Attributions
Le chapitre V de la directive Electricité prévoit une répartition précise des attributions entre les différents organes du GTI, y compris entre la direction et l'organe de surveillance. Il ressort du projet de décision que les statuts de RTE ne précisent pas de manière explicite quel est l'organe au sein de RTE qui est habilité à préparer et à soumettre à la CRE le plan décennal de développement du réseau. La CRE considère à juste titre qu'il devrait s'agir de la direction et non de l'organe de surveillance. Pour des raisons de sécurité juridique, la Commission considère que la CRE devrait exiger que la compétence de la direction en la matière soit définie sans ambiguïté dans les statuts de RTE.
- Direction. ― Indépendance
Conformément à l'article 19, paragraphe 3, de la directive Electricité, la majorité des membres de la direction ne peuvent avoir exercé aucune activité ou responsabilité professionnelle ni détenu aucun intérêt ni entretenu aucune relation commerciale, directement ou indirectement, avec une partie de l'EVI ou avec ses actionnaires majoritaires, pendant une période de trois ans avant leur nomination. La direction de RTE se compose de sept membres. Quatre de ces membres doivent respecter les exigences strictes d'indépendance établies dans la directive Electricité. La Commission n'a pas été en mesure de vérifier si les membres indépendants proposés ont été employés ou non par l'EVI ou par ses actionnaires majoritaires au cours des trois dernières années. Le projet de décision de la CRE ne contient pas d'informations suffisamment précises à cet égard. La Commission invite la CRE à motiver de manière détaillée son appréciation sur ce point dans sa décision finale de certification.
Il ressort du projet de décision que certains membres de la direction possèdent toujours des intérêts financiers dans l'EVI. La Commission est d'avis que la CRE devrait exiger que les membres concernés vendent leurs parts ou, au minimum, les confient à un mandataire indépendant. La Commission considère que la CRE doit renforcer sa position initiale sur ce point, qui semble constituer une recommandation en la matière mais non une obligation contraignante.
Conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 8, de la directive Electricité, la majorité des membres de la direction ne peuvent avoir exercé aucune activité ou responsabilité professionnelle ni possédé aucun intérêt ni entretenu aucune relation commerciale, directement ou indirectement, avec une partie de l'EVI ou avec ses actionnaires majoritaires, pendant une période d'au moins six mois avant leur nomination. La Commission n'a pas été en mesure de vérifier le respect de cette exigence d'indépendance. La Commission invite la CRE à clarifier son appréciation sur ce point dans sa décision finale de certification, pour tous les membres de la direction concernés.
Conformément audit article 19, paragraphe 8, de la directive Electricité, les personnes qui rendent directement des comptes à la direction à propos de questions liées à l'exploitation, à la maintenance ou au développement du réseau doivent, elles aussi, respecter les règles strictes d'indépendance. La Commission constate que le projet de décision ne permet pas de savoir clairement dans quelle mesure cette exigence a été respectée puisqu'il ne contient pas d'informations précises à cet égard. La Commission invite la CRE à clarifier son appréciation sur ce point dans sa décision finale de certification.
- Organe de surveillance. ― Attributions
Le chapitre V de la directive Electricité prévoit une répartition précise des attributions entre les différents organes du GTI, y compris entre la direction et l'organe de surveillance. Conformément aux statuts de RTE, une autorisation préalable de l'organe de surveillance est nécessaire pour certaines décisions de la direction en ce qui concerne les prêts, les crédits et les paiements en cas de litige, au-delà d'un certain seuil. Les seuils sont déterminés par l'organe de surveillance. La Commission souligne que les seuils ne devraient pas être trop bas car cela pourrait porter atteinte au principe d'autonomie de la direction inscrit dans la directive Electricité. La Commission considère que la CRE doit examiner si les niveaux des seuils visés dans les statuts sont adéquats et s'ils permettent au GTI d'être autonome. La Commission demande à la CRE de fixer ces seuils à un niveau adéquat. En tout état de cause, ces seuils ne devraient pas s'appliquer aux décisions relatives à la préparation et à la mise en œuvre du plan décennal de développement du réseau car il s'agit d'une compétence de la direction.
