JORF n°0054 du 5 mars 2011

Délibération du 18 novembre 2010

Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Maurice MÉDA, vice-président, M. Michel THIOLLIÈRE, vice-président, M. Jean-Paul AGHETTI, Mme Anne DUTHILLEUL, M. Jean-Christophe LE DUIGOU et M. Emmanuel RODRIGUEZ, commissaires.

  1. Contexte

Conformément à l'article 31 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 3 novembre 2010, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, d'un projet d'arrêté complétant les dispositions de l'arrêté du 23 avril 2008, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution en basse ou en moyenne tension d'une installation de production d'énergie électrique, en vue de renforcer la sûreté de fonctionnement des réseaux ne disposant d'aucune liaison électrique avec le réseau métropolitain continental.
Selon les dispositions actuelles de l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008, les gestionnaires des systèmes électriques non interconnectés peuvent, dans certaines conditions mettant en cause la sûreté du réseau, déconnecter les installations de production :
― de puissance supérieure à 100 kVA ;
― et qui mettent en œuvre une énergie à caractère aléatoire.
Le projet d'arrêté soumis à l'avis de la CRE modifie les critères de déconnexion. D'une part, il abaisse le seuil de puissance au-delà duquel l'installation peut êre déconnectée de 100 kVA à 3 kVA et, d'autre part, il restreint la possibilité de déconnexion aux installations qui ne disposent pas de moyens de stockage suffisants pour satisfaire aux prescriptions auxquelles sont soumises les installations qui ne mettent pas en œuvre une énergie à caractère aléatoire.
Cette modification vise à renforcer la sûreté des systèmes électriques des zones non interconnectées au réseau d'électricité métropolitain continental, tout en tenant compte des possibilités offertes par les technologies de stockage d'amoindrir le caractère aléatoire de la production.

  1. Observations de la CRE

La CRE rappelle qu'elle s'est déjà prononcée dès le 6 juin 2002, dans son avis sur l'arrêté du 17 mars 2003, en faveur de dispositions d'encadrement des caractéristiques que doivent présenter les installations de production raccordées à un réseau non interconnecté.
Dans son avis du 14 janvier 2010 sur l'arrêté du 15 février 2010, la CRE signalait déjà que le fort développement de la filière photovoltaïque en Corse et dans les départements d'outre-mer soulève avec davantage d'acuité la question de l'intégration des énergies de sources renouvelables dans des conditions satisfaisantes pour la sûreté des systèmes électriques non interconnectés.
Malgré une baisse de la puissance unitaire des installations de production à caractère aléatoire en attente de raccordement à la suite de la diminution des tarifs d'obligation d'achat, la situation reste préoccupante. En effet, la part de la production aléatoire continue d'augmenter et pourrait dépasser 30 % de la puissance appelée, dès 2011 à La Réunion, en 2012 aux Antilles et en 2013 en Corse. La file d'attente dans les départements d'outre-mer et en Corse s'est, en outre, considérablement accrue en nombre de projets, passant de 2 300 à la fin juin 2010 à près de 4 000 à la fin septembre 2010. Près de 3 000 de ces projets ont une puissance inférieure à 36 kVA pour une puissance globale de 35 MW et une puissance moyenne de 12 kVA. Près de 900 projets ont une puissance entre 36 et 100 kVA pour une puissance globale de près de 90 MW et une puissance moyenne de 85 kVA.

Sur le seuil de puissance au-delà duquel l'installation peut être déconnectée

Dans son avis du 14 janvier 2010, la CRE avait déjà appuyé la proposition du projet d'arrêté d'abaisser ce seuil, considérant que son niveau alors en vigueur donnait lieu à des stratégies de contournement de la part des porteurs de projets, principalement par tronçonnement. Compte tenu de la persistance de ces pratiques, la nouvelle réduction de ce seuil semble, donc, encore nécessaire.

