JORF n°0176 du 31 juillet 2013

Délibération du 25 juillet 2013

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN-BELVAL, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, pour avis, le 9 juillet 2013, par le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'un projet d'arrêté relatif aux tarifs de cession de l'électricité aux entreprises locales de distribution, conformément à l'article L. 337-10 du code de l'énergie, pour une entrée en vigueur le 1er août 2013.
Le projet d'arrêté prévoit une augmentation uniforme de 8,4 % des tarifs de cession hors taxes appliqués par Electricité de France (EDF) aux entreprises locales de distribution (ELD). Il prévoit en outre la suppression de deux tarifs, qui n'étaient pas souscrits par les ELD.

Cadre législatif et réglementaire

L'article L. 337-10 du code de l'énergie dispose que « les entreprises locales de distribution mentionnées à l'article L. 111-54 peuvent bénéficier des tarifs de cession mentionnés à l'article L. 337-1 uniquement pour la fourniture des tarifs réglementés de vente et pour l'approvisionnement des pertes d'électricité des réseaux qu'ils exploitent. Le bénéfice des tarifs de cession pour l'approvisionnement des pertes d'électricité des réseaux est limité au 31 décembre 2013 pour les entreprises locales de distribution desservant plus de cent mille clients. »
Le décret du 27 janvier 2005 dispose, en son article 2, que « les tarifs de cession de l'électricité sont établis en fonction des coûts complets de production de cette énergie ».
Par ailleurs, en application de l'article 3 (1) du décret n° 2009-975 du 12 août 2009, les tarifs réglementés de vente, appliqués par les ELD, doivent couvrir leurs coûts d'approvisionnement aux tarifs de cession, leurs coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et leurs coûts de commercialisation, ainsi qu'une marge raisonnable. Une évolution des tarifs réglementés de vente de l'électricité est envisagée conjointement par le gouvernement. En niveau, elle s'élève à + 5,0 % en moyenne sur les tarifs bleus et + 2,7 % en moyenne sur les tarifs jaunes, les tarifs verts n'évoluant pas en moyenne. Une évolution en structure des tarifs réglementés de vente d'électricité est également envisagée, sur toutes les couleurs tarifaires.
La CRE est parallèlement saisie pour avis sur le projet d'arrêté relatif à cette évolution des tarifs de vente aux clients finals.

Analyse des tarifs de cession

Sur la base des données comptables fournies par EDF sur l'année 2012, la CRE constate que le niveau des tarifs de cession envisagés est inférieur au coût de production de l'énergie correspondante, tel que l'évalue la CRE.
Le niveau des tarifs de cession envisagés est également inférieur à la part énergie moyenne des tarifs réglementés de vente. La CRE évalue cette part énergie en retranchant au tarif réglementé de vente appliqué au client final la part correspondant aux coûts d'acheminement (TURPE) et la part correspondant aux coûts commerciaux retenus dans la construction tarifaire, à savoir les coûts commerciaux du fournisseur EDF.
De ce fait, malgré la hausse des tarifs de cession envisagée, la marge nette de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés des ventes des ELD (2) reste positive.
En raison de la grande hétérogénéité des ELD, en particulier des charges auxquelles ces entreprises sont assujetties et de leurs portefeuilles de clientèle, l'analyse du niveau de marge en moyenne des ELD s'avère très difficile, comme le rappellent les entreprises concernées.
La CRE juge en conséquence raisonnable que l'évolution des tarifs de cession préserve, pour les ELD ayant une clientèle représentative de la clientèle moyenne nationale, le niveau de marge tel qu'il était évalué par la CRE après les évolutions tarifaires de l'été 2012.
La hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité envisagée à l'été 2013 s'élève en moyenne à 3,5 % sur l'ensemble des tarifs réglementés de vente. Elle correspond à une augmentation en moyenne de 3,1 €/MWh. Les coûts commerciaux supportés par l'entreprise EDF ont fortement augmenté entre 2008 et 2010. Dans les analyses menées à l'appui de ses avis sur les tarifs réglementés de vente, la CRE avait retenu, depuis 2009, une évolution de ces coûts au rythme de l'inflation par rapport à leur niveau de 2008. En effet, ces coûts commerciaux, ainsi que leur répartition par segment de clientèle, étaient insuffisamment justifiés par EDF. Dans son rapport sur les coûts de production et les coûts commerciaux d'EDF, publié en juin 2013, la CRE a mis en évidence le niveau réel des coûts commerciaux supportés par EDF pour la fourniture des clients aux tarifs réglementés de vente sur l'exercice 2012.
La part énergie moyenne des tarifs réglementés de vente après la hausse tarifaire envisagée au 1er août 2013 est supérieure à la part énergie moyenne des tarifs réglementés de vente après les évolutions tarifaires de l'été 2012 de 3,1 €/MWh sur le fondement des coûts commerciaux théoriques retenus alors dans les tarifs et de 1,3 €/MWh sur le fondement des coûts commerciaux réels supportés en 2012 par EDF.
Le niveau du tarif de cession en vigueur actuellement, pour une ELD théorique disposant d'un portefeuille de clients identique à la clientèle moyenne fournie en France par EDF aux tarifs réglementés de vente, est de 39,6 €/MWh. La hausse envisagée du tarif de cession de 8,4 % correspond à une hausse d'environ 3,3 €/MWh de ce tarif de cession pour une ELD « type nationale ». Dans l'hypothèse où les coûts commerciaux des ELD sont en moyenne égaux à ceux d'EDF, le recalage à la hausse des coûts commerciaux réalisé à la suite de leur examen détaillé par la CRE a pour effet de dégrader la marge nette des ELD. Ainsi, alors que la marge nette est environ conservée hors effet de recalage des coûts commerciaux (― 0,2 €/MWh en moyenne), elle est dégradée (― 1,6 €/MWh) en tenant compte de ce recalage.
Elle s'élève néanmoins encore à 3,9 €/MWh pour cette ELD théorique, soit 7,5 % du coût d'achat au tarif de cession.
La suppression envisagée de deux tarifs de cession, le tarif « à 4 périodes (― 250) » option « Base » et le tarif « à 4 périodes (― 250) » option « EJP », ne présente pas de difficulté, ces tarifs n'étant pas souscrits par les ELD et une correspondance tarifaire adaptée étant prévue par le projet d'arrêté au cas où, à l'issue d'un délai d'un an à compter de la date d'effet de la suppression, aucun choix n'aurait été opéré par le client.

Avis de la CRE

Le projet d'arrêté fixant les tarifs de cession de l'électricité aux ELD à compter du 1er août 2013 envisage des tarifs dont le niveau se rapproche du coût de production de l'énergie correspondante tout en préservant un écart de 7,5 % correspondant la marge nette réalisée par une ELD théorique, qui disposerait d'une clientèle représentative de la clientèle nationale fournie aux tarifs.
Fait à Paris, le 25 juillet 2013.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette

(1) L'article 3 du décret n° 2009-975 du 12 août 2009 prévoit que : « La part fixe et la part proportionnelle de chaque option ou version tarifaire sont chacune l'addition d'une part correspondant à l'acheminement et d'une part correspondant à la fourniture qui sont établies de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d'approvisionnement, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation, que supportent pour fournir leurs clients Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ainsi qu'une marge raisonnable. » (2) La marge nette est définie comme l'écart entre les recettes liées à la part énergie des ventes aux TRV et les achats au tarif de cession, les coûts commerciaux étant pris égaux à ceux d'EDF de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés de vente. (3) Donnée CRE pour une ELD de type « nationale ».