Par ailleurs, les statuts de RTE disposent que l'organe de surveillance, lorsqu'il prend des décisions relatives au budget, à la politique de financement, à la constitution de cautions et de garanties et à la création d'entités juridiques, doit obtenir un vote favorable de la majorité des membres de l'organe de surveillance ainsi que de la majorité des membres nommés par l'assemblée générale des actionnaires. La même règle de double majorité s'applique aux décisions portant sur des montants dépassant un certain seuil en ce qui concerne la vente ou l'achat d'actifs et la constitution de cautions ou de garanties de toute nature. La Commission constate que les seuils correspondants prévus dans les statuts semblent peu élevés (5 millions d'euros pour les décisions relatives à la vente ou à l'achat d'actifs, 20 millions d'euros pour les décisions relatives à la constitution de cautions et de garanties) et risquent de porter atteinte à l'autonomie de la direction du GTI au profit de l'organe de surveillance et de l'assemblée générale des actionnaires. La Commission invite la CRE à réexaminer, dans sa décision finale de certification, la nécessité de rehausser ces seuils.
- Organe de surveillance. ― Indépendance
Conformément à l'article 20, paragraphe 3, en liaison avec l'article 19, paragraphe 3, de la directive Electricité, les membres indépendants de l'organe de surveillance ne peuvent avoir exercé aucune activité ou responsabilité professionnelle ni possédé aucun intérêt ni entretenu aucune relation commerciale, directement ou indirectement, avec une partie de l'EVI ou avec ses actionnaires majoritaires, pendant une période de trois ans avant leur nomination. L'organe de surveillance de RTE se compose de douze membres, dont cinq doivent respecter les règles strictes d'indépendance. Le projet de décision de la CRE ne permet pas de déterminer si les cinq membres de l'organe de surveillance concernés respectent pleinement les exigences d'indépendance susmentionnées. La Commission invite la CRE à clarifier son appréciation sur ce point dans sa décision finale de certification.
Il ressort notamment du projet de décision que [...], l'une des personnes proposées comme membres indépendants [...]. Eu égard à ce qui précède, la Commission est d'avis que [...] ne peut être considéré comme membre indépendant.
Conformément à l'article 20, paragraphe 3, en liaison avec l'article 19, paragraphe 4, de la directive Electricité, les membres indépendants de l'organe de surveillance ne peuvent posséder aucun intérêt ni recevoir aucun avantage financier, directement ou indirectement, d'une partie de l'EVI autre que le GTI. Il ressort du projet de décision que certains membres indépendants de l'organe de surveillance possèdent toujours des intérêts financiers dans l'EVI. La Commission est d'avis que la CRE devrait exiger, dans sa décision finale de certification, que les membres concernés vendent leurs parts ou, au minimum, les confient à un mandataire indépendant. La Commission considère que la CRE doit renforcer sa position initiale sur ce point, qui semble constituer une recommandation en la matière mais non une obligation contraignante.
- Cadre chargé du respect des engagements. ― Indépendance
Conformément à l'article 21, paragraphe 2, de la directive Electricité, le cadre chargé du respect des engagements du GTI doit se conformer à des exigences d'indépendance similaires à celles applicables à la majorité des membres de la direction. La Commission n'a pas été en mesure de vérifier si [...], en tant que personne proposée pour remplir la fonction de cadre chargé du respect des engagements du GTI, respecte ces exigences d'indépendance. Le projet de décision ne permet notamment pas de savoir si [...] a noué une quelconque relation d'affaires avec l'EVI ou avec l'actionnaire majoritaire de cette dernière au cours des trois années précédant sa nomination en tant que cadre chargé du respect des engagements. [...]. La Commission invite la CRE à clarifier son appréciation sur ces points dans sa décision finale de certification.
- Conclusion
En vertu de l'article 3 du règlement Electricité, lorsqu'elle adoptera sa décision finale concernant la certification de RTE, la CRE devra tenir le plus grand compte des commentaires formulés ci-dessus par la Commission. Une fois sa décision adoptée, la CRE devra la communiquer à la Commission.
La position de la Commission sur cette notification particulière est sans préjudice de toute position qu'elle pourrait prendre vis-à-vis d'autorités de régulation nationales quant à d'autres projets de mesures notifiés en rapport avec une certification, ou vis-à-vis d'autorités nationales chargées de la transposition de la législation de l'UE quant à la compatibilité de toute mesure nationale de mise en œuvre avec le droit de l'UE.
La Commission publiera ce document sur son site web. La Commission ne considère pas les informations qu'il contient comme confidentielles. Si la CRE considère que, conformément à la réglementation de l'UE et à la réglementation nationale en matière de secret des affaires, ce document contient des informations confidentielles qu'elle souhaiterait voir supprimer avant toute publication, elle doit en informer la Commission danun délai de cinq jours ouvrables suivant réception de la présente (3) . Dans ce cas, la demande doit être motivée.
Fait à Bruxelles, le 25 novembre 2011.
Pour la Commission :
G. Oettinger,
Membre de la Commission
(3) Votre demande doit être envoyée par courrier électronique à l'adresse suivante : [email protected].