Sur la conservation des seuils actuels en Corse

Le projet d'arrêté soumis à la CRE n'est pas suffisamment explicite concernant l'application de la Corse de l'article 22 bis proposé. En effet, la Corse dispose d'une liaison indirecte avec le réseau métropolitain continental via un câble à courant continu qui la relie à l'Italie.
Au demeurant, la CRE estime que les dispositions de l'article 22 bis devraient, également, s'appliquer à la Corse, qui ne dispose pas de lien synchronisant avec le réseau synchrone européen continental de l'ENTSO-E et dont l'énergie réglante est comparable aux autres réseaux insulaires.

Sur les installations raccordées aux parties HTB des réseaux de distribution
non interconnectés au réseau métropolitain continental

Dans son avis du 14 janvier 2010, la CRE s'est déjà inquiétée du caractère incomplet des contraintes réglementaires appliquées aux installations raccordées aux parties HTB des réseaux de distribution non interconnectés au réseau métropolitain continental.
En effet, si l'article 18 de l'arrêté du 23 avril 2008 prévoit que nombre de dispositions de l'arrêté « s'appliquent au raccordement de toute installation de production située dans une zone du territoire non interconnectée au réseau métropolitain continental », l'article 1er du même arrêté prévoit que celui-ci s'applique au « raccordement au réseau public de distribution d'électricité dans les domaines de tension BT et HTA, à l'exclusion du domaine de tension HTB ».
Au vu de ces éléments, on doit comprendre que les prescriptions des articles 19 à 22 de l'arrêté du 23 avril 2008 et, en partie, des articles 14 et 17, ne sont pas applicables aux installations raccordées aux parties HTB des réseaux de distribution non interconnectés au réseau métropolitain continental.
Dans ces conditions, la CRE réitère son souhait de voir renforcer l'encadrement des caractéristiques que doivent présenter les installations de production reliées en HTB à un réseau non interconnecté.

Sur l'étendue des dispositions du second alinéa de l'article 1er du projet d'arrêté

L'article 22 ter proposé au second alinéa de l'article 1er du projet d'arrêté vise à permettre aux installations de production capables de satisfaire à certaines des dispositions de l'article 21 de l'arrêté du 23 avril 2008 de déroger aux prescriptions des articles 22 et 22 bis du même arrêté.
Cependant, la rédaction du projet d'arrêté n'atteint pas cet objectif à trois égards :
― le projet d'arrêté n'impose qu'une obligation de moyen en restreignant le respect des prescriptions de l'article 21 de l'arrêté du 23 avril 2008 à l'adjonction d'un système de stockage ;
― le projet d'arrêté spécifie avec trop peu de précision la durée pendant laquelle les installations doivent être capables de suivre les dispositions de l'article 21 pour échapper aux prescriptions de l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008, et sous quelles conditions de chute de puissance. Dans ces conditions, les conditions semblent trop faibles pour déroger aux prescriptions de l'article 22 et mettent en cause la sûreté des systèmes insulaires ;
― le projet d'arrêté limite sans raison la possibilité de déroger aux prescriptions des articles 22 et 22 bis de l'arrêté du 23 avril 2008 aux seules installations de puissance supérieure à 100 kVA.
La CRE propose, donc, une nouvelle formulation du second alinéa du projet d'arrêté :
« Article 22 ter
Une installation de production mettant en œuvre de l'énergie fatale à caractère aléatoire n'est pas soumise aux dispositions des articles 22 et 22 bis lorsqu'elle dispose d'équipements lui permettant de se conformer à tout instant aux prescriptions de l'article 21 relatives à la participation des installations de production au réglage de la puissance active et à l'adjonction d'un régulateur. »

  1. Décision de la CRE

Compte tenu des observations qui précèdent, la CRE émet un avis favorable au projet d'arrêté qui lui a été soumis, sous réserve de l'élargissement à la Corse de l'article 22 bis et de la nouvelle rédaction de l'article 22 ter.
Fait à Paris, le 18 novembre 2010.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette