JORF n°0175 du 31 juillet 2014

DÉLIBÉRATION du 17 juillet 2014

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN-BELVAL, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
En application de l'article 5 du décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, pour avis, le 8 juillet 2014, par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'un projet d'arrêté fixant de façon rétroactive les tarifs réglementés de vente de l'électricité pour la période comprise entre le 23 juillet 2012 et le 31 juillet 2013. Une nouvelle saisine a été adressée le 16 juillet 2014 à la CRE par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.
Cet arrêté doit être pris en application de la décision du Conseil d'Etat du 11 avril 2014 qui annule l'arrêté du 20 juillet 2012 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité. Le Conseil d'Etat a « enjoint au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, un nouvel arrêté fixant les tarifs réglementés “bleu” et “jaune” de l'électricité pour la période comprise entre le 23 juillet 2012 et le 31 juillet 2013 conformément aux principes énoncés dans la présente décision ».
Le projet d'arrêté prévoit une évolution supplémentaire, par rapport au mouvement déjà réalisé le 23 juillet 2012, des tarifs réglementés de vente hors taxes de l'électricité applicables par Electricité de France (EDF), conformément aux barèmes figurant en annexe.
La hausse moyenne supplémentaire issue de ces barèmes s'élève à 5 % pour les tarifs bleus par rapport à l'arrêté précédemment applicable sur cette période tarifaire.
Le projet d'arrêté ne prévoit pas de hausse supplémentaire pour les tarifs jaunes.

  1. Contexte juridique

L'article L. 337-5 du code de l'énergie dispose que « les tarifs réglementés de vente de l'électricité sont définis en fonction des catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures. ».
L'article 3 du décret n° 2009-75 du 12 août 2009 pris pour l'application de ces dispositions législatives dispose que les tarifs réglementés sont établis de manière à couvrir les coûts de production, les coûts d'approvisionnement, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution et les coûts de commercialisation que supportent EDF et les distributeurs non nationalisés pour fournir leurs clients, ainsi qu'une marge raisonnable (1).
Dans sa décision du 24 avril 2013 relative à l'arrêté tarifaire du 28 juin 2011 qui fixait les tarifs réglementés de vente d'électricité à compter du 1er juillet 2011, le Conseil d'Etat a considéré qu'il incombait « aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie […] de répercuter dans les tarifs qu'ils fixent, de façon périodique, les variations, à la hausse ou à la baisse, des coûts moyens complets de l'électricité distribuée par Electricité de France et les entreprises locales de distribution » et qu'il appartenait aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, pour satisfaire à ces obligations, et pour chaque tarif, « premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et, troisièmement, d'ajuster le tarif s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarif et coûts, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée ».
En application des dispositions de l'article L. 337-6 du code de l'énergie, les tarifs réglementés de vente doivent, en outre, progressivement, et au plus tard fin 2015, converger vers une construction par empilement du prix de l'ARENH, du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale. Cette construction correspond à la façon dont un fournisseur alternatif d'électricité peut construire ses offres de marché, compte tenu des sources d'approvisionnement dont il dispose. Un tarif ainsi élaboré est par construction contestable par les fournisseurs alternatifs. En effet, ces derniers doivent être en mesure de proposer des offres de marché compétitives avec les tarifs réglementés de vente.
Le Conseil d'Etat a considéré dans sa décision du 24 avril 2013 que les évolutions tarifaires décidées par les ministres compétents doivent être « de nature à assurer, compte tenu des informations disponibles à la date de leur décision, la convergence voulue par le législateur » vers la construction tarifaire par empilement.

  1. Décision du Conseil d'Etat du 11 avril 2014 (n° 365219)

Dans sa délibération du 19 juillet 2012, la CRE avait rendu l'avis suivant sur le mouvement tarifaire envisagé dans le projet d'arrêté du 20 juillet 2012 :
« Elle émet un avis défavorable pour les tarifs jaunes, qui, s'ils couvrent les coûts constatés 2011, ne couvrent pas les coûts prévisionnels 2012.
Elle émet également un avis défavorable pour les tarifs bleus, qui ne couvrent ni les coûts constatés 2011, ni les coûts prévisionnels 2012. »
Dans sa décision n° 365219 du 11 avril 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 20 juillet 2012 « en tant qu'il n'a pas fixé à un niveau plus élevé les tarifs réglementés “bleu” et “jaune” de l'électricité. »
Il a enjoint aux ministres de prendre un nouvel arrêté fixant une augmentation rétroactive, sur la période du 23 juillet 2012 au 31 juillet 2013, des tarifs réglementés de vente bleus et jaunes, conformément aux principes énoncés dans sa décision.
Ces principes sont les mêmes que ceux énoncés dans sa décision du 24 avril 2013, rappelés au paragraphe 1 ci-dessus.

  1. Analyse du projet d'arrêté rétroactif

Le mouvement tarifaire effectué au 23 juillet 2012 est un mouvement en niveau de + 2 % appliqué uniformément à l'ensemble des tarifs réglementés de vente.

3.1. Principes retenus pour l'analyse du projet d'arrêté rétroactif

Conformément aux principes énoncés par le Conseil d'Etat dans sa décision du 11 avril 2014, la CRE considère que le niveau des tarifs réglementés de vente fixés rétroactivement du 23 juillet 2012 au 31 juillet 2013 doit satisfaire aux conditions suivantes :
- couvrir les coûts comptables d'EDF prévisionnels sur l'année 2012 tels qu'ils pouvaient être évalués au 19 juillet 2012 ;
- effectuer le rattrapage en masse si un écart significatif entre coûts et tarifs est constaté au moins au titre de la période tarifaire antérieure ;
- assurer la convergence progressive vers la construction tarifaire par empilement précitée.

3.2. Application aux tarifs réglementés de vente bleus

3.2.1. Couverture des coûts comptables d'EDF

Dans son avis du 19 juillet 2012, la CRE a considéré qu'une hausse de 5,7 % appliquée aux tarifs réglementés de vente bleus en vigueur à cette date était nécessaire pour couvrir les coûts prévisionnels portant sur l'année 2012 (2), soit une différence de + 3,7 % par rapport aux barèmes issus de l'arrêté du 20 juillet 2012 annulé par le Conseil d'Etat.
Pour l'année 2011, les recettes relatives aux ventes au tarif réglementé de vente bleu sont significativement inférieures aux coûts constatés par la CRE à l'été 2012 pour l'année 2011. Pour procéder au rattrapage en masse de cet écart, il convient d'appliquer au niveau des tarifs réglementés de vente bleus fixé par l'arrêté du 20 juillet 2012 une hausse de 3,9 %.
Pour les années 2009 et 2010, les recettes relatives aux ventes au tarif réglementé de vente bleu sont significativement supérieures aux coûts constatés par la CRE à l'été 2012 sur ces deux années. Le rattrapage en masse de ces écarts conduit à appliquer au niveau des tarifs réglementés de vente bleus fixé par l'arrêté du 20 juillet 2012 des baisses respectivement de 2,0 % et 0,7 %.
Pour l'année 2008, en revanche, l'écart entre recettes et coûts pour les clients au tarif réglementé de vente bleu n'est pas significatif.
Les tarifs réglementés de vente envisagés rétroactivement pour la période du 23 juillet 2012 au 31 juillet 2013 doivent permettre le rattrapage en masse du défaut de couverture de l'année 2011, le cas échéant net des excédents constatés au titre des années précédentes.
Les rattrapages sur les années 2009, 2010 et 2011 représentent 205 millions d'euros en masse, soit une augmentation à appliquer au niveau du tarif réglementé de vente prévu par l'arrêté du 20 juillet 2012 de + 1,3 %.

3.2.2. Convergence progressive vers la construction tarifaire par empilement

En retenant des hypothèses de prix de marché cohérentes avec les prix observés respectivement en 2011 et 2012, la CRE constate que les tarifs envisagés par le projet d'arrêté rétroactif atteignent un niveau qui assure leur contestabilité en moyenne.

3.2.3. Conclusion

La hausse de 5 % appliquée au niveau des tarifs réglementés de vente bleus prévus par l'arrêté du 20 juillet 2012, envisagée par le projet d'arrêté rétroactif, permet en conséquence de répondre à l'injonction du Conseil d'Etat.

3.3.1. Application aux tarifs réglementés de vente jaunes

Dans son avis du 19 juillet 2012, la CRE a considéré qu'une hausse de 2,6 % appliquée aux tarifs réglementés de vente jaunes en vigueur à cette date était nécessaire pour couvrir les coûts prévisionnels portant sur l'année 2012 (3) soit une différence de + 0,6 % par rapport aux barèmes issus de l'arrêté du 20 juillet 2012 annulé par le Conseil d'Etat.
La CRE relevait dans sa délibération du 28 juin 2011 portant avis sur le mouvement tarifaire du 1er juillet 2011 que « les tarifs réglementés de vente jaunes et verts en vigueur couvrent, sur l'année 2010, les coûts comptables de fourniture d'EDF et assurent le rattrapage requis par la décision du Conseil d'Etat » du 1er juillet 2010 annulant l'arrêté du 12 août 2008. Le Conseil d'Etat, dans ladite décision, a considéré que les tarifs réglementés de ventes jaunes et verts fixés le 12 août 2008 ne permettaient pas le rattrapage en masse des écarts portant sur l'année 2007.
L'écart entre recettes liées à la vente au tarif réglementé de vente jaune sur l'année 2010 et les coûts afférents ayant permis le rattrapage tarifaire demandé par le Conseil d'Etat, seuls les écarts entre recettes et coûts postérieurs à l'année 2010 peuvent être retenus pour fixer les tarifs réglementés de vente jaunes applicables rétroactivement sur la période du 23 juillet 2012 au 31 juillet 2013.
En conséquence, les tarifs réglementés de vente jaunes applicables rétroactivement au 23 juillet 2012, objets de la saisine, doivent permettre le rattrapage en masse de l'exercice 2011.
Sur l'exercice 2011, les recettes relatives aux ventes au tarif réglementé de vente jaune sont significativement supérieures aux coûts constatés par la CRE à l'été 2012 sur l'année 2011.
En 2011, les recettes liées aux tarifs réglementés de vente jaunes sur-couvrent les coûts afférents à hauteur de 18 millions d'euros. Pour procéder au rattrapage en masse de cet écart, il convient d'appliquer au niveau des tarifs réglementés de vente jaunes fixé par l'arrêté du 20 juillet 2012 une baisse de 0,5 %.
Le rattrapage des excédents constatés sur 2011 compense ainsi presque totalement la hausse supplémentaire nécessaire pour couvrir les coûts prévisionnels 2012 pour les clients aux tarifs réglementés de vente jaunes. L'addition de ces deux composantes aboutirait à une hausse du tarif de 0,1 %.

3.3.2. Convergence progressive vers la construction tarifaire par empilement

En retenant des hypothèses de prix de marché cohérentes avec les prix observés respectivement en 2011 et 2012, la CRE constate que les tarifs envisagés par le projet d'arrêté rétroactif permettent de s'approcher de la construction tarifaire par empilement, par rapport aux barèmes en vigueur sur la période tarifaire précédente.

3.3.3. Conclusion

Le projet d'arrêté ne prévoit aucune augmentation des tarifs réglementés de vente jaunes. Compte tenu du niveau peu significatif de l'écart analysé au paragraphe 3.3.1, la CRE considère cette approximation comme acceptable.

  1. Avis de la CRE

La CRE émet un avis favorable au projet d'arrêté fixant de façon rétroactive les tarifs réglementés de vente de l'électricité pour la période comprise entre le 23 juillet 2012 et le 31 juillet 2013, qui prévoit une hausse de 5 % des tarifs bleus par rapport aux barèmes précédemment en vigueur sur cette période tarifaire.
Ce mouvement permet de répondre à l'injonction formulée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 11 avril 2014.

Fait à Paris, le 17 juillet 2014.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette

(1) Dans l'analyse tarifaire menée par la CRE, aucune marge n'est introduite pour l'activité de commercialisation. (2) Tels qu'ils pouvaient être évalués au 19 juillet 2012 par la CRE pour rendre son avis. (3) Tels qu'ils pouvaient être évalués au 19 juillet 2012 par la CRE pour rendre son avis.